• L’accès maniaque et les bipolarités La remédiation cognitive

publicité
SUPPLÉMENT
le courrier du spécialiste
• L’accès maniaque
et les bipolarités
• La remédiation cognitive
• La prévention du suicide
D’après le 10e congrès
de l’Encéphale
Rédacteur : Dr J.P. Madiou (Paris)
Paris, 18-20 janvier 2012
Ce numéro a été réalisé avec
le soutien institutionnel des laboratoires
Société éditrice : EDIMARK SAS
CPPAP : 0915 T 86854 – ISSN : 1774-0789
PÉRIODIQUE DE FORMATION
EN LANGUE FRANÇAISE
Suppl. 2 au n° 2 - Vol. VIII
Mars-avril 2012
Attention, ceci est un compte-rendu de congrès et/ou un recueil de résumés de communications de congrès dont l’objectif est de
fournir des informations sur l’état actuel de la recherche ; ainsi, les données présentées sont susceptibles de ne pas être validées
par les autorités de santé françaises et ne doivent donc pas être mises en pratique.
Sommaire
Supplément 2 au no 2- Vol. VIII
mars-avril 2012
Directeur de la publication : Claudie Damour-Terrasson
Directeur scientifique :Pr C.S. Peretti (Paris)
Rédacteurs en chef :Pr P. Thomas (Lille) - Dr P. Nuss (Paris)
Comité de rédaction
Prs et Drs M. Abbar (Nîmes) - E. Bacon (Strasbourg)
R. de Beaurepaire (Paris) - M. Benoit (Nice) - O. Blin (Marseille)
P. Courtet (Montpellier) - P. Delbrouck (Saint-Nazaire)
N. Franck (Bron) - M. Godfryd (Étampes)
J.M. Havet (Reims) - P.M. Llorca (Clermont-Ferrand)
P.O. Mattei (Paris) - D. Servant (Lille)
F. Thibaut (Rouen) - B. Verrecchia (Paris)
Comité scientifique
Prs et Drs J.F. Allilaire, Paris (France)
C. Ballüs, Barcelone (Espagne) - H. Beckmann, Wurzbürg
(Allemagne) - G. Besançon, Nantes (France) - D. Clark, Oxford
(Grande-Bretagne) - G.B. Cassano, Pise (Italie) - L. Colonna,
Rouen (France) - J. Cottraux, Lyon (France) - J.M. Danion,
Strasbourg (France) - P. Dick, Genève (Suisse) - M. Escande,
Toulouse (France) - A. Feline, Paris (France) - M. Ferreri, Paris
(France) - R. Girard, Caen (France) - L. Gram, Odense (Danemark)
J.J. Kress, Rennes (France) - M. Lader, Londres (Grande-Bretagne)
M. Marie-Cardine, Lyon (France) - I. Marks, Londres
(Grande-Bretagne) - J. Mendlewicz, Bruxelles (Belgique)
D. Moussaoui, Casablanca (Maroc) - M. Murray, Londres
(Grande-Bretagne) - P.J. Parquet, Lille (France) - M. Patris,
Strasbourg (France) - G. Potkin, Irvine (États-Unis) - W.Z. Potter,
Washington (États-Unis) - C. Pull, Luxembourg (Grand-Duché)
G. Rudenko, Moscou (Russie) - B. Saletu, Vienne (Autriche)
D. Sechter, Besançon (France) - L. Singer, Strasbourg (France)
T. Uhde, Bethesda (États-Unis) - Van der Linden, Liège (Belgique)
A. Villeneuve, Québec (Canada)
AVANT-PROPOS 3
J.P. Madiou
NOUVELLES LECTURES
DE L’ACCÈS MANIAQUE ET DES BIPOLARITÉS 4
De l’épisode initial aux récidives
Risques cognitifs du trouble bipolaire
Besoins thérapeutiques et nouvelles pistes
pharmacologiques
Actualités dans le trouble bipolaire
Psychoéducation dans les troubles bipolaires
REMÉDIATION COGNITIVE 9
Comité de lecture
Drs et Prs P. Alary (Saint-Lô) - D. Barbier (Avignon)
F.J. Baylé (Paris) - N. Bazin (Versailles) - P. Fossati (Paris)
P. Hardy (Paris) - E. Hoffmann (Strasbourg) - J.P. Kahn (Nancy)
C. Lançon (Marseille) - M. Leboyer (Créteil) - P. Martin (Paris)
J. Naudin (Marseille) - P. Robert (Nice) - P. Salame (Strasbourg)
G. Schmit (Reims) - J.L. Senon (Poitiers) - H. Verdoux (Bordeaux)
J.P. Vignat (Lyon) - M.A. Wolf (Montréal)
Remédiation et théorie de l’esprit
Société éditrice : EDIMARK SAS
Inhibition cognitive et mémoire implicite
dans le trouble dépressif majeur
Présentation du programme RECOS
Cognitive Remediation Therapy
Président-directeur général : Claudie Damour-Terrasson
Rédaction
Secrétaire générale de la rédaction :Magali Pelleau
Première secrétaire de rédaction :Laurence Ménardais
Secrétaire de rédaction : Anne Desmortier
Rédacteurs-réviseurs :Cécile Clerc, Sylvie Duverger,
Muriel Lejeune, Philippe-André Lorin, Odile Prébin
Suicide en période gravido-puerpérale : résultats
d’une enquête épidémiologique française
Infographie
Premier rédacteur graphiste : Didier Arnoult
Rédacteurs graphistes :Mathilde Aimée, Christine Brianchon,
Sébastien Chevalier, Virginie Malicot, Rémy Tranchant
Infographiste multimédia : Christelle Ochin
Dessinatrice d’exécution : Stéphanie Dairain
Reconstitution des processus pathologiques
lors d’une tentative de suicide
Responsable numérique : Rémi Godard
Commercial
Directeur du développement commercial
Sophia Huleux-Netchevitch
Directeur des ventes :Chantal Géribi
Directeur d’unité :Béatrice Malka
Régie publicitaire et annonces professionnelles
Valérie Glatin
Tél. : 01 46 67 62 77 – Fax : 01 46 67 63 10
Responsable du service abonnements
Badia Mansouri
Tél. : 01 46 67 62 74 – Fax : 01 46 67 63 09
2, rue Sainte-Marie - 92418 Courbevoie Cedex
Tél. : 01 46 67 63 00 – Fax : 01 46 67 63 10
E-mail : [email protected]
Site Internet : www.edimark.fr
Adhérent au SPEPS
Revue indexée dans la base PASCAL (INIST-CNRS)
Photographie de la couverture : © Nikada.
