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Correspondances en Onco-urologie - Vol. I - n° 2 - juillet-août-septembre 2010
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Vocabulaire
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 GUÉRISONS*
 
a guérison est un état souhaitable 
et souhaité. Mais, à la diérence de 
la santé, d’ailleurs plus difficile à 
dénir que la maladie, la guérison a un passé, 
qu’elle supprime, et ce passé est un mal.
La maladie, l’accident corporel sont des 
attaques ; la guérison est le résultat d’une 
défense. Car le verbe guérir, qui vient des 
langues germaniques, tout comme guerre, 
correspond à l’allemand wehren, “défendre”. 
Les mots français guérir et guérison ont été 
apportés dans notre langue de fonds latin 
par les Francs, qui étaient plus portés sur le 
combat que sur la médecine. Aussi guarir, 
en ancien français, comme son modèle 
francique warjan, signifie-t-il “défendre, 
protéger” ; s’il est devenu guérir, c’est par 
l’inuence du dialecte champenois. En se 
francisant –on pourrait même dire en se 
champagnisant–, guérir s’est dédoublé, 
pour dire à la fois recouvrer la santé et 
rétablir la santé de quelqu’un. De même, la 
guérison peut être un processus naturel et 
spontané –on guérit facilement d’un rhume, 
en général– ou l’eet d’une thérapeutique, 
qui peut être lourde, longue, complexe 
–en général, encore, on ne guérit pas tout 
seul d’une cardiopathie : on est guéri par la 
médecine. Guérison, le nom, efface cette 
distinction ; il ne s’intéresse qu’au résultat. 
Pourtant, ce résultat est lui-même multiple, 
à tel point que la guérison d’un mal n’est 
pas forcément celle du malade, qui est un 
organisme, un tout. Ce qui permet de dire, 
par une assez mauvaise plaisanterie : il est 
mort guéri !
Dans le processus de guérison, il y a toute 
l’action raisonnée de la médecine, de la 
chirurgie, mais il y a aussi de l’inexplicable. 
“La guérison, mon amie, la vraie guérison. Cela 
vient mystérieusement. On ne la sent pas tout 
de suite”. C’est ce qu’écrivait Colette, dans 
un chapitre des Vrilles de la vigne, intitulé : 
“La guérison”. Il est vrai qu’elle parlait de la 
guérison d’un amour malheureux. Mais n’y 
a-t-il pas dans toute guérison une action 
secrète de la conscience et de l’inconscient, 
de la force vitale ?
La guérison est une défense réussie, une 
levée de siège contre les attaques ; la force 
du traitement est protectrice, et il faut 
qu’elle s’appuie sur l’énergie des assiégés. 
Pour guérir un blessé, un malade –verbe 
transitif–, il faut qu’il veuille guérir –intran-
sitivement, absolument.
Il arrive que la grammaire parle vrai.
* © Le Courrier de la Transplantation 2004;1:5.
Par Alain Rey, directeur de rédaction du Robert, Paris