Le choc hémorragique (200a)

publicité
Corpus Médical– Faculté de Médecine de Grenoble
Le choc hémorragique (200a)
Docteur Philippe DECLETY
Août 2002
Pré-Requis :
•
•
Compartiments liquidiens de l’organisme. Loi de Starling. Pression oncotique.
Physiologie des systèmes sympathiques et para-sympathiques.
Résumé :
Le choc hémorragique est une forme particulière de choc hypovolémique (état de
défaillance circulatoire aiguë caractérisé par une diminution sévère du volume circulant).
En effet celui ci combine les conséquences de la réduction de la masse sanguine (anémie
aiguë et souffrance tissulaire induite) et les effets liés aux lésions tissulaires,
traumatiques ou chirurgicales.
Les mécanismes de lutte contre l’hypovolémie sont rapidement dépassés (choc
décompensé). Toute hypovolémie doit donc être corrigée rapidement par un remplissage
vasculaire, afin d’éviter la baisse des débits sanguins régionaux et la souffrance
tissulaire.
L’objectif thérapeutique principal est donc la compensation de l’hypovolémie. Parmi les
solutés de remplissage les plus employés sont les cristalloïdes et les solutés
macromoléculaires de type hydroxyéthylamidons.
Le risque lié aux produits sanguins labiles implique des critères très rigoureux pour le
recours à ces produits. Un retard transfusionnel est cependant délétère en situation de
choc hémorragique, les seuils transfusionnels doivent être connus.
Mots-clés :
Insuffisance circulatoire aiguë, choc hypovolémique, choc compensé, choc décompensé,
choc irréversible, hypoxie cellulaire, syndrôme de défaillance multiviscérale, diagnostic
clinique, urgence vitale, maîtrise de l’hémorragie, remplissage vasculaire, pouvoir
expansion volémique, cristalloïdes, colloïdes, albumine, gélatines, hydroxyéthylamidons,
transfusion de concentrés érythocytaires, tolérance clinqiue de l’anémie, traçabilité,
dossier transfusionnel, groupage sanguin, bilan pré-transfusionnel, coagulopathie,
plasma frais congelé, concentrés plaquettaires.
1. Introduction
Le choc hémorragique est une insuffisance circulatoire aiguë par spoliation sanguine majeure
et durable, rencontrée dans des circonstances aussi variées que la traumatologie, la pathologie
digestive ou l'obstétrique. En traumatologie, le choc hémorragique représente la première
cause de mortalité. Le pronostic est fonction de la durée et de la gravité du choc, et par
conséquent dépend de la rapidité du diagnostic et du délai de mise en route d'un traitement
approprié. L'objectif thérapeutique est de rétablir un apport en oxygène adapté aux besoins
cellulaires.
2. Physiopathologie
Le choc hémorragique est la principale cause de choc hypovolémique. Sa survenue est
fonction de l'importance et de la vitesse de la spoliation sanguine, ainsi que de l'efficacité des
http://www-sante.ujf-grenoble.fr/SANTE/
1/13
Corpus Médical– Faculté de Médecine de Grenoble
mécanismes compensateurs. Ceux-ci sont réduits par une anémie chronique, une hypovolémie
antérieure, une insuffisance cardiaque, l'anesthésie, les bêta-bloquants ou les vasodilatateurs.
Chez un sujet normal, la baisse de la pression artérielle (PA) survient pour une spoliation
sanguine d'environ 25 à 40 % de la masse sanguine (valeur normale = 70 ml/kg).
Trois étapes successives peuvent être distinguées au cours du choc hémorragique :
• une phase de choc compensé où l'hypoperfusion tissulaire est contrebalancée par des
mécanismes adaptatifs circulatoires (pas de baisse de PA),
• une phase de choc décompensé avec l'apparition d'un cercle vicieux d'aggravation
progressive et d'évolution fatale en l'absence de traitement (baisse de PA),
• le choc irréversible défini par un point de non retour quelque soit la thérapeutique
instituée.
