M i s e a u ... Hormone de croissance,

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Mise au point
Hormone de croissance,
sport et dopage
J.C. Souberbielle*, M. Guinot**, E. Fink**, Y. Le Bouc**
✎ L’hormone de croissance (growth
hormone : GH) est utilisée comme
produit dopant par certains sportifs
pour ses effets anabolique, lipolytique, anticatabolique et stimulateur
de l’érythropoïèse. Les doses utilisées
semblent être largement supraphysiologiques.
✎ Ces effets sont bien documentés
chez l’adulte déficitaire en GH mais
ne sont pas démontrés chez les nondéficitaires.
✎ Les effets secondaires néfastes de
la GH sont, en revanche, bien connus
(rétention hydrosodée, risques cardiovasculaire et tumoral...).
✎ Le dépistage d’un dopage par la
GH est aujourd’hui difficile en raison
de l’exacte similitude des formes
exogène et endogène, de la demi-vie
L’
hormone de croissance (GH) joue un
rôle essentiel dans la croissance staturale et participe aux régulations métaboliques. Cette hormone protéique de
191 acides aminés est synthétisée par les
cellules somatotropes de l’antéhypophyse
et sécrétée de façon pulsatile. Le contrôle
courte de l’hormone, de l’influence
intrinsèque de l’exercice physique
sur la sécrétion de GH et de l’influence de l’exercice sur l’élimination
rénale de la GH.
✎ Ce dépistage pourrait reposer,
d’une part, sur la mesure des différentes formes moléculaires produites
physiologiquement en exploitant le
rétrocontrôle exercé par la GH exogène (actuellement la forme 22 kD)
sur la sécretion hypophysaire (GH
22 kD + GH 20 kD), et, d’autre part,
sur un faisceau d’arguments établi à
partir de la mesure de paramètres
dits “secondaires” (IGF I, IGFBP3,
ALS, marqueurs du remodelage
osseux ou du métabolisme de collagènes non osseux).
de cette synthèse est assuré par l’hypothalamus : le growth hormone releasing factor
(GRF ou GHRH) la stimule et la somatostatine l’inhibe. Son action sur la stimulation
de la croissance du squelette et des tissus
mous est indirecte, médiée (d’où le nom
autrefois utilisé de somatomédine) par
* Laboratoire d’explorations fonctionnelles, hôpital Necker-enfants malades, Paris ;
** Laboratoire d’explorations fonctionnelles, hôpital A. Trousseau, Paris.
l’IGF I (insulin-like growth factor I). Les
effets métaboliques de la GH sur les métabolismes des glucides (hyperglycémiant) et
des lipides (lipolytique) semblent être
directs. L’IGF I, polypeptide apparenté
structurellement à la proinsuline, présente
des effets opposés à ceux de la GH sur ces
deux métabolismes (hypoglycémiants et
lipogéniques), mais comme la GH, représente un facteur d’anabolisme protéique (1).
Structure des différents
paramètres de l’axe somatotrope
et mécanismes de contrôle
de leur biosynthèse
La GH hypophysaire est principalement
(# 90 %) produite sous la forme d’une protéine de 191 acides aminés avec un PM de
22 kD. Une autre forme de 20 kDa (de
séquence identique à la GH 22 kD, mais
sans les acides aminés 32 à 46) issue d’un
épissage alternatif est produite de façon
minoritaire (# 10 %) et ses actions ne semblent pas franchement différentes de celles
de la GH 22 kD. D’autres formes de GH,
modifiées en post-traductionnel, ne représentent qu’environ 1 % des formes circulantes. Ces différentes molécules sont
retrouvées dans le sérum des sujets normaux, déficitaires en GH ou acromégales.
La sécrétion de GH est sous le contrôle de
facteurs hypothalamiques stimulateurs
(GHRH mais également de nouvelles
molécules appelées GH releasing peptides
ou GHRP) ou inhibiteurs (somatostatine).
Au niveau hypothalamique, les stimulations centrales (stress, sommeil, etc.) ou
périphériques (niveau de glycémie, concentrations des acides aminés, etc.) sont
relayées par différents neuromédiateurs
(adrénergique α et ß, sérotoninergique,
dopaminergique) pour enclencher la réponse
en GHRH ou somatostatine. Il existe de plus
à ce niveau un rétrocontrôle négatif exercé
par l’IGF I (figure 1).
