ACTUALITÉS SCIENCES Coordonnées par E. Bacon (Inserm et clinique psychiatrique, Strasbourg) // American Journal of Psychiatry // Archive of General Psychiatry // British Journal of Clinical Psychology // British Journal of Psychiatry // Schizophrenia Bulletin // Schizophrenia Research Chez la femelle du singe rhésus, l’infection pendant la grossesse par le virus de la grippe entraîne des perturbations postnatales du cerveau de son petit Madison (États-Unis) Il est à présent bien admis que la survenue de perturbations physiques et psychologiques au cours de la grossesse est susceptible d’affecter le développement cérébral du fœtus, et d’augmenter le risque d’apparition de troubles psychiatriques et comportementaux chez l’enfant. L’infection maternelle par la grippe ou par d’autres agents pathogènes pendant la grossesse a été associée à un risque accru de schizophrénie et de troubles du développement neurologique chez l’enfant. Dans les études menées chez les rongeurs, on a pu observer que les réponses inflammatoires maternelles à la grippe affectent le développement cérébral du fœtus. Toutefois, afin de vérifier la pertinence de ces résultats chez l’humain, il serait nécessaire de mener de telles recherches auprès de primates, chez qui la corticogenèse prénatale est plus avancée. Les singes rhésus constituent un modèle intéressant, puisqu’il est possible d’infecter la femelle gestante avec une souche grippale dérivée d’une souche humaine, et que le placenta présente des caractéristiques de perméabilité vasculaire et de communication entre les physiologies maternelle et fœtale proches de celles rencontrées dans l’espèce humaine. Douze femelles rhésus gestantes ont été infectées par la grippe (la souche A/Sydney/5/97 [H3N2]) 1 mois avant le terme, au début du troisième trimestre, et leur progéniture a été comparée à celle de 7 femelles non infectées. Des prélèvements nasaux et des échantillons sanguins ont confirmé l’attaque virale et l’activation immunitaire. Les chercheurs ont effectué des mesures d’imagerie par résonance magnétique (IRM) chez les petits à l’âge de 1 an. Le développement comportemental et la réactivité de la sécrétion de cortisol ont également été évalués. Les infections grippales de la mère étaient bénignes et ont guéri spontanément. À la naissance, les immunoglobulines G spécifiques de la grippe maternelle ont été retrouvées chez le nouveau-né, mais il n’y avait aucune preuve de l’exposition virale directe du 110 | La Lettre du Psychiatre • Vol. VI - n° 4 - juillet-août 2010 fœtus. Le poids des nouveau-nés et la durée de la gestation n’ont pas été affectés, et il en était de même des réponses neuromotrices comportementales et endocrines des petits. Toutefois, les analyses par IRM ont révélé d’importantes diminutions de la matière grise corticale chez les animaux exposés in utero à la grippe. Les analyses régionales ont montré que les réductions de matière grise les plus importantes se retrouvaient de manière bilatérale dans les aires cingulaires et pariétales. En outre, la substance blanche était également réduite de manière significative dans le lobe pariétal. L’infection par la grippe pendant la grossesse affecte donc clairement le développement neurologique chez le singe, entraînant une réduction de la matière grise dans la plupart des cortex et une diminution de la substance blanche dans le cortex pariétal. Ces altérations cérébrales sont susceptibles d’être permanentes, car elles étaient encore observées chez les petits à un âge plus avancé. Elles pourraient donc augmenter la probabilité d’une pathologie ultérieure du comportement. > Short SJ, Lubach GR, Karasin AI et al. Maternal influenza infection during pregnancy impacts postnatal brain development in the rhesus monkey. Biol Psychiatry 2010;67(10):965-73. Altérations de l’expérience du soi dans la schizophrénie : comparaison de 6 perspectives Indianapolis (États-Unis) Les perturbations induites par la schizophrénie font aujourd’hui l’objet de recherches de plus en plus pointues, mais ces dernières se sont focalisées principalement sur les processus biologiques et sociaux qui ont des effets sur la vie et les parcours individuels. Ces points de vue, qui procèdent d’une perspective à la troisième personne, ont enrichi à la fois la théorie et la pratique et ont permis d’élargir considérablement notre compréhension de la maladie. Toutefois, force