LES CENT JOURS Le 6 avril 1814, Napoléon abdique : c’est la fin de l’Empire. La monarchie est rétablie et Louis XVIII monte sur le trône. Mais cette première Restauration est un échec. Le 20 mars 1815, Napoléon est de retour à Paris : les Cent Jours commencent. Cette expression fut lancée par le préfet de la Seine Chabrol lorsque Louis XVIII revint à Paris le 8 juillet 1815 : « Cent jours se sont écoulés depuis le moment fatal où votre Majesté, forcée de s’arracher aux affections les plus chères, quitta sa capitale au milieu des larmes et des lamentations publiques. ». Relégué au rang de « roitelet » sur l’île d’Elbe lors de la première Restauration, Napoléon se sentit vite à l’étroit. Vers le milieu du mois de février 1815, Fleury de Chaboulon vint à Porto-Ferrajo lui faire un rapport sur la situation en France, où la politique religieuse et la réorganisation de l’armée par Louis XVIII mécontentaient une bonne partie de la population. Napoléon décide alors d’agir. Le « vol de l’aigle » 26 février : Il s’embarque sur l’Inconstant. 1er mars : Il débarque au Golfe Juan et se heurte à des troupes royalistes à Antibes. Il décide de passer par le Dauphiné où il sait que les populations lui sont restées dévouées. 5 mars : Il arrive à Gap, soutenu par une foule de paysan et de citadins. A Paris, on apprend que « le tyran a quitté l’île d’Elbe ». Louis XVII déclare Napoléon hors-la-loi et ordonne sa capture. Mais celui-ci est déjà à Grenoble. 7 mars : Au défilé de Laffrey, les troupes du colonel de La Bédoyère refusent de tirer sur l’ex-Empereur et se rallient à lui. 10 mars : Le même phénomène se produit à Lyon, obligeant le Comte d’Artois et le maréchal Macdonald à s’enfuir. Napoléon publie des décrets : il rétablit les trois couleurs, bannit les émigrés, dissout les Chambres et promet un certain nombre d’amnisties. 18 mars : A son tour, le maréchal Ney, qui avait pourtant promis de le ramener à Paris « dans une cage de fer », rejoint Napoléon. 19 mars : Louis XVIII quitte Paris pour le Nord de la France, puis la Belgique. 20 mars : Napoléon est à Paris : c’est le début des Cent Jours. La mise en place d’institutions libérales Une bonne partie du peuple accueille Napoléon comme un sauveur. Un mouvement révolutionnaire des « fédérations » de patriotes qui veulent parvenir à la Révolution à travers l’Empereur est apparu. Mais les notables sont plus réservés. Napoléon, qui ne veut pas être « le roi d’une jacquerie » mais ne peut pas non plus rétablir purement et simplement le régime impérial, recherche des compromis institutionnels pour gagner durablement l’opinion et les élites libérales. Le gouvernement • • Les anciens ministres retrouvent leur portefeuille : Fouché à la Police, Caulaincourt aux Affaires étrangères, Cambacérès à la Justice, Gaudin aux Finances, Mollien au Trésor… Le seul homme nouveau est Carnot, qui est fait comte et placé au ministère de l’Intérieur pour satisfaire le parti républicain L’Acte additionnel aux Constitutions de l’Empire ou la « benjamine » Napoléon fait appel à Benjamin Constant, qui avait publié contre lui au début de 1814 De l’esprit de conquête et de l’usurpation, pour rédiger ce texte. Celui-ci se veut une prolongation des Constitutions de l’Empire mais est en réalité relativement proche de la Charte de 1814. C’est un texte à la fois libéral et conservateur. Il instaure : • Le bicaméralisme aristocratique (chambre des pairs et chambre des représentants) • Un suffrage restreint et encadré pour les élections à la chambre des représentants (au niveau du canton, le suffrage est presque universel mais il est plus restrictif et censitaire au niveau de l’arrondissement et du département) • Le droit de dissolution de la chambre des représentants par l’Empereur (article 50) • La supériorité de l’organe exécutif sur le législatif : il a le monopole des lois peut refuser tout amendement (article 23) • La responsabilité (uniquement pénale) des ministres devant les chambres (article 41 : « Tout ministre, tout commandant d’armée de terre ou de mer, peut être accusé par la chambre des représentants et jugé par la