Intégration régionale du Burkina Faso en électricité par la Côte d’Ivoire, sont particulièrement porteurs. « La réalisation de ces projets intégrateurs aura un effet très positif dans la vie de nos populations. Il s’agit notamment de l’autoroute Yamoussoukro-Ouagadougou en passant par Bobo-Dioulasso, de la fourniture accrue d’énergie au Burkina Faso, et de la possibilité d’une réhabilitation du chemin de fer et d’une prolongation jusqu’au Niger. Nous sommes confiants que la mise en œuvre de ces projets va favoriser l’intégration entre les deux pays et du même coup créer une bonne dynamique économique qui peut être porteuse de croissance », explique Luc Adolphe Tiao, Premier ministre burkinabé. Le projet de construction de l’autoroute Yamoussoukro-Ouagadougou, d’un montant de 2 200 milliards de F.CFA, va démarrer techniquement début 2014 avec la réalisation des études de faisabilité dans chacun des deux pays. Le coût du tronçon de Yamoussoukro à la frontière du Burkina, long de 500 km, est évalué à 1 000 milliards de F.CFA. Celui de Ouagadougou à la frontière ivoirienne, long de 600 km, s’élève quant à lui à 1 200 milliards de F.CFA. L’achèvement des études est prévu pour fin 2014 et le début des travaux dès 2015 pour finir en 2020. Les deux pays sont convenus de considérer ce tronçon comme un projet commun et unique, aussi bien dans la réalisation des études préalables que dans la recherche de financement. L’Uemoa (Union économique et monétaire ouest-africaine) et la BAD (Banque africaine de développement) ont annoncé leur participation au projet qui entre dans le cadre de la mise en œuvre du Programme économique régional (PER). L’Uemoa a d’ores et déjà assuré le financement des études, à hauteur de 1,3 milliard de F.CFA, sur les ressources du Fonds d’aide à l’intégration régionale (FAIR) de l’Union. « Le projet d’autoroute entre Ouagadougou et Yamoussoukro est une bonne vision de développement que l’Uemoa entend soutenir par un financement et un accompagnement dans la recherche d’appuis additifs », a estimé Cheikh Hadjibou Soumaré, président de la Commission de l’Union monétaire. LES BURKINABÈ DE CÔTE D’IVOIRE UN CAS À PART Présents aux quatre coins du pays et jusque dans les villages les plus reculés, les Burkinabé de Côte d’Ivoire constituent un cas particulier d’immigration en Afrique noire. Le Burkina Faso (anciennement Haute Volta), créé comme territoire colonial en 1919, fut partagé en 1932 entre le Soudan (actuel Mali), le Niger et la Côte d’Ivoire, pour être ensuite reconstitué en 1947. Félix Houphouët-Boigny a été élu, en 1945, député au parlement français au titre du territoire de la Côte d’Ivoire et du Burkina Faso d’aujourd’hui. Les premières migrations burkinabè en direction de la Côte d’Ivoire se situent vers 1932. Le transfert de la maind’œuvre burkinabé fut souvent organisé avec la complicité des chefs traditionnels. Au début du XXe siècle, des milliers de migrants vinrent travailler sur les plantations ivoiriennes. Même après la fin du travail forcé en 1946, ce mouvement migratoire s’est poursuivi jusqu’à l’indépendance et après, sous l’impulsion des planteurs locaux qui avaient besoin de maind’œuvre. Plusieurs groupes ethniques communs à la Côte d’Ivoire et au Burkina Faso se retrouvent dans plusieurs régions de part et d’autre des deux pays : les Lobi, les Sénoufo, les Dioula, les Gouin, etc. Aussi, l’histoire du peuplement des zones frontalières épouse-t-elle les soubresauts de l’histoire politique et économique des deux pays. Plusieurs villages ivoiriens, peuplés de Burkinabè, ont le nom des régions d’origine des immigrés. Ainsi existent Koupela, Mossikro, Koudougou en plein territoire ivoirien ! La télévision nationale ivoirienne a d’ailleurs toujours conservé une tranche horaire en mooré, parlée par les Mossi, dans les journaux en langues vernaculaires. Une interconnexion électrique avec la Côte d’Ivoire plus puissante La Côte d’Ivoire fournit au Burkina Faso un approvisionnement électrique régulier à hauteur de 50 MW. Toutefois, le Burkina Faso a exprimé le besoin de porter cet apport à 70 MW. La liaison électrique Bobo-DioulassoOuagadougou est opérationnelle depuis janvier 2010. Quant à l’électrification des zones frontalières des deux pays, les gouvernements ont décidé de constituer une équipe conjointe de prospection. Les projets identifiés seront soumis à diverses institutions de financement et en particulier à la Facilité énergie de l’Union européenne. « Le Burkina Faso reconnaît et salue les efforts consentis par la Côte d’Ivoire pour respecter ses engagements. Nous encourageons la poursuite de cet effort en vue d’une satisfaction complète de la demande burkinabé en 2013. En termes de perspectives dans le secteur énergétique, le Burkina Faso a décidé de prendre part au capital de la société en charge du pipeline sur le tronçon restant Bouaké-Ouagadougou, suite à la décision de la Côte d’Ivoire de construire un pipeline Abidjan-Yamoussoukro », a tenu à souligner Salif Kaboré ministre des Mines. 