Trafic d’organes et tourisme de transplantation :

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Comment faire face
au trafic d’organes ?
Dossier thématique
Trafic d’organes et tourisme
de transplantation :
le point de vue du chirurgien
Organ trafficking and transplant tourism: a point of view
François-René Pruvot*
vivants ou cadavérique d’autres pays, notamment émergents, sont
une réalité. La pénurie d’organes et les progrès croissants en matière
de greffes d’organes ont accru la demande et créé une situation
complexe allant du tourisme de transplantation au trafic d’organes.
La plupart des professionnels médicaux et des autorités de santé
condamnent cette pratique et plusieurs conférences internationales
ont demandé son arrêt. Le devenir médical et sociologique
des donneurs est préoccupant. Le tourisme de transplantation
questionne aussi la qualité de la réalisation des greffes et la survie
des greffons dont la littérature rapporte qu’elles sont inférieures à
celles observées au sein de programmes nationaux réguliers, car
elles s’accompagnent de taux d’échec et de complication élevés
et la fonction du greffon est diminuée dans des séries qui, pour
limitées qu’elles semblent, sont bien réelles. Ainsi, certains n’hésitent
pas à proposer un marché régulier et encadré, qui diminuerait,
voire supprimerait le trafic. Plusieurs programmes proposent
l’indemnisation des donneurs vivants et/ou une modification de
la loi concernant les donneurs non apparentés. Cette question est
débattue sur un plan éthique.
Summary
Résumé
» Les greffes d’organes effectuées à l’étranger à partir de donneurs
Mots-clés : Transplantation – Trafic – Organes.
Réflexions générales
*Chirurgie digestive
et transplantation,
CHRU de Lille.
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Le procès de Gilles de Rais, en 1440, a montré la fascination de l’opinion pour des crimes abominables et la
difficulté à séparer les faits réels des fantasmes dès lors
qu’ils touchent à des tabous structurels de notre organisation psychosociale (1). Ce phénomène rejoint celui
décrit par V. Campion-Vincent, en 1997, dans l’analyse critique des récits sur les enlèvements pour vols
d’organes (2). En 1993, la journaliste Marie-Monique
Robin avait montré des enfants errant dans les rues de
Bogota, rendus aveugles, disait-on, par le prélèvement
de leurs yeux en vue de greffes de cornées, enfants
qui possédaient en réalité toujours leurs yeux, mais
atteints de kératite infectieuse grave. Et la récente
Transplants in foreign countries with cadaveric or paid
living donors exist, especially in emerging countries. The
organ shortage and the increasing demand in organ
transplantations have created a complex situation
ranging from tourism transplantation to organ traffic.
Most physicians or health care stakeholders condemn
this practice and several international conferences have
stated about its interruption. Medical and sociological
evolution of paid donors is a question that matters. Tourism
transplantation has also raised question of quality and
survival of such transplantations that have been shown
to get worse results than those performed through regular
national programs, in terms of mortality, perioperative
complications, and graft survival. This is proven in limited
but well-documented series. Hence, some advocate the
need for a regulated market, that should counterbalance
black market. That is the reason why some official programs
propose incentives for paid donors and modifications of
the law for unrelated living donors. It remains a question
of ethics and ethical debates.
Keywords: Transplantation - Trafficking - Organs.
affaire de Madagascar nous rappelle à l’ordre (3). Mais
si le phénomène universel de la rumeur, s’agissant
en particulier du trafic d’organes, doit nous rendre
prudents quant à l’appréciation des données chiffrées
internationales, il est impossible d’ignorer la réalité
du tourisme de transplantations, voire de la pratique,
institutionnalisée dans certains pays, de la greffe de
ressortissants étrangers aux dépens d’organes prélevés
chez leurs citoyens défavorisés (4). Des reportages
fiables et des articles scientifiques attestent d’une
pratique qui est passée de l’ère du trafic sporadique
au tourisme de transplantation, qui s’est accru au
début des années 2000 (5), puis s’est ralenti grâce
aux prises de position d’organisations internationales
et de société savantes médicales (6).
