mise au point Peut-on prescrire des β-bloquants dans la bronchopneumopathie chronique obstructive ? Are β-blockers suitable for COPD patients? P. Devillier*, R. Escamilla** L a bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est associée à de multiples comorbidités, notamment cardiovasculaires (CV). Aussi le pneumologue se trouve-t-il souvent face à un patient “cardiaque” et atteint d'une BPCO, dont le traitement comporte un β-bloquant. L’asthme et la BPCO constituent des contre-indications classiques des β-bloquants. Cependant, pour certains β-bloquants cardiosélectifs, les contre-indications sont moins strictes, les mentions légales n’indiquant que des précautions d’emploi (tableau I). L’utilisation des β-bloquants doit être reconsidérée dans la BPCO au vu des données récentes. L’attitude du pneumologue a changé et la gestion du patient atteint d'une BPCO et traité par β-bloquants a évolué. Nous abordons dans cet article la question du rapport bénéfice/ risque des β-bloquants et cherchons à définir quelle attitude raisonnée avoir face à leur prescription dans la BPCO. Comorbidités cardiovasculaires de la BPCO Une relation entre la sévérité de l’obstruction bronchique, l’athérosclérose, le risque de cardiopathie ischémique et la mortalité par maladie CV a été bien montrée (1-6). L’association entre la BPCO et les comorbidités CV est fréquente et à l’origine d’une lourde morbimortalité (7, 8). Dans l’étude TORCH, qui a inclus plus de 6 000 patients suivis sur une période de 3 ans, 27 % des décès étaient dus à une affection CV (9). Chez les Américains âgés de plus de 25 ans hospitalisés entre 1979 et 2001 (soit 47 404 700 hospitalisations), la BPCO représentait 8,5 % du total des hospitalisations et chez les patients souffrant de cette maladie, l’hypertension artérielle (HTA) et les cardiopathies ischémiques étaient les premiers motifs d’hospitalisation (10). Tableau I. Mentions légales des β-bloquants concernant l’asthme et la BPCO. Contre-indications (absolues) ✓ Asthme et BPCO (carvédilol, propanolol, etc.) ✓ Antécédents de bronchospasme et d’asthme bronchique (nébivolol*) ✓ Asthme et BPCO dans leurs formes sévères (bisoprolol*, métoprolol*, acébutolol*, etc.) * UPRES EA220 & DRCI, hôpital Foch ; université Versailles – SaintQuentin, Suresnes. ** Clinique des voies respiratoires, hôpital Larrey, Toulouse. Précautions d’emploi ✓ Les β-bloquants doivent être administrés avec prudence en cas de BPCO, car ils peuvent aggraver la constriction des voies aériennes (nébivolol*) ✓ Les β-bloquants ne peuvent être administrés qu’en cas de formes légères d’asthme ou de BPCO en choisissant un β1-sélectif à posologie initiale faible. Il est recommandé de faire pratiquer des EFR avant l’instauration du traitement (acébutolol*, bisoprolol*, métoprolol*) * β-bloquants cardiosélectifs ayant l’indication d’insuffisance cardiaque par dysfonction systolique ventriculaire gauche : nébivolol (Nébilox®, Temerit®), acébutolol (Sectral®), bisoprolol (Detensiel®), métoprolol (Lopressor®). 54 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 3 - mai-juin 2012 LPN3 mai-juin 2012.indd 54 22/06/12 10:36 Points forts Mots-clés »» La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) et les comorbidités cardiovasculaires sont fréquemment associées. »» Les β-bloquants sont un traitement majeur des cardiopathies ischémiques et de l’insuffisance cardiaque, dont ils réduisent la mortalité. »» Les β-bloquants β1-cardiosélectifs sont habituellement bien tolérés dans la BPCO, y compris dans les formes sévères. »» Les β-bloquants ne doivent plus être contre-indiqués dans la BPCO, mais le patient doit bénéficier d’un suivi pneumologique. »» Les