chambre des pairs, pour avoir compromis la sûreté ou l’honneur de la nation. • Le fait que « tous les actes du gouvernements doivent être contresignés par un ministre ayant département » (article38). Il consacre : • Le principe du consentement à l’impôt • Un certain nombre de libertés fondamentales (liberté de culte, liberté de la presse…) • Une certaine indépendance du judiciaire et l’institution du jury Napoléon est proclamé Empereur des français « par la grâce de Dieu et par les constitutions » (sa souveraineté lui vient donc à la fois de Dieu et de la nation, mais non du peuple). Le régime mis en place n’est donc pas parlementaire mais cet Acte illustre l’aspiration à un constitutionnalisme libéral. Il est approuvé par un « oui » massif, mais seuls 21% des inscrits ont voté. En fait, cet Acte déçoit le peuple qui le juge trop proche de la Charte, et contribue à le détacher de l’Empire. Le peu d’effet produit par la fête du Champ de mai organisée le 1er juin prouve cette défection. Un retour hypothéqué Napoléon est peu soutenu • Les notables sont sceptiques et la chambre des députés élue est en majorité libérale (elle contient seulement 80 bonapartistes et son président est Lanjuinais, un libéral intransigeant). • Fouché, comprenant que le régime est condamné, intrigue pour se rapprocher de Louis XVIII. Les révoltes royalistes reprennent • La Vendée se réveille et La Rochejacquelein se place à la tête des insurgés, avant d’être tué le 4 juin. La révolte retient une partie des troupes napoléoniennes, fragilisant l’armée. • Des révoltes éclatent en Franche Comté et dans la région lyonnaise, notamment à cause du rétablissement de la conscription. Le problème de la guerre • Napoléon sait que la guerre risque de compromettre le rétablissement du régime et de mécontenter la population. Il cherche une solution pacifique mais les souverains européens veulent en finir avec « l’ogre ». • Murat, souverain de Naples, compromet les efforts de Napoléon en déclarant la guerre à L’Autriche le 29 juin et en lançant un appel à l’unité entre les Italiens. Mais il est battu. La campagne de Belgique 12 juin : Napoléon quitte Paris avec 126 000 hommes. Il compte battre tour à tour Wellington, qui est à Bruxelles, et Blücher, qui est à Namur. 15 juin : Napoléon passe la Sambre à Charleroi et bat les Prussiens de Zieten mais Bourmont le trahit. 16 juin : Malgré les hésitations de Ney, Napoléon bat Blücher à Ligny mais ne parvient pas à l’anéantir. Grouchy ne parvient pas à rattraper l’armée prussienne en fuite. 18 juin : Napoléon est battu à Waterloo par une armée constituée d’Allemands, d’Anglais, de Hollandais et de Belges. La chute de Napoléon Après sa défaite à Waterloo, Napoléon rentre à Paris. La chambre des représentants réclame son abdication. Son frère Lucien lui déclare : « Il n’y a que la dissolution ou l’abdication ». 22 juin : Napoléon abdique en faveur de son fils. Une commission de gouvernement dirigée par Fouché est mise en place. Celui-ci obtient le départ de Napoléon pour Rochefort le 25 juin. Il en profite pour préparer le retour du roi. La France est envahie, Paris capitule le 30 juin. Le 3 juillet, Napoléon se rend et embarque sur le Bellérophon, première étape vers sa captivité à Sainte-Hélène. 8 juillet : Louis XVIII, qui a renouvelé son engagement de fidélité à la Charte, est de retour à Paris. C’est la fin des Cent Jours. Mais cette seconde Restauration ne satisfait pas la population qui subit le poids d’un nouveau traité de Paris, bien plus sévère pour la France, et accepte difficilement ce roi « arrivé dans les fourgons de l’ennemi ». Bibliographie Ouvrages généraux Furet (François), La Révolution, Histoire de France, Hachette, 1988 Tulard (Jean), La France de la Révolution et de l’Empire, paris, PUF, 1995 Jessenne (Jean-Pierre), Révolution et Empire, 1783-1815, Paris, Carré Histoire, Hachette, 2002 Bertaud (Jean-Paul), Histoire du Consulat et de l’Empire, Paris, Perrin, 1992 Ouvrages spécialisés Tulard (Jean), Dictionnaire Napoléon, Paris, Fayard, 1987 Constant (Benjamin), Mémoire sur les Cent Jours, Jean-Jacques Pauvert, 1961