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Pour répondre à cette question, nous utilisons un modèle keynésien statique log-linéaire en
économie ouverte relativement standard, mais qui a la particularité de différencier les
paramètres de sensibilité structurelle des deux pays membres d’une union monétaire. En dehors
de cette hypothèse cruciale, notre modèle reste relativement standard et c’est donc dans
l’hétérogénéité des canaux de transmission des politiques économiques et des chocs entre les
pays que réside l’intérêt essentiel de notre travail par rapport aux études existantes. A partir de
cette hypothèse fondamentale, notre démonstration repose ensuite de manière classique sur le
calcul des fonctions de réaction de la banque centrale et des gouvernements, puis des équilibres
de Nash (simultané) et de Stackelberg (une autorité est leader) pour les politiques économiques
mises en oeuvre. Mais naturellement, la lourdeur des calculs nous a conduit à réaliser un
calibrage numérique et des simulations pour analyser les principaux résultats de notre étude.
Nous montrons alors que l’augmentation de l’hétérogénéité structurelle entre les pays membres
de l’union monétaire n’a pas d’effet clair et univoque. En cas de choc d’offre négatif, la
politique monétaire reste toujours très restrictive, mais l’effort de stabilisation de la banque
centrale dépend néanmoins des canaux de transmission et des paramètres de sensibilité qui
apparaissent hétérogènes. De plus, si les fonctions de réaction budgétaires sont toujours
globalement expansives, la politique budgétaire peut devenir restrictive dans un pays, en
fonction du degré d’asymétrie du choc conjoncturel et des caractéristiques structurelles du pays
le plus touché par le choc.
Pour des pays qui connaissent des sensibilités différentes de leurs exportations nettes au
différentiel d’activité économique avec l’étranger, l’hétérogénéité structurelle entre les pays
peut donc finalement en elle-même accentuer le conflit d’objectifs entre la banque centrale et
les gouvernements. Elle peut contribuer à aggraver la surenchère de hausse des taux d’intérêt et
de déficits publics excessifs et accroître l’inefficacité du policy-mix européen. Les divergences
importantes de taille et d’ouverture entre les pays européens pourraient donc continuer de
demeurer une source de conflits d’intérêt non négligeable entre les autorités monétaire et
budgétaires en Europe. Enfin, dans le cadre de notre modèle, ce conflit pourrait également être
accentué si le choc d’offre négatif est asymétrique et touche principalement un pays qui connaît
une sensibilité plus élevée que ses partenaires de sa demande à ses dépenses publiques, ou une
sensibilité plus faible de son inflation à l’activité économique intérieure ou à l’inflation dans le
reste de la zone monétaire.
Il existe cependant certaines limites aux résultats obtenus par notre modèle. Elles tiennent tout
d’abord au caractère très simplifié de ce modèle et à sa nature statique. Ainsi, les perspectives
de recherche envisageables pourraient être d’introduire des délais variables dans les canaux de
transmission des politiques monétaires et budgétaires, en utilisant un modèle dynamique. Il
pourrait également être intéressant d’introduire le coût de la variation des dépenses publiques
par le biais de la dette publique et de tenir compte de la contrainte budgétaire intertemporelle
des gouvernements, qui doit rester vérifiée lors du choix des politiques fiscales et de dépenses
publiques.