Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 2, mars-avril 2001
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Synthèse
Résumé
Les anomalies du pancréas endocrine dans
la mucoviscidose ont fait l’objet de
recherches approfondies ces dernières
années. Les patients atteints de mucovisci-
dose ont plus de risque de développer un
diabète que la population générale.
L’analyse du registre américain de la
mucoviscidose, établi par la Cystic
Fibrosis Foundation en 1990, montre que la
prévalence du diabète traité par insuline
augmente avec l’âge des patients, de moins
de 1 % pour ceux âgés de moins de 10 ans,
à plus de 10 % pour ceux âgés de plus de
25 ans (1). Il paraît clair maintenant qu’il
s’agit d’une complication relativement fré-
quente après la puberté. Comme la survie
moyenne de ces patients s’est améliorée
dans les dix dernières années, le nombre de
sujets atteints de mucoviscidose et/ou d’in-
tolérance aux hydrates de carbone ou de
diabète devrait s’accroître ; le diabète
devient donc une préocupation réelle.
Le dépistage de ces anomalies glucidiques
représente un enjeu de plus en plus impor-
tant dans la prise en charge de ces
malades. En effet, il suffit de noter que la
présence d’un diabète ou d’un prédiabète
joue un effet délétère sur l’évolution de la
maladie (2, 3, 4).
Les mécanismes menant à une détériora-
tion de la tolérance glucidique au cours de
la mucoviscidose ne sont que partiellement
compris. La réduction de la masse des îlots
de Langerhans du pancréas, avec comme
conséquence fonctionnelle une insulinopé-
nie est bien documentée ; cette insulinopé-
nie s’accroît avec l’évolution de la muco-
viscidose et est associée à l’insuffisance
pancréatique externe (5). Les données
concernant l’existence d’une insulinorésis-
tance périphérique qui contribuerait aux
anomalies de la tolérance glucidique sont
plus délicates d’interprétation, voire même
contradictoires (5).
Quoi qu’il en soit, la mise à l’insuline lors
du diagnostic de diabète permet d’amélio-
rer l’état des patients (5, 6). Il nous semble
donc nécessaire de dépister les anomalies
de la tolérance glucidique.
L’insulinothérapie reste le moyen thérapeu-
tique majeur pour ces enfants et adolescents
qui ont une insulinopénie, et chez qui les
actions anabolisantes de l’insuline sont cru-
ciales. Le diabète doit donc être traité et sur-
veillé avec les mêmes moyens et les mêmes
objectifs que chez les patients atteints de
diabète auto-immun. Bien évidemment, il
faudra mettre en place le traitement en
tenant compte de la lourdeur de celui déjà
institué et des possibilités psychologiques du
patient. À cet égard, la découverte du diabè-
te, parfois devant des manifestations cli-
niques bruyantes, représente un drame pour
le patient et sa famille, qui découvrent une
“deuxième maladie” en plus d’une patholo-
gie qui nécessite une prise en charge déjà
lourde. Cela suppose une évaluation du pro-
blème avec l’équipe médicale et une négo-
ciation avec le patient lui-même.
