Cas clinique Syndrome de Gitelman à diagnostic tardif Maria-Christina Zennaro, Rosa Vargas-Poussou* M onsieur A.N., âgé de 60 ans, est vu en consultation pour une histoire très ancienne d’hypokaliémie, documentée 18 ans auparavant à 3,1 mmol/l, mais sans aucune proposition thérapeutique jusqu’à présent. Il n’a pas d’hypertension artérielle et n’a jamais présenté de trouble du rythme cardiaque. Par ailleurs, il ne signale pas de paresthésie ni de crampes, et son tracé ECG de repos ne présente aucune anomalie. Il s’agit donc d’une hypokaliémie parfaitement tolérée. Parmi ses antécédents, on retient un infarctus du myocarde ayant nécessité une thrombolyse et une angioplastie coronaire au niveau de l’interventriculaire antérieure. Le suivi cardiologique est satisfaisant, avec maintien du traitement de prévention secondaire associant un antiagrégant plaquettaire, une statine et un inhibiteur calcique. En 2007, une mesure d’aldostérone plasmatique montrait une valeur de 102 pmol/l pour une kaliémie concomitante à 2,8 mmol/l. Nous ne disposons pas d’une mesure contemporaine de la rénine plasmatique, et il est donc possible que l’hypokaliémie ait inhibé la sécrétion d’aldostérone. Devant un tel tableau clinicobiologique, on peut évoquer soit un hyperaldostéronisme primaire sans hypertension (de tels cas ont été décrits dans la littérature [1]), soit un syndrome de Gitelman de découverte tardive. Le patient est donc admis en hospitalisation de jour pour des explorations fonctionnelles hormonales et métaboliques, puis reçu en consultation de génétique. Lors de son hospitalisation, on note une mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) révélant une moyenne à 122/73 mmHg. La kaliémie est à 2,5 mmol/l, avec un trou anionique évalué à – 2,5. Le patient présente un profil d’hyperréninisme, avec une rénine à 98 mU/l (10-25 mU/l) en position couchée et à 213 mUI/l (15-50 mU/l) debout, alors que les taux d’aldostérone sont bas : 58 pmol/l couché (80-400 pmol/l) et 88 pmol/l debout (208-1 000 pmol/l) ; l’aldostéronurie est à 15 nmol/24 h (14-47 nmol/24 h). Enfin, le scanner ne montre pas d’anomalie rénale ou des artères rénales, avec un aspect normal des surrénales. Le diagnostic s’oriente donc vers un syndrome de Gitelman et, à la suite de la consultation en génétique, un test est réalisé sur le gène SLC12A3 codant pour le cotransporteur Na-Cl sensible aux thiazides (NCC). Deux mutations différentes sont retrouvées, l’une modifiant un acide aminé et l’autre localisée sur un site d’épissage. Le patient est donc porteur de deux allèles mutés de ce cotransporteur, ce qui permet d’expliquer le tableau clinique et biologique. Le syndrome de Gitelman est une tubulopathie héréditaire rare à transmission autosomique récessive, dont la prévalence est estimée à 1/40 000. Il fait partie de ce que l’on appelle les syndromes de type Bartter, un groupe de tubulopathies caractérisées par une perte de sel, une hypokaliémie profonde et une alcalose métabolique hypochlorémique (2). Les syndromes de type Bartter peuvent être classés sur des critères cliniques, reflets des mécanismes pathogéniques sous-jacents, en deux groupes majeurs : d’une part, le syndrome de Bartter anténatal (associé ou non à une surdité) et, d’autre part, le syndrome de Bartter classique et le syndrome de Gitelman. Ce dernier décrit pour la première fois en 1966 (3), a été longtemps assimilé au syndrome de Bartter. Cependant, il s’en distingue par un âge d’apparition plus tardif (adolescent ou jeune adulte), une excrétion urinaire de calcium réduite et une hypomagnésémie plus marquée (4). Il existe une stimulation du système rénine-angiotensine, mais les taux d’aldostérone plasmatique sont normaux, voire bas, en raison de sa frénation par l’hypokaliémie. La symptomatologie clinique est bénigne, avec des pertes modérées en sel et en eau, sans hypertension artérielle ; les symptômes les plus fréquents chez l’adulte sont une augmentation de l’appétit sodé, une asthénie, des crampes, une faiblesse musculaire ou des épisodes de tétanie. Certains patients peuvent aussi consulter pour un retard de croissance ou une petite taille. Parfois, on observe des troubles du rythme cardiaque ou une chondrocalcinose. Le syndrome de Gitelman est transmis selon un mode autosomique récessif, et la majorité des patients est hétérozygote composite pour deux mutations héritées chacune d’un des parents. Il s’agit de mutations perte de fonction sur le gène SLC12A3, qui code pour un NCC, exprimé dans les cellules du tubule contourné distal rénal. Le diagnostic différentiel inclut les autres syndromes de type Bartter, en particulier la forme classique, ainsi que l’utilisation de diurétiques ou de laxatifs. Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIII - n° 6 - novembre-décembre 2009 * Inserm, U970, Paris Cardiovascular Research Center – PARCC ; service de génétique, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris. 245 CoDia 2 Cas clinique Au-delà du test génétique, qui permet un diagnostic précis dans la plupart des cas, le test à l’hydrochlorothiazide (étude de l’excrétion fractionnelle de chlore sur 3 heures après administration d’hydrochlorothiazide) offre une très bonne sensibilité et une très bonne spécificité pour le diagnostic de syndrome de Gitelman (5). Une étude récente a montré que le syndrome de Gitelman – bien que généralement considéré comme une condition bénigne, et malgré une variabilité phénotypique importante – pouvait être associé à une réduction de la qualité de vie similaire à celle décrite dans le diabète et l’insuffisance cardiaque (6). Dans le cas de notre patient, l’hypokaliémie était très bien tolé- rée, sans symptomatologie particulière, ce qui explique le diagnostic très tardif de la maladie. Cela est cohérent avec un âge moyen d’apparition du syndrome de Gitelman autour de 18 ans. La fuite potassique est difficile à compenser, et les seuls traitements qui soient connus comme améliorant à la fois la kaliémie et la symptomatologie sont une supplémentation potassique et des précautions diététiques (fruits secs, etc.), ainsi qu’un apport complémentaire de magnésium. Il faut comprendre que l’hypokaliémie chronique peut être tolérée, même lors d’une intervention chirurgicale, dès lors que l’on atteint une kaliémie de base de 3,03,5 mmol/l avant l’anesthésie. ■ Références 1. Medeau V, Moreau F, Trinquart L et al. Clinical and bioche- 3. Gitelman HJ, Graham JB, Welt LG. A new familial disorder 5. Colussi G, Bettinelli A, Tedeschi S et al. A thiazide test for the characterized by hypokalemia and hypomagnesemia. Trans Assoc Am Physicians 1966;79:221-35. diagnosis of renal tubular hypokalemic disorders. Clin J Am Soc Nephrol 2007;2:454-60. 2. Jeck N, Schlingmann KP, Reinalter SC et al. Salt handling in 4. Devuyst O, Konrad M, Jeunemaitre X, Zennaro MC. Tubular 6. Cruz DN, Shaer AJ, Bia MJ, Lifton RP, Simon DB. Gitelman’s disorders of electrolyte regulation. In: Handbook of Pediatric Nephrology. Berlin Heidelberg: Springer-Verlag, 2009. syndrome revisited: an evaluation of symptoms and healthrelated quality of life. Kidney Int 2001;59:710-7. Nouvelles l’industri e mical characteristics of normotensive patients with primary aldosteronism: a comparison with hypertensive cases. Clin Endocrinol (Oxf ) 2008;69:20-8. the distal nephron: lessons learned from inherited human disorders. Am J Physiol Regul Integr Comp Physiol 2005;288:R782-95. de pharma ceutique Communiqués des conférences de presse, symposiums, manifestations, organisés par l’industrie pharmaceutique Les Français et le diabète : une maladie proche… mais mal connue Le thème central de la Journée mondiale du diabète (14 novembre 2009), soutenue depuis plusieurs années par l’ONU, portait cette année sur “Éducation et Prévention”. L’objectif était de sensibiliser le public aux enjeux du diabète aussi bien en termes de prévention que de vie quotidienne. À cette occasion, Novo Nordisk a réalisé avec l’IFOP une étude destinée à évaluer la connaissance et l’image que les Français ont de cette maladie. Les résultats montrent que 75 % d’entre eux connaissent au moins une personne atteinte, qui appartient dans plus de la moitié des cas au cercle familial. Un quart des Français estiment présenter un risque élevé de développer un diabète et 56 % d’entre eux ont déjà cherché à savoir s’ils étaient atteints. Une majorité (65 %) a conscience que cette pathologie peut générer de très graves complications et 81 % des sujets interrogés estiment bien connaître la maladie. Dans les 246 faits, ce degré de connaissance paraît relatif et les enjeux de prévention bien lointains. En effet, les associations citées sont bien souvent vagues et portent principalement sur le taux de sucre, le dysfonctionnement du pancréas et l’existence de plusieurs types de diabète. Les références au traitement médical portent essentiellement sur le diabète de type 1 : insuline, injections/piqûres. Les références au mode de vie montrent un niveau de sensibilisation faible face aux enjeux de prévention, notamment pour le diabète de type 2. Les deux tiers des Français s’estiment bien informés sur le diabète en général, mais cette information passe avant tout de bouche à oreille avec le risque d’approximation et d’erreurs que cela implique. Enfin, pour évaluer l’attitude des sujets interrogés face au diabète, une série de questions sur leurs pratiques alimentaires et physiques ont été posées. Quatre profils d’individus ont pu être établis. Les bons élèves (27 %) : ils représentent majoritairement des femmes retraitées de plus de 65 ans, sont adeptes d’un mode de vie vertueux, ne sont pas en surpoids et ont fréquemment recours au dépistage. Les insouciants (23 %) : ils ont entre 25 et 34 ans, sont actifs, ne consomment pas suffisamment de fruits et légumes, connaissent mal l’existence des deux types de diabète et ne se sont jamais fait dépister. Les sensibilisés (24 %) : ils ont plus de 65 ans, sont plutôt retraités, sédentaires et grands consommateurs de télévision mais restent vigilants sur leur alimentation, conscients des facteurs de risque qu’ils présentent. Ils ont déjà effectué à plusieurs reprises un dépistage. Enfin, les exposés (26 %) : âgés de 35 à 49 ans, ils sont issus des couches populaires, ne connaissent qu’une alimentation riche en produits gras et sucrés, sont adeptes du grignotage entre les repas, sont en surpoids, n’exercent aucune activité physique et passent beaucoup de temps devant la télévision. Ils se distinguent des autres par le niveau de moindre connaissance de la maladie et l’absence de recours au dépistage. L’émergence de ces différents groupes confirme bien l’importance de la sensibilisation et de l’information du grand public. MP Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIII - n° 6 - novembre-décembre 2009 I O A 1 T E