PRÉVENTION DU SUICIDE 11
Idées suicidaires aux urgences psychiatriques :
résultats d’une étude comparant auto- et hétéroévaluation
APPÉTENCE À L’ALCOOL :
DE LA CLINIQUE À LA THÉRAPEUTIQUE 12
Les articles publiés dans La Lettre du Psychiatre le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays.
© mars 2005 - EDIMARK SAS - Dépôt légal : à parution.
Imprimé en France - Axiom Graphic SAS - 95830 Cormeilles-en-Vexin
AVANT-PROPOS
R
éunion annuelle incontournable de la psychiatrie francophone
– avec cette année plus de 4 000 participants –, le 10e congrès
de l’Encéphale s’est tenu à Paris du 18 au 20 janvier dernier.
Le programme était particulièrement complet : 16 communications
orales en séance plénière, 466 posters sélectionnés et de nombreuses
sessions thématiques et symposiums. Parmi les thèmes retenus
pour ce supplément de La Lettre du Psychiatre − et parce
qu’il a bien fallu faire un choix non exhaustif −, de nouvelles lectures
de l’accès maniaque et des bipolarités (risques cognitifs du trouble
bipolaire, besoins thérapeutiques et nouvelles molécules,
psychoéducation, etc.), les techniques de remédiation cognitive
et la prévention du suicide, sans oublier l’alcoolo-dépendance,
sont autant de sujets qui devraient nous permettre de partager
avec vous l’actualité des connaissances cliniques, physioet psychothérapeutiques.
J.P. Madiou
Paris
La Lettre du Psychiatre • Supplément 2 au n° 2 - Vol.VIII - mars-avril 2012 | 3
L’ENCÉPHALE 2012
Nouvelles lectures de l’accès
maniaque et des bipolarités
J.P. Madiou, Paris
De l’épisode initial aux récidives
D’après la communication orale de C. Henry
La quasi-totalité (90 %) des patients qui ont fait un
épisode maniaque récidivera : la maladie bipolaire est
bien, de ce point de vue, une pathologie récurrente.
Si la survenue des épisodes maniaques peut être
spontanée, on retrouve très souvent des facteurs
“précipitants” ou “déclenchants” : ce sont essentiellement des facteurs de stress, positifs (événements
heureux comme une promotion professionnelle,
un mariage, etc.) ou négatifs (perte d’emploi,
divorce, deuil, etc.), et des événements à fort impact
émotionnel ou qui perturbent les rythmes de la vie
quotidienne (surmenage, examens, etc.). Les modifications du rythme veille/sommeil peuvent ainsi
précipiter un épisode maniaque. La plupart de ces
facteurs précipitants sont d’ailleurs souvent liés à
des perturbations du sommeil (1). Une bonne façon
d’appréhender les facteurs prodromiques est de les
envisager sous l’angle de la réactivité émotionnelle.
Contrairement à l’humeur, les émotions sont des
réponses brèves à des stimuli environnementaux,
elles sont caractérisées par la tonalité des affects
mais aussi par l’intensité de la réponse émotionnelle
aux stimulations. Les patients bipolaires normothymiques présentent une plus grande réactivité
Comparaison des scores de labilité
affective des patients bipolaires et des témoins
1,4
1,2
1,0
0,8
0,6
0,4
0,2
0
émotionnelle que les sujets témoins, c’est-à-dire
qu’ils ressentent les émotions de manière plus
intense face à des stimuli positifs, négatifs ou neutres
quel que soit le facteur précipitant. On peut mettre
en évidence cette hyperréactivité émotionnelle
grâce à des échelles et des autoquestionnaires, qui
montrent une forte corrélation entre cette réactivité
émotionnelle et le nombre d’épisodes thymiques
survenus au cours de la vie (figure 1) [2, 3].
Cette notion de réactivité émotionnelle a également une dimension fondamentale, permettant
de définir les épisodes thymiques. Ainsi, au cours
des épisodes maniaques ou mixtes, l’intensité avec
laquelle les émotions sont ressenties est largement
augmentée. Dans ce contexte, le temps de sommeil
est un élément important. En effet, il existe un lien
entre le sommeil et la réactivité émotionnelle (4)
et l’on sait que la réduction du temps de sommeil
peut être un des facteurs précipitants des épisodes
maniaques (5). On dispose aujourd’hui d’éléments
très cohérents en termes d’imagerie et de clinique
qui corroborent cette hypothèse. La prise en charge
des facteurs prodromiques consiste tout d’abord à
apprendre aux patients bipolaires, dans le cadre de
programmes psychoéducatifs, à faire le lien entre
réduction du temps de sommeil et augmentation
de la réactivité émotionnelle, puisque ces signes
très précoces apparaissent avant que ne s’installe
Comparaison des scores d’intensité
affective des patients bipolaires et des témoins
3,8
3,7
3,6
*
Patients bipolaires
Témoins
3,5
3,4
3,3
3,2
**
Patients bipolaires
Témoins
* p < 0,001 ; ** p < 0,01.
Figure 1. Étude réalisée auprès de 179 patients bipolaires normothymiques et 86 témoins : la réactivité émotionnelle
de base chez les patients bipolaires normothymiques est corrélée au nombre d’épisodes (2).
4 | La Lettre du Psychiatre • Supplément 2 au n° 2 - Vol. VIII - mars-avril 2012 L’ENCÉPHALE 2012
vraiment un épisode d’euphorie ou d’agitation. Il
s’agit ensuite d’apprendre aux patients à repérer
tout ce qui peut entraîner des perturbations du
sommeil susceptibles de provoquer un embrasement émotionnel. Une échelle (Multidimensional
Assessment of Thymic States [MAThyS]) a été mise
au point et permet d’évaluer la réactivité émotionnelle, sous forme d’un autoquestionnaire que les
patients peuvent utiliser pour apprécier les variations de leur réactivité émotionnelle (5, 6). L’action
quasi immédiate des antipsychotiques atypiques
sur une sémiologie “larvée” permet ainsi d’éviter
les récidives.