Épidémiologie
(tableau I)
La fréquence du diabète chez les patients
atteints de mucoviscidose varie de 6 à
26 % (en moyenne 8 à 15 % [7]), selon
les séries. Ces données proviennent de
l’expérience de grands centres qui suivent
200 à 900 patients. Le registre américain
de la mucoviscidose, établi par la Cystic
Fibrosis Foundation en 1990, regroupe les
données concernant 17 857 patients
atteints de mucoviscidose (1). Ces don-
nées ont été collectées dans 114 centres
agréés pour le traitement de la mucovisci-
dose et il est estimé que ce registre repré-
sente environ 75 % de tous les cas dia-
gnostiqués de mucoviscidose aux États-
Unis. Le diabète traité par insuline est
présent chez 4,1 % des 15 569 patients
répertoriés. La prévalence du diabète trai-
té par insuline augmente avec l’âge des
patients, de moins de 1 % pour ceux âgés
de moins de 10 ans, à plus de 10 % pour
ceux âgés de plus de 25 ans et jusqu’à
13,4 % pour ceux âgés de plus de 36 ans
(tableau I). Ces résultats méritent com-
mentaires : ce registre n’est pas suffisam-
ment représentatif des adultes atteints ni
des cas les moins graves ; la distribution
de cette population est orientée vers des
âges plus jeunes, donc moins susceptibles
d’être atteints de diabète. Par ailleurs, les
problèmes diagnostiques que nous rever-
rons font penser que le diabète peut ne pas
être diagnostiqué chez ces patients et donc
que la fréquence réelle du diabète est
sous-estimée dans ce contexte de muco-
viscidose. Par définition, ce registre repré-
sente les sujets atteints de mucoviscidose,
en cours de traitement par insuline. On
peut citer une étude européenne dans
laquelle, sur 1 348 patients atteints de
mucoviscidose, 4,9 % ont un diabète trai-
té par insuline ou sulfamides hypoglycé-
miants (8). La prévalence du diabète est
plus élevée chez les filles que chez les
garçons (6,9 % vs 3,1 %). Le diagnostic
de diabète est fait à un âge plus précoce
chez les filles que chez les garçons
Mucoviscidose et anomalies
de la tolérance glucidique
M. Polak*
* Service d’endocrinologie et diabétologie
pédiatrique du Pr P. Czernichow, Inserm U457,
hôpital Robert-Debré, Paris.
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(14,5 ans vs 19,9 ans). Nous reviendrons
plus loin sur le fait que, dans cette étude,
le diabète affecte plus fréquemment les
patients homozygotes pour l’anomalie du
gène du CFTR, deltaF508 (8). Les auteurs
danois retrouvent, lors d’une étude
exhaustive des patients de la région de
Copenhague, en fondant leur diagnostic
sur l’hyperglycémie provoquée par voie
orale, une fréquence beaucoup plus éle-
vée de diabète, qui traduit probablement
la fréquence maximale de diabète associé
à la mucoviscidose, 3 % à l’âge de 10 ans,
24 % à l’âge de 25 ans et 75 % à l’âge de
30 ans (9).
Physiopathologie
La lésion pancréatique :
anatomie
pathologie
Grâce à des études anatomiques du pan-
créas d’enfants ou de jeunes adultes, on
dispose d’analyses histologiques précises
de la lésion pancréatique endocrine per-
mettant d’avancer dans la compréhension
du diabète. Ces travaux n’ont pourtant pas
fait toute la clarté sur la cause réelle de l’in-
sulinopénie. Il existe une diminution du
nombre des cellules à insuline plus mar-
quée dans le cas d’un diabète associé à la
mucoviscidose que dans les cas de muco-
viscidose sans diabète. Cette diminution
est toutefois moins importante que dans le
cas d’un diabète de type I. De plus, le
nombre de cellules à glucagon semble pré-
servé mais non augmenté ; c’est ce qui peut
expliquer l’absence de cétose dans le dia-
bète de la mucoviscidose, mais n’explique
pas la physiopathologie de l’atteinte. Il est
donc tentant de postuler que des phéno-
mènes vasculaires, expliquant l’atteinte de
la partie central de l’îlot, sont en jeu. Cela
est concordant avec la conception actuelle
de l’îlot de Langerhans conçu comme un
micro-organe vascularisé par des capil-
laires fenêtrés naissant d’une artériole qui
entre directement dans la masse centrale
des cellules bêta avant de se diviser.
Les études fonctionnelles :
insulinopénie et insulinorésistance
(tableau II, p. 74)
Même s’il est admis sur la base des lésions
histologiques et des dosages périphériques
que l’anomalie essentielle est une insulino-
pénie, d’autres facteurs viennent ajouter
leur effet à l’insuffisance de sécrétion des
cellules bêta, contribuant à l’intolérance au
glucose, puis au diabète. Rappelons que le
pancréas exocrine a un rôle essentiel sur
l’action de
stimulation de l’insuline,
par le
biais des hor
mones intestinales.
Par
ailleurs, le rôle
aggra
vant
de la malnutri-
tion et des infections sur l’intolérance au
glucose peut être évoqué.