β-bloquants doivent être arrêtés devant des exacerbations répétées ou une aggravation symptomatique et une détérioration des paramètres ventilatoires. BPCO Comorbidités cardiovasculaires β-bloquants cardiosélectifs VEMS Mortalité Exacerbation En Europe, le constat est identique : l’analyse d’une cohorte de 20 296 sujets âgés de plus de 45 ans a montré que ceux qui avaient une BPCO, même modérée (GOLD II), encouraient un risque majoré de diabète, d’HTA et de cardiopathie essentiellement ischémique (risque multiplié par 2,2 à 2,4). Dans les BPCO sévères, l’accumulation de ces 3 comorbidités multiplie par 20 la mortalité, comparativement à des patients non atteints de BPCO sans facteur de risque (11). L’association entre la BPCO et l’insuffisance cardiaque (IC) semble également fréquente et doit être recherchée : la prévalence de l’IC serait de 21 % chez les patients atteints de BPCO et, à l’inverse, une BPCO est retrouvée chez plus de 8 % des patients ayant une IC (12). L’IC diastolique pose un problème particulièrement difficile : la fraction d’éjection ventriculaire étant conservée, le diagnostic repose sur la mise en évidence par l’échographie tissulaire d’un trouble de la relaxation et du remplissage du ventricule gauche ; dans la BPCO, l’hyperinflation thoracique peut être à l’origine de cette dysfonction diastolique, le cœur lui-même étant “sain” (13). La BPCO augmente le risque de troubles du rythme cardiaque : le risque de survenue d’un premier épisode de fibrillation auriculaire est majoré de 30 % chez les sujets dont le volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) se situe entre 60 et 80 % de la normale théorique, et de 80 % quand le VEMS est inférieur à 60 % (14). Ces différentes pathologies CV associées à la BPCO nécessitent dans la plupart des cas un traitement β-bloquant. Pharmacologie des β-bloquants Les récepteurs β-adrénergiques Il existe 3 types de récepteurs β-adrénergiques : β1, β2 et plus récemment β3. Les β1 sont essentiellement de localisation cardiaque alors que les β2 prédominent sur les plans vasculaire et bronchique. La stimulation des récepteurs β1-adrénergiques entraîne une augmentation de la force de contraction cardiaque (effet inotrope positif), de la fréquence cardiaque (effet chronotrope positif), de la vitesse de conduction auriculoventriculaire (effet dromo- trope positif) et de l’excitabilité ventriculaire (effet bathmotrope positif). La stimulation des récepteurs β2-adrénergiques induit une relaxation du muscle lisse, en particulier une vasorelaxation et une bronchodilatation. Le rôle des récepteurs β3-adrénergiques dans le système CV est moins bien connu chez l’homme. Ces récepteurs exerceraient essentiellement un effet inotrope négatif. Les β-bloquants Les β-bloquants constituent une classe thérapeutique majeure en pathologie CV. Ils antagonisent les effets de la stimulation soit des récepteurs β1 et β2 (β-bloquants non sélectifs), soit préférentiellement des β1-cardiaques (β-bloquants cardiosélectifs). Certains sont des agonistes partiels : ils se fixent sur le récepteur et le stimulent faiblement (activité sympathomimétique intrinsèque), et sont moins bradycardisants. Certaines molécules bloquent aussi les récepteurs α-adrénergiques. Enfin, le sotolol a aussi des propriétés antiarythmiques (tableau II). Les effets bénéfiques CV et l’efficacité des β-bloquants résultent du blocage des récepteurs β1 ; le blocage des récepteurs β2 est surtout à l’origine des effets indésirables, car il peut entraîner un bronchospasme, en particulier chez le patient asthmatique. Chez les patients ayant une bronchopathie chronique et/ou une artériopathie périphé- Highlights »» COPD is