Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 2, mars-avril 2001
65
0,95. L’étude des concentrations de ces
marqueurs secondaires ou mieux, de leurs
variations au cours du temps, pourrait per-
mettre de constituer un faisceau d’argu-
ments orientant vers une prise illicite
d’hGH. Dans ce cadre, la mise en place
prochaine d’un suivi longitudinal du sportif
de haut niveau (dont la vocation n’est tou-
tefois pas le dépistage du dopage mais plu-
tôt le suivi médical des sportifs) devrait
apporter des informations sur les variations
de certains de ces paramètres avec le
temps. Il conviendra, dans ce contexte,
d’avoir une idée précise de la variabilité
intra-individuelle des paramètres étudiés
(c’est-à-dire du coefficient de variation que
l’on obtient en mesurant ces paramètres
plusieurs fois chez des sujets dont l’équi-
libre physiologique est stable), afin de ne
pas étiqueter les effets du dopage ou d’une
pathologie, des modifications biologiques
qui seraient tout simplement physiolo-
giques. Il sera possible de déterminer, à
partir de ce coefficient de variation intra-
individuel, le plus petit changement signifi-
catif (least significant change [LSC]) que
l’on pourra considérer comme reflet d’une
réelle modification biologique (comme
l’effet d’un dopage, par exemple). On peut
noter que cette notion de variabilité intra-
individuelle devrait être appliquée à tous
les domaines de la biologie, à partir du
moment où l’on compare plusieurs valeurs
d’un même paramètre chez un même indi-
vidu (par exemple, avant et pendant un trai-
tement ou lors d’une épreuve dynamique
d’exploration endocrinienne). À ce titre,
nous avons récemment évalué (25) la varia-
bilité intra-individuelle de plusieurs para-
mètres intéressants pour le dépistage d’un
dopage par la GH.
En plus de ces paramètres indirects de détec-
tion de la prise illicite de GH recombinante
(GH 22 kD), le dépistage pourrait utiliser
l’effet de rétrocontrôle sur la production
hypophysaire de GH (GH 22 kD +
20 kD).
La mesure spécifique de la GH 20 kD
devrait permettre de mettre en évidence en
cas d’apport de GH exogène la diminution
ou même la disparition de cette forme
moléculaire non apportée par les injections
de GH recombinante. Dans une étude
récente (26),le rapport 20 kD/22 kD a per-
mis une discrimination complète entre des
sujets GHD traités par hGH et des
contrôles non traités. Cette approche, si
elle est validée, pourrait permettre la détec-
tion à coup sûr d’une prise récente (moins
de 36 à 48 heures ?) de GH dans un but de
dopage.
Conclusions et perspectives
Ainsi, si axe somatotrope, activité physique
et fonction musculaire sont très étroitement
liés, il n’est pas évident que l’apport exo-
gène de GH permette d’améliorer les per-
formances sportives chez le sujet sain et
bien entraîné. Il n’est toutefois pas exclu
qu’elle puisse être bénéfique pour la répa-
ration musculaire après une période cata-
bolique. Son effet lipolytique doit très cer-
tainement intéresser certains types compé-
titeurs (comme les body-builders).
Si le bénéfice d’un dopage par la GH n’est
pas scientifiquement prouvé, il faut garder
en mémoire que les doses utilisées par les
sportifs seraient très nettement supérieures
(on parle de 16 UI/jour) aux doses étudiées
(environ 1 UI/jour) dans les travaux scien-
tifiques publiés où, par ailleurs, les durées
de traitement étaient relativement courtes,
par rapport à celles du dopage. Enfin,
l’éventuel effet additif de la GH et des ana-
bolisants stéroïdiens sur la force muscu-
laire n’a pas été envisagé dans ces études
scientifiques (27).
Les risques de l’utilisation de doses supra-
physiologiques de GH exogène sont poten-
tiellement importants même si les suivis à
long terme des thérapeutiques substitutives
chez l’enfant sont rassurants. À côté de la
GH, d’autres produits, l’IGF I, en particu-
lier, sont probablement utilisés de façon
illicite en raison de leurs mêmes propriétés.
Ce dernier peut entraîner des effets secon-
daires non négligeables comme des lipody-
strophies aux points d’injection, des viscé-
romégalies (rate, rein, tissu lymphoïde) et
surtout des hypoglycémies qui peuvent être
dramatiques. Enfin, les nouveaux sécréta-
gogues sous-cutanés de la GH (hexareline
ou ipamoreline) ou oraux (MK 0677 et
NNC 26 + 0703) sont probablement aussi
tacitement utilisés. Dans l’état actuel des
connaissances, le dépistage de l’abus de
GH devrait passer, d’une part, par la me-
sure simultanée des deux formes hypophy-
saires (22 kD et 20 kD) pour la détection
d’une prise récente, et, d’autre part, par
l’établissement d’un faisceau d’arguments
fondés sur la mesure des concentrations et
l’étude des variations dans le temps de
paramètres secondaires comme l’IGF I, la
BP3, l’ALS, le P3NP et certains marqueurs
du remodelage osseux.
La lutte contre le dopage par la GH rejoint
donc celle du dopage en général chez le
sportif de haut niveau. Elle reste aléatoire à
l’heure actuelle, ce qui est connu dans les
milieux sportifs. Elle nécessite la mise en
œuvre de moyens importants pour que des
progrès tangibles puissent être obtenus. ●
Références
1. Zapf J, Froesch E, Schmid C. Metabolic
effects of IGFs in contemporary endocrinology :
the IGF system. R. Rosenfeld and C. Roberts,
eds. Totowa : Humana Press Inc, NJ 1999 :
577-619.
2. Le Bouc Y. Biologie des IGF. Médecine thé-
rapeutique 1996 ; 2 : 22-31.
3. Ter Marten JC, De Boer H, Kamp O et al.
Long-term effects of growth hormone (GH)
replacement in men with childhood-onset GH
deficiency. J Clin Endocrinol Metab 1999 ; 84 :
2373-80.
4. Cuneo RC, Salomon F, Wiles MC et al.
Growth hormone treatment in growth hormone-
deficient adults. I. Effects on muscle mass and
strength. J Appl Physiol 1991 ; 70 : 688-94.
5. Cuneo RC, Salomon F, Wiles MC et al.
Growth hormone treatment in growth hormone-
deficient adults. II Effects on exercise perfor-