La résistance à
l’insuline et l’augmentation de la néogluco-
génèse au cours de l’infection peuvent jouer
un rôle dans la révélation de l’intolérance
au glucose. L’étude des récepteurs de l’in-
suline au niveau des monocytes, chez des
sujets porteurs d’une mucoviscidose, a
montré un accroissement du nombre de
récepteurs et une diminution de leur affini-
(10, 11). Cette augmentation du nombre
des récepteurs pourrait être due à l’insuli-
nopénie et/ou à la maigreur de ces patients.
La sensibilité à l’insuline, part importante
de la tolérance glucidique, a été étudiée
plus récemment. Geffner rapporte une
observation d’intolérance au glucose asso-
ciée à une résistance à l’insuline, retrouvée
également chez les parents de ce jeune
adulte ; cela souligne la nécessité de
prendre en considération les données fami-
liales d’insulinorésistance, indépendam-
ment de la mucoviscidose pour l’interpréta-
tion des résultats (12). La part de la résis-
tance à l’insuline dans l’intolérance au glu-
cose et/ou la découverte du diabète au cours
des infections respiratoires aiguës est mal
connue. Les études de la sensibilité à l’in-
suline sont divergentes. Avec la technique
de référence, le clamp euglycémique hyper-
insulinique, la sensibilité à l’insuline a été
trouvée normale (13, 14, 15), augmentée
(16, 17) ou abaissée (18) dans le cas des
sujets intolérants aux hydrates de carbone,
et normale (13, 15) ou abaissée (17, 18)
chez les patients ayant un diabète associé à
la mucoviscidose. Ces différences peuvent
être liées, à des niveaux glycémiques diffé-
rents du clamp, à des âges variés, à une
hétérogénéité des sujets avec différents
types d’anomalie glucidique, à des sujets
témoins non appariés correctement pour le
poids (le surpoids entraînant une résistance
à l’insuline), à des modes de calcul diffé-
rents ou encore à des facteurs familiaux et
génétiques différents selon les individus et
les populations étudiées. On peut noter que
certaines études ne retrouvent pas d’insuli-
norésistance lors de la puberté, ce qui paraît
étonnant car l’apparition d’une insulinoré-
sistance lors de la puberté est une donnée
bien établie (13). De plus, il semble aussi
étonnant de ne pas retrouver d’altération de
la sensibilité à l’insuline chez ces patients
Prévalence (%) États-Unis Europe
par tranches d’âge 15 569 sujets 1 348 sujets
(années) garçons fille
0-5 0,2 0 0
6-10 0,5 0 1,4
11-15 2,8 0 6,6
16-20 7 3,5 7,1
21-25 9,7 6,1 17,3
26-30 11,9
>26 14,8 14,8
31-35 11
>36 13,4
Tableau I. Diabète traité par insuline ou sulfamides et mucoviscidose : données épidémiologiques.
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porteurs d’infection chronique, facteur bien
identifié d’insulinorésistance. Compte tenu
de la lourdeur de la mise en place d’une
telle technique, peu de sujets ont pu être
étudiés (tableau II). Enfin, la clairance
métabolique de l’insuline est accrue chez
les patients atteints de mucoviscidose (15,
16). Certains ont pu montrer la présence
d’une insulinorésistance avec la technique
du clamp euglycémique hyperinsulinique
chez les patients atteints de mucoviscidose,
quelle que soit leur tolérance glucidique, et
corréler cette insulinorésistance à une dété-
rioration du statut clinique (19).
Hypothèse auto-immune
Certains auteurs ont mis en évidence la
présence d’anticorps anti-îlots de Langer-
hans chez ces patients (20). Mais d’autres
auteurs n’ont pas retrouvé ces anticorps
(21). Par ailleurs, il n’a pas été montré de
lien entre le diabète de la mucoviscidose et
les groupes HLA DR3 ou DR4 si spéci-
fiques du diabète auto-immun (22). Ces
deux observations, associées au fait qu’il
n’a jamais été observé au plan histologique
d’insulite (infiltration lymphocytaire des
îlots de Langerhans), font que l’hypothèse
auto-immune ne peut plus être retenue.