2.1. Réponses neurohormonales
2.1.1. La phase sympatho-excitatrice
Le premier mécanisme compensateur est une réaction sympathique intense (phase sympathoexcitatrice) marquée par une tachycardie et une augmentation des résistances artérielles
systémiques. Les afférences principales sont constituées par les barorécepteurs artériels et les
récepteurs cardiopulmonaires, les efférences par les fibres sympathiques et la noradrénaline
circulante. L'intensité de la vasoconstriction artérielle est variable selon le territoire : les
territoires musculocutanés et splanchniques sont le siège d'une vasoconstriction croissante
avec le degré d'hypovolémie. Cela permet une redistribution du débit cardiaque vers des
territoires vitaux tels que le coeur et le cerveau. A cette réponse sympathique s'ajoute une
réponse hormonale : l'activité rénine plasmatique et l'angiotensine II augmentent dès la phase
non hypotensive du choc hémorragique, tandis que la sécrétion d'arginine vasopressine
augmente surtout au cours d'une hémorragie sévère.
2.1.2. La phase sympatho-inhibitrice
La phase sympatho-inhibitrice se traduit par une chute de la PA par réduction brutale des
résistances systémiques et une bradycardie. Ces phénomènes sont liés à une inhibition
centrale de l'activation sympathique dont l'origine est mal connue. La bradycardie, dite
paradoxale dans ce contexte, permettrait un meilleur remplissage ventriculaire diastolique.
Aussi, la diminution de la tachycardie, voire l'apparition d'une bradycardie lors d'une
hémorragie constitue un signe imminent de collapsus circulatoire et impose un remplissage
vasculaire rapide. A ce stade, la sécrétion d'adrénaline, d'angiotensine et d'arginine
vasopressine est massive.
2.2. Conséquences de l'hypoxie tissulaire
L'hypoperfusion entraîne rapidement une hypoxie cellulaire avec diminution de la production
aérobie d'ATP. Les lactates et les protons s'accumulent au niveau cellulaire, entraînant
l'inhibition de certaines voies métaboliques (glycolyse, bêta-oxydation). L'activité des pompes
membranaires ATPase-dépendantes devient réduite, entraînant une entrée de sodium et d'eau
dans la cellule (oedème cellulaire) et une élévation du calcium intracytosolique. Celui-ci
http://www-sante.ujf-grenoble.fr/SANTE/
2/13
Corpus Médical– Faculté de Médecine de Grenoble
active des enzymes membranaires (phospholipases) qui provoquent la destruction des
structures membranaires et libèrent des métabolites de l'acide arachidonique (thromboxane),
vasoconstricteurs et activateurs de l'agrégation plaquettaire. Enfin, les processus qui génèrent
les radicaux libres sont initiés.
L'hypoxie se manifeste au niveau de tous les viscères de l'organisme provoquant une
libération dans le sang de substances vasoactives (prostaglandines, kinines, histamine,
leucotriènes, oxyde nitrique) ou cardioactives (Myocardial Depressant Factor), aggravant
davantage la défaillance circulatoire. La transition d'un état de choc compensé à celui de choc
décompensé serait marquée au niveau microcirculatoire par la perte du tonus vasoconstricteur
des artérioles précapillaires.
Tous ces facteurs aboutissent à une réduction irréversible du flux microcirculatoire
(obstruction capillaire), d'où l’apparition d’un syndrôme de défaillance multi-viscéral :
insuffisance rénale et hépato-cellulaire, oedème pulmonaire, gastrites hémorragiques,... De
manière précoce, la circulation splanchnique se trouve sacrifiée, d'où l'apparition d'une
ischémie intestinale et d'une augmentation de la perméabilité intestinale. Ceci pourrait
favoriser la translocation bactérienne. Il existe enfin une immunosupression et une altération
des fonctions de détoxification du foie au cours du choc hémorragique.