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Trafic d’organes et tourisme de transplantation : le point de vue du chirurgien
Définition : tourisme et trafic d’organes
Le trafic d’organes comporte une connotation de
coercition, de paiement d’un tiers, de fraude, d’abus
de pouvoir sur une personne vulnérable, voire d’une
absence de son consentement, tout cela à des fins
d’exploitation d’êtres humains (7). La notion de commerce implique la vente ou l’achat. Celle de tourisme
de transplantation correspond à plusieurs situations de
mouvements hors des frontières d’un État, totalement
différentes selon que le receveur et le donneur sont ou
non de la même origine, selon que le déplacement a
lieu dans le pays du donneur ou dans celui du receveur (7). Cela a des implications différentes en termes
d’encadrement médical de l’acte et de rémunération
financière. De ce point de vue, l’autorisation encadrée
d’une greffe à un receveur étranger à partir d’un greffon
de sujet en mort encéphalique au sein d’un programme
officiel d’un autre pays ne relève pas du caractère illégal.
Peut-on considérer cette interview de Isabelle Bayard,
âgée de 55 ans, dialysée à Paris, comme un exemple
de tourisme médical : “Me faire opérer à Angers m’a fait
gagner quatre ans” (Le Parisien, le 11 septembre 2013) ?
Différences culturelles
“Vérité en deçà des Pyrénées, mensonge au-delà”, écrivait Blaise Pascal.
La loi française est très claire : l’achat comme la vente
d’organes sont rigoureusement interdits. La loi garantit
la non-patrimonialité du corps humain : le corps ne peut
faire l’objet d’un commerce quelconque sous peine de
7 ans de prison et de plus de 100 000 euros d’amende.
Importer ou exporter illégalement des produits humains
est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros
d’amende. Mais, dans certaines cultures, le don ou la
vente d’un de ses reins n’est pas considéré comme choquant (7). Ce fut le cas des Philippines qui, entre 2002 et
2008, avaient officiellement instauré un programme qui
allait dans ce sens (4). C’est le cas de l’Inde, où l’exploitation d’individus de “castes inférieures” a longtemps été
la règle (8) et la vente d’un rein considérée comme une
“chance” de sortir financièrement de sa condition, une
version choquante du film Slumdog millionaire. Mais les
questions émergent lorsque l’on constate l’impossibilité
pour ces pays d’organiser la surveillance morale et technique de tels programmes, sources de trafic. En revanche,
il est clair que la question de la peine capitale, toujours
existante dans la législation de certains pays, n’est pas à
confondre avec la possibilité morale, officielle ou non, de
prélever des organes sur les cadavres des condamnés. De
ce point de vue, l’utilisation des condamnés à mort en
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République populaire de Chine, qui a été, et qui est peut
être encore une réalité, s’est trouvée freinée par la campagne internationale soutenue par les organisations
internationales de transplantations d’organes de pays
où la peine de mort reste pourtant légale (États-Unis)
[7]. Globalement, et quelle que soit la permissivité des
règles d’un autre pays où il pourrait être accueilli pour
greffe, la conduite de tout malade receveur potentiel ou
effectif vis-à-vis de la greffe et du donneur ne doit-elle
pas être dictée par la morale, la loi et l’éthique du pays
dont il est issu ?
