Trafic d’organes et tourisme de transplantation :

Le Courrier de la Transplantation - Vol. XIV - n° 2 - avril-mai-juin 2014
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Dossier thématique
Comment faire face
au trafic d’organes ?
Résumé
Summary
»
Les greff es d’organes eff ectuées à l’étranger à partir de donneurs
vivants ou cadavérique d’autres pays, notamment émergents, sont
une réalité. La pénurie d’organes et les progrès croissants en matière
de greff es d’organes ont accru la demande et créé une situation
complexe allant du tourisme de transplantation au trafi c d’organes.
La plupart des professionnels médicaux et des autorités de santé
condamnent cette pratique et plusieurs conférences internationales
ont demandé son arrêt. Le devenir médical et sociologique
des donneurs est préoccupant. Le tourisme de transplantation
questionne aussi la qualité de la réalisation des greff es et la survie
des greff ons dont la littérature rapporte qu’elles sont inférieures à
celles observées au sein de programmes nationaux réguliers, car
elles s’accompagnent de taux d’échec et de complication élevés
et la fonction du greff on est diminuée dans des séries qui, pour
limitées quelles semblent, sont bien réelles. Ainsi, certains n’hésitent
pas à proposer un marché régulier et encadré, qui diminuerait,
voire supprimerait le trafic. Plusieurs programmes proposent
l’indemnisation des donneurs vivants et/ou une modifi cation de
la loi concernant les donneurs non apparentés. Cette question est
débattue sur un plan éthique.
Mots-clés : Transplantation – Trafi c – Organes.
Transplants in foreign countries with cadaveric or paid
living donors exist, especially in emerging countries. The
organ shortage and the increasing demand in organ
transplantations have created a complex situation
ranging from tourism transplantation to organ traffi c.
Most physicians or health care stakeholders condemn
this practice and several international conferences have
stated about its interruption. Medical and sociological
evolution of paid donors is a question that matters. Tourism
transplantation has also raised question of quality and
survival of such transplantations that have been shown
to get worse results than those performed through regular
national programs, in terms of mortality, perioperative
complications, and graft survival. This is proven in limited
but well-documented series. Hence, some advocate the
need for a regulated market, that should counterbalance
black market. That is the reason why some offi cial programs
propose incentives for paid donors and modifi cations of
the law for unrelated living donors. It remains a question
of ethics and ethical debates.
Keywords: Transplantation - Traffi cking - Organs.
Trafic d’organes et tourisme
de transplantation :
le point de vue du chirurgien
Organ trafficking and transplant tourism: a point of view
François-René Pruvot*
*Chirurgie digestive
et transplantation,
CHRUdeLille.
Réfl exions générales
Le procès de Gilles de Rais, en 1440, a montré la fasci-
nation de l’opinion pour des crimes abominables et la
diffi culté à séparer les faits réels des fantasmes dès lors
qu’ils touchent à des tabous structurels de notre orga-
nisation psychosociale (1). Ce phénomène rejoint celui
décrit par V. Campion-Vincent, en 1997, dans l’ana-
lyse critique des récits sur les enlèvements pour vols
d’organes (2). En 1993, la journaliste Marie-Monique
Robin avait montré des enfants errant dans les rues de
Bogota, rendus aveugles, disait-on, par le prélèvement
de leurs yeux en vue de greff es de cornées, enfants
qui possédaient en réalité toujours leurs yeux, mais
atteints de kératite infectieuse grave. Et la récente
aff aire de Madagascar nous rappelle à l’ordre (3). Mais
si le phénomène universel de la rumeur, s’agissant
en particulier du trafi c d’organes, doit nous rendre
prudents quant à l’appréciation des données chiff rées
internationales, il est impossible d’ignorer la réalité
du tourisme de transplantations, voire de la pratique,
institutionnalisée dans certains pays, de la greff e de
ressortissants étrangers aux dépens d’organes prélevés
chez leurs citoyens défavorisés (4). Des reportages
ables et des articles scientifi ques attestent d’une
pratique qui est passée de l’ère du trafi c sporadique
au tourisme de transplantation, qui sest accru au
début des années 2000 (5), puis s’est ralenti grâce
aux prises de position d’organisations internationales
et de société savantes médicales (6).