est de constater qu’une approche de la schizophrénie qui ne prendrait pas en compte des dimensions de la maladie à la première personne, à savoir l’expérience du soi (self-experience), serait bien incomplète. La schizophrénie est un trouble qui altère considérablement la vie des individus qui en sont atteints. Ces derniers se voient obligés de lutter pour trouver leur place, se sentir en sécurité, et donner une signification à un monde rempli d’imprévus et d’impondérables. Ces combats, ainsi que les expériences auxquelles ils se réfèrent, méritent d’être étudiés et explorés. Il existe certes toute une littérature portant sur le sujet de l’expérience de soi dans la schizophrénie, mais il manquait à ce jour une synthèse large de ces travaux, ainsi qu’une évaluation des possibilités d’application des recherches consacrées à l’expérience de la pathologie à la première personne. En outre, il est difficile de déterminer dans quelle mesure ces diverses approches sont comparables. P.H. et J.T. Lysaker se sont attelés à cette tâche et ont passé en revue six approches de la schizophrénie à la première personne. Ils ont considéré que l’expérience du self implique une prise de conscience du soi en tant que personne particulière dans une situation particulière, et qui se débrouille plus ou moins bien. Les perspectives auxquelles ils se sont intéressés sont celles des débuts de la psychiatrie (E. Bleuler et E. Kraepelin), de la psychiatrie existentielle (R. Laing et M. Boss), de la psychanalyse, de la réhabilitation psycho-sociale, de la phénoménologie et de la psychologie dialogique (S. Kierkegaard, E. Nietzsche, et M. Bakhtine, notamment). Ce survol des 100 dernières années leur a permis d’observer que les publications consacrées à l’expérience du soi convergent et divergent selon trois points clés. Tout d’abord, toutes les approches s’accordent sur le fait que la plupart des patients se sentent diminués depuis le début de leur maladie. Ils ressentent moins de force vitale et se sentent moins capables de s’engager dans le monde, ce qui intensifie leur anxiété face aux interactions de la vie de tous les jours. Il existe cependant des différences concernant le moment et la manière dont la conscience d’une diminution de capacités émerge. Selon le point de vue de la réhabilitation, ces difficultés peuvent survenir brusquement, alors que, selon les modèles phénoménologiques et existentiels, le déficit de sens commun pourrait être à l’œuvre longtemps avant l’apparition de la maladie. Un autre point de divergence concerne la question de savoir si on peut espérer que les patients puissent un jour récupérer une perception plus intégrée de l’expérience du soi. Ainsi, E. Bleuler, E. Kraepelin et les phénoménologues considèrent cela comme impossible, alors que les psychanalystes pensent qu’une certaine forme de récupération est possible. Des études longitudinales pourraient peut-être contribuer à éclaircir certains de ces désaccords. > Lysaker PH, Lysaker JT. Schizophrenia and alterations in self-experience: a comparison of 6 perspectives. Schizophr Bull 2010;36:331-40. Consommation de cannabis et survenue d’une psychose : une étude avec des jumeaux Wacol et autres villes d’Australie Un certain nombre d’études prospectives de cohortes ont démontré l’existence d’une association entre la consommation précoce de cannabis et un risque accru de survenue d’une psychose. Se fondant sur de tels résultats et sur un certain nombre d’autres éléments, les revues ont généralement conclu que la consommation de cannabis est reliée de manière causale à l’émergence d’une psychose. Toutefois, cette association pourrait refléter des biais méthodologiques et l’implication de variables non maîtrisées dans les études. L’étude de jumeaux offre un modèle intéressant susceptible d’éliminer certains facteurs d’incertitude. Des chercheurs australiens ont ainsi exploré l’association possible entre la consommation de cannabis et l’émergence de divers types de psychose, en réalisant une étude prospective au sein d’une cohorte de naissance. Ils ont pu bénéficier des données d’une large étude australienne relatives à un suivi de grossesses qui incluait plus de 7 000 mères et leurs enfants, inscrits dans les registres du plus grand hôpital de Brisbane. Les membres de la cohorte et leurs mères ont fait l’objet d’un suivi à 5, 14 et 21 ans après la naissance. À partir