3. Diagnostic et surveillance
3.1. C'est une insuffisance circulatoire aiguë
Le diagnostic du choc est clinique et facile devant la conjonction de signes évocateurs :
• cardio-vasculaires : pouls rapide et filant, quelquefois uniquement perçu au niveau
fémoral ou carotidien, souvent pouls paradoxal (réduction de l'amplitude du pic
systolique à l'inspiration), parfois bradycardie extrême. Les veines sont plates, la PA
est normale ou basse, avec pincement de la différentielle. Il existe une oligo-anurie.
• cutanés : marbrures des genoux, sueurs froides, augmentation du temps de
recoloration capillaire.
• neuro-sensoriels : vertiges, agitation, angoisse, obnubilation, prostration, coma.
• respiratoires : polypnée superficielle, cyanose des lèvres et des extrémités.
• généraux : soif, hypothermie.
Il faut rappeler que l'apparition de ces signes témoigne déjà d'une spoliation de 25 à 40 % de
la masse sanguine (soit 1000 à 1700 ml de pertes sanguines chez un sujet de 60 kg). La valeur
de la PA n'est donc pas un indicateur de la sévérité du choc hémorragique.
Le danger est de sous-estimer l’hypovolémie ou l’importance de l’hémorragie. En
traumatologie il faut avoir une idée des pertes sanguines impliquées par les lésions :
• Fracture d’une côte = 125 ml
• Fracture d’une vertèbre ou de l’avant bras = 250 ml
• Fracture de l’humérus = 500 ml
• Fracture du fémur = 2000 ml
• Fracture du bassin = 500 à 5000 ml
http://www-sante.ujf-grenoble.fr/SANTE/
3/13
Corpus Médical– Faculté de Médecine de Grenoble
Les désordres biologiques témoignent de la souffrance cellulaire : acidose métabolique,
hyperlactatémie, hypoxémie, troubles de la crase sanguine, hyperkaliémie, élévation de la
créatininémie.
3.2. Son origine est hémorragique
•
L'hémorragie est extériorisée, le diagnostic est alors évident : plaies artérielles ou
des grosses veines, hémoptysies, hémorragies digestives, métrorragies, plaie du cuir
chevelu,...
Photo : Plaies de face
les plaies de face et de scalp sont souvent à l’origine d’hémorragies sous-estimées
(Ph. DECLETY)
•
L'hémorragie n'est pas extériorisée, le diagnostic se base sur des éléments :
o d'interrogatoire : circonstances de survenue (traumatisme, effort), antécédents
(HTA, éthylisme, ulcère, début de grossesse), traitement (aspirine,
anticoagulants)
o d'examen clinique : pâleur des téguments (conjonctive, ongles), épanchement
intrathoracique, douleur abdominale provoquée (touchers pelviens)
o des examens complémentaires : faits au lit du patient dans un premier temps
(échographie, radiogaphies, endoscopie) afin d’éliminer une étiologie
chirurgicale (transfert rapide du patient au bloc opératoire)
3.3. Surveillance de l'état hémodynamique
Elle repose initialement sur des éléments cliniques (état de conscience, évolution des
marbrures, régression de la tachycardie, reprise de la diurèse). En cas de choc persistant, il est
recommandé d'effectuer une mesure continue de la PA par voie sanglante (cathéter radial ou
fémoral). Le recours à l'échocardiographie transthoracique voire transoesophagienne devrait
se développer, afin d'apprécier la précharge et la contractilité myocardique. Quant à
l'exploration hémodynamique par Swan-Ganz, son indication reste limitée en cas d'atteinte
cardiaque ou pulmonaire associée. Le profil hémodynamique du choc hémorragique associe
une baisse des pressions de remplissage (pression veineuse centrale, pression artérielle
pulmonaire, pression capillaire pulmonaire), une baisse du débit cardiaque, une augmentation
des résistances systémiques et pulmonaires, une baisse de la saturation du sang veineux mêlé
(SVO2) et une augmentation de l'extraction périphérique d'oxygène.
http://www-sante.ujf-grenoble.fr/SANTE/
4/13
Corpus Médical– Faculté de Médecine de Grenoble
4. Traitement=urgence vitale
Le traitement du choc hémorragique doit débuter le plus tôt possible, selon 5 objectifs
prioritaires : maîtriser l'hémorragie, compenser la spoliation sanguine, assurer une
oxygénation tissulaire correcte, lutter contre la baisse de l’hémoglobine et contre les troubles
de coagulation éventuels.
