Éditorial
Les troubles de la croissance
François Despert
Hôpital Gatien de Clocheville, Service de Pédiatrie A, 49 boulevard Béranger,
37044 Tours cedex 9.
Il y a dix ans Pierre Bougnères coor-
donnait un numéro spécial de Mé-
decine Thérapeutique sur les maladies
de la croissance [1]. Dans son édito-
rial, il posait beaucoup de questions et
force est de constater qu’aujourd’hui
nous n’avons pas de réponse à toutes.
L’une des questions était de savoir
si le traitement par hormone de crois-
sance pouvait améliorer le pronostic
de taille des enfants ayant une petite
taille idiopathique. Les résultats d’au
moins deux études vont dans ce sens
et ont ouvert aux USA la possibilité de
l’utiliser dans cette indication ; à l’évi-
dence la question est posée à l’Eu-
rope... [2, 3].
Une autre question était posée :
pourquoi les résultats des traitements
par l’hormone de croissance au cours
des déficits sont-ils aussi hétérogè-
nes ? Un éditorial de Rosenfeld [4]
aborde la question et nous rapporte
que dans ce domaine des avancées
très intéressantes sont en cours de dé-
veloppement concernant la variabilité
moléculaire de la structure des récep-
teurs à l’hormone de croissance, en
particulier au niveau de l’exon 3.
D’autres mécanismes sont énumérés
touchant la machinerie intracellulaire
de transduction du message centré par
le système JAK/STAT. Bien évidem-
ment en aval le rôle des IgF et des
protéines vectrices IgFBP est aussi lar-
gement étudié par de nombreuses
équipes.
Un point positif sera sans doute la
reconnaissance du rôle métabolique
de l’hormone de croissance et son im-
portance sur la qualité de vie de
l’adulte déficitaire [5] avec la possibi-
lité de poursuivre le traitement une
fois le déficit dûment démontré à l’âge
adulte, beaucoup de déficits dans
l’enfance en effet ne se confirmant
pas.
Le retard de croissance intra-utérin
(ou SGA : short small for gestational
age) a bénéficié depuis de nombreu-
ses années en France d’un traitement
par hormone de croissance au grand
profit des enfants, mais il a fallu l’ob-
tention des tailles finales pour juger
visiblement des bénéfices. Le résultat
de nombreuses études confirme l’inté-
rêt de ce traitement, ce qui a permis à
Johnston et Savage [6] d’en préciser
les indications et les avantages et de
souligner l’importance de la sur-
veillance de ces enfants par les dosa-
ges d’IGF1.
Nous ne pouvons bien sûr pas re-
prendre tous les progrès qui ont eu
lieu depuis dix ans dans le domaine de
la croissance mais certains sont
concrètement abordés par différents
auteurs de ce numéro.
Nous avons choisi de rester dans le
domaine de la pratique quotidienne et
de coller au réel des médecins prati-
ciens, qu’ils soient pédiatres ou géné-
ralistes, car malheureusement, encore
aujourd’hui, la prise en charge d’un
enfant de petite taille reste trop sou-
vent inadaptée. Beaucoup d’enfants
petits consultent tardivement au pré-
texte que la famille est petite ou que le
rattrapage se fera plus tard. Trop sou-
vent la petite taille n’est pas considé-
rée comme une situation à risque et
une analyse insuffisante peut laisser
mt pédiatrie, vol. 9, n° 4, juillet-août 2006 191
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passer une pathologie grave, comme un craniopharyn-
giome, un syndrome de Cushing ou une hypothyroïdie
discrètement évolutive. Nous voyons encore trop de jeu-
nes filles tardivement pour une petite taille en lien avec un
syndrome de Turner méconnu, qui, par là même, perdent
des chances de corriger leur retard de taille par l’hormone
de croissance. Nous avons donc choisi de redonner des
repères cliniques et radiologiques en vue de la prise
rationnelle des enfants de petites tailles, de repréciser la
valeur des explorations de l’axe somatotrope et de présen-
ter à nouveau les tableaux cliniques fréquents qui peuvent
bénéficier d’une thérapeutique par l’hormone de crois-
sance, que ce soit les déficits démontrés en hormone de
croissance, les syndromes de Turner, les retards de crois-
sance intra-utérins. À noter par ailleurs que les enfants
atteints de syndrome de Prader-Willi peuvent maintenant
bénéficier d’un traitement par hormone de croissance
autant pour améliorer leur croissance que pour leur per-
mettre une meilleure qualité de vie.
À notre tour nous conclurons par des questions :
pouvons-nous nous contenter des indications actuelles de
l’hormone de croissance ? N’y a-t-il pas une injustice à ne
pas traiter des enfants avec des retards importants de taille
et qui ont des pathologies ostéocartilagineuses pour les-
quels il est répété qu’un traitement n’est pas suffisamment
efficace alors qu’il n’y a pas eu vraiment d’étude au long
cours réalisée dans ces situations ? La sécurité des traite-
ments par hormone de croissance semble actuellement
bien démontrée mais c’est dans le long cours qu’elle
pourra être définitivement démontrée. Mettons-nous en
place un instrument de suivi performant à très long terme
des sujets traités ? Le coût des traitements reste élevé, ne
pourrait-on pas envisager une baisse significative de ces
coûts avec pour objectif de traiter plus d’enfants ? Le
traitement par injections quotidiennes reste une contrainte
élevée pour les patients et leur famille, on rêve du moment
où des hormones de croissance retards seront sur le mar-
ché...
Il reste bien d’autres questions en suspens et bien du
travail à faire pour les équipes de recherche mais aussi
pour les praticiens de terrain à qui il revient de faire au
mieux afin que, pour chaque enfant trop petit, une prise en
charge cohérente soit réalisée.
À dans dix ans !
Références
1. Bougnères P. Maladies de la croissance. Méd Thér 1996 ; 2 ;
(mai, HS).
2. Leschek EW, Rose SR, Yanovski JA, et al. Effect of growth hormone
treatment on adult height in peripubertal children with idiopathic
short stature : a randomized, double-blind, placebo-controlled trial.
J Clin Endocrinol Metab 2004 ; 89 : 3140-8.
3. Wit JM, Rekers-Mombarg LTM, Cutler GB, et al. Growth hormone
(GH) treatment to final height in children with idiopathic short
stature : evidence for a dose effect. J Pediatr 2005 ; 146 : 45-53.
4. Rosenfeld RG. The pharmacogenomics of humain growth. J Clin
Endocrinol Metab 2006 ; 91 : 795-6.
5. Hull KL, Harvey S. Growth hormone therapy and quality of life :
possibilities, pitfalls and mecanisms. J Endocrinol 2003 ; 179 : 311-
33.
6. Johnston LB, Savage MO. Should recombinant humain growth
hormone therapy be used in short small for gestational age children?
Arch Dis Child 2004 ; 89 : 740-4.
Les troubles de la croissance
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