d’une cohorte de 3 801 jeunes adultes nés entre 1981 et 1984, les auteurs ont pu inclure 228 paires de jumeaux dans leur étude sur le cannabis. La consommation de cannabis a été évaluée à l’issue des 21 ans de suivi par un autoquestionnaire. Les auteurs ont exploré l’association potentielle entre la consommation de cannabis et des mesures de 3 types d’évolution psychotique : la psychose non affective, les hallucinations et le délire. La durée de la consommation de cannabis antérieure à l’apparition de la psychose, le sexe, l’âge, la maladie mentale des parents, et la présence d’hallucinations lors de l’étape de suivi à 4 ans ont été pris en compte dans les calculs de régression logistique. Les résultats montrent que la durée de consommation de cannabis était clairement associée à la survenue de chacun des 3 types d’évolution psychotique étudiés, en particulier chez les individus ayant consommé du cannabis pendant 6 ans ou plus. Cette étude portant sur des jumeaux, et qui permet d’éliminer un certain nombre de facteurs confondants, semble donc confirmer que la consommation précoce de cannabis peut être associée de manière causale à une évolution de type psychotique chez les jeunes adultes. > McGrath J, Welham J, Scott J et al. Association between cannabis use and psychosis-related outcomes using sibling pair analysis in a cohort of young adults. Arch Gen Psychiatry 2010;67(5):440-7. Différencier la schizophrénie du trouble schizo-affectif, et la psychose de la démence New York (États-Unis) et Melbourne (Australie) Depuis son introduction comme entité diagnostique, le trouble psycho-affectif a joué un rôle un peu incertain dans la nosologie psychiatrique. Les cliniciens et les chercheurs ont souvent considéré cette affection comme un sous-type de la schizophrénie ou du trouble bipolaire. Des études familiales et génétiques fournissent des arguments en faveur de l’existence de points communs entre le trouble psycho-affectif et ces 2 autres pathologies. Toutefois, une approche génétique d’association n’avait pas encore été entreprise pour affiner la compréhension que nous pouvions en avoir. Par ailleurs, on sait que le brain-derived neurotrophic factor (BDNF) s’exprime de manière importante dans des régions cérébrales critiques comme l’hippocampe, l’amygdale et le striatum. Dans ces zones, il contribue à des processus clés susceptibles d’être impliqués dans la psychopathologie. Parmi ces fonctions, on peut relever la mémoire et l’apprentissage associatif, le conditionnement aversif et le stress de perturbation sociale. En outre, une variation allélique dans le gène codant pour le BDNF a été associée La Lettre du Psychiatre • Vol. VI - n° 4 - juillet-août 2010 | 111 ACTUALITÉS SCIENCES à des troubles affectifs, mais généralement pas à la schizophrénie. L’étude des variations du BDNF est donc susceptible de contribuer à clarifier le statut du trouble schizo-affectif. Une équipe new-yorkaise a entrepris de tester l’hypothèse selon laquelle des haplotypes du BDNF seraient associés à des pathologies psychiatriques caractérisées par une composante affective importante. Elle a examiné les fréquences d’un marqueur d’un haplotype du BDNF chez 381 patients et 222 sujets contrôles. Les résultats de l’étude génétique révèlent effectivement l’existence d’une association statistiquement significative entre une variation génétique dans le gène codant pour le BDNF et un diagnostic de troubles de type affectif, association qui n’est pas retrouvée chez les sujets sains ou les patients présentant une schizophrénie. Il s’agit là de la première étude génétique qui démontre l’existence d’une distinction entre schizophrénie et trouble psycho-affectif. Ces résultats ouvrent la voie à un type d’approche prometteur des pathologies psychiatriques. Des études complémentaires pourraient éventuellement révéler l’implication de variantes du BDNF dans l’expression des phénotypes cliniques des perturbations affectives dans diverses catégories diagnostiques du DSM. > Lencz T, Lipsky RH, DeRosse P, Burdick KE, Kane JM, Malhotra AK. Molecular differentiation of schizoaffective disorder from schizophrenia using BDNF haplotypes. Br J Psychiatry 2009;194:313-8. Par ailleurs, les études neurobiologiques de la schizophrénie ont généralement exclu les patients présentant des troubles neurologiques, métaboliques ou d’autres natures. En revanche, l’étude des