4.1. Maîtrise de l'hémorragie
Elle est assuré par des manoeuvres diverses : compression manuelle d'une artère, suture d'un
scalp, garrot pneumatique en cas d'amputation traumatique, embolisation artérielle en cas
d'épistaxis, de fracture du bassin, d'hémorragie de la délivrance, pose d'une sonde Blackmore
(hémorragie digestive), hémostase chirurgicale en cas d'hémorragie interne.
4.2. Restauration de la volémie
Il faut augmenter la précharge par divers moyens :
•
•
•
la surélévation des membres inférieurs permet de mobiliser 500 à 1000 ml de sang
le pantalon antichoc effectue une compression des vaisseaux artériels sousdiaphragmatiques entraînant une augmentation des résistances artérielles systémiques.
Le volume mobilisé peut atteindre 2000 ml avec des pressions de 60 mmHg pour
l'abdomen et 80 mmHg pour les membres inférieurs. En outre, le pantalon antichoc
exerce un effet hémostatique sur les plaies hémostatiques.
le remplissage vasculaire par des solutés s'effectue après la pose de 2 voies veineuses
de gros calibre (cathéters courts, voie fémorale si besoin)
Photo : Voies veineuses centrales et périphériques
Voies veineuses centrales et périphériques de bon calibre, permettant un remplissage et / ou une transfusion
efficace
(Ph. DECLETY)
http://www-sante.ujf-grenoble.fr/SANTE/
5/13
Corpus Médical– Faculté de Médecine de Grenoble
•
•
détermination du groupe sanguin et commande éventuelle de culots globulaires. Le
choix du soluté fait encore l'objet de controverses (cf infra principes de remplissage
vasculaire.
la prescription d’amines vasoactives (adrénaline, noradrénaline, dobutamine) peut
s'envisager dans l'attente d'une expansion volémique efficace, ou à la phase tardive du
choc.
4.3. Oxygénation tissulaire
L'oxygénation nasale à fort débit est systématique. L'intubation trachéale et la ventilation
mécanique sont indiquées en cas de troubles de conscience, d'hypoxémie, et chez le
polytraumatisé.
4.4. Lutte contre la baisse de l’hémoglobine
La baisse de l’hémoglobine ne peut pas se corriger immédiatement car les mécanismes
compensateurs (augmentation de la synthèse de l’hémoglobine, érythropoïèse) sont retardés.
La baisse de l’hémoglobine participe à la baisse du transport de l’oxygène. Une baisse de
l’hémoglobine peut être tolérée chez un patient chez un patient normovolémique ayant un
cœur sain. Ce n’est pas le cas en présence de signes de choc. L’indication de l’apport de
concentrés érythocytaires repose d’abord sur la tolérance clinique que sur un chiffre
d’hémoglobinémie. Il faut savoir anticiper la nécessité de transfusion. Chez le sujet sain la
transfusion peut être indiquée en dessous de 7 g.Dl, en cas d’insuffisance cardiaque ou
coronarienne le seuil se situe vers 10 g Dl ou 30 % d’hématocrite.
Le chiffre d’hémoglobine peut être rapidement évalué (moins de 20 sec) à l’admission du
patient grâce à un appareil équivalent à un « dextro » : l’hémocue®.