Risques cognitifs du trouble
bipolaire
D’après les communications orales de J.M. Azorin
et E. Brunet-Gouet
Des revues systématiques de la littérature et des
méta-analyses (7) ont montré qu’il existe, chez
les patients bipolaires, des troubles cognitifs qui
concernent majoritairement 3 grands domaines :
l’attention et la vitesse de traitement, l’apprentissage et la mémoire verbale, et enfin les fonctions
exécutives. Les altérations cognitives sont d’intensité
légère à modérée dans le domaine de l’attention
et la vitesse de traitement, moyenne dans celui de
l’apprentissage verbal et de la mémoire verbale, et
relativement importante en ce qui concerne les fonctions exécutives. Ces altérations ont été décrites dans
les différentes phases de la maladie mais également
au cours des périodes euthymiques (8). De nombreux
patients, par exemple, oublient complètement ce
qui leur est arrivé pendant l’épisode aigu dépressif
ou maniaque : ils souffrent de véritables troubles
de la mémoire et ne récupèrent pas leurs fonctions
cognitives entre les épisodes aigus. J.M. Azorin a
souligné 2 points importants :
➤ ➤ un certain nombre de ces altérations − notamment celles qui concernent la mémoire verbale, l’apprentissage verbal et certaines fonctions exécutives
− existent déjà chez les apparentés sains de premier
degré (9). Autrement dit, indépendamment même du
développement de la maladie, il existerait un risque
lié à la génétique de présenter des troubles cognitifs.
Cela explique que l’on peut retrouver ces déficits à
tous les stades de la maladie (épisodes maniaques,
dépressifs, phases interépisodes) ;
➤ ➤ un certain nombre de ces altérations cognitives augmente en intensité avec la répétition des
épisodes (en particulier maniaques), ainsi qu’avec
la durée de la maladie.
Deux phénomènes agissent donc sur ces troubles
cognitifs : le contexte génétique et la répétition
des épisodes aigus (10). Cela peut aller jusqu’à une
évolution démentielle, comme l’a démontré une
étude danoise réalisée sur la période 1970-1999
(4 248 patients bipolaires admis en milieu hospitalier, puis réadmis avec le diagnostic de démence
après 1985) : le taux de réadmission pour démence
augmente de 6 % avec chaque épisode nécessitant
une hospitalisation, et ce après ajustement sur l’âge
et le sexe (11).
Concernant l’évaluation de ces troubles cognitifs, the International Society for Bipolar Disorders
a proposé, en 2010, la Battery for Assessment of
Neurocognition ou ISBD-BANC : il s’agit d’une
batterie spécifique d’évaluation des troubles cognitifs dans le domaine des troubles bipolaires (12).
L’idée est de regrouper spécifiquement les tests
utilisés jusqu’à présent de manière éparse, un peu
à l’instar de ce qui a été fait dans le domaine de
la schizophrénie avec la batterie MATRICS (13).
L’intérêt est ainsi d’homogénéiser les évaluations
en utilisant un éventail de tests unique.
La prise en charge thérapeutique a pour objectif de
parvenir en priorité à une rémission complète des
symptômes au cours de ces épisodes aigus grâce
à un traitement rapide et efficace qui limitera le
plus possible les effets délétères sur la cognition.
La persistance de symptômes résiduels maniaques,
dépressifs ou hypomaniaques entre les crises fait
assurément le lit des troubles cognitifs (14).
Il a été constaté, sur le fonctionnement cognitif
des patients bipolaires, un effet limité mais parfois
bénéfique de la lamotrigine (attention, fluence
verbale), un effet potentiellement délétère des
tricycliques et un effet généralement décrit comme
neutre pour le lithium (15). Pour compléter l’approche pharmacologique et obtenir un résultat
thérapeutique optimal, les approches psychoéducatives sont un complément essentiel, avec,
entre autres, la remédiation cognitive. Comme
pour la schizophrénie, ces techniques inspirées de
la thérapie cognitivo-comportementale permettent
aux patients de compenser leurs altérations cognitives. Il s’agit, par exemple, d’apprentissages qui
consistent à donner au sujet un certain nombre de
consignes lui permettant d’organiser sa journée,
d’apprendre à ne pas vouloir tout résoudre à la
fois et de cerner les problèmes… Il faut bien sûr
adapter la remédiation cognitive aux altérations
du patient. Très peu d’études ont été néanmoins
La Lettre du Psychiatre • Supplément 2 au n° 2 - Vol.VIII - mars-avril 2012 | 5
L’ENCÉPHALE 2012
Nouvelles lectures de l’accès maniaque et des bipolarités
menées dans les troubles bipolaires. Seul un essai
en ouvert a montré une réelle efficacité de ces
apprentissages (16). Il est donc nécessaire de les
compléter avec des évaluations contrôlées.
Dans une autre communication, consacrée à la
bipolarité et aux fonctions cognitives, E. BrunetGouet a fait un point sur l’état de la recherche
et est revenu sur les concepts de mémoire et
de valence émotionnelle (“mood-congruent
memory”) : contrairement aux sujets sains, les
patients dépressifs retiennent mieux les mots à
valence négative que les mots à valence positive.
Pour la mémoire autobiographique, la probabilité
de rappel d’événements négatifs est supérieure à
celle d’événements positifs, et cet effet varie au
cours de la journée en fonction de l’humeur. Chez
les patients bipolaires, des endophénotypes (ou
phénotypes intermédiaires) ont été décrits, associés à la maladie, retrouvés au sein des familles de
malades et présents plus fréquemment chez les
apparentés sains que dans la population générale.
De nombreuses questions se posent encore sur
l’évolution de ces troubles neurocognitifs (figure 2),
ce qui justifie leur évaluation en centres experts.
Cela est particulièrement vrai pour la cognition
du sujet bipolaire âgé, avec une utilité majeure de
l’approche neuropsychologique pour mesurer une
évolution destructive et pour déterminer un profil
de détérioration spécifique.
n
Endophé
Neurodégénération
otype
Prémorbide
• Controverse :
atteinte cognitive
ou non ?
