Éditorial Les troubles de la croissance François Despert Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Hôpital Gatien de Clocheville, Service de Pédiatrie A, 49 boulevard Béranger, 37044 Tours cedex 9. <[email protected]> I l y a dix ans Pierre Bougnères coordonnait un numéro spécial de Médecine Thérapeutique sur les maladies de la croissance [1]. Dans son éditorial, il posait beaucoup de questions et force est de constater qu’aujourd’hui nous n’avons pas de réponse à toutes. L’une des questions était de savoir si le traitement par hormone de croissance pouvait améliorer le pronostic de taille des enfants ayant une petite taille idiopathique. Les résultats d’au moins deux études vont dans ce sens et ont ouvert aux USA la possibilité de l’utiliser dans cette indication ; à l’évidence la question est posée à l’Europe... [2, 3]. Une autre question était posée : pourquoi les résultats des traitements par l’hormone de croissance au cours des déficits sont-ils aussi hétérogènes ? Un éditorial de Rosenfeld [4] aborde la question et nous rapporte que dans ce domaine des avancées très intéressantes sont en cours de développement concernant la variabilité moléculaire de la structure des récepteurs à l’hormone de croissance, en particulier au niveau de l’exon 3. D’autres mécanismes sont énumérés touchant la machinerie intracellulaire de transduction du message centré par le système JAK/STAT. Bien évidemment en aval le rôle des IgF et des protéines vectrices IgFBP est aussi largement étudié par de nombreuses équipes. Un point positif sera sans doute la reconnaissance du rôle métabolique de l’hormone de croissance et son importance sur la qualité de vie de mt pédiatrie, vol. 9, n° 4, juillet-août 2006 l’adulte déficitaire [5] avec la possibilité de poursuivre le traitement une fois le déficit dûment démontré à l’âge adulte, beaucoup de déficits dans l’enfance en effet ne se confirmant pas. Le retard de croissance intra-utérin (ou SGA : short small for gestational age) a bénéficié depuis de nombreuses années en France d’un traitement par hormone de croissance au grand profit des enfants, mais il a fallu l’obtention des tailles finales pour juger visiblement des bénéfices. Le résultat de nombreuses études confirme l’intérêt de ce traitement, ce qui a permis à Johnston et Savage [6] d’en préciser les indications et les avantages et de souligner l’importance de la surveillance de ces enfants par les dosages d’IGF1. Nous ne pouvons bien sûr pas reprendre tous les progrès qui ont eu lieu depuis dix ans dans le domaine de la croissance mais certains sont concrètement abordés par différents auteurs de ce numéro. Nous avons choisi de rester dans le domaine de la pratique quotidienne et de coller au réel des médecins praticiens, qu’ils soient pédiatres ou généralistes, car malheureusement, encore aujourd’hui, la prise en charge d’un enfant de petite taille reste trop souvent inadaptée. Beaucoup d’enfants petits consultent tardivement au prétexte que la famille est petite ou que le rattrapage se fera plus tard. Trop souvent la petite taille n’est pas considérée comme une situation à risque et une analyse insuffisante peut laisser 191 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Les troubles de la croissance 192 passer une pathologie grave, comme un craniopharyngiome, un syndrome de Cushing ou une hypothyroïdie discrètement évolutive. Nous voyons encore trop de jeunes filles tardivement pour une petite taille en lien avec un syndrome de Turner méconnu, qui, par là même, perdent des chances de corriger leur retard de taille par l’hormone de croissance. Nous avons donc choisi de redonner des repères cliniques et radiologiques en vue de la prise rationnelle des enfants de petites tailles, de repréciser la valeur des explorations de l’axe somatotrope et de présenter à nouveau les tableaux cliniques fréquents qui peuvent bénéficier d’une thérapeutique par l’hormone de croissance, que ce soit les déficits démontrés en hormone de croissance, les syndromes de Turner, les retards de croissance intra-utérins. À noter par ailleurs que les enfants atteints de syndrome de Prader-Willi peuvent maintenant bénéficier d’un traitement par hormone de croissance autant pour améliorer leur croissance que pour leur permettre une meilleure qualité de vie. À notre tour nous conclurons par des questions : pouvons-nous nous contenter des indications actuelles de l’hormone de croissance ? N’y a-t-il pas une injustice à ne pas traiter des enfants avec des retards importants de taille et qui ont des pathologies ostéocartilagineuses pour lesquels il est répété qu’un traitement n’est pas suffisamment efficace alors qu’il n’y a pas eu vraiment d’étude au long cours réalisée dans ces situations ? La sécurité des traitements par hormone de croissance semble actuellement bien démontrée mais c’est dans le long cours qu’elle pourra être définitivement démontrée. Mettons-nous en place un instrument de suivi performant à très long terme des sujets traités ? Le coût des traitements reste élevé, ne pourrait-on pas envisager une baisse significative de ces coûts avec pour objectif de traiter plus d’enfants ? Le traitement par injections quotidiennes reste une contrainte élevée pour les patients et leur famille, on rêve du moment où des hormones de croissance retards seront sur le marché... Il reste bien d’autres questions en suspens et bien du travail à faire pour les équipes de recherche mais aussi pour les praticiens de terrain à qui il revient de faire au mieux afin que, pour chaque enfant trop petit, une prise en charge cohérente soit réalisée. À dans dix ans ! Références 1. Bougnères P. Maladies de la croissance. Méd Thér 1996 ; n° 2 ; (mai, HS). 2. Leschek EW, Rose SR, Yanovski JA, et al. Effect of growth hormone treatment on adult height in peripubertal children with idiopathic short stature : a randomized, double-blind, placebo-controlled trial. J Clin Endocrinol Metab 2004 ; 89 : 3140-8. 3. Wit JM, Rekers-Mombarg LTM, Cutler GB, et al. Growth hormone (GH) treatment to final height in children with idiopathic short stature : evidence for a dose effect. J Pediatr 2005 ; 146 : 45-53. 4. Rosenfeld RG. The pharmacogenomics of humain growth. J Clin Endocrinol Metab 2006 ; 91 : 795-6. 5. Hull KL, Harvey S. Growth hormone therapy and quality of life : possibilities, pitfalls and mecanisms. J Endocrinol 2003 ; 179 : 31133. 6. Johnston LB, Savage MO. Should recombinant humain growth hormone therapy be used in short small for gestational age children? Arch Dis Child 2004 ; 89 : 740-4. mt pédiatrie, vol. 9, n° 4, juillet-août 2006