Photo : Hémocue
Appareil Hémocue
(Ph. DECLETY)
Il peut être dangereux d’attendre le résultat d’une numération formule sanguine classique
(dont le prélèvement et le traitement au laboratoire est plus long). Le critère primordial est
clinique (contrôle de l’hémorragie ou non).
http://www-sante.ujf-grenoble.fr/SANTE/
6/13
Corpus Médical– Faculté de Médecine de Grenoble
Normalement la transfusion nécessite la double détermination du groupe sanguin (quand le
patient n’est pas porteur d’une carte de groupe sanguin valide), la recherche d’agglutinines
irrégulières, et la réalisation d’un bilan pré-transfusionnel après accord du patient (Anticorps
anti-VIH, anti-VHC, ALAT) mais une situation d’urgence vitale immédiate (hémorragie
massive incontrôlée) peut imposer le recours à une transfusion en sang O négatif. Ceci ne
dispense cependant pas du contrôle ultime au lit du patient.
4.5. Lutte contre les troubles de coagulation
Quand le saignement est supérieur à 20 % de la masse sanguine, il faut apporter des
concentrés érythrocytaires afin de maintenir un hématocrite entre 30 et 35%. Au-delà d'une
perte d'une masse sanguine, l'apport de plasma frais congelé et de concentrés plaquettaires
permettent de corriger les troubles d'hémostase provoqués par la déplétion en facteurs de
coagulation, et la thrombopénie. En plus des phénomènes de consommation de plaquettes et
de facteurs de coagulation lors de l’hémorragie s’ajoute souvent une dilution liée au
remplissage massif. Les autres conséquences d'une transfusion massive doivent être
prévenues : hypothermie, dyskaliémie, hypocalcémie.
L’hypothermie aggrave la coagulopathie (inhibition des enzymes de la cascade de la
coagulation).
Tout recours à des produits sanguins ou à des médicaments dérivés du sang (Albumine,
Kaskadil), implique la bonne tenue d’un dossier transfusionnel et une traçabilité.
5. Principes de remplissage vasculaire
5.1. Quelques rappels physiologiques
5.1.1. Compartiments liquidiens
L'eau représente 60 % du poids du corps et se répartit en trois compartiments : les secteurs
intracellulaire, interstitiel et vasculaire. L'eau du secteur intracellulaire représente 70 % de
l'eau totale du corps et 40 % du poids du corps. L'eau du secteur extracellulaire représente 28
% de l'eau totale du corps, répartie entre les secteurs interstitiels (21 %) et vasculaire (7 %).
Les 2 % restant de l'eau totale représentent les volumes des sécrétions, des liquides digestifs et
du LCR. Les secteurs intra- et extracellulaire sont séparés par la membrane cellulaire
perméable à l'eau et imperméable aux grosses molécules et aux ions, rendant différente la
composition ionique de ces deux compartiments. La membrane capillaire qui sépare les
secteurs interstitiel et vasculaire étant perméable à l'eau et aux ions mais pas aux grosses
molécules, la composition ionique de ces deux compartiments est identique, mais la
concentration en protéine est très supérieure dans le secteur intravasculaire. Ces protéines
restant dans le compartiment vasculaire sont à l'origine de la pression oncotique tendant à
maintenir l'eau dans le vaisseau. À l'état normal, cette pression oncotique est assurée à 70 %
par l'albumine.
http://www-sante.ujf-grenoble.fr/SANTE/
7/13
Corpus Médical– Faculté de Médecine de Grenoble
5.1.2. Mouvements d'eau entre les différents compartiments
Echanges entre les secteurs intra- et extracellulaires
Ils sont dépendants des concentrations en ions K+ et Na+ qui sont respectivement les ions
prépondérants dans l'osmolarité des secteurs intra- et extracellulaires. Une variation de
l'osmolarité entraîne un transfert d'eau pour rétablir l'équilibre osmotique
Échanges entre les secteurs vasculaires et interstitiels
La loi de Starling définit les facteurs qui déterminent les mouvements de fluides entre ces
deux compartiments. En résumé, le gradient de pression hydrostatique, tendant à faire fuir
l'eau vers le secteur interstitiel, s'oppose à un gradient de pression oncotique qui retient l'eau
dans le secteur vasculaire, la résultante étant un flux physiologique du secteur vasculaire vers
le secteur interstitiel lui-même compensé par l'adaptation du débit lymphatique .