Neurodéveloppement
Premier épisode
• Troubles cognitifs
présents
• Anomalies
cérébrales
(substance blanche)
Épisodes suivants
• Aggravation
cognitive avec le
nombre d’épisodes
• Concept
• d’“allostatic load”
Figure 2. Évolution des troubles neurocognitifs.
6 | La Lettre du Psychiatre • Supplément 2 au n° 2 - Vol. VIII - mars-avril 2012 Besoins thérapeutiques
et nouvelles pistes
pharmacologiques
D’après la communication orale de R. Gaillard
Une stratégie thérapeutique en psychiatrie est
choisie à partir de 3 types d’informations pas
toujours complémentaires et/ou compatibles : l’EBM
(Evidence-Based Medicine), l’effet neurobiologique
et l’effet psychocomportemental. Sur le choix d’un
antidépresseur par exemple, la méta-analyse de
A. Cipriani réalisée selon le principe d’une métaanalyse multitraitement (ou network meta-analysis)
a porté sur près de 26 000 patients et a montré que,
parmi 12 antidépresseurs de nouvelle génération, le
profil d’efficacité et de tolérance était très différent
selon les molécules (17). L’étude STEP-BD (Systematic Treatment Enhancement Program for Bipolar
Disorder) a inclus 4 361 patients sur la période 19992005 : 58,4 % des patients ont obtenu une rémission, dont 48,5 % ont fait un nouvel épisode dans les
2 ans. Toujours chez les patients bipolaires, il a été
constaté une absence de bénéfice des antidépresseurs (bupropion et sertraline) en association avec
les thymorégulateurs (rémission durable : respectivement 23,5 versus 27,3 % ; p = 0,40) [18, 19].
Les travaux de recherche actuels visent à combiner
des molécules ayant des propriétés différentes :
stratégie de changement de classe versus stratégie
d’association de molécules ciblant des mécanismes
différents (ou l’après-STAR*D [Sequenced Treatment
Alternatives to Relieve Depression]) [20], essor des
molécules ayant des cibles multiples… Parmi les
perspectives, R. Gaillard a insisté sur les questions
posées en termes d’innovation (non pas 1, mais des
molécules, à l’instar de ce qui est réalisé en oncologie), de cibles (régression des épisodes aigus, stabilisation sur le long cours, régression des symptômes
résiduels, prise en compte de la cognition) et de
sécurité-tolérance.
Actualités dans le trouble
bipolaire
D’après la communication orale de B. Millet
L’asénapine est un nouvel antipsychotique
atypique (21), indiqué dans le traitement des
épisodes maniaques modérés à sévères associés
aux troubles bipolaires de type I chez l’adulte (22).
L’ENCÉPHALE 2012
misée, en double insu, contrôlée versus placebo,
d’une durée de 12 semaines (APOLLO-­1 2). Les
patients inclus étaient des adultes présentant un
épisode maniaque ou mixte d’un trouble bipolaire de type I débuté depuis moins de 3 mois
avec un score ≥ 20 sur l’échelle de manie YMRS
à l’inclusion et traité depuis au moins 2 semaines
par lithium ou valproate. À l’inclusion, la concentration sérique en lithium devait être comprise
entre 0,6 et 1,2 mmol/l et la concentration sérique
en valproate entre 50 et 125 μg/ml. Les patients
Variation moyenne du score YMRS total
par rapport à l’inclusion
Il présente un profil pharmacologique unique avec
une affinité (21) :
➤ ➤ élevée pour un grand nombre de récepteurs
sérotoninergiques (5HT2A, 5HT2C et, en particulier, 5HT6 et 5HT7), dopaminergiques (D2 et D3) et
adrénergiques (plus spécifiquement le récepteur α2) ;
➤ ➤ moindre pour les récepteurs histaminergiques
H1 ;
➤ ➤ négligeable pour les récepteurs muscariniques
(en particulier le récepteur M3 mis en cause dans
l’apparition du syndrome métabolique).
De plus, l’asénapine a également une action facilitatrice de la transmission glutamatergique via
le récepteur NMDA (récepteur au glutamate).
Ce système glutamatergique serait, d’après de
nombreux travaux récents, également impliqué
dans les troubles bipolaires.
L’asénapine a été évaluée en monothérapie dans
2 études (ARES-3A et ARES-3B) [23, 24], randomisées, en double insu, contrôlées versus placebo, d’une
durée de 3 semaines comportant un bras comparateur actif (olanzapine) : les patients inclus étaient
des adultes présentant un épisode maniaque ou
mixte d’un trouble bipolaire de type I débuté depuis
moins de 3 mois avec un score ≥ 20 sur l’échelle
de manie YMRS. Ils recevaient 10 ou 5 mg × 2/j
d’asénapine versus 5 à 20 mg × 1/j d’olanzapine ou
placebo. À 3 semaines, l’amélioration du score total
sur l’échelle YMRS dans le groupe asénapine était
supérieure à celle du groupe placebo. De plus, l’asénapine a démontré que son action a été efficace et
rapide puisque, dès le deuxième jour, elle a montré
une différence significative avec le placebo.
L’étude d’extension à 9 semaines (ARES-9) a montré
une efficacité de l’asénapine comparable à celle
de l’olanzapine (25) avec 88 % des patients qui
étaient en rémission à la fin de l’étude. L’étude de
suivi ARES-40 (phase d’extension de 40 semaines)
montre également un maintien de l’efficacité de
l’asénapine à 1 an (figure 3) [26].
Une analyse de la prédictibilité de la réponse a
été réalisée dans une étude post hoc des données
poolées de ARES-3A et ARES-3B : elle s’est appuyée
sur le lien entre une amélioration rapide (réduction ≥ du score YMRS évaluée à J2, J4 et J7) et la
réponse à J21 (réduction du score YMRS > 50 % par
rapport à l’inclusion). Elle montre un odds-ratio en
faveur de l’asénapine dès J2 (figure 4).
L’asénapine a été également étudiée en association
avec les thymorégulateurs (lithium ou valproate)
chez des patients hospitalisés qui n’étaient que
partiellement répondeurs à ces médicaments au
bout de 15 jours (27). Il s’agit d’une étude rando-
0
Évolution du score YMRS total par rapport à l’inclusion sur 52 semaines
–5
– 10
– 15
– 20
– 25
– 30
0 2 4 6 9 12
16
24
32
40
52
Semaines
Olanzapine 5-20 mg × 1/j
Asénapine 10 ou 5 mg × 2/j
(n = 76)
(n = 104)
Fin
LOCF
Figure 3. Efficacité maintenue à 1 an. Critère de jugement secondaire : variation du score
YMRS total (26).
