58 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 3 - mai-juin 2012
MISE AU POINT Peut-on prescrire desβ-bloquants
dans labronchopneumopathie chronique obstructive ?
le groupe placebo, le VEMS, qui était initialement
plus bas (1,26 l versus 1,37 l avec le bisoprolol), s’est
amélioré de 120 ml, soit de 10 %, pendant la durée
de l’étude, majorant ainsi peut-être une différence en
défaveur du β-bloquant. Les auteurs de cette analyse
des essais cliniques concluent que dans la BPCO, les
β-bloquants cardiosélectifs n’ont aucun retentisse-
ment sur le VEMS, les symptômes respiratoires ou la
réponse aux β2-agonistes, y compris chez les patients
atteints de BPCO sévère.
Certaines études non retenues dans cette analyse
tirent des conclusions identiques : ainsi, un essai
clinique de 24 mois avec le carvédilol, un β-bloquant
non sélectif, rapporte une bonne tolérance au traite-
ment chez les patients ayant une BPCO, avec 1 seul
arrêt pour cause de bronchospasme sur 31 patients
traités (34). Cependant, une étude récente prospec-
tive portant sur 64 patients atteints de BPCO et suivis
pendant 1 an, parmi lesquels 31 traités par β-bloquant,
suggère un risque accru d’exacerbation (35).
Bien au contraire, les résultats d’une analyse rétro-
spective conduite sur une cohorte de 5 977 patients
atteints de BPCO et suivis pendant plus de 4 ans,
parmi lesquels 796 traités par des β-bloquants en
grande majorité cardiosélectifs (88 %), ne rapportent
pas d’augmentation de la fréquence des effets indé-
sirables chez les patients avec une BPCO traitée
et suggèrent une réduction de la fréquence des
exacerbations traitées par corticoïdes oraux, des
hospitalisations pour cause respiratoire et de la
mortalité (36).
En pratique, il est donc important de prescrire sans
réserve un β-bloquant cardiosélectif au patient dont
la BPCO justifie un traitement par β-bloquant, mais
d’éviter les β-bloquants non cardiosélectifs.
Les β-bloquants ont des effets
bénéfiques chez les patients
ayant une BPCO
Les patients atteints d’une BPCO et recevant un
β-bloquant pour une HTA ou une cardiopathie
ischémique ont une mortalité plus faible. Une étude
portant sur 1 966 d’entre eux, hypertendus et traités
par monothérapie, suivis 2 ans, a montré une supé-
riorité du β-bloquant sur les inhibiteurs calciques :
les β-bloquants diminuent significativement la
mortalité globale (HR = 0,57 ; IC
95
: 0,33-0,89). Cet
effet, observé quelle que soit la posologie et que
le β-bloquant soit ou non sélectif, n’est significatif
que chez les patients ayant une cardiopathie. Le
traitement β-bloquant n’a eu aucun effet sur les
exacerbations de la BPCO (37), ce qui relativise les
résultats de l’étude de B. Cochrane et al. (35).
La diminution de la mortalité observée avec les
β-bloquants cardiosélectifs est retrouvée dans une
étude rétrospective portant sur une cohorte de
3 371 patients hospitalisés pour le traitement chirur-
gical d’une macro-artériopathie (aorte, fémorale,
carotide) [38]. Mille deux cent cinq patients avaient
une BPCO et 37 % d’entre eux étaient traités par un
β-bloquant cardiosélectif. Chez tous les patients
recevant un β-bloquant, la mortalité était significa-
tivement réduite (HR = 0,37 ; IC95 : 0,19-0,72). Chez
les patients atteints de BPCO, seul le traitement à
“pleine dose” réduisait la mortalité à 30 jours. En
revanche, à long terme (96 % des patients suivis, suivi
moyen de 5 ans), la prise d’un β-bloquant cardiosé-
lectif, que ce soit à faible dose (25 % de la posologie
maximale) ou à forte dose, réduisait significativement
la mortalité. De plus, la qualité de vie des patients
recevant un β-bloquant n’était pas altérée (39).
Deux analyses récentes de bases de données ont
retrouvé une réduction de la mortalité, mais égale-
ment de la fréquence des exacerbations, dont on
connaît la signification pronostique péjorative. La
première étude menée sur une période de 10 ans,
entre 1996 et 2006, a porté sur 2 230 patients
ayant une BPCO : pendant le suivi, 30,8 % d’entre
eux sont décédés et 47,3 % ont eu au moins une
exacerbation aiguë ; la mortalité des patients rece-
vant un β-bloquant était plus faible (HR = 0,68 ;
IC95 : 0,56-0,83) et ils connaissaient moins d’exa-
cerbations (HR = 0,71 ; IC
95
: 0,60-0,83) [40]. La
seconde étude, portant sur 5 977 cas de BPCO
avec un suivi sur plus de 4 ans, a montré que la
mortalité toutes causes confondues était réduite de
22 % en cas de traitement par β-bloquant ; cet effet
protecteur est retrouvé même en l’absence d’une
cardiopathie “évidente”. De plus, l’addition d’un
β-bloquant cardiosélectif au traitement de la BPCO
réduit significativement le risque d’être hospitalisé
pour une exacerbation (tableau III) [36].
Plus surprenant, dans les cas d’exacerbation sévère
des BPCO, les β-bloquants apparaissent comme un
facteur prédictif indépendant de survie. Ainsi, une
étude rétrospective s’est intéressée à l’impact des
β-bloquants chez 825 patients hospitalisés pour une
exacerbation de leur BPCO (41). Lors de l’admis-
sion, 142 patients avaient un traitement β-bloquant,
cardiosélectif dans la majorité des cas. Quarante-
trois patients (5,2 %) sont décédés. Le traitement
β-bloquant (OR = 0,39 ; IC
95
: 0,14-0,99) était associé
à une réduction significative de la mortalité. Ce
résultat pourrait être lié à la protection conférée par
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