Il est intéressant de comparer la prévalence
du diabète associé à la mucoviscidose avec
celle du diabète auto-immun de type I. La
prévalence de ce dernier est moins bien
connue que son incidence, mais peut être esti-
mée aux États-Unis à environ 0,13 % chez les
enfants âgés de moins de vingt ans, donc bien
inférieure à la prévalence du diabète traité par
insuline dans la mucoviscidose.
Description des anomalies
du métabolisme glucidique
Deux types d’anomalies de la tolérance au
glucose sont rencontrées, ils se succèdent
dans le temps. Ce sont les anomalies de
régulation de la glycémie sans glycosurie
permanente et le diabète nécessitant un
traitement par l’insuline.
Les anomalies de la glycémie
Pour l’évaluation de la tolérance au gluco-
se, les glycémies et insulinémies ont été
dosées au cours du test d’hyperglycémie
par voie orale (HGPO), qui reste l’outil
essentiel d’évaluation. Des anomalies de la
tolérance au glucose évaluées au cours
d’une HGPO sont trouvées chez 15 à 55 %
des sujets. Les variations dans la préva-
lence de ces anomalies sont dues en partie
à l’hétérogénéité des groupes de sujets
(âge, nombre) et aux différences de critères
de définition et de méthodes. Sur
49 patients étudiés par Robert et al., une
intolérance au glucose est découverte chez
14 enfants, une hyperglycémie isolée à la
2eheure du test chez 6 malades (21). Bien
qu’en moyenne les glycémies basales
soient élevées chez ces enfants, ces para-
mètres n’avaient que peu de valeur prédic-
tive sur la tolérance au glucose démontrant
l’importance de l’HGPO pour l’explora-
tion de ces patients. La fréquence de l’into-
lérance au glucose s’accroît avec l’âge et la
sévérité clinique de la maladie.
On peut discuter des résultats des insuliné-
mies dosées au cours de l’HGPO. Les résul-
tats sont concordants dans toutes les études.
Les patients qui ont une tolérance au gluco-
se normale, ont des insulinémies inférieures
à celles des sujets sains contrôles. Ainsi,
Mohan et al. ont montré que le pic moyen
d’insulinémie chez ces sujets, après charge
orale de glucose, atteint 70 mU/ml versus
100 mU/ml chez les témoins (23). Les
patients qui ont une intolérance au glucose
ont une insulinopénie et un pic de sécrétion
d’insuline retardé : 50 mU/ml à 120 mn.
Les sujets diabétiques ont une insulinopé-
nie marquée et des taux abaissés de peptide
C plasmatique, témoignant de l’insuffisan-
ce de sécrétion des cellules bêta. Par
ailleurs, la sécrétion d’insuline est globale-
ment diminuée au cours de l’épreuve
d’HGPO sans relation avec le degré d’into-
lérance au glucose. Il ne faut pas oublier
qu’il existe d’autres facteurs responsables
de l’hyperglycémie. Les données sur la sen-
sibilité à l’insuline, décrites ci-dessus, ne
permettent pas d’apporter d’éléments expli-
catifs définitifs.
Synthèse
Auteurs Nombre Sensibilité Intolérance Diabète
de sujets (n) à l’insuline au glucose
Cucinotta (1994) 12 normale
12 normale +
6normale +
Lanng (1994) 10 normale
10 normale +
Ahmad (1994) 12 augmentée + (n = 3) + (n = 2)
Moran (1994) 7 augmentée +
7diminuée +
Austin (1994) 4 normale
4diminuée +
Hardin (1997) 8 diminuée
5diminuée +
5diminuée +
Tableau II. Étude de la sensibilité à l’insuline chez des patients atteints de mucoviscidose. La tolérance glu-
cidique est définie sur les résultats de l’hyperglycémie provoquée par voie orale. La sensibilité à l’insuline est
étudiée par le clamp euglycémique hyperinsulinique, méthode de référence. + - dénote respectivement la pré-
sence ou l’absence de l’anomalie. Certains ont une tolérance glucidique normale, ils sont: intolérance au glu-
cose -, diabète -.