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
Odds-ratio amélioration rapide/réponse à 3 semaines
*
9,1
Olanzapine 5-20 mg × 1/j
*
4,1
*
2,2
1,4
*
3,5
*
1,8
Asénapine 5 ou 10 mg × 2/j
* p < 0,05 versus placebo
(OR et IC95 ; test de Fischer ;
α : 0,05)
J2
J4
J7
Réduction ≥ 15 % sur la YMRS par rapport à l’inclusion
Figure 4. Rapidité d’action et prédictibilité de la réponse.
La Lettre du Psychiatre • Supplément 2 au n° 2 - Vol.VIII - mars-avril 2012 | 7
L’ENCÉPHALE 2012
Nouvelles lectures de l’accès maniaque et des bipolarités
ont été randomisés en 2 groupes pour recevoir,
en association avec le thymorégulateur (lithium
ou valproate poursuivi en ouvert), de l’asénapine (5 mg × 2/j à J1, puis 5 à 10 mg × 2/j) ou un
placebo. À 3 semaines (comme à 12 semaines),
l’amélioration du score total sur l’échelle YMRS
(critère principal) a été supérieure dans le groupe
asénapine + thymorégulateur à celle du groupe
placebo + thymorégulateur.
L’étude a été poursuivie par une extension de
40 semaines (APOLLO-40) dont l’objectif était
d’évaluer la tolérance à long terme de l’association
asénapine + thymorégulateur (27). À J84 (3 mois),
le taux de répondeurs (réduction ≥ 50 % du score
YMRS depuis l’inclusion) est de 47,7 % dans le bras
asénapine + thymorégulateur versus 34,4 % dans
le bras thymorégulateur + placebo, et le pourcentage de patients en rémission (score YMRS
total ≤ 12) est – respectivement – de 43,2 et
30,1 % (tous p < 0,05) [27]. En ce qui concerne
la tolérance, les effets les plus fréquents rapportés
dans le résumé des caractéristiques du produit
(RCP) [22] sont l’anxiété et la somnolence. Dans
l’ensemble de la cohorte asénapine (28), les effets
indésirables le plus souvent retrouvés sont l’insomnie, les céphalées, la somnolence et l’anxiété.
Chez 5 % des patients (28), un engourdissement
transitoire de la langue a été rapporté, probablement lié au mode d’administration du produit
(sublingual). Cet effet dure moins de 1 heure (28).
En termes de tolérance, l’asénapine a un faible
impact sur les paramètres métaboliques y compris
à long terme, c’est-à-dire peu de variations significatives des paramètres glycémiques, lipidiques et
une prise de poids modérée puisque sur l’ensemble
des études cliniques, la variation moyenne du
poids corporel était de 0,8 kg (22).
Psychoéducation
dans les troubles bipolaires
D’après la communication de B. Cochet et al.,
abstr. CO 03
Cette approche psychothérapeutique comporte des
aspects pédagogiques, éducatifs, psychologiques et
comportementaux et permet une réduction du nombre
et de l’intensité des rechutes thymiques (dépressives,
[hypo]maniaques et mixtes), une diminution de la
fréquence et de la durée des hospitalisations sur des
périodes de suivi allant de 2 à 5 ans. Principalement
développée par les équipes espagnoles du Pr E. Vieta,
cette approche demeure relativement peu diffusée
en France. L’objectif de cette communication orale
faite au congrès de l’Encéphale était de présenter
2 types d’action pouvant permettre sa mise en place
dans les soins courants. La première vise à rapporter
les données d’efficacité en pratique hospitalière en
France : dans un groupe de 63 patients bipolaires ayant
participé à un programme psychoéducatif de 10 à
12 séances, la comparaison des évaluations dans le
mois qui précède et dans celui qui suit la participation
montre une amélioration des connaissances sur la
maladie et de l’adhérence au traitement médicamenteux, une diminution de la perception négative de
la maladie et une amélioration du fonctionnement
social et de l’estime de soi. La deuxième action a pour
objectif de développer des outils à destination des
praticiens : un groupe de réflexion a été constitué au
sein du réseau des 8 centres experts “Troubles bipolaires” français afin d’élaborer un CD-ROM permettant l’animation de groupes psychoéducatifs par des
professionnels de santé (psychiatres, psychologues,
infirmiers en psychiatrie) et la mise en place d’une
journée de formation à la psychoéducation.
■
Références bibliographiques
1. Proudfoot J, Doran J, Manicavasagar V, Parker G. J Affect
Disord 2011;133(3):381-7.
2. Henry C, Van den Bulke D, Bellivier F et al. Psychiatry Res
2008;159(1-2):1-6.
3. M'bailara K, Demotes-Mainard J, Swendsen J et al. Bipolar
Disord 2009;11(1):63-9.
4. Van der Helm E, Yao J, Dutt S et al. Curr Biol 2011;21(23):
2029-32.
5. Henry C, M'Bailara K, Lépine JP, Lajnef M, Leboyer M.
J Affect Disord 2010;127(1-3):300-4.
6. Henry C, M'Bailara K, Mathieu F, Poinsot R, Falissard B.
BMC Psychiatry 2008;8:82.
7. Mann-Wrobel MC, Carreno JT, Dickinson D. Bipolar Disord
2011;13(4):334-42.
8. Bora E, Yucel M, Pantelis C. J Affect Disord 2009;113(12):1-20.
9. Arts B, Jabben N, Krabbendam L, Van Os J. Psychol Med
2008;38(6):771-85.
10. Robinson LJ, Ferrier IN. Bipolar Disord 2006;8(2):103-16.
11. Kessing LV, Andersen PK. J Neurol Neurosurg Psychiatry
2004;75(12):1662-6.
12. Yatham LN, Torres IJ, Malhi GS et al. Bipolar Disord
2010;12(4):351-63.
13. Nuechterlein KH, Barch DM, Gold JM et al. Schizophr
Res 2004;72(1):29-39.
14. Bonnin CM et al. J Affect Disord 2011; in press.
15. Macqueen G, Young T. Bipolar Disord 2003;5(Suppl.
2):53-61.