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Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 2, mars-avril 2001
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SNC
(-)
Hypothalamus
GH-RH (+)
Testo (+)
E2
SRIF (-)
(-)
Anté-hypophyse
GH
GH/IGF I
GHBP
GH-R
Insuline
Nutrition
GH
Foie
IGFBPs
IGF I
IGF I /
IGFBPs
IGF I-R
Tissus cibles
GH-R
Figure 1. Représentation schématique de l’axe somatotrope. SNC, système nerveux central. GH-RH : growth
hormone releasing hormone. SRIF : somatostatine. GH : hormone de croissance. GHBP - GH binding protein.
GH-R : récepteur de la GH. IGF I : insulin-like growth factor I. IGFBPs : IGF binding proteins. IGF I-R :
récepteur de l’IGF I. Testo/E2 : testostérone/estradiol.
On peut comprendre la tentation de certains
de prendre des concentrés d’acides aminés
comme l’arginine (stimulateur de la sécrétion de GH), des α mimétiques comme la
clonidine ou des bêtabloquants (la voie bêta
stimule la biosynthèse de la somatostatine)
pour augmenter leur production journalière
de GH. L’effet dure-t-il ?
L’IGF I est un peptide de 70 acides aminés
apparenté structurellement à la proinsuline.
C’est la synthèse hépatique qui assure principalement la concentration sérique
d’IGF I. Toutefois, de nombreux tissus synthétisent également de l’IGF I à action
locale. Un deuxième peptide très proche
structurellement, l’IGF II (67 acides aminés), est produit par pratiquement tous les
tissus et semble davantage impliqué dans la
croissance fœtale. Son action physiologique en période postnatale n’est pas, à
l’heure actuelle, encore bien élucidée.
Les IGF I et II sont associés dans leur grande
majorité (# 99 %) à des protéines de liaison
hautement spécifiques (affinités de l’ordre
de 109-1011 M-1) ou IGF Binding Proteins
(IGFBPs) qui sont au nombre de 6 (IGFBP
1 à 6). Parmi ces IGFBPs, trois sont particulièrement à retenir. L’IGFBP3 est quantitativement la plus importante (2) et elle est
associée dans la circulation à une autre protéine, l’acide labile subunit (ALS), pour
former avec une molécule d’IGF un gros
complexe de haut PM (150 kDa) qui assure le stockage des IGFs et diminue leur
clairance (une demi-vie d’IGF I dans ce
gros complexe de l’ordre de 12-15 heures
au lieu de 10 minutes pour l’IGF I libre).
La biosynthèse hépatique de l’IGFBP3,
comme celle de l’ALS, est stimulée par la
GH. Deux autres IGFBPs, la BP1 et la
BP2, présentes dans la circulation en quantité moindre que la BP3 sont facilement
détectables par des techniques simples
d’immunoanalyse. Ces deux IGFBPs sont
régulées négativement par la GH. La biosynthèse d’IGFBP1 est, de plus, régulée
négativement (et rapidement) par l’insuline, ce qui entraîne des variations très
rapides de sa concentration sérique en
fonction de la prise alimentaire.
La nutrition a également un impact majeur
sur la biosynthèse d’IGF I et de BP3. En
cas de dénutrition, il existe une diminution
très forte du nombre de récepteurs hépatiques de la GH avec, pour conséquence,
une diminution de la biosynthèse d’IGF I et
d’IGFBP3 dont les taux plasmatiques peuvent être effondrés.
Enfin, les stéroïdes sexuels ont un impact
sur la sécrétion de GH et d’IGF I comme
l’illustre l’augmentation de leurs concentrations sériques au cours de la puberté.
Le dopage à la GH est-il efficace?
Les effets de la GH chez l’adulte
déficitaire en GH
La tentation d’utiliser la GH comme substance dopante vient de son action thérapeutique chez les patients déficitaires en
GH (GHD), notamment les GHD adultes.
De nombreuses études ont été réalisées à ce
sujet chez des GHD adultes dont le déficit
avait débuté lors de l’enfance. Les effets à
long terme (3 ans) de la GH (dont les doses
varient de 1 à 3 UI/m2/jour) sont tout à fait
nets (3):
– augmentation progressive des masses
musculaires des jambes (+ 29 %) ;
– diminution de la graisse sous-cutanée et
abdominale respectivement de 30 % et
46 % (produisant des éléments énergétiques pour les sports d’endurance ?) ;
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Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 2, mars-avril 2001
– densité minérale osseuse augmentée de
10 à 16 % en 3 ans suivant le site osseux
mesuré ;
– augmentation de certaines fonctions cardiaques, notamment du volume d’éjection
systolique (+ 16 %) et du débit cardiaque
(+ 33 %).