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Trafi c d’organes et tourisme de transplantation : le point de vue du chirurgien
Défi nition : tourisme et trafi c d’organes
Le trafic d’organes comporte une connotation de
coercition, de paiement d’un tiers, de fraude, d’abus
de pouvoir sur une personne vulnérable, voire d’une
absence de son consentement, tout cela à des fins
d’exploitation d’êtres humains (7). La notion de com-
merce implique la vente ou l’achat. Celle de tourisme
de transplantation correspond à plusieurs situations de
mouvements hors des frontières d’un État, totalement
diff érentes selon que le receveur et le donneur sont ou
non de la même origine, selon que le déplacement a
lieu dans le pays du donneur ou dans celui du rece-
veur (7). Cela a des implications diff érentes en termes
d’encadrement médical de l’acte et de rémunération
nancière. De ce point de vue, l’autorisation encadrée
d’une greff e à un receveur étranger à partir d’un greff on
de sujet en mort encéphalique au sein d’un programme
offi ciel d’un autre pays ne relève pas du caractère illégal.
Peut-on considérer cette interview de Isabelle Bayard,
âgée de 55 ans, dialysée à Paris, comme un exemple
de tourisme médical : “Me faire opérer à Angers m’a fait
gagner quatre ans (Le Parisien, le 11 septembre 2013) ?
Diff érences culturelles
Vérité en deçà des Pyrénées, mensonge au-delà, écri-
vait Blaise Pascal.
La loi française est très claire : l’achat comme la vente
d’organes sont rigoureusement interdits. La loi garantit
la non-patrimonialité du corps humain : le corps ne peut
faire l’objet d’un commerce quelconque sous peine de
7 ans de prison et de plus de 100 000 euros d’amende.
Importer ou exporter illégalement des produits humains
est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros
d’amende. Mais, dans certaines cultures, le don ou la
vente d’un de ses reins nest pas considéré comme cho-
quant (7). Ce fut le cas des Philippines qui, entre 2002 et
2008, avaient offi ciellement instauré un programme qui
allait dans ce sens (4). C’est le cas de l’Inde, où l’exploita-
tion d’individus de castes inférieures a longtemps été
la règle (8) et la vente d’un rein considérée comme une
chance” de sortir fi nancièrement de sa condition, une
version choquante du fi lm Slumdog millionaire. Mais les
questions émergent lorsque l’on constate l’impossibilité
pour ces pays d’organiser la surveillance morale et tech-
nique de tels programmes, sources de trafi c. En revanche,
il est clair que la question de la peine capitale, toujours
existante dans la législation de certains pays, n’est pas à
confondre avec la possibilité morale, offi cielle ou non, de
prélever des organes sur les cadavres des condamnés. De
ce point de vue, l’utilisation des condamnés à mort en
République populaire de Chine, qui a été, et qui est peut
être encore une réalité, sest trouvée freinée par la cam-
pagne internationale soutenue par les organisations
internationales de transplantations d’organes de pays
où la peine de mort reste pourtant légale (États-Unis)
[7]. Globalement, et quelle que soit la permissivité des
règles d’un autre pays où il pourrait être accueilli pour
greff e, la conduite de tout malade receveur potentiel ou
eff ectif vis-à-vis de la greff e et du donneur ne doit-elle
pas être dictée par la morale, la loi et l’éthique du pays
dont il est issu ?