often associated with cardiovascular comorbidities. »» Beta-blockers are a major treatment for ischemic heart disease and heart failure resulting in a decrease in mortality. »» C a r d i o s e l e c t i v e b e t a blockers are usually well tole­ rated in COPD patients, even with severe COPD. »» Beta-blockers should not be contraindicated in COPD patients but these patients need a regular follow-up by a pulmonologist. »» Beta-blockers should be stopped in the case of multiple exacerbations or symptom worsening and deterioration of lung function. Keywords COPD Cardiovascular comorbidities Cardioselective beta-blockers FEV1 Mortality Exacerbation Tableau II. Liste des β-bloquants sélectifs et non sélectifs (DCI et dénomination commerciale). β-bloquants non sélectifs β-bloquants cardiosélectifs – Sans ASI Aténolol (Ténormine®) Bétaxolol (Kerlone®) Bisoprolol (Detensiel®, Cardensiel®) Métoprolol (Lopressor®, Seloken®) Esmolol (Brevibloc®) Nébivolol (Temerit®, Nébilox®) – Sans ASI Propanolol (Avlocardyl®) Nadolol (Corgard®) Sotalol (Sotalex®) Tertatolol (Artex®) Timolol (Timacor®, Timabak®) Labétalol (α1 -) [Trandate®] Carvédilol (α1 -) [Kredex®] – Avec ASI Oxprénolol (Trasicor®) Cartéolol (Mikelan®, Cartéol®, Cartéabak®) Pindolol (Vysken®) – Avec ASI Acébutolol (Sectral®) Céliprolol (β1- et β2+) [Célectol®] En gras : β-bloquant ayant l’AMM dans l’insuffisance cardiaque. ASI : activité stimulante intrinsèque ; α1 : bloque aussi les récepteurs α ; β1- et β2+ : le céliprolol est un β-bloquant et agoniste β2 faible. La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 3 - mai-juin 2012 | 55 LPN3 mai-juin 2012.indd 55 22/06/12 10:36 mise au point Peut-on prescrire des β-bloquants dans la bronchopneumopathie chronique obstructive ? rique, les β-bloquants cardiosélectifs sont mieux tolérés. Cependant, aucun des β-bloquants cardiosélectifs actuels n’est assez sélectif pour épargner totalement les récepteurs β2-bronchiques et, à forte dose, tous les β-bloquants perdent de leur sélectivité. Une évaluation récente sur des récepteurs β-adrénergiques humains clonés a même montré la faible sélectivité des β-bloquants “cardiosélectifs”, puisque les concentrations nécessaires pour bloquer les récepteurs β2 ne sont que 2 à 7 fois supérieures à celles nécessaires pour bloquer les récepteurs β1, à l’exception du bisoprolol qui requiert des concentrations 13 fois supérieures (15). Les β-bloquants commercialisés ont une faible affinité pour les récepteurs β3 et n’ont probablement aucun effet sur ces récepteurs aux concentrations thérapeutiques. Les β-bloquants sont-iIs indispensables en cardiologie ? Les indications des β-bloquants sont variées : soit extracardiaques (migraine, hypertension portale avec varices œsophagiennes, tremblements essentiels, glaucome [alors prescrits sous forme de collyre]), soit cardiaques – les plus fréquentes. Les β-bloquants représentent un des traitements de première intention de l’HTA, mais ils sont surtout indispensables, en l’absence de contre-indication, après un infarctus du myocarde (IDM) et au cours de l’IC systolique, du fait de leur effet bénéfique majeur sur la mortalité. Depuis une trentaine d’années, toutes les métaanalyses montrent que l’administration systématique de β-bloquants à la suite d’un IDM diminue la mortalité au cours des 2 premières années, notamment la mort subite (MS) (16). Le bénéfice est d’autant plus net que la dysfonction systolique ventriculaire gauche après l’infarctus est sévère. Dans l’IC systolique, les β-bloquants diminuent la mortalité globale et sont plus efficaces que les inhibiteurs de l’enzyme de conversion dans la prévention du risque de MS. Chez les patients stables, ils