En fait, si le traitement par hGH améliore
et normalise la performance maximale à
l’exercice musculaire de l’adulte GHD, ces
changements semblent essentiellement dus
à l’augmentation (ou plutôt à la restauration) de la masse musculaire et à la normalisation de la force musculaire de certains
muscles proximaux des membres inférieurs
et de la ceinture. En effet, une augmentation de la VO2 max n’est notée que lorsqu’elle est exprimée par kilo de poids corporel total et disparaît lorsqu’elle est exprimée par rapport à la masse maigre ou à la
surface musculaire de la cuisse (4, 5).
Ainsi, le traitement par hGH corrige les
anomalies de composition corporelle et
restaure les masses musculaires qui sont
déficitaires chez les GHD.
Les effets de la GH
chez l’adulte sain
Différents essais de traitement par la GH
ont été réalisés chez des sujets dont la fonction somatotrope était normale. Des sujets
âgés, réalisant un exercice musculaire pendant 4 mois, améliorent leur synthèse protéique musculaire, un traitement par hGH
n’ajoutant rien de plus à l’effet de l’exercice musculaire malgré une augmentation
très significative des concentrations plasmatiques d’IGF I (6). Par ailleurs, chez des
sujets jeunes (22-33 ans) et très entraînés,
la GH (24 UI/semaine, c’est-à-dire une
dose supraphysiologique) ne modifie que
peu la masse maigre (augmentation de
4 %) et la masse grasse (diminution de
12 %) alors que les concentrations d’IGF I
sont augmentées (tout en restant dans la
zone physiologique) et la GH endogène
freinée (7). Ces modifications minimes
peuvent cependant être utilisées par les
sportifs de haut niveau pour qui une faible
amélioration du rendement musculaire peut
tout simplement faire “la différence” à un
niveau international de compétition.
Malgré l’absence d’études contrôlées, il a
été suggéré qu’existait une augmentation
de la VO2 max sous GH, d’une part, par
augmentation du débit cardiaque (effet
inotrope de la GH [8]) et d’autre part, par
augmentation de la volémie en relation
avec un effet inhibiteur de la sécrétion de
facteur natriurétique auriculaire (9). Il ne
faut pas non plus ignorer l’effet de stimulation de l’érythropoïèse par l’IGF I qui peut
intéresser les sportifs d’endurance (10).
La GH peut également présenter un autre
avantage pour le sportif par sa propriété de
s’opposer à certains états de catabolisme
protéique. De nombreux essais ont été réalisés dans différents états cataboliques
comme, par exemple, chez des patients
venant de subir une cholécystectomie (11).
Malgré une alimentation parentérale hypocalorique, la GH permet de maintenir un
taux constant d’albuminémie plasmatique,
d’améliorer la balance azotée, de diminuer
l’incidence des infections et de réduire le
temps d’hospitalisation. Le sportif est-il
tenté d’utiliser la GH pour récupérer plus
rapidement après un exercice d’endurance
long et violent ou une blessure, ou pour prévenir la destruction des fibres musculaires ?
La GH et ses effets indésirables
L’analyse systématique des enfants traités
par hGH, comme le réalise le laboratoire
Pharmacia Upjohn depuis de nombreuses
années sur une cohorte européenne de
26 000 enfants environ (étude KIGS [12]),
a principalement rapporté des effets secondaires mineurs (tels que céphalées, infections des voies aériennes supérieures,
otites, pharyngites, convulsions, etc.) dont
on ne sait en fait pas s’ils sont à mettre sur
le compte du traitement, de la pathologie
ayant conduit à un traitement par hGH
(certains signes sont plus fréquemment
retrouvés dans les syndromes de Turner ou
chez les insuffisants rénaux traités par
hGH) ou s’ils sont simplement associés au
traitement de façon fortuite. Les symptomatologies plus inquiétantes, telles que
leucémies, tumeurs, épiphysiolyses de la
tête fémorale, ostéochondrites de la
hanche, etc., ne semblent pas plus fréquentes que dans la population générale.
Notons toutefois qu’il s’agit là de résultats
obtenus chez l’enfant.
