Éditorial À propos des effets endocriniens et métaboliques de l’alcoolisation About the endocrine and metabolic effects of alcohol intake Pr Jean-Marc Kuhn* “ * Service d’endocrinologie, diabète et maladies métaboliques, CHU de Rouen. À consommer avec modération", “l’abus d’alcool est dangereux pour la santé !” Ces phrases souvent diffusées par les médias sont devenues de quasi-proverbes qui reposent sur de bien tangibles réalités. L’alcool est le principe actif de la plus fréquente des addictions. Consommé sans modération, il est responsable d’effets délétères sur de nombreux systèmes, dont les glandes endocrines et l’équilibre métabolique. Le dossier thématique publié dans le présent numéro des Correspondances en Métabolismes, Hormones, Diabètes et Nutrition traite de ces aspects à différentes étapes de la vie : in utero, lors de l’adolescence et à l’âge adulte… Y sont clairement exposées les conséquences de l’alcoolisation directe (chez l’adolescent ou l’adulte) ou indirecte (chez le fœtus ou l’enfant nourri au sein) sur le développement psychosomatique et sur les rythmes de la sécrétion hormonale, ainsi que les principes de leur prévention. Claude Lejeune fait le point sur les répercussions fœtales de l’alcoolisation de la femme enceinte. Ces conséquences sont plus ou moins marquées, mais constamment négatives. Elles se répartissent sur un spectre qui s’étend des troubles intellectuels et/ou comportementaux à l’âge adulte à des répercussions de profondeur variable chez l’enfant. La consommation d’alcool pendant la grossesse peut ainsi induire des anomalies du développement comportemental et cognitif, des malformations et, retentissement majeur, un syndrome d’alcoolisation fœtale plus ou moins complet. Ainsi qu’il est bien souligné dans cette mise au point, si le risque est majeur pour de fortes consommations d’éthanol, il n’est pas possible de définir une dose seuil d’alcool au dessous de laquelle le risque est nul. La seule méthode de prévention des répercussions fœtales de l’alcoolisation reste donc la consommation zéro. Une forte sensibilisation des professionnels de la périnatalogie et des femmes elles-mêmes est un facteur clé pour se rapprocher de cet objectif. Ainsi que le rappelle Pascal Hilber, plusieurs études épidémiologiques démontrent que la proportion de femmes allaitantes consommant alcool et tabac va grandissant. Après une période de sevrage gestationnel, le feu vert à la reprise d’une consommation festive et socialisante de boissons alcoolisées est souvent donné par la naissance du bébé. Cette attitude passe outre le fait qu’une proportion de l’alcool ingéré “passe” dans le lait maternel. Au cours de l’allaitement, la consommation d’alcool est susceptible d’induire des conséquences non souhaitables chez la mère mais également chez l’enfant, dont la maturation du système nerveux central n’est pas encore arrivée à son terme. Des modèles murins ont permis de mieux cerner les conséquences de l’allaitement sous influence alcoolique sur le développement staturo-pondéral, l’équilibre hormonal et le développement cérébral des souriceaux. Comme le souligne l’auteur, l’homme est le seul mammifère à pouvoir “s’alcooliser” sciemment et, a contrario, à pouvoir éviter, par une attitude appropriée, les conséquences de cette alcoolisation sur le bébé nourri au sein. La défonce (binge drinking), les apéros géants, dont l’organisation est facilitée par les réseaux sociaux, et les skins parties sont les nouveaux aspects de l’intoxication alcoolique de l’adolescent. Dans leur précise mise au point, Anne Chassevent et Marie Bronnec en abordent l’épidémiologie – avec, notamment, une diminution de l’écart entre filles et garçons –, les aspects psychopathologiques et les modalités de prise en charge et de prévention. L’adolescent étant en recherche d’effets immédiats sans réelle considération des risques ultérieurs, il apparaît préférable de centrer le travail de prévention sur le renforcement des capacités personnelles plutôt que sur ces risques, qui peuvent paraître bien lointains à l’intéressé. Parmi les points forts de cet article, les auteurs soulignent bien l’importance de la sensibilisation et de la responsabilisation des parents dans la gestion de cette difficile et complexe problématique. >>> 76 Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVII - n° 4 - avril 2013 HD_an Éditorial >>> Le cerveau, centre d’intégration des informations sensorielles et source des réponses adaptées, est une cible privilégiée de l’alcool. L’intoxication éthylique modifie l’équilibre veille-sommeil, les performances intellectuelles et nombre de sécrétions hormonales placées sous le contrôle des noyaux neuronaux de l’hypothalamus endocrine. L’alcool modifie également l’organisation temporelle de nombreuses sécrétions endocriniennes. L’article de Thierry Danel plonge le lecteur dans cet univers des répercussions nombreuses et variées de l’apport aigu ou chronique d’alcool sur les rythmes de la sécrétion hormonale. Les exemples choisis – la mélatonine, dont la sécrétion est modulée par l’alternance lumière/obscurité, les sécrétions corticotrope et thyréotrope placées toutes deux sous contrôle hypothalamique – illustrent l’impact de l’alcool sur les centres géniteurs des rythmes de la sécrétion S I T E R É S E R V É A U X endocrine et les répercussions potentielles en pathologie. Ces conséquences sur les rythmes sécrétoires s’étendent également à la sécrétion gonadotrope. Outre la fréquence accrue de la cryptorchidie chez le garçon né de mère consommatrice d’alcool pendant la grossesse, l’intoxication éthylique est connue pour être responsable d’une inertie gonadotrope et pour exercer un effet toxique direct sur le testicule. Un tableau d’hypogonadisme hypogonadotrope résulte de la combinaison de ses effets centraux et périphériques. Les différents volets de ce dossier, qui permettent d’aborder les conséquences néfastes de l’alcool aux différents stades de la vie (période fœtale, phase pédiatrique et stade adulte), apportent au lecteur de nombreux éclairages sur une problématique complexe et dont la prise en charge nécessite des compétences spécifiques. ■ P R O F E S S I O N N E L S D E S A N T É Accédez aux scoops du congrès classés par jour ou par thématique : EN DIRECT thyroïde, hypophyse, tumeurs endocrines, surrénales, gonades/reproduction, diabètes, métabolismes, etc. DE L’ENDO 2013 A m d w Coordonnateur : Pr Gérald Raverot Rédacteurs : Pr Françoise Borson-Chazot / Dr Corinne Langrand Pr Bertrand Cariou / Dr Le Bras Maëlle Pr Olivier Chabre / Dr Sandra Larcher Pr Hervé Lefebvre / Dr Lucile Moreau Pr Jean-Louis Wemeau / Dr Stéphanie Espiard du 16 au 18 juin, Recevez, en direct, les temps forts du congrès en vous inscrivant sur www.SFendocrino.org Attention, ceci est un compte-rendu de congrès et/ou un recueil de résumés de communications de congrès dont l’objectif est de fournir des informations sur l’état actuel de la recherche ; ainsi, les données présentées sont susceptibles de ne pas être validées par les autorités de santé françaises et ne doivent donc pas être mises en pratique. Ces informations sont sous la seule responsabilité des auteurs. Le contenu est sous la seule responsabilité du coordonnateur, des auteurs et du directeur de la publication qui sont garants de son objectivité. Avec le soutien institutionnel de 78 Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVII - n° 4 - avril 2013 • 795453 - 04-2013 - 12/06/65602428/PM/003 San Francisco, 15-18 juin 2013