nologique, en particulier l’émergence de
lymphocytes à mémoires dirigés contre
des épitopes viraux, limite le seuil de tolé-
rance du receveur. Ces lymphocytes sem-
blent plus résistants que d’autres à l’apop-
tose induite par des agents déplétants
comme des sérums antilymphocytaires. La
lymphopénie induite par ces sérums anti-
lymphocytaires génère un climat hostile
pour la greffe, car elle a pour effet d’abais-
ser le seuil d’activation des lymphocytes
résiduels (8). Ensuite, les interférences
potentielles des drogues “unanimement
reconnues” en transplantation pourraient
limiter l’efficacité de protocoles d’induc-
tion de tolérance en transplantation. En
effet, de plus en plus de données démon-
trent que l’efficacité des lymphocytes
régulateurs dépend elle-même de signaux
de costimulation ou de la production de
certaines cytokines ou chimiokines (9).
Une meilleure compréhension de ces
mécanismes, chez le petit et le grand ani-
mal, mais aussi chez l’homme, devrait
permettre de surmonter ces obstacles.
LES ESSAIS CLINIQUES D’INDUCTION
DE TOLÉRANCE
Rares sont les essais cliniques d’induc-
tion de tolérance avec arrêt complet des
immunosuppresseurs, comme les travaux
pionniers de l’équipe de M. Sykes (7).
L’induction de tolérance se définit par
l’acceptation d’une allogreffe en l’absen-
ce de tout traitement immunosuppresseur,
la différenciant des protocoles de minimi-
sation déjà plus fréquents (10). Vincent
Donckier (page 106 et suivantes) a revu
la littérature à ce sujet et nous fait part de
ses propres travaux portant sur l’induc-
tion de tolérance aux allogreffes de foie à
partir d’un donneur vivant, fondés sur
l’administration de cellules souches du
donneur, de sérum antilymphocytaire, et
d’un traitement très transitoire à la rapa-
mycine. Les patients sélectionnés dans
cette étude étaient tous initialement
atteints d’un cancer, ce qui justifie d’au-
tant plus l’absence de traitement immu-
nosuppresseur à long terme. L’approche
prometteuse de cette étude est d’autant
plus intéressante qu’elle s’accompagne
d’un immunomonitorage de la réponse
allogénique au moyen de cultures mixtes
lymphocytaires (CML) en présence de
cellules stimulatrices soit de type don-
neur, soit provenant d’un tiers.
L’observation d’une hyporéponse, voire
la disparition de la réponse à l’égard des
antigènes du donneur, signerait un état de
tolérance spécifique, à condition que la
réponse contre des antigènes tiers soit
conservée et que la greffe soit acceptée
sans traitement immunosuppresseur.
LE DÉVELOPPEMENT D’OUTILS
INDISPENSABLES
Disposer d’outils capables de quantifier
de manière précise, fiable, reproductible
et validé de la réactivité allogénique est
indispensable à tout protocole d’induc-
tion de tolérance ou de minimisation de
l’immunosuppression. L’intérêt de cette
démarche a été récemment développé
dans Le Courrier de la Transplantation.
De même, la détection d’une “signature”
de tolérance, que ce soit au niveau de
gènes ou de protéines, s’ajoutant à la
simple absence de réponse antidonneur,
renforcera la pertinence de ces tests. Un
outil spectaculaire, plus récent que la
CML (culture mixte lymphocytaire),
consiste à marquer les lymphocytes allo-
réactifs par des molécules mimant un
CMH du donneur (voie directe), ou
encore un CMH du receveur contenant
un peptide dérivé d’un alloantigène du
donneur (voie indirecte). De telles molé-
cules, appelées tétramères, sont déjà uti-
lisées pour détecter les lymphocytes
CD8+ – tétramères de classe I (5), mais
sont exceptionnelles pour les CD4+ –
tétramères de classe II –. Deborah
Klestadt (page 113 et suivantes) nous
explique l’intérêt de cet outil et com-
ment le faire synthétiser par des levures.
CONCLUSION
Le développement de protocoles rationnels,
non empiriques et méthodologiquement
rigoureux, d’induction de tolérance en
transplantation nécessite des infrastructures
lourdes et des échanges permanents sans
limite entre cliniciens et biologistes. C’est
ce que nous expliquent Michel Goldman et
Géraldine Faucheux (page 83 et suivantes)
dans leur billet concernant le programme
européen RISET. Ce programme internatio-
nal est animé par des équipes françaises,
belges, hollandaises, allemandes, anglaises
et venant aussi d’autres pays européens,
ayant chacune des compétences complé-
mentaires en termes d’approche biologique
et clinique, sans compter la participation
inestimable des patients. $
R
ÉFÉRENCES
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Le Courrier de la Transplantation - Volume V - n
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2 - avril-mai-juin 2005
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