Corpus Médical– Faculté de Médecine de Grenoble
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Le choc hémorragique (200a)
Docteur Philippe DECLETY
Août 2002
Pré-Requis :
Compartiments liquidiens de l’organisme. Loi de Starling. Pression oncotique.
Physiologie des systèmes sympathiques et para-sympathiques.
Résumé :
Le choc hémorragique est une forme particulière de choc hypovolémique (état de
défaillance circulatoire aiguë caractérisé par une diminution sévère du volume circulant).
En effet celui ci combine les conséquences de la réduction de la masse sanguine (anémie
aiguë et souffrance tissulaire induite) et les effets liés aux lésions tissulaires,
traumatiques ou chirurgicales.
Les mécanismes de lutte contre l’hypovolémie sont rapidement dépassés (choc
décompensé). Toute hypovolémie doit donc être corrigée rapidement par un remplissage
vasculaire, afin d’éviter la baisse des débits sanguins régionaux et la souffrance
tissulaire.
L’objectif thérapeutique principal est donc la compensation de l’hypovolémie. Parmi les
solutés de remplissage les plus employés sont les cristalloïdes et les solutés
macromoléculaires de type hydroxyéthylamidons.
Le risque lié aux produits sanguins labiles implique des critères très rigoureux pour le
recours à ces produits. Un retard transfusionnel est cependant délétère en situation de
choc hémorragique, les seuils transfusionnels doivent être connus.
Mots-clés :
Insuffisance circulatoire aiguë, choc hypovolémique, choc compensé, choc décompensé,
choc irréversible, hypoxie cellulaire, syndrôme de défaillance multiviscérale, diagnostic
clinique, urgence vitale, maîtrise de l’hémorragie, remplissage vasculaire, pouvoir
expansion volémique, cristalloïdes, colloïdes, albumine, gélatines, hydroxyéthylamidons,
transfusion de concentrés érythocytaires, tolérance clinqiue de l’anémie, traçabilité,
dossier transfusionnel, groupage sanguin, bilan pré-transfusionnel, coagulopathie,
plasma frais congelé, concentrés plaquettaires.
1. Introduction
Le choc hémorragique est une insuffisance circulatoire aiguë par spoliation sanguine majeure
et durable, rencontrée dans des circonstances aussi variées que la traumatologie, la pathologie
digestive ou l'obstétrique. En traumatologie, le choc hémorragique représente la première
cause de mortalité. Le pronostic est fonction de la durée et de la gravité du choc, et par
conséquent dépend de la rapidité du diagnostic et du délai de mise en route d'un traitement
approprié. L'objectif thérapeutique est de rétablir un apport en oxygène adapté aux besoins
cellulaires.
2. Physiopathologie
Le choc hémorragique est la principale cause de choc hypovolémique. Sa survenue est
fonction de l'importance et de la vitesse de la spoliation sanguine, ainsi que de l'efficacité des
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mécanismes compensateurs. Ceux-ci sont réduits par une anémie chronique, une hypovolémie
antérieure, une insuffisance cardiaque, l'anesthésie, les bêta-bloquants ou les vasodilatateurs.
Chez un sujet normal, la baisse de la pression artérielle (PA) survient pour une spoliation
sanguine d'environ 25 à 40 % de la masse sanguine (valeur normale = 70 ml/kg).
Trois étapes successives peuvent être distinguées au cours du choc hémorragique :
une phase de choc compensé où l'hypoperfusion tissulaire est contrebalancée par des
mécanismes adaptatifs circulatoires (pas de baisse de PA),
une phase de choc décompensé avec l'apparition d'un cercle vicieux d'aggravation
progressive et d'évolution fatale en l'absence de traitement (baisse de PA),
le choc irréversible défini par un point de non retour quelque soit la thérapeutique
instituée.
2.1. Réponses neurohormonales
2.1.1. La phase sympatho-excitatrice
Le premier mécanisme compensateur est une réaction sympathique intense (phase sympatho-
excitatrice) marquée par une tachycardie et une augmentation des résistances artérielles
systémiques. Les afférences principales sont constituées par les barorécepteurs artériels et les
récepteurs cardiopulmonaires, les efférences par les fibres sympathiques et la noradrénaline
circulante. L'intensité de la vasoconstriction artérielle est variable selon le territoire : les
territoires musculocutanés et splanchniques sont le siège d'une vasoconstriction croissante
avec le degré d'hypovolémie. Cela permet une redistribution du débit cardiaque vers des
territoires vitaux tels que le coeur et le cerveau. A cette réponse sympathique s'ajoute une
réponse hormonale : l'activité rénine plasmatique et l'angiotensine II augmentent dès la phase
non hypotensive du choc hémorragique, tandis que la sécrétion d'arginine vasopressine
augmente surtout au cours d'une hémorragie sévère.