16. Deckersbach T, Nierenberg AA, Kessler R et al. CNS
Neurosci Ther 2010;16(5):298-307.
17. Cipriani A, Furukawa TA, Salanti G et al. Lancet
2009;373(9665):746-58.
18. Perlis RH, Ostacher MJ, Patel JK et al. Am J Psychiatry
2006;163(2):217-24.
19. Sachs GS, Nierenberg AA, Calabrese JR et al. N Engl J
Med 2007;356(17):1711-22.
20. Trivedi MH, Fava M, Wisniewski SR et al. N Engl J Med
2006;354(12):1243-52.
21. Shahid M, Walker GB, Zorn SH, Wong EH. J Psychopharmacol 2009;23(1):65-73.
22. Résumé des caractéristiques du produit. EMA novembre
2011.
23. McIntyre RS, Cohen M, Zhao J et al. Bipolar Disord
2009;11(7):673-86.
24. McIntyre RS, Cohen M, Zhao J et al. J Affect Disord
2010;122(1-2):27-38.
25. McIntyre RS, Cohen M, Zhao J et al. Bipolar Disord
2009;11(7):815-26
26. McIntyre RS, Cohen M, Zhao J et al. J Affect Disord
2010;126(3):358-65.
27. Szegedi A, Calabrese JR, Stet L et al. J Clin Pharmacol
2012;32(1):46-55.
28. European Public Assessment Report. EMA. Asenapine.
EMEA/H/C/001177. 2011.
L’ENCÉPHALE 2012
Remédiation cognitive
J.P. Madiou, Paris
Remédiation et théorie de l’esprit
D’après la communication orale de C. Passerieux
La “théorie de l’esprit” (Theory of Mind [ToM]) est
définie par la faculté de comprendre et d’interpréter
les actions d’autrui en termes d’états mentaux, c’està-dire en lui attribuant des souhaits, des croyances
ou des intentions et en considérant qu’il a des
états mentaux différents des nôtres. Il s’agit d’un
processus essentiellement interférentiel, élaboré à
partir d’indices sociaux aboutissant à la formulation
d’hypothèses sur ce que peut induire le comportement d’une personne. Interviennent dans cette
formulation d’hypothèses sur les états mentaux
d’autrui : la distinction soi-autrui, la capacité à percevoir et à interpréter les signaux sociaux, la connaissance des codes sociaux et le style de raisonnement.
Plusieurs types de test sont disponibles pour mesurer
la théorie de l’esprit : tâche d’attribution de fausse
croyance de Sally et Anne, bandes dessinées (cartons
“histoire”, “réponses”)… La ToM est altérée chez les
personnes schizophrènes, ce qui contribue à leur
handicap psychique avec des déficits marqués en
cognition sociale (corrélation plus marquée avec le
pattern de désorganisation, fluctuant avec l’intensité des symptômes et s’aggravant avec la durée
d’évolution), souvent mis en évidence dès le premier
épisode. Une étude récente a montré que 6 % de la
variance du fonctionnement social expliqué l’est par
la neuro­cognition et 16 % par la cognition sociale (1).
De toutes les compétences cognitives, la ToM avait
la corrélation la plus élevée : 0,48 versus 0,41 pour
la perception sociale et les connaissances, 0,31 pour
la perception et le traitement des émotions et 0,26
pour l’apprentissage verbal et la mémoire. Parmi
les différents types d’intervention, on retiendra les
programmes intégrés avec l’Integrated Psychological
Treatment (IPT) [module 2 sur les perceptions sociale
et émotionnelle ; modules 4 et 5 sur les habiletés
sociales et les résolutions de problèmes] et la Cognitive Enhancement Therapy (CET). Les interventions
ciblées partent de l’hypothèse qu’il n’est pas nécessaire de remédier des fonctions élémentaires pour
améliorer les compétences de cognition sociale. La
cognition sociale devient la cible directe des interventions de remédiation avec un enjeu majeur, celui
de développer des techniques suffisamment simples
et rapides pour un usage en soins courants. Les cibles
sont les troubles de reconnaissance des émotions, les
déficits en théorie de l’esprit et les biais de raisonnement. L’entraînement à la cognition sociale et
aux interactions (Social Cognition and Interaction
Training [SCIT]), par exemple, est une intervention
ciblée sur 3 domaines et en 3 modules successifs :
comprendre les émotions (définition des émotions
de base et utilisation d’un module d’entraînement
à la reconnaissance des émotions faciales), travail
de restructuration cognitive et phase d’intégration
(appliquer les nouvelles compétences en situation de
vie réelle). Enfin, le modèle théorique du ToMRemed
prend en compte les erreurs dans l’attribution d’intentions à autrui, les troubles de la communication
et du traitement des indices contextuels (2).
Présentation du programme
RECOS
D’après la communication orale de P. Vianin
Développé au centre hospitalier universitaire Vaudois
(Lausanne), le programme RECOS vise à remédier
aux déficits cognitifs observés dans la schizophrénie
et ses troubles associés. Un “trouble associé” renvoie
au trouble de la personnalité schizo­typique ainsi qu’à
d’autres types de psychoses, comme les troubles
Évaluation
initiale
• Clinique
• Cognitive
Définition
d’objectifs
• Restitution
des résultats
• Évaluation
des répercussions
fonctionnelles
Phase
de remédiation
• Exercices
papier-crayon
• CD-ROM RECOS
• Tâches
à domicile
– Réévaluation
– Bilan
Évaluation
après 6 mois
Figure. Déroulement du programme RECOS.
La Lettre du Psychiatre • Supplément 2 au n° 2 - Vol.VIII - mars-avril 2012 | 9
L’ENCÉPHALE 2012
Remédiation cognitive
bipolaires. Les spécificités de ce programme (figure,
page 9) qui comporte des modules d’entraînement
spécifiques et des objectifs individualisés sont les
suivantes : mesurer avec précision les fonctions
cognitives pour les traiter en tenant compte des
déficits de chacun, mesurer les répercussions fonctionnelles de ces troubles et apprendre au patient à
connaître et à tenir compte de ses capacités cognitives (métacognition).