5.2. Définition et diagnostic d’une hypovolémie
On distingue deux grands types d’hypovolémie :
•
•
L’hypovolémie absolue peut se définir comme la diminution de la masse sanguine.
Elle peut résulter d’une hémorragie, mais aussi de pertes hydrosodées.
L’hypovolémie relative désigne des situations ou une augmentation du lit vasculaire
(vasodilatation) entraîne une diminution du retour veineux (choc anaphylactique, choc
septique, anesthésie générale ou loco-régionale)
Le diagnostic est souvent clinique (tachycardie, etc…), mais il peut être parfois difficile
(imbrication de différents statuts hémodynamiques) et nécessite le recours à des investigations
paracliniques : mesure de la pression veineuse centrale (une PVC basse conduit à un
remplissage), mesure de la pression artérielle pulmonaire d’occlusion par catheter artériel
pulmonaire. Une épreuve de remplissage peut être nécessaire en cas de doute.
5.3. Les différents produits de remplissage vasculaire
Le choix entre les différents solutés de remplissage
http://www-sante.ujf-grenoble.fr/SANTE/
8/13
Corpus Médical– Faculté de Médecine de Grenoble
Photo : Solutés de remplissage
Les différents solutés de remplissage
(Ph. DECLETY)
Se fait en fonction :
• des propriétés physico-chimiques du soluté ;
• des propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques du soluté (tableau 1) ;
• du contexte et de l'indication du remplissage vasculaire ;
• des effets secondaires du produit.
Les solutés glucosés (G5%, OSMOTAN, etc…) ne sont pas des solutés de remplissage.
5.3.1. Cristalloïdes (Ringer, ringer lactate, sérum salé)
5.3.1.1. Solutés isotoniques
Le pouvoir d'expansion volémique des cristalloïdes isotoniques est faible et dépend des
espaces de diffusion. L'apport en cristalloïdes doit être très supérieur au volume à compenser
(Ces cristalloïdes isotoniques se distribuent en moins d'une heure à l'ensemble du secteur
extracellulaire, expliquant ainsi la faiblesse de leur pouvoir d'expansion volémique. Ainsi, 25
% des volumes perfusés iront dans le compartiment vasculaire et 75 % dans le secteur
interstitiel). L'apport en cristalloïdes doit être prolongé dans le temps exposant ainsi au risque
d'inflation hydrosodée.
Le Ringer lactate est le plus prescrit en clinique. Contrairement au sérum salé isotonique, il ne
présente pas l'inconvénient d'une éventuelle acidose hyperchlorémique.
5.3.1.2. Solutés hypertoniques
Ces solutions, dont l'osmolalité est supérieure à celle du plasma (300 mOsm x kg -1) ont un
espace de diffusion réduit au compartiment extracellulaire. Elles peuvent être salées ou non,
le chlorure de sodium hypertonique étant le soluté de référence. L'expansion du compartiment
vasculaire qu'elles provoquent est transitoire (< 1 h), liée à un mouvement d'eau provenant des
compartiments interstitiel et cellulaire
http://www-sante.ujf-grenoble.fr/SANTE/
9/13
Corpus Médical– Faculté de Médecine de Grenoble
Tableau : Efficacité volémique des différents solutés de remplissage
(Ph. DECLETY)
5.3.2. Colloïdes
5.3.2.1. Colloïde naturel (Albumine)
L'albumine reste le seul colloïde naturel d'origine humaine utilisable en tant que soluté de
remplissage. Ses effets sur l'hémostase sont quasi inexistants, en dehors de ceux liés à
l'hémodilution et à la captation du calcium ionisé.