pathologies désignées sous les termes de “psychose organique” ou “schizophrénie symptomatique” a permis d’enrichir notre connaissance de la schizophrénie. Il existe peu d’études ayant exploré la relation entre la schizophrénie et la démence fronto-temporale. Des chercheurs australiens se sont intéressés à cette relation à travers l’exploration clinicopathologique de 17 cas de démence frontotemporale d’apparition précoce, et l’analyse de la littérature scientifique dans le domaine. Les patients ont été identifiés au sein de la banque de cerveaux locale, et l’évolution clinique et les observations pathologiques ont été 112 | La Lettre du Psychiatre • Vol. VI - n° 4 - juillet-août 2010 récupérées. Pour la revue de la littérature, des cas de démence fronto-temporale identifiés par Medline ont été sélectionnés selon des critères définis. Les données démographiques, cliniques, les caractéristiques pathologiques et génétiques des patients présentant un trouble psychotique ont été rassemblées. Les résultats montrent que, dans la série de cas, 5 des 17 patients atteints de démence fronto-temporale présentaient une maladie psychotique (4 schizophrénies ou troubles schizo-affectifs, et 1 trouble bipolaire) en moyenne 5 ans avant l’établissement du diagnostic de démence. Dans les cas de la littérature, un tiers des patients âgés de 30 ans ou moins et un quart des patients de 40 ans ou moins avaient reçu un diagnostic de psychose. Les patients présentant une démence frontotemporale d’apparition précoce sont donc susceptibles d’être diagnostiqués d’abord comme présentant un trouble psychotique, et ce souvent de nombreuses années avant que le diagnostic de démence ne soit établi. Ces résultats ont des implications pour les cliniciens, autant pour les neurologues que pour les psychiatres, et pour notre compréhension de la neurobiologie de la maladie psychotique. > Velakoulis D, Walterfang M, Mocellin R, Pantelis C, McLean C. Frontotemporal dementia presenting as schizophrenia-like psychosis in young people: clinicopathological series and review of cases. Br J Psychiatry 2009;194:298-305. Anatomie du trouble bipolaire et de la schizophrénie : une méta-analyse Cambridge (Royaume-Uni) Historiquement, le trouble bipolaire et la schizophrénie ont été considérés comme des entités distinctes. Par conséquent, il se pourrait qu’il n’y ait aucune similarité dans les modifications structurales du cerveau induites par ces 2 pathologies. Toutefois, de plus en plus de preuves s’accumulent, suggérant que les 2 pathologies présentent des éléments communs. Une coagrégation des 2 pathologies dans les familles est notamment observée, ainsi que l’existence de gènes communs de susceptibilité. Des anomalies structurales et fonctionnelles du cerveau ont aussi été évoquées. La cartographie des modifications structurales du cerveau est plus avancée pour la schizophrénie que pour le trouble bipolaire, et il était jusqu’à présent difficile de savoir dans quelle mesure les 2 pathologies pouvaient aussi présenter des profils similaires d’anomalies cérébrales. Cette méta-analyse a eu pour but de générer et de comparer les cartes des anomalies cérébrales structurales obtenues par IRM avec des échantillons importants de patients présentant l’un ou l’autre des 2 troubles. Les auteurs ont rassemblé les résultats de 42 études. Ils ont ainsi pu confronter les données concernant 2 058 patients schizophrènes à celles de 2 131 sujets témoins d’une part, et celles de 366 patients atteints de trouble bipolaire à celles de 497 sujets témoins, d’autre part. En ce qui concerne la schizophrénie, les résultats montrent d’importantes diminutions de matière grise dans les cortex frontal, temporal, cingulaire et insulaire, ainsi que dans le thalamus, et une augmentation de matière grise dans les noyaux gris centraux. Dans le trouble bipolaire, les diminutions de matière grise étaient observées dans le cortex cingulaire antérieur et de manière bilatérale dans l’insula. Les diminutions observées dans le trouble bipolaire se superposaient de manière importante avec les déficits en matière grise repérés dans la schizophrénie, à l’exception d’une région du cortex cingulaire antérieur, où la réduction de la matière grise était spécifique au trouble bipolaire. Il est aussi intéressant, à propos du trouble bipolaire, d’observer une réduction de matière grise dans les régions paralimbiques