Les éléments métacognitifs du programme RECOS
comprennent la psychoéducation, l’autoévaluation,
le comportement, les processus et le transfert –
généralisation. Plusieurs outils ont été développés : le
questionnaire SSCTICS®, qui a pour objectif d’apprécier la capacité d’évaluation du patient en posant
des questions se rapportant au contenu des tests
neuropsychologiques, et l’échelle des répercussions
fonctionnelles (ERF) qui porte sur les troubles cognitifs observés au cours du dernier mois et qui mesure
les répercussions fonctionnelles de ces derniers
dans les différents domaines cognitifs ciblés par
le programme (mémoire verbale, visuo-spatiale,
mémoire de travail, attention sélective, fonctions
exécutives).
Cognitive Remediation Therapy
D’après la communication orale
de I. Amado-Boccara
Références
bibliographiques
1. Fett AK, Viechtbauer W,
Dominguez MD et al. Neurosci
Biobehav Rev 2011;35(3):57388.
2. Bazin N, Passerieux C, HardyBayle MC. Journal de thérapie
comportementale et cognitive
2010;20(1):16-21.
Les principaux objectifs de la Cognitive Remediation Therapy (CRT) sont de réhabiliter l’attention,
la mémoire et le fonctionnement exécutif. Elle
comporte plusieurs modules obligatoires qui vont
être adaptés selon les forces et les faiblesses du
patient : flexibilité cognitive, mémoire (A et B) et
planification (A et B). En France, le programme
comporte généralement 2 séances par semaine et
un choix d’exercices à domicile : apprentissage sans
erreur par questionnement directif (éviter les biais de
raisonnement erronés), simplification et adaptation
de la tâche (modulation de la vitesse d’exécution),
répétition massive des tâches, encouragement de
la génération de stratégies (si possible multiples),
étayage et renforcement positif, verbalisation des
consignes et des stratégies, et technique “plastique”
(favoriser la gestuelle, conserver l’apprentissage
implicite). Les fonctions stimulées sont la flexibilité
10 | La Lettre du Psychiatre • Supplément 2 au n° 2 - Vol. VIII - mars-avril 2012 cognitive, la mémoire et la planification : chaque
séance s’accompagne d’épreuves de type stroop,
d’assemblage tri-assortiment (jetons, carte) et
d’assouplissement moteur. Autant que possible,
on essaiera d’associer l’épreuve à une fonction de la
vie quotidienne. En pratique, 40 séances sont réalisées sur 3 mois dont 10 à 12 séances de flexibilité
cognitive et 8 séances pour chaque module avec
établissement d’un calendrier avec le patient. Parmi
les perspectives d’avenir, on retiendra l’adaptation
du CRT en version informatisée, le couplage avec
un programme de soutien au travail et sa diffusion
en France pour des applications plus larges que la
schizophrénie (troubles bipolaires, anorexie mentale
de l’adolescente, hyperactivité, déficit de l’attention
de l’enfant, etc.).
Inhibition cognitive et mémoire
implicite dans le trouble
dépressif majeur
D’après la communication de B. Gohier et al.,
abstr. CO 02
L’objectif de cette étude était d’évaluer les processus
de traitement émotionnel dans le trouble dépressif
majeur en s’intéressant, d’une part, à l’inhibition
cognitive et, d’autre part, au traitement implicite des
informations émotionnelles. Une première étape a
consisté à évaluer les capacités d’inhibition cognitive
dans un groupe de 20 patients souffrant de trouble
dépressif majeur en utilisant un matériel d’évaluation neutre (sans valence émotionnelle – modèle de
Hasher et Zacks [1988]). La deuxième étape a permis
d’évaluer, dans un groupe de 20 sujets dépressifs, les
capacités d’inhibition cognitive et les processus automatiques de traitement émotionnel au cours d’une
tâche d’amorçage émotionnel multimodal (visages,
sons et mots). Les résultats de cette étude confirment un déficit des capacités d’inhibition cognitive
en cas de trouble dépressif majeur, en particulier
sur l’accès des informations en mémoire de travail
et le freinage des informations principales. Concernant le traitement implicite, la tâche d’amorçage
émotionnel permet de confirmer le biais vers les
informations négatives qui est corrélé au déficit
d’inhibition cognitive.
■
L’ENCÉPHALE 2012
Prévention du suicide
J.P. Madiou, Paris
Suicide en période gravidopuerpérale : résultats
d’une enquête épidémiologique
française
D’après la communication de S. Boivin et al.,
abstr. CO 04
Cette étude épidémiologique descriptive française,
réalisée à partir de la base de données du Centre
d’épidémiologie sur les causes médicales de décès
de l’Institut national de la santé et de la recherche
médicale (Inserm), a porté sur les décès par suicide en
période gravido-puerpérale sur la période 2000-2008
(depuis 1998, le certificat médical de décès comporte
une question spécifique relative à la grossesse). Les
données recueillies ont été comparées à celles disponibles et issues des mêmes sources pour le suicide des
femmes en population générale et à la population des
femmes ayant accouché à cette période. Les résultats
montrent que 66 femmes sont décédées par suicide au
cours de la grossesse ou au cours de la première année
suivant le post-partum, avec un pic en 2004 (1,5 décès
pour 100 000 naissances vivantes). La pendaison –
passage à l’acte violent – apparaît comme le moyen
le plus utilisé et les périodes les plus à risque sont le
moment de la découverte de l’état de grossesse et
le premier mois du post-partum. En comparant les
taux spécifiques selon l’âge et ceux de la mortalité par
suicide en population générale, l’état de grossesse et
celui du post-partum paraissent cependant protecteurs.
Reconstitution
des processus pathologiques
lors d’une tentative de suicide
D’après la communication de J. Vandevoorde,
poster PO 040
Dans cette étude descriptive centrée sur la reconstitution d’une tentative de suicide, 33 suicidants ont
accepté de répondre à un entretien semi-structuré
(méthode d'entretien pour le passage à l'acte suicidaire [MEPS]) permettant de reconstruire à la fois le
déroulement des événements présuicidaires et l’état
mental du patient au moment précis de son passage
à l’acte. Les résultats de cette étude montrent qu’une
grande majorité (82 %) avait des comportements
préparatoires au geste et 75,8 % des patients avaient
construit un véritable “scénario suicidaire”. Il a été
mis en évidence l’existence d’une phase de prépassage
à l’acte composée d’une perturbation tonique et/ou
d’une mise en condition. Au moment du geste suicidaire, 59,4 % des patients ont rapporté une altération
de leur état de conscience et 60 %, un phénomène
de confusion émotionnelle extrêmement intense.