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Les autres tests utilisés confirment ces don-
nées et permettent aussi d’étudier la ré-
serve insulinique. L’insulinopénie est déce-
lée au cours du test d’hyperglycémie par
voie intraveineuse, ce test permettant seul
de déceler les anomalies précoces de l’in-
sulinosécrétion grâce à des mesures répé-
tées quelques minutes après l’injection (24,
25). La sécrétion d’insuline sous arginine
i.v. est également insuffisante (17).
Chez 7 personnes atteintes de mucovisci-
dose, soit diabétiques, soit présentant une
intolérance aux hydrates de carbone, il a
été montré que la concentration sanguine
de proinsuline était, à jeun comme après
charge orale en glucose, plus élevée que
celle de 9 sujets présentant une mucovisci-
dose avec tolérance glucidique normale
(26). Ces derniers ne différaient pas sur ce
point d’un groupe de 14 sujets témoins.
Cela tend à suggérer que certaines des
enzymes de conversion de la proinsuline en
insuline sont déficientes, ou que le pancréas
compense sa sécrétion insuffisante d’insu-
line par la sécrétion de proinsuline (16).
Hémoglobine glyquée
L’ensemble des études portant sur ce sujet
démontre une élévation de l’hémoglobine
glyquée (Hb A1c), qui reflète l’équilibre
glycémique moyen des deux à trois mois
qui précède le dosage, comparée aux
valeurs normales (21). Curieusement, il
n’y a pas de corrélation entre Hb A1c et
HGPO. Cela pourrait indiquer qu’il existe
des phases d’hyperglycémies transitoires,
peut-être liées à des surinfections pulmo-
naires. C
e paramètre, en tout cas, ne semble
pas être prédictif du diabète, avec une sen-
sibilité diagnostique du diabète de 54 %
pour l’Hb A1c (21). On retrouve les conclu-
sions sur l’absence de valeur prédictive de
l’Hb A1c dans la population générale pour
le diabète insulino- ou non insulino-dépen-
dant. Sur cette base, il a été pro
posé de
dépister le diabète par une HGPO prati-
quée tous les ans, à partir de l’âge de dix
ans puisque des glycémies répétées au
hasard sont aussi un piètre prédicteur du
diabète (9, 27).
Autres hormones pancréatiques
Il existe une atteinte de toutes les fonctions
endocrines du pancréas. La sécrétion de
glucagon, après stimulation par l’arginine
i.v., est insuffisante chez les patients pré-
sentant une intolérance au glucose par rap-
port aux sujets sains. Les taux de GIP
(Gastric Inhibitory Peptide) et PP (poly-
peptide pancréatique) sont abaissés à l’état
basal et stimulés (10, 17). D’autres ont
retrouvés des taux de GIP, GLP1 normaux
et ont confirmé l’absence de réponse du
polypeptide pancréatique (28).
Corrélation
entre l’atteinte endocrine
et déficit pancréatique externe
Certains ont suggéré une corrélation entre
la présence du diabète sucré et le génotype
deltaF508 à l’état homozygote (8).
Cependant, d’autres auteurs n’ont pas
confirmé cette liaison du diabète à un
génotype particulier (29, 30). En revanche,
une corrélation entre insuffisance pancréa-
tique externe et atteinte deltaF508 à l’état
homozygote existe (The cystic fibrosis
genotype-phenotype consortium 1993). La
présence de l’insuffisance pancréatique
externe permet d’expliquer l’apparition du
diabète, sans avoir besoin d’impliquer
l’anomalie du canal chlore directement
dans la pathogénie du diabète, ce d’autant
plus que le canal chlore n’est pas exprimé
dans les cellules insulinosécrétrices (31). À
cet égard, l’étude de Moran est la plus
éclairante et jette quelques lumières sur le
plan physiopathologique ; elle mérite
d’être détaillée (17). Les 10 patients
atteints de mucoviscidose, qui n’ont pas de
déficit pancréatique exocrine et pas de dia-
bète, ont une glycémie et un C peptide à
jeun normal, une réponse du C peptide
normale en quantité mais un peu décalée
dans le temps, à la stimulation par le glu-
cose donné par voie orale, et une réponse
normale de l’insulinosécrétion induite par
le glucose intraveineux ou l’arginine
(cependant, 2 patients sur ces 10 sont into-
lérants au glucose). Les 10 patients ayant
un déficit de la fonction exocrine avec des