Statistiques
Le tourisme de transplantations et/ou du trafic d’organes
repose sur la différence entre le nombre de greffes réalisées et les besoins. Ces besoins, estimés chaque année
dans la plupart des pays organisant un programme de
transplantations à l’échelle nationale, peuvent constituer le vivier des demandeurs, officiels ou non. Plusieurs
articles ont analysé le devenir de patients inscrits sur la
liste d’attente de greffes de rein puis retirés, sans raison
médicale (9). L’Établissement français des greffes a réalisé,
en 2002, à la demande de son conseil médical et scientifique, une enquête auprès de l’ensemble des équipes
françaises de greffe rénale afin de connaître le nombre de
celles faites à l’étranger à partir de donneurs vivants non
apparentés et rémunérés, c’est-à-dire dans des conditions
contraires aux dispositions légales françaises au regard
de la gratuité. Le taux de réponse à cette enquête s’est
élevé à 37 % et a montré que, en 5 ans, 10 patients étaient
allés recevoir une greffe à l’étranger d’un donneur vivant
rémunéré. Les pays dans lesquels ces greffes ont eu lieu
sont l’Inde, la Chine, la Turquie et l’Égypte. Aux États-Unis,
plusieurs articles ont mis en évidence la prépondérance
de ce phénomène dans les minorités ethniques, en particulier quand les ressortissants repartent vers leur pays
d’origine (9). Les facteurs favorisants seraient le sexe masculin, l’appartenance asiatique et un niveau socioculturel
élevé. Les pays étrangers les plus concernés seraient la
Chine, les Philippines, l’Inde et la Corée. Un parallèle a été
établi entre la longueur de la durée d’attente, la disparité
entre le nombre de greffes et la satisfaction des besoins,
d’une part, et, d’autre part, le risque de tourisme médical
(Khamash cité par [7]). Certains programmes susciteraient
et organiseraient même la pratique du tourisme (10).
En miroir, il est indéniable que la pratique de ce tourismetrafic de la transplantation est favorisée par l’existence
de pays en voie de développement, où les populations
sont défavorisées, où l’exploitation des plus pauvres est
une habitude culturelle, et où la corruption rampe, voire
est organisée par les structures de l’État lui-même (8).
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Comment faire face
au trafic d’organes ?
Dossier thématique
Résultats médicoscientifiques
de la greffe d’organes issue du tourisme
médical ou du trafic d’organes
Les mauvais résultats de telles greffes sont concordants
dans la littérature (11-14). Ils peuvent concerner une surmortalité périopératoire. Ils concernent aussi les risques
infectieux de la greffe ou d’infection virale contractée
à partir du greffon. Ils concernent, pratiquement tous,
la moins bonne survie, tant pour les greffes rénales
– où les chiffres moyens de créatininémie sont supérieurs à ceux des patients greffés dans les conditions
légales du pays d’origine – qu’en greffe hépatique, où
surviennent des complications biliaires gravissimes (14,
15). Un tableau résume les raisons invoquées (7) : les
conditions illégales de réalisation, le fait que les receveurs ne retournent pas immédiatement dans leur pays
d’origine ou n’observent pas un suivi régulier après la
transplantation, dans la crainte d’être dénoncés et le fait
que les médecins qui ont pratiqué les greffes illégales
ne s’intéressent pas aux données relatives à la survie
de ces receveurs. Les informations sont incomplètes
car elles reposent sur les déclarations des receveurs.
Toutes ne sont pas connues, et il est probable que les
décès survenant avant, pendant ou après l’intervention
ne sont pas tous recensés.
En ce qui concerne la transplantation hépatique, 2 paramètres correctifs doivent être précisés :
✓ les donneurs cadavériques, parfois des prisonniers
exécutés, soulèvent le même problème physiopathologique que les donneurs à cœur arrêté chez lesquels
l’ischémie biliaire n’a été améliorée, ces dernières
années, que par l’instauration immédiate d’une circulation extracorporelle (16), dispositif extrêmement
lourd, incompatible avec des pratiques non institutionnalisées ;
✓ il est manifeste que les indications en situation de
tourisme médical, voire de trafic d’organes, ne respectent pas les critères reconnus, en particulier en
ce qui concerne la transplantation pour carcinome
hépatocellulaire, comme cela a été régulièrement le
cas avec le donneur vivant, même dans le cadre légal
d’un pays (17) imposant les dispositions de Vancouver
datant de 2006.
Morbidité chez le donneur vivant
Les mauvais résultats de la transplantation dans le
cadre du tourisme médical concernent également les
donneurs. De la même manière, les statistiques sont
difficiles à obtenir compte tenu de l’opacité de ces pratiques dans lesquelles les donneurs n’ont pas le droit de
révéler leur identité ou de faire appel aux soins officiels.