impliquées dans le traitement de l’émotion. Les réductions de matière grise dans la schizophrénie étaient, quant à elles, plus étendues et impliquaient les structures limbiques et le néocortex, mais aussi les régions paralimbiques affectées dans le trouble bipolaire. > Ellison-Wright I, Bullmore E. Anatomy of bipolar disorder and schizophrenia: a meta-analysis. Schizophr Res 2010;117(1):1-12. Comment la stigmatisation liée aux stéréotypes sur la schizophrénie contribue aux difficultés sociales des patients Sydney et Saint Lucia (Australie) La sensation d’être la cible de stéréotypes dévalorisants est susceptible de perturber les performances et le bien-être des sujets qui en sont victimes, et ce dans un grand nombre de domaines. Les études menées à ce sujet depuis une dizaine d’années révèlent qu’il n’est, en outre, pas nécessaire que les personnes soient traitées d’une manière stéréotypée pour qu’elles ressentent les effets menaçants et dévalorisants liés au stéréotype. Il suffit qu’elles croient avoir été catégorisées dans un groupe particulier pour ressentir les effets négatifs de la stigmatisation. Une étude a ainsi montré que les femmes qui pensent que les mathématiques ne sont absolument pas une spécialité féminine réussissent moins bien les examens de mathématiques du seul fait de cette croyance, sans que cela soit lié à une différence de considération par les autres ! La conscience de l’attribution potentielle d’un stéréotype par autrui perturbe la capacité de l’individu à focaliser tous ses efforts sur la tâche en cours. Par conséquent, le seul fait de savoir que les autres connaissent la maladie dont ils souffrent devrait suffire à faire apparaître le spectre de la stigmatisation chez les patients psychiatriques, ce qui risque d’entraîner une aggravation de leur état. Ce risque est particulièrement important dans la schizophrénie, dont l’une des caractéristiques principales est une perturbation du fonctionnement social. Or, les stéréotypes qui ont cours dans la population générale à propos de la schizophrénie font la part belle aux problèmes d’insertion sociale, incluant la croyance selon laquelle les patients sont socialement incompétents. Il est cependant difficile de savoir si l’expérience vécue de la menace du stéréotype a un réel effet sur le fonctionnement social des patients schizophrènes. Une étude a eu pour objectif de vérifier si les patients schizophrènes ont de moins bons résultats dans un contexte social dans lequel ils se sentent catégorisés comme “malades mentaux”. Trente patients schizophrènes ambulatoires y ont été inclus. Il leur était demandé de se livrer à 2 conversations de 3 minutes, chacune avec un interlocuteur différent. Au préalable, il leur avait été expliqué que l’un de leurs interlocuteurs ne savait rien sur eux, cependant que l’autre était informé de leur diagnostic. En réalité, aucune des deux personnes impliquées dans la conversation ne connaissait le statut mental de son interlocuteur, et chaque participant avait à réaliser une conversation avec un patient d’une part, et une autre conversation avec un sujet sain, d’autre part. Les résultats montrent que les patients schizophrènes ne percevaient aucune différence dans leur propre comportement social au cours des deux types de conversation. Cependant, lors de la conversation avec l’interlocuteur qu’ils pensaient être au courant de leur diagnostic, leur compétence sociale a été évaluée par cet interlocuteur comme plus pauvre pour trois des six mesures utilisées. Cette exacerbation des difficultés sociales était observée en dépit du fait que l’interlocuteur ignorait en fait le diagnostic. Les difficultés sociales des patients schizophrènes pourraient donc être exacerbées par la conscience du fait que les autres connaissent leur diagnostic. Cette observation n’est pas sans implications quant à la divulgation de l’état de santé mentale des individus. > Henry JD, von Hippel C, Shapiro L. Stereotype threat contributes to social difficulties in people with schizophrenia. Br J Clin Psychol 2010;49:31-41. Difficultés respiratoires et mortalité par suicide Taïwan (Taïwan) et Séoul (Corée du sud) La prévalence de l’asthme chez les enfants et les adolescents a augmenté au cours des deux dernières décennies et constitue un problème de santé publique majeur dans les pays industrialisés. L’asthme représente la sixième cause de mortalité chez