En ce qui concerne les adultes GHD, les
doses de GH utilisées ont dû être diminuées (à # 1 UI/jour) puisque les traitements utilisés initialement entraînaient dès
les premiers jours des symptômes de rétention hydrosodée : douleurs articulaires,
œdème périorbitaire, syndrome du canal
carpien. L’utilisation de doses supraphysiologiques en traitement chronique par la GH
peut entraîner des complications à long
terme si on se réfère à celles rencontrées
dans l’acromégalie : pathologies cardiovasculaires, respiratoires ou tumorales (côlon
notamment [13]) qui réduisent l’espérance
de vie de ces patients. Par ailleurs, différentes études ont montré qu’il existait une
relation positive entre les concentrations
sériques d’IGF I (même dans la zone normale physiologique) et le risque de cancer
de la prostate (14) ou du sein (15).
Enfin, le risque de maladie de CreutzfeldJacob ne peut pas être écarté chez le sportif qui aurait utilisé (ou qui utiliserait encore?) de la GH extraite d’hypophyses prélevées sur des cadavres humains.
Dopage par la GH et dépistage
Malgré le manque d’évidence scientifique
prouvant un effet bénéfique de la GH pour
le sportif, celle-ci semble utilisée à des
doses supraphysiologiques dans le monde
du sport. C’est tout du moins ce que suggèrent la rumeur, mais aussi des publications
non scientifiques (16, 17) ou les colonnes
de la presse quotidienne qui rapportent
régulièrement la saisie par la police ou les
douanes de flacons d’hGH dans les
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Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 2, mars-avril 2001
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bagages de sportifs ou d’entraîneurs. Cette
utilisation semble très largement dépasser
le domaine du sport de haut niveau puisque
5 % des adolescents étudiants américains
interrogés dans le cadre d’une étude
conduite par des pédiatres ont déclaré utiliser (ou avoir utilisé) de la GH dans un but
de dopage (18).
La GH étant désignée comme une substance interdite par le Comité international
olympique (CIO), il faut déterminer la
meilleure méthode pour en détecter l’usage. Cette détection par dosage direct de la
GH est toutefois compliquée car :
– la GH recombinante exogène est identique à l’hormone endogène naturelle et on
ne peut donc pas utiliser des méthologies
identiques au dépistage des stéroïdes de
synthèse (par exemple, le rapport isotopique 13C/12C n’a pas été retrouvé différent
de celui de la GH hypophysaire dans deux
préparations commerciales d’hGH parmi
trois étudiées [19]) ;
– la sécrétion de GH hypophysaire est pulsatile et un prélèvement au hasard pourrait
ne refléter qu’un pic spontané de
sécrétion ;
– le dépistage par dosage urinaire de la GH
immédiatement après une compétition
(c’est le principe de la plupart des tests
antidopage) serait critiquable en raison de
la modification de l’élimination urinaire de
la GH par certains types d’activité physique (20) ;
– la demi-vie de la GH est courte et sa
mesure (sang ou urine) ne permettrait de
toute façon de ne dépister qu’une prise
récente.
Il semble aujourd’hui que seules les analyses sanguines offrent de détecter un dopage par la GH. L’orientation principale
actuellement prise est d’étudier les variations des marqueurs de l’action de la GH
comme les paramètres de l’axe somatotrope
(IGFs, IGFBPs, ALS, etc.), les marqueurs
du remodelage osseux (ostéocalcine, marqueurs du métabolisme du collagène de
type I, etc.) ou du renouvellement de collagènes non osseux (comme le P3NP).
Pour optimiser cette approche, il faut tenir
injections de GH (IGF I, ALS) reviennent
compte de l’influence de l’activité sportive
relativement rapidement à la normale (2 à 4
sur ces différents paramètres. Il faudrait
jours), alors que l’augmentation des mardonc disposer de valeurs de référence obtequeurs du renouvellement osseux (ostéonues chez des sportifs (non dopés, cela va
calcine, P1CP) ou de la formation de collade soi !) pratiquant différents types de
gènes non osseux (P3NP) est moins imporsports (endurance, résistance, etc.), en pretante mais semble plus persistante (22, 23).
nant également en compte l’âge, le sexe, le
Cela a été vérifié dans une autre étude ranniveau et la période d’activité sportive
domisée contre placebo (99 sujets inclus)
(entraînement, compétition). Pour informaoù l’influence sur les marqueurs osseux
tion, une étude préliminaire récente chez
d’une “cure” de 28 jours de GH à doses
des sportifs de haut niveau ne nous a pas
importantes (0,1 U/kg/jour ou 0,2 U/kg/
montré de différence de concentration
jour) a été étudiée (24). Après 28 jours de
sérique de certains de ces facteurs (comme
traitement par GH, les quatre marqueurs
l’IGF I) par rapport aux normes pour l’âge.