Statistiques
Le tourisme de transplantations et/ou du trafi c d’organes
repose sur la diff érence entre le nombre de greff es réali-
sées et les besoins. Ces besoins, estimés chaque année
dans la plupart des pays organisant un programme de
transplantations à l’échelle nationale, peuvent consti-
tuer le vivier des demandeurs, offi ciels ou non. Plusieurs
articles ont analysé le devenir de patients inscrits sur la
liste d’attente de greff es de rein puis retirés, sans raison
médicale (9). L’Établissement français des greff es a réalisé,
en 2002, à la demande de son conseil médical et scien-
tifi que, une enquête auprès de l’ensemble des équipes
françaises de greff e rénale afi n de connaître le nombre de
celles faites à l’étranger à partir de donneurs vivants non
apparentés et rémunérés, c’est-à-dire dans des conditions
contraires aux dispositions légales françaises au regard
de la gratuité. Le taux de réponse à cette enquête s’est
élevé à 37 % et a montré que, en 5 ans, 10 patients étaient
allés recevoir une greff e à létranger d’un donneur vivant
rémunéré. Les pays dans lesquels ces greff es ont eu lieu
sont l’Inde, la Chine, la Turquie et l’Égypte. Aux États-Unis,
plusieurs articles ont mis en évidence la prépondérance
de ce phénomène dans les minorités ethniques, en par-
ticulier quand les ressortissants repartent vers leur pays
d’origine (9). Les facteurs favorisants seraient le sexe mas-
culin, l’appartenance asiatique et un niveau socioculturel
élevé. Les pays étrangers les plus concernés seraient la
Chine, les Philippines, l’Inde et la Corée. Un parallèle a été
établi entre la longueur de la durée d’attente, la disparité
entre le nombre de greff es et la satisfaction des besoins,
d’une part, et, d’autre part, le risque de tourisme médical
(Khamash cité par [7]). Certains programmes susciteraient
et organiseraient même la pratique du tourisme (10).
En miroir, il est indéniable que la pratique de ce tourisme-
trafi c de la transplantation est favorisée par l’existence
de pays en voie de développement, où les populations
sont défavorisées, où l’exploitation des plus pauvres est
une habitude culturelle, et où la corruption rampe, voire
est organisée par les structures de l’État lui-même (8).
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Dossier thématique
Comment faire face
au trafic d’organes ?
Résultats médicoscientifi ques
de la greff e d’organes issue du tourisme
médical ou du trafi c dorganes
Les mauvais résultats de telles greff es sont concordants
dans la littérature (11-14). Ils peuvent concerner une sur-
mortalité périopératoire. Ils concernent aussi les risques
infectieux de la greff e ou d’infection virale contractée
à partir du greff on. Ils concernent, pratiquement tous,
la moins bonne survie, tant pour les greff es rénales
– où les chiff res moyens de créatininémie sont supé-
rieurs à ceux des patients greff és dans les conditions
légales du pays d’origine – quen greff e hépatique, où
surviennent des complications biliaires gravissimes (14,
15). Un tableau résume les raisons invoquées (7) : les
conditions illégales de réalisation, le fait que les rece-
veurs ne retournent pas immédiatement dans leur pays
d’origine ou nobservent pas un suivi régulier après la
transplantation, dans la crainte d’être dénoncés et le fait
que les médecins qui ont pratiqué les greff es illégales
ne s’intéressent pas aux données relatives à la survie
de ces receveurs. Les informations sont incomplètes
car elles reposent sur les déclarations des receveurs.
Toutes ne sont pas connues, et il est probable que les
décès survenant avant, pendant ou après l’intervention
ne sont pas tous recensés.
En ce qui concerne la transplantation hépatique, 2 para-
mètres correctifs doivent être précisés :
les donneurs cadavériques, parfois des prisonniers
exécutés, soulèvent le même problème physiopatho-
logique que les donneurs à cœur arrêté chez lesquels
l’ischémie biliaire n’a été améliorée, ces dernières
années, que par l’instauration immédiate d’une cir-
culation extracorporelle (16), dispositif extrêmement
lourd, incompatible avec des pratiques non institu-
tionnalisées ;
il est manifeste que les indications en situation de
tourisme médical, voire de trafic d’organes, ne res-
pectent pas les critères reconnus, en particulier en
ce qui concerne la transplantation pour carcinome
hépatocellulaire, comme cela a été régulièrement le
cas avec le donneur vivant, même dans le cadre légal
d’un pays (17) imposant les dispositions de Vancouver
datant de 2006.
Morbidité chez le donneur vivant
Les mauvais résultats de la transplantation dans le
cadre du tourisme médical concernent également les
donneurs. De la même manière, les statistiques sont
diffi ciles à obtenir compte tenu de l’opacité de ces pra-
tiques dans lesquelles les donneurs nont pas le droit de
révéler leur identité ou de faire appel aux soins offi ciels.