Chez un sujet sain, le pouvoir d'expansion volémique de l'albumine est de 18 à 20 mL x g -1,
la perfusion de 500 mL d'albumine à 4 % entraînant une augmentation dans le compartiment
vasculaire de 400 mL, du fait de l'hypo-oncocité de la solution, alors que celle de 100 mL
d'albumine à 20 % entraîne la même augmentation par mobilisation de l'eau interstitielle,
l'effet persistant 6 à 8 heures
L'incidence des réactions anaphylactoïdes de l'albumine est de 0,011 % par flacon et de 0,099
% par patient, ces chiffres étant inférieurs à ceux des gélatines et des dextrans, mais
comparables à ceux des amidons.
L’albumine étant un médicament dérivé du sang, le risque biologique (viral, PRION) ne peutêtre considéré comme nul, elle est donc soumise à une traçabilité. L'albumine humaine n'est
prescrite qu'en cas de contre-indication des autres solutés de remplissage, d’hypoprotidémie
(<35g/l) et lors d'une hypovolémie sévère chez la femme enceinte.
http://www-sante.ujf-grenoble.fr/SANTE/
10/13
Corpus Médical– Faculté de Médecine de Grenoble
5.3.2.2. Colloïdes de synthèse (Elohes®, Hestéril®,
Gélofusine®)
5.3.2.2.1. Dextrans (Rhéomacrodex®)
Ce sont des polysaccharides d'origine bactérienne.
Le pouvoir d'expansion volémique d'un gramme de dextran varie suivant les solutions. Le
D40 retient 30 mL d'eau en intravasculaire, contre seulement 20 à 25 mL pour le D70, mais
cet effet est plus prolongé.
Les dextrans et en particulier ceux ayant un PM élevé entraînent des troubles de l’hémostase.
Les réactions allergiques aux dextrans sont connues. Les réactions sont de type
anaphylactoïde pour les dextran de PM élevé, mais tous les dextrans peuvent donner une
réaction anaphylactique avec réaction antigène-anticorps. En raison de ces effetes seondaires,
les dextrans ne sont quasiment plus prescrits.
5.3.2.2.2. Gélatines (Plasmion®, Gélofusine®)
Ces polypeptides obtenus par hydrolyse du collagène osseux de bœuf sont de deux types : des
gélatines fluides modifiées (GFM) et des gélatines à pont d'urée (GPU). Leur demi-vie
plasmatique serait de cinq heures, et environ 20 à 30 % de la dose administrée passerait dans
le secteur interstitiel. L'élimination des gélatines est essentiellement rénale, et elles ne
semblent pas s'accumuler dans l'organisme.
Chez le malade hypovolémique, 500 mL de gélatine augmente le compartiment vasculaire de
400 à 500 mL, mais il n'en reste au mieux que 300 mL, quatre heures plus tard. Il n’y a pas de
limitation du volume à perfuser (contrairement aux HEA) ni de troubles induits spécifiques
sur l’hémostase.
Le risque de réactions allergiques aux gélatines est six fois supérieur à celui de l'albumine et
des HEA, et comparable à celui des dextrans
L'origine animale des gélatines ne permet pas de considérer le risque de transmission de
l'agent de l'encéphalopathie spongiforme bovine comme nul.
5.3.2.2.3. Hydroxyéthylamidons (HEA) (Elohes®,
Hestéri®)
Ce sont des polysaccharides naturels, extraits d'amidon de maïs, modifiés par hydroxylation.
Ces solutés se caractérisent par un degré de substitution (DS), correspondant au pourcentage
de molécules de glucose porteuses d'au moins un groupement hydroxyéthyl (de 0 à 100 %), et
par un taux de substitution molaire (TSM), correspondant au nombre moyen de substitution
par molécule de glucose (de 0 à 300 %).
