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La Lettre du Psychiatre • Vol. VI - n° 4 - juillet-août 2010 | 111
se voient obligés de lutter pour trouver leur
place, se sentir en sécurité, et donner une
signification à un monde rempli d’imprévus
et d’impondérables. Ces combats, ainsi que les
expériences auxquelles ils se réfèrent, méritent
d’être étudiés et explorés. Ilexiste certes toute
une littérature portant sur le sujet de l’expé-
rience de soi dans la schizophrénie, mais il
manquait à ce jour une synthèse large de ces
travaux, ainsi qu’une évaluation des possibi-
lités d’application des recherches consacrées
à l’expérience de la pathologie à la première
personne. En outre, il est difficile de déterminer
dans quelle mesure ces diverses approches
sont comparables. P.H. et J.T. Lysaker se sont
attelés à cette tâche et ont passé en revue six
approches de la schizophrénie à la première
personne. Ils ont considéré que l’expérience
du
self
implique une prise de conscience du
soi en tant que personne particulière dans une
situation particulière, et qui se débrouille plus
ou moins bien. Les perspectives auxquelles
ils se sont intéressés sont celles des débuts
de la psychiatrie (E. Bleuler et E. Kraepelin),
de la psychiatrie existentielle (R. Laing et
M. Boss), de la psychanalyse, de la réhabili-
tation psycho-sociale, de la phénoménologie
et de la psychologie dialogique (S. Kierkegaard,
E. Nietzsche, et M. Bakhtine, notamment). Ce
survol des 100 dernières années leur a permis
d’observer que les publications consacrées à
l’expérience du soi convergent et divergent
selon trois points clés. Tout d’abord, toutes
les approches s’accordent sur le fait que la
plupart des patients se sentent diminués
depuis le début de leur maladie. Ils ressentent
moins de force vitale et se sentent moins
capables de s’engager dans le monde, ce qui
intensifie leur anxiété face aux interactions
de la vie de tous les jours. Il existe cependant
des différences concernant le moment et la
manière dont la conscience d’une diminution
de capacités émerge. Selon le point de vue
de la réhabilitation, ces difficultés peuvent
survenir brusquement, alors que, selon les
modèles phénoménologiques et existentiels, le
déficit de sens commun pourrait être à l’œuvre
longtemps avant l’apparition de la maladie. Un
autre point de divergence concerne la question
de savoir si on peut espérer que les patients
puissent un jour récupérer une perception
plus intégrée de l’expérience du soi. Ainsi,
E. Bleuler, E. Kraepelin et les phénoménologues
considèrent cela comme impossible, alors que
les psychanalystes pensent qu’une certaine
forme de récupération est possible. Des études
longitudinales pourraient peut-être contribuer
à éclaircir certains de ces désaccords.
>
Lysaker PH, Lysaker JT. Schizophrenia and alterations in
self-experience: a comparison of 6 perspectives. Schizophr
Bull 2010;36:331-40.
Consommation de cannabis
et survenue d’une psychose :
une étude avec des jumeaux
Wacol et autres villes d’Australie
Un certain nombre d’études prospectives
de cohortes ont démontré l’existence d’une
association entre la consommation précoce
de cannabis et un risque accru de survenue
d’une psychose. Se fondant sur de tels résultats
et sur un certain nombre d’autres éléments,
les revues ont généralement conclu que la
consommation de cannabis est reliée de
manière causale à l’émergence d’une psychose.
Toutefois, cette association pourrait refléter
des biais méthodologiques et l’implication de
variables non maîtrisées dans les études. L’étude
de jumeaux offre un modèle intéressant suscep-
tible d’éliminer certains facteurs d’incertitude.
Des chercheurs australiens ont ainsi exploré
l’association possible entre la consommation
de cannabis et l’émergence de divers types de
psychose, en réalisant une étude prospective
au sein d’une cohorte de naissance. Ils ont
pu bénéficier des données d’une large étude
australienne relatives à un suivi de grossesses
qui incluait plus de 7 000 mères et leurs enfants,
inscrits dans les registres du plus grand hôpital
de Brisbane. Les membres de la cohorte et leurs
mères ont fait l’objet d’un suivi à 5, 14 et 21 ans
après la naissance. À partir d’une cohorte de
3 801 jeunes adultes nés entre 1981 et 1984, les
auteurs ont pu inclure 228 paires de jumeaux
dans leur étude sur le cannabis. La consom-
mation de cannabis a été évaluée à l’issue des
21 ans de suivi par un autoquestionnaire. Les
auteurs ont exploré l’association potentielle
entre la consommation de cannabis et des
mesures de 3 types d’évolution psychotique :
la psychose non affective, les hallucinations
et le délire. La durée de la consommation
de cannabis antérieure à l’apparition de la
psychose, le sexe, l’âge, la maladie mentale
des parents, et la présence d’hallucinations
lors de l’étape de suivi à 4 ans ont été pris en
compte dans les calculs de régression logis-
tique. Les résultats montrent que la durée de
consommation de cannabis était clairement
associée à la survenue de chacun des 3 types
d’évolution psychotique étudiés, en particulier
chez les individus ayant consommé du cannabis
pendant 6 ans ou plus. Cette étude portant sur
des jumeaux, et qui permet d’éliminer un certain
nombre de facteurs confondants, semble donc
confirmer que la consommation précoce de
cannabis peut être associée de manière causale
à une évolution de type psychotique chez les
jeunes adultes.
>
McGrath J, Welham J, Scott J et al. Association between
cannabis use and psychosis-related outcomes using sibling
pair analysis in a cohort of young adults. Arch Gen Psychiatry
2010;67(5):440-7.
Différencier la schizophrénie
du trouble schizo-affectif,
et la psychose de la démence
New York (États-Unis) et Melbourne (Australie)
Depuis son introduction comme entité diagnos-
tique, le trouble psycho-affectif a joué un rôle un
peu incertain dans la nosologie psychiatrique.
Les cliniciens et les chercheurs ont souvent
considéré cette affection comme un sous-type
de la schizophrénie ou du trouble bipolaire. Des
études familiales et génétiques fournissent des
arguments en faveur de l’existence de points
communs entre le trouble psycho-affectif et ces
2 autres pathologies. Toutefois, une approche
génétique d’association n’avait pas encore
été entreprise pour affiner la compréhension
que nous pouvions en avoir. Par ailleurs, on
sait que le
brain-derived neurotrophic factor
(BDNF) s’exprime de manière importante dans
des régions cérébrales critiques comme l’hip-
pocampe, l’amygdale et le striatum. Dans ces
zones, il contribue à des processus clés suscep-
tibles d’être impliqués dans la psychopatho-
logie. Parmi ces fonctions, on peut relever la
mémoire et l’apprentissage associatif, le condi-
tionnement aversif et le stress de perturbation
sociale. En outre, une variation allélique dans
le gène codant pour le BDNF a été associée