les enfants de 5 à 14 ans aux États-Unis. Cette maladie, qui s’accompagne de perturbations physiques mais aussi mentales, est un fardeau pour les enfants. Ainsi, une étude américaine a révélé que 16 % des enfants de 11 à 17 ans souffrant d’asthme présentaient des critères du DSM-IV pour un ou plusieurs troubles anxieux ou dépressifs, alors que ce taux n’était que de 8,6 % chez les autres enfants. Le risque de mortalité lié à l’asthme est relativement élevé, et on peut suspecter qu’il existe d’autres causes de décès que celles liées directement à la pathologie respiratoire. C.J Kuo et al. ont étudié l’association entre suicide et asthme chez des adolescents taïwanais : ils ont examiné les dossiers médicaux constitués pour une vaste étude de cohorte sur l’asthme et les allergies, qui répertoriait, d’octobre 1995 à juin 1996, des informations concernant près de 170 000 élèves du secondaire âgés de 11 à La Lettre du Psychiatre • Vol. VI - n° 4 - juillet-août 2010 | 113 ACTUALITÉS SCIENCES 16 ans. Les participants ont été classés en 3 groupes : ceux présentant un asthme au moment de l’inclusion (symptômes présents dans l’année en cours), ceux ayant antérieurement souffert d’asthme (antécédents d’asthme, mais pas de symptômes dans l’année) et ceux n’en souffrant pas. Chaque élève et ses parents ont complété des questionnaires structurés. Dans le groupe, un peu plus de 20 000 enfants ont déclaré souffrir d’asthme au moment de l’inclusion, et environ 10 000 ont déclaré avoir souffert d’asthme précédemment. Le devenir des participants a été enregistré jusqu’en décembre 2007 par le suivi des inscriptions à l’échelle nationale des certifications de décès. Au bout des 12 ans de suivi, les statistiques démographiques montrent que 33 % des décès chez ceux qui n’avaient jamais souffert d’asthme ont été attribués à des causes non naturelles, alors que ce taux s’élevait à 42 % chez les personnes atteintes antérieurement de la maladie, et à 45 % chez les personnes en souffrant actuellement. Les chercheurs ont constaté, en outre, que parmi les jeunes qui souffraient d’asthme, le taux de suicide correspondait à plus du double de celui observé chez les jeunes sans problèmes respiratoires. En effet, parmi les adolescents sans asthme, 4,3 % des décès étaient attribués à un suicide, alors que le taux de suicide était de 8,5 % chez les personnes atteintes antérieurement de la maladie, et de 11 % chez les personnes souffrant d’asthme. Curieusement, cependant, il n’y avait pas de différence significative entre les taux de décès par causes naturelles, et les taux de mort naturelle étaient légèrement, mais non significativement, plus 114 | La Lettre du Psychiatre • Vol. VI - n° 4 - juillet-août 2010 élevés chez les personnes souffrant alors d’asthme ou en ayant précédemment souffert que chez celles qui n’avaient pas la maladie. À la suite d’une analyse de régression tenant compte du sexe, de l’âge, du tabagisme d’au moins un membre de la famille, de la consommation de cigarettes de l’adolescent et de la rhinite allergique, les auteurs ont constaté que l’asthme actuel demeurait significativement lié au suicide, comparativement à l’absence d’asthme. La différence des taux de suicide entre les groupes restait donc entièrement expliquée par l’asthme. Ces résultats démontrent l’existence d’un excès de mortalité par suicide chez les jeunes souffrant d’asthme. Il semble donc nécessaire d’améliorer les soins de santé mentale pour les jeunes, particulièrement pour ceux présentant des symptômes d’asthme sévères et persistants. > Kuo CJ, Chen VC, Lee WC et al. Asthma and Suicide Mortality in Young People: A 12-Year Follow-Up Study. Am J Psychiatry; epub ahead of print. http://ajp.psychiatryonline.org/cgi/content/ abstract/appi.ajp.2010.09101455v1 Une autre étude parue dans le même numéro de l’American Journal of Psychiatry a démontré l’existence d’une relation entre des difficultés respiratoires et le suicide. Des chercheurs sud-coréens, dirigés par C. Kim, ont constaté que l’augmentation transitoire de la pollution de l’air à Séoul était associée à un risque accru de suicide, en particulier chez les personnes souffrant de maladie cardio-vasculaire. > Kim C, Jung SH, Kang DR et al. Ambient Particulate Matter as a Risk Factor for Suicide. Am J Psychiatry; epub ahead of print. http://ajp.psychiatryonline.org/cgi/content/abstract/ appi.ajp.2010.09050706v1