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Cependant tous les articles sur le devenir des donneurs
en cas de greffe de rein montrent des résultats qui vont
dans le même sens au niveau de la fonction rénale, du
surrisque d’hypertension artérielle et du statut pour
les hépatites C et B.
Ces mauvais résultats concernent également le devenir
socioéconomique de ces donneurs : d’une part, il est
démontré qu’ils sont le plus souvent l’objet d’une
contrainte et d’un abus de la part d’intermédiaires
frauduleux, d’autre part, que le gain obtenu ne modifie
pas leurs conditions économiques à moyen terme.
L’absence de changement de statut économique et la
pauvreté socioculturelle de ces donneurs aggravent le
manque de suivi après le prélèvement d’organe (18).
L’effet de cette pratique sur la politique de transplantation de certains pays développés pose question. En
Israël, il y a eu, après 2006, une diminution du nombre
de receveurs en attente sur liste avec la pratique du
tourisme médical (19) et, en Corée, la politique de
développement du donneur cadavérique stagne (20).
Est alors soulevée la question concernant la facilité
du tourisme médical comparativement aux efforts à
fournir pour promouvoir le don d’organes, organiser
le prélèvement à l’échelle d’un pays et encadrer le
don du vivant, apparenté ou non (20).
Considérations éthiques
Les interrogations que soulèvent le tourisme de transplantation et le trafic d’organes sont multiples.
L’attitude face à la demande d’un malade
Plusieurs médecins se sont questionnés sur les obligations éthiques vis-à-vis du patient qui effectue une
demande, estimant que l’impératif supérieur était de
le prendre en charge sans censurer les possibilités
offertes par le tourisme de transplantation dont la
réglementation et la gestion, donc les aspects moraux,
relèvent du domaine juridique (7, 21). Pour autant,
informer n’est pas conseiller et la question s’est posée
de savoir si l’information devait être donnée dès le
commencement de la procédure de greffe classique ou
si elle ne devait intervenir qu’en cas soit d’impossibilité
de trouver un donneur vivant, soit de durée d’attente
rédhibitoire. Elle doit aussi mettre le patient en garde
quant aux risques médicaux et aux interdits juridiques.
L’attitude face à la demande de soins
après une greffe à l’étranger
Des malades français, en particulier d’outre-mer, ont
témoigné avoir bénéficié d’une transplantation rénale
à l’étranger et être revenus sur le territoire national
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Trafic d’organes et tourisme de transplantation : le point de vue du chirurgien
pour le suivi. Les patients qui, greffés dans ces conditions, s’adressent aux services hospitaliers en France
pour le suivi après greffe sont bien entendu pris en
charge. Il faut rappeler l’obligation légale du secret
professionnel, qui interdit au médecin de dénoncer le
malade qu’il a en charge. Il est probable qu’un ou plusieurs de ces patients ont dû bénéficier d’une retransplantation, dans des conditions immunologiques dès
lors plus compliquées ou dans une certaine urgence,
et au risque de pénaliser les patients inscrits sur la liste
d’attente officielle.
La position philosophique face
à la transplantation d’organe provenant
d’un condamné exécuté
Les premières greffes de rein en France, dans les années
1950, furent faites à partir de reins de condamnés à
mort. Désormais, la pratique est unanimement proscrite
au niveau international (22). La séquence immanquablement “utilitariste” d’une mort voulue par la société,
suivie du prélèvement d’un organe dont elle a besoin
heurte nos principes moraux.