2.1.2. La phase sympatho-inhibitrice
La phase sympatho-inhibitrice se traduit par une chute de la PA par réduction brutale des
résistances systémiques et une bradycardie. Ces phénomènes sont liés à une inhibition
centrale de l'activation sympathique dont l'origine est mal connue. La bradycardie, dite
paradoxale dans ce contexte, permettrait un meilleur remplissage ventriculaire diastolique.
Aussi, la diminution de la tachycardie, voire l'apparition d'une bradycardie lors d'une
hémorragie constitue un signe imminent de collapsus circulatoire et impose un remplissage
vasculaire rapide. A ce stade, la sécrétion d'adrénaline, d'angiotensine et d'arginine
vasopressine est massive.
2.2. Conséquences de l'hypoxie tissulaire
L'hypoperfusion entraîne rapidement une hypoxie cellulaire avec diminution de la production
aérobie d'ATP. Les lactates et les protons s'accumulent au niveau cellulaire, entraînant
l'inhibition de certaines voies métaboliques (glycolyse, bêta-oxydation). L'activité des pompes
membranaires ATPase-dépendantes devient réduite, entraînant une entrée de sodium et d'eau
dans la cellule (oedème cellulaire) et une élévation du calcium intracytosolique. Celui-ci
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active des enzymes membranaires (phospholipases) qui provoquent la destruction des
structures membranaires et libèrent des métabolites de l'acide arachidonique (thromboxane),
vasoconstricteurs et activateurs de l'agrégation plaquettaire. Enfin, les processus qui génèrent
les radicaux libres sont initiés.
L'hypoxie se manifeste au niveau de tous les viscères de l'organisme provoquant une
libération dans le sang de substances vasoactives (prostaglandines, kinines, histamine,
leucotriènes, oxyde nitrique) ou cardioactives (Myocardial Depressant Factor), aggravant
davantage la défaillance circulatoire. La transition d'un état de choc compensé à celui de choc
décompensé serait marquée au niveau microcirculatoire par la perte du tonus vasoconstricteur
des artérioles précapillaires.
Tous ces facteurs aboutissent à une réduction irréversible du flux microcirculatoire
(obstruction capillaire), d'où l’apparition d’un syndrôme de défaillance multi-viscéral :
insuffisance rénale et hépato-cellulaire, oedème pulmonaire, gastrites hémorragiques,... De
manière précoce, la circulation splanchnique se trouve sacrifiée, d'où l'apparition d'une
ischémie intestinale et d'une augmentation de la perméabilité intestinale. Ceci pourrait
favoriser la translocation bactérienne. Il existe enfin une immunosupression et une altération
des fonctions de détoxification du foie au cours du choc hémorragique.
3. Diagnostic et surveillance
3.1. C'est une insuffisance circulatoire aiguë
Le diagnostic du choc est clinique et facile devant la conjonction de signes évocateurs :
cardio-vasculaires : pouls rapide et filant, quelquefois uniquement perçu au niveau
fémoral ou carotidien, souvent pouls paradoxal (réduction de l'amplitude du pic
systolique à l'inspiration), parfois bradycardie extrême. Les veines sont plates, la PA
est normale ou basse, avec pincement de la différentielle. Il existe une oligo-anurie.
cutanés : marbrures des genoux, sueurs froides, augmentation du temps de
recoloration capillaire.
neuro-sensoriels : vertiges, agitation, angoisse, obnubilation, prostration, coma.
respiratoires : polypnée superficielle, cyanose des lèvres et des extrémités.
généraux : soif, hypothermie.
Il faut rappeler que l'apparition de ces signes témoigne déjà d'une spoliation de 25 à 40 % de
la masse sanguine (soit 1000 à 1700 ml de pertes sanguines chez un sujet de 60 kg). La valeur
de la PA n'est donc pas un indicateur de la sévérité du choc hémorragique.