Enfin, certains patients ont signalé une sensation
subjective du mouvement et/­ou une perte soudaine
de leur contrôle moteur.
Idées suicidaires aux urgences
psychiatriques : résultats
d’une étude comparant autoet hétéro-évaluation
D’après la communication de S. Moroge et al.,
poster PO 042
Réalisée à Marseille, cette enquête épidémiologique
descriptive (3 questionnaires : infirmier, psychiatre
et patient) a inclus des consultants du service des
urgences du pôle Psychiatrique Centre. L’estimation
du risque suicidaire était établie à la fois par une
échelle visuelle analogique (EVA) créée dans le service
(identique pour les patients et les soignants), par
l’échelle de suicidalité (the Suicide Behaviors Questionnaire-Revised [SBQ-R]) et par l’échelle de désespoir
de Beck. Les résultats confirment un risque suicidaire
plus élevé dans cette population, qu’il s’agisse des
critères socio-démographiques (isolement social,
chômage, faible niveau d’études) ou des antécédents
psychiatriques (antécédents familiaux ou personnels de tentatives de suicide, nombre d’hospitalisations antérieures en psychiatrie, etc.). Si seulement
6 % de ces patients déclarent venir consulter pour
des idées suicidaires, un risque suicidaire selon le
score SBQ-R a été retrouvé chez 59,8 % d’entre eux.
Enfin, les résultats de l’auto-évaluation des patients
par l’EVA sont bien corrélés à ceux des soignants ainsi
qu’aux échelles SBQ-R et de Beck.
■
La Lettre du Psychiatre • Supplément 2 au n° 2 - Vol.VIII - mars-avril 2012 | 11
L’ENCÉPHALE 2012
Appétence à l’alcool :
de la clinique à la thérapeutique
Références
bibliographiques
1. ANAES – Conférence de
consensus. Objectifs, indications et modalités du sevrage du
patient alcoolodépendant. 1999.
2. EMA. Guideline on the development of medicinal products
for the treatment of alcohol
dependance 2010.
3. Rehm J, Taylor B, Mohapatra S et al. Drug Alcohol Rev
2010;29(4):437-45.
4. Recommandations de la
Société française d’alcoologie
2003.
5. Luquiens A, Reynaud M,
Aubin HJ. Alcohol Alcohol
2011;46(5):586-91.
6. Dawson DA, Goldstein RB,
Grant BF. Alcohol Clin Exp Res
2007;31(12) :2036-45.
7. World Health Organization
(WHO). International guide for
monitoring alcohol consumption
and related harm. 2010.
8. Trial watch: Nalmefene
reduces alcohol use in phase
III trial. Nat Rev Drug Discov
2011;10(8):566.
D’après la communication orale de H.J. Aubin
J.P. Madiou, Paris
S
i l’abstinence demeure un objectif théorique
idéal (1), la réduction de la consommation
d’alcool figure désormais dans les recommandations européennes (2). Elle peut constituer une
étape du traitement car elle représente une réelle
réduction du risque pour le patient (3) et peut être
une étape vers l’abstinence totale. En dehors de la
dépendance, les recommandations de la Société
française d’alcoologie (2003) rappellent qu’il existe
des mésusages d’alcool avec un usage à risque et
un usage nocif (figure) [4].
La prise en charge pour les patients repose actuellement sur un programme de soins adapté à chaque
situation : définition d’un objectif à atteindre
(“entretien motivationnel”), établissement d’un
programme fondé sur les capacités du patient (abstinence ou, dans un premier temps, réduction de la
consommation) et maintien de cet objectif tant sur
Mésusage
Usage avec dépendance
Usage nocif
Seuil clinique
Usage à risque
Usage
Figure. Les mésusages d’alcool en dehors de la dépendance : usage à risque - usage nocif (4).
12 | La Lettre du Psychiatre • Supplément 2 au n° 2 - Vol. VIII - mars-avril 2012 le plan qualitatif que quantitatif (anticiper, pour
éviter la réactivation de l’alcoolo-dépendance). Pour
près de la moitié (48,6 %) des alcoologues français (5), l’abstinence totale n’est plus le seul dogme
de la prise en charge et une consommation modérée
(“moderation management”) peut faciliter le passage
à une abstinence totale, permettre de conserver sur
le long terme une consommation réduite et aider
le patient à reprendre confiance en lui. Une étude
réalisée chez 2 109 patients alcoolo-dépendants
en rémission complète depuis au moins 12 mois
(“vague” 1) a montré une stabilité de la rémission
à 3 ans (“vague” 2) chez les patients abstinents
et ceux qui avaient une consommation modérée
d’alcool (6).
H.J. Aubin est également revenu sur la définition
d’une consommation “modérée” d’alcool avec des
valeurs se situant entre 1 et 40 g/j (hommes) et
1 à 20 g/j (femmes) pour l’Organisation mondiale
de la santé (OMS) [7] et 3 (hommes) ou 2 (femmes)
verres de vin par jour selon l’HAS-Anaes (1). Concernant les traitements médicamenteux indiqués dans
la prévention de la rechute actuellement disponibles,
on retrouve la naltrexone et l’acamprosate dans la
réduction de l’appétence à l’alcool et le disulfirame
(menace d’une réaction aversive). Pour ce dernier,
il demeure cependant difficile de le comparer au
placebo, avec une rupture de l’aveugle dès le premier
verre et la survenue de la réaction aversive. Parmi les
médicaments en cours de développement clinique,
on retiendra essentiellement le nalméfène, antagoniste des récepteurs aux opioïdes, qui a démontré
dans les études de phase III un bénéfice clinique sur
la réduction du nombre de jours de forte consommation et la consommation totale d’alcool (jusqu’à
plus de 50 %) [8]. Le nalméfène est le premier traitement indiqué dans la réduction de la consommation
d’alcool chez les patients alcoolo-dépendants à faire
l’objet d’une demande d’autorisation de mise sur
le marché (déposée en décembre 2011 auprès de
l’Agence européenne du médicament).
■
Téléchargement