L’aménagement de la législation
contre les aspects généraux du trafic
Le principe selon lequel le corps humain ne peut faire
l’objet de bénéfices relève des “acquis” juridiques du
Conseil de l’Europe. Ce principe, qui figurait déjà dans
la résolution 29 du Comité des ministres et qui a, en
particulier, été confirmé par la déclaration finale de la
troisième conférence des ministres européens de la
Santé, qui s’est tenue à Paris en 1987, a été consacré par
l’article 21 de la Convention sur les droits de l’homme
et la biomédecine (discussion par l’Assemblée le 25 juin
2003, lors de sa vingt et unième séance1). Ce principe
a été réaffirmé dans son Protocole additionnel relatif
à la transplantation d’organes et de tissus d’origine
humaine. Mais, alors que l’interdiction du trafic d’organes est légalement établie dans les États membres du
Conseil de l’Europe, il existe encore, dans la plupart des
pays, des lacunes juridiques en la matière. Rares sont les
codes pénaux nationaux dans lesquels la responsabilité
pénale pour le trafic d’organes est clairement spécifiée.
La responsabilité pénale doit concerner les fournisseurs,
les intermédiaires, le personnel hospitalier/infirmier et
les techniciens de laboratoire impliqués dans la procédure de transplantation illégale (22). L’information
en matière de “tourisme de transplantation” doit-elle
aussi être passible de poursuites ?
1 Voir document 9822, rapport de la commission des questions sociales, de la santé
et de la famille (rapporteur : Mme Vermot-Mangold) ; et document 9845, avis de la
commission des questions juridiques et des droits de l’homme (rapporteur : M. Dees).
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Contre-propositions d’organisation
ou de rémunération du donneur
face au développement du trafic
L’objectif serait, comme en matière de drogue ou de
prostitution (23), de diminuer, voire de supprimer le
tourisme-trafic en officialisant une transaction qui,
dès lors, cesserait d’être dépendante d’entreprises
criminelles.
Les principes sont de respecter l’autonomie des “vendeurs” et d’opposer une régulation aux lois du “marché
des greffes” orientées par le profit. La transparence aurait
pour effet d’assurer la sécurité des procédures et des
donneurs et l’absence de coercition. Des expériences
de défraiement des donneurs vivants apparentés et
des “Bons Samaritains” sont en cours en Ontario (24) et
des estimations chiffrées d’indemnités ont été faites par
A.J. Matas et al. en 2012. Une forme de rémunération
“officielle”, sociétale, ne pourrait-elle pas, en outre, alléger,
voire faire disparaître, la dette du receveur vis-à-vis du
donneur ? En 2010, au congrès de l’ILTS (International
Liver Transplantation Society), Gary Levy, canadien, a présenté les mesures d’incitation de la province de l’Ontario
qui versait 6 500 dollars aux donneurs anonymes pour
remboursement des dépenses de soins liés au prélèvement, mais souhaitait en étendre le champ.
Comme dans La Servante écarlate, roman de fiction sur
une société totalitaire où les femmes, en voie d’extinction, sont utilisées autoritairement pour la reproduction (25), l’Iran a généralisé le système du donneur
volontaire altruiste mais rémunéré (7) où chaque citoyen
peut devenir un donneur pris en charge par l’État. Il n’y
a plus de pénurie. Mais 2 questions se posent. D’abord,
rien n’atteste que le volontariat est la règle. N’y a-t-il pas
un parallélisme à établir avec le concept du consentement présumé de nos morts ? Par ailleurs, aucun autre
type de greffe n’est possible, la liste d’attente n’existe
pas. Mais n’est-ce pas au prix du renoncement à certaines indications autocensurées (7) ?
Le versant moral de cette vision philosophique reste
débattu (26-28). Au principe de la greffe à partir d’un
donneur vivant, apparenté ou payé, est intrinsèquement attachée une violence “anthropologique” dans
le premier cas, “socioéconomique” dans le second. Il
est tentant de transformer la dette incompressible du
receveur envers le donneur en une transaction financière dans laquelle les 2 parties seraient “gagnantes”
et libérées une fois pour toute du poids du don. Mais
chacun sait qu’il est impossible d’assurer le caractère
“positif” de la transaction chez le donneur et que, par
ailleurs, le prix de la transaction constitue une voie
d’inégalité contraire à nos conceptions (en tous cas
■
européennes) d’équité dans le soin.
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