glycémies à jeun et un C peptide à jeun
normal ont une réponse du C peptide nor-
male en quantité mais décalée dans le
temps, à la stimulation par le glucose
donné par voie orale (8 sur 10 sont intolé-
rants au glucose), et une réponse insuffi-
sante quantitativement de l’insulinosécré-
tion induite par le glucose intraveineux ou
l’arginine. Le profil endocrinien des
patients atteints d’insuffisance pancréa-
tique exocrine et de diabète est unique, il
ne s’agit pas d’une désensibilisation au
glucose comme dans le diabète de type II ;
l’atteinte associée des cellules alpha, qui
explique avec la persistance de cellules bêta
l’absence de cétose, plaide en faveur d’un
syndrome de “réduction insulaire”. Les
données sont aussi en faveur d’une respon-
sabilité du déficit exocrine dans l’atteint
endocrine (17). Cependant, l’atteinte du
“tout ou rien” de la réponse du C peptide
peut suggérer des différences génétiques et
l’on se souvient que la présence de la muta-
tion deltaF508 est liée à la présence d’une
insuffisance pancréatique externe, tandis
que les patients porteurs d’autres mutations
ont une fonction pancréatique externe
presque normale.
Caractéristiques du diabète
Caractéristiques cliniques
On ne trouve pas dans la littérature de don-
nées cliniques décrivant le diabète à sa
découverte ou encore son évolutivité ;
cependant, quelques caractéristiques se
dégagent.
Les signes de présentation sont souvent la
polyurie, la polydipsie et la perte de poids.
Les facteurs précipitants sont l’apport
hypercalorique, en particulier sous forme
d’une nutrition entérale à débit continu, et
la corticothérapie. Ce diabète s’accom-
pagne exceptionnellement de cétonurie
probablement du fait de la carence en glu-
cagon associée (sauf association déjà décri-
te mais très rare, d’une mucoviscidose avec
un diabète de type I, auto-immun). Il est
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Synthèse
possible que, pour certains, une insulinosé-
crétion persistante bien qu’insuffisante à
normaliser la glycémie, permette une inhi-
bition de la lipolyse et donc empêche la
formation de corps cétoniques.
La présence d’un diabète est un signe d’ag-
gravation de la maladie. Le taux de détério-
ration du score clinique est plus élevé dans
les 5 années qui suivent la première hyper-
glycémie ainsi que le nombre d’hospitalisa-
tions pour infection (32). Le taux de survie
à 30 ans est de 60 % chez les patients
atteints de mucoviscidose non diabétique,
et inférieur à 25 % en cas de diabète insuli-
no-dépendant associé ; cette étude rétros-
pective est basée sur l’analyse de
448 patients dont 34 ont développé un dia-
bète (2). Ces données n’ont pas été confir-
mées par une étude rétrospective de 713
patients dont 37 sont traités par insuline.
Les patients atteints de diabète ne sont pas
différents, comparés à des patients non dia-
bétiques, en termes de fonction pulmonaire,
de statut nutritionnel et de survie (4).
Cependant, cette dernière étude n’utilise pas
de test de tolérance glucidique pour définir
le diabète ; des sujets diabétiques peuvent
donc avoir été inclus dans le groupe des
non-diabétiques et avoir modifié les résul-
tats. La prise en charge du diabète pourrait
aussi modifier le pronostic. Ainsi, la réper-
cussion du diabète sur la fonction pulmo-
naire, la survie des patients atteints de
mucoviscidose ne paraît pas clairement éta-
blie. Néanmoins, la mise à l’insuline lors du
diagnostic de diabète permet d’améliorer
l’état nutritionnel et les paramètres de la
fonction pulmonaire, et de restaurer l’in-
dice de masse corporelle (5). De plus, il
existe chez les sujets atteints d’un diabète
de type I, par rapport aux sujets témoins
non diabétiques, une détérioration des para-
mètres de la fonction pulmonaire, ainsi
qu’une corrélation entre ces paramètres et
le contrôle métabolique. Cela montre que
chez les sujets ayant des anomalies de la
tolérance glucidique associées à la muco-
viscidose, il existe un effet délétère de l’hy-
perglycémie et de la malnutrition qui l’ac-
compagne, sur la fonction pulmonaire.