étudiés (ostéocalcine, P1CP, 1CTP et
Afin d’éliminer les facteurs confondants
P3NP) étaient augmentés de manière dosedans le cadre d’un dépistage effectué à la
dépendante. L’augmentation était plus
fin d’une compétition, il a fallu bien caracimportante chez les hommes que chez les
tériser, d’une part, le retentissement aigu de
femmes. Les marqueurs subissant l’augl’activité sportive sur les paramètres de
mentation la plus importante après 28 jours
l’axe somatotrope et les marqueurs osseux
de traitement par GH étaient le P3NP
et, d’autre part, l’effet de l’administration
(+ 150 % en moyenne) et le 1CTP
de GH à doses supraphysiologiques sur ces
(# 100 %). Toutefois, l’augmentation resmêmes paramètres. Ces résultats, issus
tait significative 8 semaines après l’arrêt
d’études contrôlées contre placebo récemdes injections de GH pour le P3NP et l’osment publiées, sont résumés dans le
téocalcine, alors que le P1CP et le 1CTP
tableau I. Schématiquement, un exercice
étaient revenus à leur niveau initial moins
bref et intense induit une augmentation
de 2 semaines après la fin du traitement par
transitoire de la production de GH et des
GH. Les auteurs ont calculé que, immédiamarqueurs de son action qui se normalisent
tement après les 28 jours de traitement, la
une à deux heures après la fin de l’exercice
sensibilité du P3NP pour séparer les sujets
(21, 22, 23). Après une semaine d’adminisayant pris de la GH de ceux ayant eu le platration de GH à doses supraphysiologiques
cebo était de 0,84 avec une spécificité de
(0,15 U/kg/jour), la réponse biologique au
même type d’exercice
(effectué 3 heures après Tableau I. Effets de l’exercice et de la GH (d’après [20, 22, 23]).
la dernière injection de
Effet d’un exercice
Effet de la GH
GH) est atténuée, mais
bref et violent
exogène
les concentrations ba(≥ 60 % VO2max)
sales des différents paramètres sont très augGH
+++
+++
mentées et ne reviennent
GHBP
+
±
à la normale que longIGF I
+
+++
temps (plusieurs jours
IGFBP1
+
pour certains paraIGFBP2
+
mètres) après la fin de
IGFBP3
+
+
l’exercice. Parmi les
+
++
paramètres étudiés, ceux ALS
Protéase BP3
+
?
qui présentent les variaP3NP
+
++
tions les plus impor+
+(+)
tantes en réponse aux Marqueurs osseux
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Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 2, mars-avril 2001
0,95. L’étude des concentrations de ces
marqueurs secondaires ou mieux, de leurs
variations au cours du temps, pourrait permettre de constituer un faisceau d’arguments orientant vers une prise illicite
d’hGH. Dans ce cadre, la mise en place
prochaine d’un suivi longitudinal du sportif
de haut niveau (dont la vocation n’est toutefois pas le dépistage du dopage mais plutôt le suivi médical des sportifs) devrait
apporter des informations sur les variations
de certains de ces paramètres avec le
temps. Il conviendra, dans ce contexte,
d’avoir une idée précise de la variabilité
intra-individuelle des paramètres étudiés
(c’est-à-dire du coefficient de variation que
l’on obtient en mesurant ces paramètres
plusieurs fois chez des sujets dont l’équilibre physiologique est stable), afin de ne
pas étiqueter les effets du dopage ou d’une
pathologie, des modifications biologiques
qui seraient tout simplement physiologiques. Il sera possible de déterminer, à
partir de ce coefficient de variation intraindividuel, le plus petit changement significatif (least significant change [LSC]) que
l’on pourra considérer comme reflet d’une
réelle modification biologique (comme
l’effet d’un dopage, par exemple). On peut
noter que cette notion de variabilité intraindividuelle devrait être appliquée à tous
les domaines de la biologie, à partir du
moment où l’on compare plusieurs valeurs
d’un même paramètre chez un même individu (par exemple, avant et pendant un traitement ou lors d’une épreuve dynamique
d’exploration endocrinienne). À ce titre,
nous avons récemment évalué (25) la variabilité intra-individuelle de plusieurs paramètres intéressants pour le dépistage d’un
dopage par la GH.