pourraient devenir le traitement de première intention. Les méta-analyses des essais réalisés avec les divers β-bloquants retrouvent une réduction de la mortalité de l’ordre de 32 % – que la cardiopathie soit d’origine ischémique ou non –, et une diminution de la fréquence des hospitalisations pour IC de l’ordre de 41 % (17). Les β-bloquants sont sous-prescrits chez le patient atteint de BPCO Dès 1998, une étude observationnelle américaine portant sur 201 752 patients montrait qu’après un IDM seuls 34 % des patients recevaient un β-bloquant, et que les patients ayant une BPCO étaient particulièrement sous-traités, près de 80 % d’entre eux n'en recevant pas (18). Aujourd’hui, les patients atteints de BPCO sont toujours sous-traités : une étude rétrospective américaine incluant 94 107 patients constate que chez les patients hospitalisés pour un syndrome coronarien aigu, l’existence d’une bronchopathie spastique représentait une cause de sous-prescription du β-bloquant, tant à l’admission (− 42 %) qu’à la sortie de l’hôpital (− 55 %) [19]. Seuls 41,8 % des patients présentant un IDM avec un retentissement cardiaque gauche et atteints de BPCO recevaient un β-bloquant, contre 60,9 % des patients sans BPCO (20). De même, chez les patients ayant une IC symptomatique et dont la bronchopathie chronique est traitée par un bronchodilatateur, la prescription d’un β-bloquant est significativement moins fréquente (31,9 % versus 57,6 % en l’absence de bronchopathie) [21]. Dans ces 2 dernières études, la mortalité des patients ne recevant pas de β-bloquant était plus élevée. Dans la BPCO, la crainte d’effets respiratoires délétères explique en grande partie la sous-prescription de β-bloquants, sous-prescription qui entraîne une perte de chance pour les patients ayant une BPCO. Chez le patient atteint de BPCO, la tolérance bronchique des β-bloquants cardiosélectifs est bonne Certains pneumologues restent prudents, voire méfiants, vis-à-vis des β-bloquants, en raison des incertitudes sur la tolérance à long terme, de la crainte d’un bronchospasme aigu et d’une inefficacité des bronchodilatateurs β2-agonistes du fait du blocage des récepteurs β2-bronchiques. En effet, chez le patient ayant une BPCO, les β-bloquants non sélectifs et les cardiosélectifs à forte dose peuvent majorer l’obstruction bronchique et inhiber l’effet bronchodilatateur des β2-agonistes. Ainsi, bien que la tolérance clinique soit bonne, les β-bloquants non sélectifs, tel le propanolol, et les 56 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 3 - mai-juin 2012 LPN3 mai-juin 2012.indd 56 22/06/12 10:36 mise au point cardiosélectifs à forte dose (métoprolol 180 mg) réduisent le VEMS (22), majorent l’hyperréactivité bronchique à la méthacholine et diminuent la réversibilité du bronchospasme après la prise d’un β2-agoniste. Ces effets ne sont pas observés avec le céliprolol et les β-bloquants cardiosélectifs (métoprolol 95 mg/j, bisoprolol) à des posologies cardiosélectives (22-24). Les capacités à l’effort sembleraient moins bonnes, la SaO2 tendant à être plus basse sous β-bloquant que sous placebo (23). Une publication récente fait le point sur la tolérance des β-bloquants cardiosélectifs chez le patient atteint de BPCO (25). L’analyse des essais cliniques (11 études, soit 131 patients) montre qu’une prise unique n’entraîne aucune variation du VEMS par rapport aux valeurs initiales (− 2,08 % de variation) ou au placebo. Les études sur une plus longue durée, de 2 jours à 4 semaines (185 patients avec 1 436 patients-semaine), ne retrouvent pas non plus de variation significative du VEMS sous traitement (tableau III), ni des symptômes respiratoires (tableau