Microangiopathie diabétique
L’espérance de vie des patients atteints de
mucoviscidose ne permettait pas, il y a
encore quelques années, d’observer le
retentissement vasculaire du diabète. On
sait en effet que la microangiopathie diabé-
tique est liée à l’équilibre et à la durée du
diabète. Des études rapportent la survenue
de manifestations de microangiopathie dia-
bétique chez ces patients (33, 34, 35, 36).
Certains facteurs d’aggravation de l’hyper-
glycémie sont évoqués : mauvais contrôle
du diabète, perfusions de solutés glucosés,
stéroïdes. La gravité de ces données fait
insister sur la nécessité d’un dépistage en
routine du diabète chez les patients âgés de
plus de 10 ans, mais aussi sur la nécessité
d’un contrôle glycémique plus strict et
d’une éducation des patients insulinotraités.
Traitement
(tableau III)
Diabète clinique patent
Au stade de diabète clinique patent, l’insu-
linopénie est sévère. L’administration d’in-
suline est indispensable et permet seule de
maintenir l’équilibre glycémique. Les prin-
cipes et objectifs de l’insulinothérapie doi-
vent être les mêmes que chez les patients
diabétiques insulinodépendants, compte
tenu du risque de survenue de graves com-
plications dégénératives, et on ne doit plus
se contenter d’un traitement de confort.
L’insuline peut être administrée par voie
sous-cutanée selon différentes modalités.
Le meilleur schéma sera déduit après
recueil d’un cycle de glycémie capillaire,
pratiqué sur le nychtémère. Certains
enfants auront besoin d’injections d’insu-
line d’action rapide avant les repas pour
minimiser les excursions hyperglycé-
miques postprandiales, et d’une insuline
d’action lente ou intermédiaire en soirée
pour éviter l’hyperglycémie matinale.
D’autres pourront se contenter d’insuline
d’action rapide lors des repas. D’autres
encore auront un schéma plus classique
avec administration d’un mélange d’insu-
line d’action rapide et d’insuline d’action
intermédiaire matin et soir. L’utilisation
d’un stylo injecteur d’insuline contenant
une cartouche d’un type d’insuline ou d’un
mélange facilite grandement l’injection
d’insuline et donc la prise en charge du dia-
bète chez les enfants soumis déjà à de nom-
breux traitements. Un équilibre satisfai-
sant, apprécié par les dosages réguliers
d’hémoglobine glyquée et par l’analyse du
carnet de diabète témoignant de l’autosur-
veillance et de l’autocontrôle par la mesure
pluriquotidienne des glycémies capillaires,
peut être obtenu. Dans notre expérience, ce
contrôle optimal est plus facilement obtenu
que chez les enfants ayant un diabète de
type I, cela étant probablement lié à la
carence en glucagon associée et à une insu-
linosécrétion persistante.
Les doses d’insuline varient beaucoup
selon l’état infectieux respiratoire (32).
Dans notre expérience, il a été nécessaire
d’apporter jusqu’à 6 unités/kg/jour d’insu-
line par voie intraveineuse pour normaliser
les glycémies d’une adolescente ayant un
diabète associé à une mucoviscidose, en
exacerbation de son état infectieux respira-
toire ; il s’agit d’une dose considérable, si
on la compare à la dose moyenne adminis-
trée par voie sous-cutanée à des adoles-
cents ayant un diabète auto-immun, soit
environ 1,2 unité/kg/jour d’insuline.
La mise à l’insuline lors du diagnostic de
diabète permet d’améliorer l’état nutrition-
nel et les paramètres de la fonction pulmo-
naire et de restaurer l’indice de masse cor-
Pronostic vital aggravé de la mucoviscidose
Morbidité accrue avec répercussions :
– sur la fonction pulmonaire ;
sur l’état nutritionnel ;
sur la fréquence des infections.
Possibles complications microangiopathiques
Tableau III. Arguments pour une thérapeutique
active des anomalies de la tolérance glucidique au
cours de la mucoviscidose.
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