
410 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 8 - octobre 2008
SOINS DE SUPPORT
EN ONCOLOGIE
Mécanismes physiopathologiques
variables
Les mécanismes physiopathologiques impliqués
dans ces accès douloureux paroxystiques sont noci-
ceptifs, neuropathiques ou mixtes (tableau) [3, 4],
relevant souvent des mêmes mécanismes que ceux
de la douleur chronique de fond (7).
Étiologie
L’étiologie des accès douloureux paroxystiques est
aussi variable que celle des douleurs chroniques
cancéreuses attribuables à la tumeur elle-même,
aux effets des traitements anticancéreux (douleurs
postchirurgicales, postradiques, postchimiothéra-
piques) ou à d’autres étiologies indépendantes de
la maladie cancéreuse (3, 4).
Les accès douloureux paroxystiques, qui appa raissent
parfois comme des douleurs aiguës “rebelles”, sont
en fait liés à un traitement inapproprié, comme
l’ont montré les données de l’étude française de
M. Di Palma et al. (5). Même après la prescription
systématique d’un traitement spécifique à prendre
en cas de crises douloureuses, 26 % des épisodes
n’étaient pas améliorés, et, lorsqu’un traitement était
pris (morphiniques à libération immédiate, opioïdes
faibles, morphiniques par voie parentérale ou autres
traitements tels que les AINS ou les antalgiques de
palier 1), il était considéré comme insuffisant par
près d’un patient sur trois.
Des douleurs
à ne pas confondre avec…
Les accès douloureux paroxystiques ne doivent pas
être confondus avec des douleurs de fin de dose,
qui sont des douleurs elles aussi intenses, mais
survenant systématiquement 2 à 3 heures avant
l’horaire de prise d’une nouvelle dose d’antalgiques
(morphiniques à libération prolongée), dans un
contexte de douleurs chroniques (3). Ces douleurs
sont différentes des accès douloureux paroxystiques,
car leur installation est plus progressive et leur
durée plus longue (16). Dans ces situations, le trai-
tement antalgique de fond doit être adapté pour
obtenir un meilleur contrôle (augmentation des
doses [14] et/ ou diminution de l’intervalle d’admi-
nistration [16]). Ces douleurs doivent faire évoquer
une progression de la pathologie, et des examens
complémentaires doivent être menés.
Ainsi, les douleurs aiguës survenant chez un
patient atteint d’un cancer doivent faire l’objet
d’une démarche diagnostique visant à en préciser
les caractéristiques (sévérité, localisations, durée,
évolution, relation avec le traitement de fond,
facteurs favorisants, prévisibilité), la topographie,
l’étiologie et les mécanismes physiopathologiques
prédominants.
Préciser l’état d’avancement de la maladie cancé-
reuse sous-jacente et envisager les complications qui
pourraient être à l’origine de douleurs complètent
la démarche diagnostique.
Des conséquences importantes
Le retentissement des accès douloureux paroxys-
tiques sur la qualité de vie doit aussi être pris en
compte (6, 8). Leur impact sur la vie des patients
peut être beaucoup plus important – une douleur
intense, imprévisible, survient à n’importe quel
moment et plusieurs fois dans la journée – que
lorsqu’il s’agit d’une douleur moins intense, moins
fréquente et prévisible (6, 8).
Dans l’échelle de qualité de vie décrite par
R.K. Portenoy (6), les patients présentant des accès
douloureux paroxystiques (n = 84) ont une qualité de
vie altérée sur tous les critères évalués (p < 0,001), et
souffrent plus de dépression (p < 0,01) et d’anxiété
(p < 0,01) que les patients n’en présentant pas. Une
altération significative de l’activité globale, de la
marche et des capacités au travail a également été
retrouvée dans l’étude de A. Caraceni et al. portant
sur 436 patients (8).
Par ailleurs, une corrélation significative a été mise
en évidence entre la survenue de crises aiguës
douloureuses, un moins bon contrôle global de la
douleur et, même, une diminution de la réponse
aux traitements opioïdes (5).
Conclusion
Les données épidémiologiques montrent que l’in-
cidence des accès douloureux paroxystiques chez
les patients cancéreux est élevée et soulignent
l’intérêt de mieux les reconnaître pour pouvoir
les diagnostiquer et proposer une prise en charge
spécifique. Le médecin traitant, le plus souvent
impliqué dans la prise en charge et le suivi de la
douleur, souvent confronté à des douleurs de ce
type, est l’interlocuteur principal du patient traité
à domicile et de sa famille. ■
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Références
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