Le danger est de sous-estimer l’hypovolémie ou l’importance de l’hémorragie. En
traumatologie il faut avoir une idée des pertes sanguines impliquées par les lésions :
Fracture d’une côte = 125 ml
Fracture d’une vertèbre ou de l’avant bras = 250 ml
Fracture de l’humérus = 500 ml
Fracture du fémur = 2000 ml
Fracture du bassin = 500 à 5000 ml
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Les désordres biologiques témoignent de la souffrance cellulaire : acidose métabolique,
hyperlactatémie, hypoxémie, troubles de la crase sanguine, hyperkaliémie, élévation de la
créatininémie.
3.2. Son origine est hémorragique
L'hémorragie est extériorisée, le diagnostic est alors évident : plaies artérielles ou
des grosses veines, hémoptysies, hémorragies digestives, métrorragies, plaie du cuir
chevelu,...
Photo : Plaies de face
les plaies de face et de scalp sont souvent à l’origine d’hémorragies sous-estimées
(Ph. DECLETY)
L'hémorragie n'est pas extériorisée, le diagnostic se base sur des éléments :
o d'interrogatoire : circonstances de survenue (traumatisme, effort), antécédents
(HTA, éthylisme, ulcère, début de grossesse), traitement (aspirine,
anticoagulants)
o d'examen clinique : pâleur des téguments (conjonctive, ongles), épanchement
intrathoracique, douleur abdominale provoquée (touchers pelviens)
o des examens complémentaires : faits au lit du patient dans un premier temps
(échographie, radiogaphies, endoscopie) afin d’éliminer une étiologie
chirurgicale (transfert rapide du patient au bloc opératoire)
3.3. Surveillance de l'état hémodynamique
Elle repose initialement sur des éléments cliniques (état de conscience, évolution des
marbrures, régression de la tachycardie, reprise de la diurèse). En cas de choc persistant, il est
recommandé d'effectuer une mesure continue de la PA par voie sanglante (cathéter radial ou
fémoral). Le recours à l'échocardiographie transthoracique voire transoesophagienne devrait
se développer, afin d'apprécier la précharge et la contractilité myocardique. Quant à
l'exploration hémodynamique par Swan-Ganz, son indication reste limitée en cas d'atteinte
cardiaque ou pulmonaire associée. Le profil hémodynamique du choc hémorragique associe
une baisse des pressions de remplissage (pression veineuse centrale, pression artérielle
pulmonaire, pression capillaire pulmonaire), une baisse du débit cardiaque, une augmentation
des résistances systémiques et pulmonaires, une baisse de la saturation du sang veineux mêlé
(SVO2) et une augmentation de l'extraction périphérique d'oxygène.
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4. Traitement=urgence vitale
Le traitement du choc hémorragique doit débuter le plus tôt possible, selon 5 objectifs
prioritaires : maîtriser l'hémorragie, compenser la spoliation sanguine, assurer une
oxygénation tissulaire correcte, lutter contre la baisse de l’hémoglobine et contre les troubles
de coagulation éventuels.
4.1. Maîtrise de l'hémorragie
Elle est assuré par des manoeuvres diverses : compression manuelle d'une artère, suture d'un
scalp, garrot pneumatique en cas d'amputation traumatique, embolisation artérielle en cas
d'épistaxis, de fracture du bassin, d'hémorragie de la délivrance, pose d'une sonde Blackmore
(hémorragie digestive), hémostase chirurgicale en cas d'hémorragie interne.
4.2. Restauration de la volémie
Il faut augmenter la précharge par divers moyens :
la surélévation des membres inférieurs permet de mobiliser 500 à 1000 ml de sang
le pantalon antichoc effectue une compression des vaisseaux artériels sous-
diaphragmatiques entraînant une augmentation des résistances artérielles systémiques.
Le volume mobilisé peut atteindre 2000 ml avec des pressions de 60 mmHg pour
l'abdomen et 80 mmHg pour les membres inférieurs. En outre, le pantalon antichoc
exerce un effet hémostatique sur les plaies hémostatiques.
le remplissage vasculaire par des solutés s'effectue après la pose de 2 voies veineuses
de gros calibre (cathéters courts, voie fémorale si besoin)
Photo : Voies veineuses centrales et périphériques
Voies veineuses centrales et périphériques de bon calibre, permettant un remplissage et / ou une transfusion
efficace
(Ph. DECLETY)
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