IV). Dans 3 essais ayant évalué la réponse aux bronchodilatateurs β2-agonistes, il n’y avait pas non plus de différence en comparaison du placebo. Une seule étude menée pendant 4 mois chez 27 patients ayant une IC et une BPCO sévère à modérée (14 recevant du bisoprolol, 17 un placebo) a montré une diminution significative du VEMS avec un β-bloquant (− 70 ml, soit − 14,6 % par rapport aux valeurs initiales ; IC95 : − 24,16 à − 5,04) ; l’effet bronchodilatateur des β2-agonistes n’était pas modifié ; le nombre d’exacerbations et la qualité de vie étaient identiques dans les 2 groupes (27). Cette diminution du VEMS pourrait s'expliquer par le fait que dans Tableau III. Effet des β-bloquants β1 cardiosélectifs sur le VEMS comparativement au placebo (d’après [25]). La durée du traitement varie de 2 jours à 16 semaines. L’étude de N.M. Hawkins et al. (27) montre une diminution significative du VEMS. β-bloquant Chang 2010 (23) Placebo 11 – 4,27 (4,7) 11 Différence (IC95) Poids (%) Différence (IC95) – 2,44 (7,82) 22,9 – 1,83 (– 7,22 ; 3,56) Fenster 1983 (26) 6 – 12,6 (8,9) 6 – 6,6 (4,8) 15,3 – 6,00 (– 14,09 ; 2,09) Hawkins 2009 (27) 14 – 5,1 (5,84) 13 9,5 (16,66) 12,4 – 14,60 (– 24,16 ; – 5,04) Ranchod 1982 (28) 15 – 5,4 (8,9) 15 – 1,2 (4,8) 23,9 – 4,20 (– 9,32 ; 0,92) Van der Woude 2005 (22) 15 – 6,51 (5,81) 15 – 7,05 (7,08) 25,6 0,54 (– 4,09 ; 5,17) Total (IC95) 61 100,0 – 4,00 (– 8,09 ; 0,08) 60 Hétérogénéité Tau2 = 11,4 ; Chi2 = 8,81, df = 4 (p = 0,07) ; I2 = 55 %. Test pour l’effet global : Z = 1,92 (p = 0,055). – 20 – 10 0 10 20 Tableau IV. Effet des β-bloquants β1 cardiosélectifs sur les symptômes respiratoires (d’après [14]). La durée du traitement varie de 2 jours à 16 semaines. Il n’y a pas de différence significative sous traitement par rapport au placebo. β-bloquant n/N Contrôles n/N Butland 1983 (29) 0/10 Chang 2010 (23) 0/11 Différence (IC95) Poids (%) Différence (IC95) 0/10 7,4 0,0 (– 0,17 ; 0,17) 0/11 8,2 0,0 (– 0,16 ; 0,16) Fenster 1983 (26) 1/6 0/6 4,5 0,17 (– 0,19 ; 0,53) Fogari 1990 (30) 0/20 0/10 9,9 0,0 (– 0,14 ; 0,14) Hawkins 2009 (27) 0/14 1/13 10,0 – 0,08 (– 0,26 ; 0,11) Lammers 1985 (31) 0/8 0/8 5,9 0,0 (– 0,21 ; 0,21) Ranchod 1982 (28) 0/11 0/11 8,2 0,0 (– 0,16 ; 0,16) Tivenius 1976 (32) 0/12 0/12 8,9 0,0 (– 0,15 ; 0,15) Van der Woude 2005 (22) 0/15 0/15 11,1 0,0 (– 0,12 ; 0,12) Wunderlich 1980 (33) 0/35 1/35 26,0 – 0,03 (– 0,10 ; 0,05) Total (IC95) 142 131 100,0 – 0,01 (– 0,06 ; 0,04) Total événements I (traitement), 2 (contrôle). Hétérogénéité : Chi2 = 1,80, df = 9 (p = 0,99), I2 = 0,0 % Test pour l’effet global : Z = 0,30 (p = 0,77). – 0,50 – 0,25 0 0,25 0,50 La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 3 - mai-juin 2012 | 57 LPN3 mai-juin 2012.indd 57 22/06/12 10:36 mise au point Peut-on prescrire des β-bloquants dans la bronchopneumopathie chronique obstructive ? le groupe placebo, le VEMS, qui était initialement plus bas (1,26 l versus 1,37 l avec le bisoprolol), s’est amélioré de 120 ml, soit de 10 %, pendant la durée de l’étude, majorant ainsi peut-être une différence en défaveur du β-bloquant. Les auteurs de cette analyse des essais cliniques concluent que dans la BPCO, les β-bloquants cardiosélectifs n’ont aucun retentissement sur le VEMS, les symptômes respiratoires ou la réponse aux β2-agonistes, y compris chez les patients atteints de BPCO sévère. Certaines études non retenues dans cette analyse tirent des conclusions identiques : ainsi, un essai clinique de 24 mois avec le carvédilol, un β-bloquant non sélectif, rapporte une bonne tolérance au traitement chez les patients ayant une BPCO, avec 1 seul arrêt pour cause de bronchospasme sur 31 patients traités (34). Cependant, une