En plus de ces paramètres indirects de détection de la prise illicite de GH recombinante
(GH 22 kD), le dépistage pourrait utiliser
l’effet de rétrocontrôle sur la production
hypophysaire de GH (GH 22 kD + 20 kD).
La mesure spécifique de la GH 20 kD
devrait permettre de mettre en évidence en
cas d’apport de GH exogène la diminution
ou même la disparition de cette forme
moléculaire non apportée par les injections
de GH recombinante. Dans une étude
récente (26), le rapport 20 kD/22 kD a permis une discrimination complète entre des
sujets GHD traités par hGH et des
contrôles non traités. Cette approche, si
elle est validée, pourrait permettre la détection à coup sûr d’une prise récente (moins
de 36 à 48 heures ?) de GH dans un but de
dopage.
Conclusions et perspectives
Ainsi, si axe somatotrope, activité physique
et fonction musculaire sont très étroitement
liés, il n’est pas évident que l’apport exogène de GH permette d’améliorer les performances sportives chez le sujet sain et
bien entraîné. Il n’est toutefois pas exclu
qu’elle puisse être bénéfique pour la réparation musculaire après une période catabolique. Son effet lipolytique doit très certainement intéresser certains types compétiteurs (comme les body-builders).
Si le bénéfice d’un dopage par la GH n’est
pas scientifiquement prouvé, il faut garder
en mémoire que les doses utilisées par les
sportifs seraient très nettement supérieures
(on parle de 16 UI/jour) aux doses étudiées
(environ 1 UI/jour) dans les travaux scientifiques publiés où, par ailleurs, les durées
de traitement étaient relativement courtes,
par rapport à celles du dopage. Enfin,
l’éventuel effet additif de la GH et des anabolisants stéroïdiens sur la force musculaire n’a pas été envisagé dans ces études
scientifiques (27).
Les risques de l’utilisation de doses supraphysiologiques de GH exogène sont potentiellement importants même si les suivis à
long terme des thérapeutiques substitutives
chez l’enfant sont rassurants. À côté de la
GH, d’autres produits, l’IGF I, en particulier, sont probablement utilisés de façon
illicite en raison de leurs mêmes propriétés.
Ce dernier peut entraîner des effets secondaires non négligeables comme des lipodystrophies aux points d’injection, des viscé-
romégalies (rate, rein, tissu lymphoïde) et
surtout des hypoglycémies qui peuvent être
dramatiques. Enfin, les nouveaux sécrétagogues sous-cutanés de la GH (hexareline
ou ipamoreline) ou oraux (MK 0677 et
NNC 26 + 0703) sont probablement aussi
tacitement utilisés. Dans l’état actuel des
connaissances, le dépistage de l’abus de
GH devrait passer, d’une part, par la mesure simultanée des deux formes hypophysaires (22 kD et 20 kD) pour la détection
d’une prise récente, et, d’autre part, par
l’établissement d’un faisceau d’arguments
fondés sur la mesure des concentrations et
l’étude des variations dans le temps de
paramètres secondaires comme l’IGF I, la
BP3, l’ALS, le P3NP et certains marqueurs
du remodelage osseux.
La lutte contre le dopage par la GH rejoint
donc celle du dopage en général chez le
sportif de haut niveau. Elle reste aléatoire à
l’heure actuelle, ce qui est connu dans les
milieux sportifs. Elle nécessite la mise en
œuvre de moyens importants pour que des
progrès tangibles puissent être obtenus. ●
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Organisation : Convergences, 12 rue de la Croix Faubin, 75557 Paris
Cedex 11
Tél. : 01 44 64 15 15 – Fax : 01 44 64 15 16
E-mail : c.soulier@colloquium ou s.mundler@colloquium
Internet : http://www.convergences.fr
14 mai
Prévention de l’obésité infantile : rôles et responsabilités de la presse
Paris, France
Organisation : Maïté Jacquet, secrétaire générale de l’ISTNA
Tél. : 01 53 01 80 40 – Fax : 01 40 27 28 26
E-mail : [email protected]
19-20 mai
European Association for the Study of Diabetes Congress
Paris, France
14-15 juin
Les troisièmes entretiens de nutrition de l’Institut Pasteur de Lille
Lille, France
Organisation : Jean-Michel Lecerf
Contact : Marie-Françoise Tahon
Tél : 03 20 87 71 88 – Fax : 03 20 87 72 96
E-mail : [email protected]
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Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 2, mars-avril 2001
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