Cependant tous les articles sur le devenir des donneurs
en cas de greff e de rein montrent des résultats qui vont
dans le même sens au niveau de la fonction rénale, du
surrisque d’hypertension artérielle et du statut pour
les hépatites C et B.
Ces mauvais résultats concernent également le devenir
socioéconomique de ces donneurs : d’une part, il est
démontré quils sont le plus souvent l’objet d’une
contrainte et d’un abus de la part d’intermédiaires
frauduleux, d’autre part, que le gain obtenu ne modifi e
pas leurs conditions économiques à moyen terme.
Labsence de changement de statut économique et la
pauvreté socioculturelle de ces donneurs aggravent le
manque de suivi après le prélèvement d’organe (18).
Leff et de cette pratique sur la politique de transplan-
tation de certains pays développés pose question. En
Israël, il y a eu, après 2006, une diminution du nombre
de receveurs en attente sur liste avec la pratique du
tourisme médical (19) et, en Corée, la politique de
développement du donneur cadavérique stagne (20).
Est alors soulevée la question concernant la facilité
du tourisme médical comparativement aux eff orts à
fournir pour promouvoir le don d’organes, organiser
le prélèvement à l’échelle d’un pays et encadrer le
don du vivant, apparenté ou non (20).
Considérations éthiques
Les interrogations que soulèvent le tourisme de trans-
plantation et le trafi c d’organes sont multiples.
Lattitude face à la demande d’un malade
Plusieurs médecins se sont questionnés sur les obli-
gations éthiques vis-à-vis du patient qui eff ectue une
demande, estimant que l’impératif supérieur était de
le prendre en charge sans censurer les possibilités
off ertes par le tourisme de transplantation dont la
réglementation et la gestion, donc les aspects moraux,
relèvent du domaine juridique (7, 21). Pour autant,
informer nest pas conseiller et la question s’est posée
de savoir si l’information devait être donnée dès le
commencement de la procédure de greff e classique ou
si elle ne devait intervenir qu’en cas soit d’impossibilité
de trouver un donneur vivant, soit de durée d’attente
rédhibitoire. Elle doit aussi mettre le patient en garde
quant aux risques médicaux et aux interdits juridiques.
Lattitude face à la demande de soins
après une greff e à l’étranger
Des malades français, en particulier d’outre-mer, ont
témoigné avoir bénéfi cié d’une transplantation rénale
à l’étranger et être revenus sur le territoire national
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Trafi c d’organes et tourisme de transplantation : le point de vue du chirurgien
pour le suivi. Les patients qui, greff és dans ces condi-
tions, s’adressent aux services hospitaliers en France
pour le suivi après greff e sont bien entendu pris en
charge. Il faut rappeler l’obligation légale du secret
professionnel, qui interdit au médecin de dénoncer le
malade qu’il a en charge. Il est probable qu’un ou plu-
sieurs de ces patients ont dû bénéfi cier d’une retrans-
plantation, dans des conditions immunologiques dès
lors plus compliquées ou dans une certaine urgence,
et au risque de pénaliser les patients inscrits sur la liste
d’attente offi cielle.
La position philosophique face
à la transplantation d’organe provenant
d’un condamné exécuté
Les premières greff es de rein en France, dans les années
1950, furent faites à partir de reins de condamnés à
mort. Désormais, la pratique est unanimement proscrite
au niveau international (22). La séquence immanqua-
blement utilitariste d’une mort voulue par la société,
suivie du prélèvement d’un organe dont elle a besoin
heurte nos principes moraux.