étude récente prospective portant sur 64 patients atteints de BPCO et suivis pendant 1 an, parmi lesquels 31 traités par β-bloquant, suggère un risque accru d’exacerbation (35). Bien au contraire, les résultats d’une analyse rétro­ spective conduite sur une cohorte de 5 977 patients atteints de BPCO et suivis pendant plus de 4 ans, parmi lesquels 796 traités par des β-bloquants en grande majorité cardiosélectifs (88 %), ne rapportent pas d’augmentation de la fréquence des effets indésirables chez les patients avec une BPCO traitée et suggèrent une réduction de la fréquence des exacerbations traitées par corticoïdes oraux, des hospitalisations pour cause respiratoire et de la mortalité (36). En pratique, il est donc important de prescrire sans réserve un β-bloquant cardiosélectif au patient dont la BPCO justifie un traitement par β-bloquant, mais d’éviter les β-bloquants non cardiosélectifs. Les β-bloquants ont des effets bénéfiques chez les patients ayant une BPCO Les patients atteints d’une BPCO et recevant un β-bloquant pour une HTA ou une cardiopathie ischémique ont une mortalité plus faible. Une étude portant sur 1 966 d’entre eux, hypertendus et traités par monothérapie, suivis 2 ans, a montré une supériorité du β-bloquant sur les inhibiteurs calciques : les β-bloquants diminuent significativement la mortalité globale (HR = 0,57 ; IC95 : 0,33-0,89). Cet effet, observé quelle que soit la posologie et que le β-bloquant soit ou non sélectif, n’est significatif que chez les patients ayant une cardiopathie. Le traitement β-bloquant n’a eu aucun effet sur les exacerbations de la BPCO (37), ce qui relativise les résultats de l’étude de B. Cochrane et al. (35). La diminution de la mortalité observée avec les β-bloquants cardiosélectifs est retrouvée dans une étude rétrospective portant sur une cohorte de 3 371 patients hospitalisés pour le traitement chirurgical d’une macro-artériopathie (aorte, fémorale, carotide) [38]. Mille deux cent cinq patients avaient une BPCO et 37 % d’entre eux étaient traités par un β-bloquant cardiosélectif. Chez tous les patients recevant un β-bloquant, la mortalité était significativement réduite (HR = 0,37 ; IC95 : 0,19-0,72). Chez les patients atteints de BPCO, seul le traitement à “pleine dose” réduisait la mortalité à 30 jours. En revanche, à long terme (96 % des patients suivis, suivi moyen de 5 ans), la prise d’un β-bloquant cardiosélectif, que ce soit à faible dose (25 % de la posologie maximale) ou à forte dose, réduisait significativement la mortalité. De plus, la qualité de vie des patients recevant un β-bloquant n’était pas altérée (39). Deux analyses récentes de bases de données ont retrouvé une réduction de la mortalité, mais également de la fréquence des exacerbations, dont on connaît la signification pronostique péjorative. La première étude menée sur une période de 10 ans, entre 1996 et 2006, a porté sur 2 230 patients ayant une BPCO : pendant le suivi, 30,8 % d’entre eux sont décédés et 47,3 % ont eu au moins une exacerbation aiguë ; la mortalité des patients recevant un β-bloquant était plus faible (HR = 0,68 ; IC95 : 0,56-0,83) et ils connaissaient moins d’exacerbations (HR = 0,71 ; IC95 : 0,60-0,83) [40]. La seconde étude, portant sur 5 977 cas de BPCO avec un suivi sur plus de 4 ans, a montré que la mortalité toutes causes confondues était réduite de 22 % en cas de traitement par β-bloquant ; cet effet protecteur est retrouvé même en l’absence d’une cardiopathie “évidente”. De plus, l’addition d’un β-bloquant cardiosélectif au traitement de la BPCO réduit significativement le risque d’être hospitalisé pour une exacerbation (tableau III) [36]. Plus surprenant, dans les