64 • LE MAGAZINE DE L’AFRIQUE • octobre - novembre 2013 La réhabilitation du chemin de fer Abidjan-Ouagadougou-Kaya, et son extension jusqu’à Tambao, va pouvoir démarrer en 2013, grâce à la compagnie minière Pan African Minerals, présidée par Franck Timis, qui a été sélectionnée pour l’exploitation du manganèse burkinabé de Tambao. Le chemin de fer Abidjan-Ouagadougou est le cordon ombilical entre la côte Atlantique et le Sahel burkinabé. C’est l’indispensable complément d’Abidjan, le premier port de la région. Longue de 1 260 km, la voie ferrée qui relie la Côte d’Ivoire au Burkina Faso (d’Abidjan à Kaya en passant par Ouagadougou) est exploitée depuis la période coloniale. La ligne a été l’une Le chemin de fer AbidjanOuagadougou est le cordon ombilical entre la côte Atlantique et le Sahel burkinabé. C’est l’indispensable complément d’Abidjan, le premier port de la région. TROIS QUESTIONS À… Yacouba Gnègnè Docteur en économie, enseignant-chercheur à France Business School et chercheur associé au Centre d’études et de recherches sur le développement international (Cerdi), France. Quelle est la portée réelle des ambitions du Burkina Faso et de la Côte d’Ivoire et que peuvent-elles apporter ? Nous sommes en présence de projets dont certains peuvent être qualifiés de structurants et qui vont sans doute accroître le niveau d’intégration déjà élevé de ces deux économies. La Côte d’Ivoire est la première source d’importations du Burkina Faso, l’un de ses principaux clients en Afrique et sa principale voie d’accès à la mer. Par ailleurs, ces deux pays qui partagent la même monnaie, et une union économique et douanière, sont aussi très liés par la géographie, l’histoire, la politique, le peuplement, des langues communes, et par la culture. La Côte d’Ivoire seule pèse le tiers du PIB de l’Uemoa, elle a un commerce extérieur structurellement excédentaire et une position enviée sur des marchés internationaux de produits comme le cacao, le café ou l’anacarde. Quant au Burkina Faso, politiquement influent, il est la troisième économie de l’Union. Il est aussi leader africain dans la production du coton, même si ce secteur est en difficulté aujourd’hui. Il développe sa production minière et se positionne solidement sur les marchés régionaux et internationaux de certains oléagineux comme le sésame ou des légumes comme l’oignon. On peut donc s’attendre à une augmentation et à une amélioration des conditions des échanges commerciaux, des investissements, des mouvements de personnes entre les deux pays, et à plus de développement économique. Mais au-delà des conséquences économiques attendues de ces chantiers, ce renforcement de l’intégration entre les deux pays devrait surtout servir comme instrument d’un meilleur rapprochement entre ces deux peuples. Cependant, le Burkina Faso gagnerait à être attentif à ce que le Traité d’amitié et de coopération conduise à une hausse de ses exportations nettes vers et/ou via la Côte d’Ivoire, ne serait-ce que hors énergie, qui sont encore extrêmement déficitaires. Pour autant, les projets concernant le rail et la fourniture d’électricité au Burkina Faso, malgré leur importance, ne constituent guère des innovations, puisqu’il s’agit surtout de mettre à niveau ou d’accroître des infrastructures et des services existants. La nouveauté concerne davantage le projet relativement avancé d’autoroute entre les capitales politiques des deux pays. La relation économique entre les deux pays peut-elle avoir un impact important sur la zone Uemoa ? Je suis enclin à penser que l’effet direct sur l’Union est sans doute limité. Mais les effets indirects, dans la mesure où ils conduisent à dynamiser davantage l’ensemble économique formé par le couple ivoiro-burkinabé, soit 45 % du PIB de l’Uemoa, peuvent avoir une incidence positive substantielle sur les autres pays et sur le long terme. La réponse à cette question dépend aussi de ce qu’une relation économique plus étroite entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire aboutisse ou non à détourner ces pays d’autres membres de l’Union. Pour finir, s’agissant du traité d’amitié et de coopération lui-même, il ne faut pas oublier qu’il est avant tout un accord politique. Alors, si la diplomatie doit l’emporter sur la compétitivité des offres quand l’un de ces pays est en concurrence avec les autres membres de l’Union, cela pourrait être perçu à juste titre comme une forme de discrimination vis-à-vis d’eux. Quel est le poids réel de la diaspora burkinabè en Côte d’Ivoire et qu’apporte-t-elle économiquement ? Selon la Banque mondiale, on peut estimer les immigrés burkinabè dans ce pays à environ 1,5 million aujourd’hui. Ils y sont les plus nombreux. Vous remarquerez que ce chiffre est bien inférieur à ce qu’on entend dire souvent. En 2012, ils auraient transféré plus de 50,5 milliards de F.CFA vers le Burkina Faso. Mais ce que l’on sait moins, c’est que les immigrés ivoiriens ont transféré du Burkina Faso plus de 97 milliards de F.CFA cette même année. On trouve cette diaspora dans divers secteurs de l’économie ivoirienne mais principalement dans l’agriculture, le commerce et d’autres services. Du point de vue du Burkina Faso, cette émigration lui fait perdre sans doute des bras valides, du potentiel créatif, en un mot, un peu de son capital démographique. Néanmoins, cette mobilité du travail concourt à l’optimalisation de la répartition de la main-d’œuvre entre ces deux économies, et donc à la réduction de la pauvreté. Sur un plus long terme, le Burkina Faso pourrait s’attendre à recevoir davantage d’autres formes de transferts économiques ou techniques du fait du niveau plus avancé de l’économie ivoirienne. octobre - novembre 2013 • LE MAGAZINE DE L’AFRIQUE • 65