Laménagement de la législation
contre les aspects généraux du trafi c
Le principe selon lequel le corps humain ne peut faire
l’objet de bénéfi ces relève des acquis” juridiques du
Conseil de l’Europe. Ce principe, qui fi gurait déjà dans
la résolution 29 du Comité des ministres et qui a, en
particulier, été confi rmé par la déclaration fi nale de la
troisième conférence des ministres européens de la
Santé, qui sest tenue à Paris en 1987, a été consacré par
l’article 21 de la Convention sur les droits de l’homme
et la biomédecine (discussion par l’Assemblée le 25 juin
2003, lors de sa vingt et unième séance1). Ce principe
a été réaffi rmé dans son Protocole additionnel relatif
à la transplantation d’organes et de tissus d’origine
humaine. Mais, alors que l’interdiction du trafi c d’or-
ganes est légalement établie dans les États membres du
Conseil de l’Europe, il existe encore, dans la plupart des
pays, des lacunes juridiques en la matière. Rares sont les
codes pénaux nationaux dans lesquels la responsabilité
pénale pour le trafi c d’organes est clairement spécifi ée.
La responsabilité pénale doit concerner les fournisseurs,
les intermédiaires, le personnel hospitalier/infi rmier et
les techniciens de laboratoire impliqués dans la pro-
cédure de transplantation illégale (22). Linformation
en matière de “tourisme de transplantation doit-elle
aussi être passible de poursuites ?
1 Voir document 9822, rapport de la commission des questions sociales, de la santé
et de la famille (rapporteur : Mme Vermot-Mangold) ; et document 9845, avis de la
commission des questions juridiques et des droits de l’homme (rapporteur : M. Dees).
Contre-propositions d’organisation
ou de rémunération du donneur
face au développement du trafi c
Lobjectif serait, comme en matière de drogue ou de
prostitution (23), de diminuer, voire de supprimer le
tourisme-trafi c en offi cialisant une transaction qui,
dès lors, cesserait d’être dépendante d’entreprises
criminelles.
Les principes sont de respecter l’autonomie des “ven-
deurs” et d’opposer une régulation aux lois du “marché
des greff es” orientées par le profi t. La transparence aurait
pour eff et d’assurer la sécurité des procédures et des
donneurs et l’absence de coercition. Des expériences
de défraiement des donneurs vivants apparentés et
des “Bons Samaritains” sont en cours en Ontario (24) et
des estimations chiff rées d’indemnités ont été faites par
A.J. Matas et al. en 2012. Une forme de rémunération
offi cielle”, sociétale, ne pourrait-elle pas, en outre, alléger,
voire faire disparaître, la dette du receveur vis-à-vis du
donneur ? En 2010, au congrès de l’ILTS (International
Liver Transplantation Society), Gary Levy, canadien, a pré-
senté les mesures d’incitation de la province de l’Ontario
qui versait 6 500 dollars aux donneurs anonymes pour
remboursement des dépenses de soins liés au prélève-
ment, mais souhaitait en étendre le champ.
Comme dans La Servante écarlate, roman de fi ction sur
une société totalitaire où les femmes, en voie d’extinc-
tion, sont utilisées autoritairement pour la reproduc-
tion (25), l’Iran a généralisé le système du donneur
volontaire altruiste mais rémunéré (7) où chaque citoyen
peut devenir un donneur pris en charge par l’État. Il n’y
a plus de pénurie. Mais 2 questions se posent. D’abord,
rien n’atteste que le volontariat est la règle. N’y a-t-il pas
un parallélisme à établir avec le concept du consente-
ment présumé de nos morts ? Par ailleurs, aucun autre
type de greff e nest possible, la liste d’attente nexiste
pas. Mais nest-ce pas au prix du renoncement à cer-
taines indications autocensurées (7) ?
Le versant moral de cette vision philosophique reste
débattu (26-28). Au principe de la greffe à partir d’un
donneur vivant, apparenté ou payé, est intrinsèque-
ment attachée une violence anthropologique” dans
le premier cas, “socioéconomique” dans le second. Il
est tentant de transformer la dette incompressible du
receveur envers le donneur en une transaction finan-
cière dans laquelle les 2 parties seraient gagnantes”
et libérées une fois pour toute du poids du don. Mais
chacun sait qu’il est impossible d’assurer le caractère
“positif de la transaction chez le donneur et que, par
ailleurs, le prix de la transaction constitue une voie
d’inégalité contraire à nos conceptions (en tous cas
européennes) d’équité dans le soin.
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