cas d’exacerbation sévère des BPCO, les β-bloquants apparaissent comme un facteur prédictif indépendant de survie. Ainsi, une étude rétrospective s’est intéressée à l’impact des β-bloquants chez 825 patients hospitalisés pour une exacerbation de leur BPCO (41). Lors de l’admission, 142 patients avaient un traitement β-bloquant, cardiosélectif dans la majorité des cas. Quarantetrois patients (5,2 %) sont décédés. Le traitement β-bloquant (OR = 0,39 ; IC95 : 0,14-0,99) était associé à une réduction significative de la mortalité. Ce résultat pourrait être lié à la protection conférée par 58 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 3 - mai-juin 2012 LPN3 mai-juin 2012.indd 58 22/06/12 10:36 mise au point le β-bloquant vis-à-vis des effets CV indésirables, sur un cœur en hypoxie, des bronchodilatateurs administrés à forte dose. Malgré de nombreuses limitations, cette étude soulève des questions importantes pour la pratique du pneumologue. Peut-on prescrire un β-bloquant à un patient atteint de BPCO ? La réponse est clairement : oui. D’une part, le traitement des comorbidités CV représente un aspect important de la prise en charge de la BPCO ; d’autre part, la plupart des études confirment l’effet bénéfique du traitement β-bloquant. Les β-bloquants ne doivent plus être contre-indiqués chez le patient ayant une BPCO, mais certaines précautions doivent être prises : ➤➤ choisir un β-bloquant cardiosélectif, à des doses cardiosélectives ; chez les patients atteints de BPCO sévère, le traitement devra éventuellement être instauré à faible dose ; celle-ci sera augmentée progressivement, et les symptômes respiratoires et la fonction respiratoire seront pris en compte ; ➤➤ commencer (si possible) le traitement chez un patient contrôlé sur le plan bronchique et réaliser une spirométrie (ce qui présente un intérêt pour le suivi) ; une consultation systématique doit être programmée dans les 3 à 6 mois pour évaluer la tolérance du traitement ; ➤➤ si, alors qu’il reçoit un β-bloquant, le patient présente une exacerbation sans signe de gravité ne nécessitant pas d’hospitalisation, poursuivre le traitement par β-bloquant ; en cas d’exacerbations répétées, arrêter le traitement ; ➤➤ lors d’une exacerbation avec signe de gravité, l'arrêt du traitement semblerait logique, mais cette décision devra être évaluée en prenant en considération l’effet protecteur du β-bloquant sur la mortalité associée aux exacerbations de la BPCO ; ➤➤ devant une aggravation de la dyspnée associée à une dégradation régulière de la fonction respiratoire, proposer, en concertation avec le cardiologue, un arrêt du β-bloquant qui, comme toujours, doit être progressif. Conclusion De même qu’il n’a pas été simple pour le cardiologue de prescrire des β-bloquants dans les cas d’IC, le pneumologue doit garder une attitude raisonnée vis-à-vis des β-bloquants en cas de BPCO. Les β-bloquants cardiosélectifs ont des effets cardioprotecteurs bénéfiques et sont relativement bien tolérés. Cependant, des études prospectives sont nécessaires pour évaluer le bénéfice réel des traitements par β-bloquants à long terme chez les patients atteints de BPCO. ■ Références bibliographiques 1. Hole DJ, Watt GC, Davey-Smith G, Hart CL, Gillis CR, Hawthorne VM. Impaired lung function and mortality risk in men and women: findings from the Renfrew and Paisley prospective population study. BMJ 1996;313:711-5. 2. Tockman MS, Pearson JD, Fleg JL et al. Rapid decline in FEV1. A new risk factor for coronary heart disease mortality. Am J Respir Crit Care Med 1995;151:390-8. 3. Zureik M, Kauffmann F, Touboul PJ, Courbon D, Ducimetière P. 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