Chaque gramme d'HEA retient environ 30 mL d'eau dans le compartiment vasculaire. Les
solutions de PM moyen entraînent une augmentation de la volémie en fin de perfusion de 100
à 140 % du volume perfusé, des valeurs proches de celles de l'albumine à 4 %. La durée de
http://www-sante.ujf-grenoble.fr/SANTE/
11/13
Corpus Médical– Faculté de Médecine de Grenoble
leur efficacité est liée à leur persistance dans le compartiment vasculaire, à la mobilisation de
l'albumine du secteur interstitiel et à l'adaptation rénale
Les HEA sont à l'origine d'accidents hémorragiques rares, compte tenu de leur très large
utilisation, mais graves. Ces accidents qui sont en rapport avec une diminution des facteurs
VIII et vWF, et avec une altération de la polymérisation du caillot de fibrine, se traduisent par
un allongement du temps de saignement, une diminution du temps de thrombine et de la
concentration plasmatique du fibrinogène ;
L'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé a fixé récemment les
nouvelles modalités d'administration des HEA : pour l'Elohès®, la dose administrée doit être
limitée à 33 mL x kg -1 x j -1, la durée du traitement doit être inférieure à 4 jours, et la dose
maximale administrée inférieure ou égale à 80 mL x kg -1 x j -1. Une surveillance de
l'hémostase par mesure du temps de céphaline activé, du cofacteur de la ristocétine et du VIIIc
est recommandée
L'administration d'Elohès® est contre-indiquée en cas de troubles de l'hémostase
constitutionnels ou acquis, d'hémophilie et de maladie de Willebrand. Les autres HEA font
l'objet de règles de surveillance identiques en cas de traitement d'une durée supérieure à 4
jours et d'une dose totale supérieure à 80 mL x kg -1 x j –1.
Le taux de réactions anaphyllactoïdes est de l’ordre de 0.058%.
Tolérance rénale : Les HEA peuvent entraîner des modifications histologiques au niveau
rénal. Quelques cas de lésions de nécroses tubulaires avec vacuolisation de cellules
épithéliales ont été décrits chez des patients sans atteinte préalable connue, mais l'essentiel des
observations est rapporté dans l'environnement de la transplantation rénale
Les HEA augmentent l'amylasémie .Cette augmentation sans conséquence clinique doit être
prise en compte lors de la perfusion d'HEA chez un patient suspect de pancréatite aiguë
5.4. Choix d’un soluté de remplissage
Le choix du produit de remplissage vasculaire en anesthésie doit se faire en fonction :
• des propriétés physico-chimiques du soluté ;
• des propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques du soluté ;
• du contexte et de l'indication du remplissage vasculaire ;
• des effets secondaires du produit.
Les données actuelles de la littérature ne sont cependant pas suffisamment concluantes pour
aider dans ce choix.
5.4.1. Indications des solutés de remplissage vasculaire
De récentes recommandations pour la pratique clinique ont été émises en France. L'essentiel
de ces recommandations est résumé dans le tableau. D'une façon générale, l'hypovolémie
modérée, qu'elle soit vraie ou relative, est une bonne indication des cristalloïdes isotoniques.
En revanche, l'utilisation large de cristalloïdes pour maintenir ou augmenter le compartiment
vasculaire exposant à une inflation du secteur interstitiel, les colloïdes doivent leur être
http://www-sante.ujf-grenoble.fr/SANTE/
12/13
Corpus Médical– Faculté de Médecine de Grenoble
préférés chaque fois que l'hypovolémie perdure, s'aggrave ou s'accompagne d'altération de la
perméabilité de la membrane capillaire (sepsis, œdème cérébral, circulation extracorporelle)
Tableau : Indications des solutés de remplissage en anesthésie.
(Ph. DECLETY)
Références :
•
•
•
Recommandations pour la pratique clinique. Quels sont les produits utilisables
pour le remplissage vasculaire ? Quels sont l'efficacité et les inconvénients de ces
produits ? Réanim Urgences 1997 ; 6 : 361-87.
Conférence de consensus « Utilisation des solutions d'albumine humaine en
anesthésie-réanimation chirurgicale de l'adulte ». Paris, 15 décembre 1995. Ann
Fr Anesth Réanim 1996 ; 15 : 407-570.
Recommandations pour la pratique clinique. Remplissage au cours des
hypovolémies relatives ou absolues. ANDEM Janvier 1997.
http://www-sante.ujf-grenoble.fr/SANTE/
13/13
Téléchargement