
L’économie politique de l’ouverture sélective …. PEYTRAL Pierre-Olivier
Force est de constater cependant que ce modèle se trouve confronté à un
paradoxe : son incapacité à rendre compte du décalage entre l’affirmation
théorique – la supériorité du libre-échange – et le constat empirique – la
permanence des mesures de protection au sein des politiques commerciales
nationales. Ce paradoxe constitue depuis longtemps un cheval de bataille
pour les historiens de l’économie (e.g. Bairoch, 1994) et pour certains
économistes (e.g. Amsden, 1989 ; Wade, 1990 ; Rodrik, 2001 ; Chang,
2002) qui cherchent à rendre compte de l’intervention étatique dans la
sphère du commerce international et, par ce biais, à (re)légitimer l’action
publique. Au vue de ces études, il apparaît que le débat « libre-échange
versus protection » est un faux débat, la question de fond étant celle de la
régulation de l’ouverture de l’économie nationale aux flux commerciaux
extérieurs. Dans la mesure où cette régulation inclut à divers degrés des
mesures de protection et de libre-échange, aux termes « politique libre-
échangiste » ou « politique protectionniste », sont préférés ceux de
« politique d’ouverture sélective » (POS) qui permettent mieux, selon nous,
de rendre compte de la dualité de toute politique commerciale nationale
(libre-échange et protection).
Pour expliquer l’existence de POS, l’économie pure du commerce
international a fait l’objet d’une interprétation politique : l’économie
politique de l’ouverture commerciale (EPOC)
. Suite à l’article de Krueger
(1974), qui a été le premier à formaliser les incidences des pressions privées
sur l’économie nationale à travers la définition d’un comportement de
« recherche de rente »
, une large littérature d’économie politique
s’intéresse aujourd’hui à la formation endogène de la POS. Elle cherche à
rendre compte de la variance des politiques entre nations, entre industries et
dans le temps (Rodrik, 1995). A cette fin, l’explication se base sur les effets
discriminants engendrés par l’ouverture commerciale vis-à-vis de la
distribution interne des revenus entre groupes sociaux. Cette discrimination
est alors source de conflits entre groupes sociaux qui tentent d’assurer la
représentation de leurs intérêts auprès de l’Etat qui décide en dernière
instance de la forme de la politique. L’EPOC mobilise ainsi trois variables
pour expliquer la POS : (i) la variable économique, i.e. la distribution des
revenus entre propriétaires de facteurs de production regroupés en groupes
sociaux (classes factorielles ou groupes d’intérêt), (ii) la variable politique,
i.e. les pressions exercées auprès de l’Etat par les groupes sociaux en
fonction de la variation de leurs revenus suite à la POC pratiquée et (iii) la