SOMMAIRE

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SOMMAIRE
1- Le concept de damage control en
traumatologie et ailleurs : D Falcon, C Arvieux
(CHU Grenoble)
2- Damage control thoracique: F Pons, G.
Boddaert, D. Ngabou, B. Grand, J.P. Arigon (HIA
Percy, Clamart)
3- Laparotomie damage control: F Flores
Nicolini, F Reche (Trauma Center Cordoba,
Argentina & CHU Grenoble)
4- Geste de sauvetage devant une hémorragie
du postpartum : F Sergent, V. Equy, F.
Petitperrin, C. Thong-Vanh, J.P. Schaal (CHU
Grenoble)
5Damage
control
en
chirurgie
orthopédique : F.X. Gunepin (HIA ClermontTonnerre, Brest) S. Rigal (HIA Percy, Clamart)
6-Conclusion : C Arvieux
Saül Steinberg
CONCEPT DE DAMAGE CONTROL
Catherine ARVIEUX, Fabian RECHE, Dominique FALCON
Alpes Trauma Centre
Réseau Nord Alpin Des Urgences (RENAU)
CHU de Grenoble
Dans le monde, les traumatismes sont une cause majeure de décès et d’infirmité. Chez le sujet de moins de 36
ans ils constituent la première cause de décès. De très nombreux travaux convergent sur le rôle primordial de
la coagulopathie dans la responsabilité du décès des patients traumatisés. En effet, dans 40% des cas
l’hémorragie est la cause du décès, et le contrôle du saignement est l’objectif principal des équipes prenant en
charge ces patients. Or cette coagulopathie post-traumatique, qui est multifactorielle, peut s’installer très
précocement chez un traumatisé grave et être responsable à la fois d’un saignement diffus non chirurgical qui
aggrave les pertes sanguines et d’une aggravation de la défaillance multiviscérale due au choc par l’activation
de cytokines pro-inflammatoires. Les transfusions sanguines induisent de surcroît une réponse immunologique
qui agit sur la réponse systémique inflammatoire. La coagulopathie dans ce contexte aggrave également le
pronostic des patients présentant un traumatisme crânien en augmentant le volume de l’hémorragie
intracrânienne et les lésions neuronales secondaires.
La meilleure prévention de la coagulopathie demeure le traitement le plus rapide et le plus efficace possible de
la ou des lésions responsables de l’hémorragie, à l’origine du concept de « damage control laparotomy » ou
laparotomie limitée au contrôle des lésions. Les importantes avancées dans ce domaine effectuées par les
chirurgiens et les réanimateurs viscéraux ont permis une extension de cette attitude dans de nombreux
domaines. Ainsi il est maintenant tout à fait possible de publier des recommandations portant sur la tactique
chirurgicale suivant les règles du damage control (geste d’hémostase rapide et efficace, intervention en deux
temps) chez un blessé présentant une lésion vasculaire, thoracique, ou osseuse. Plus largement ces règles
s’appliquent également en dehors de la traumatologie lorsque le contrôle du saignement joue un rôle
prépondérant, comme dans le cas de l’hémorragie du post-partum.
Cette séance de Formation Chirurgicale Continue présente les objectifs suivants :
- Pourquoi et quand faire un damage control
- Comment faire un damage control
dans différentes situations (traumatisme abdominal, traumatisme thoracique, traumatisme du bassin et des
membres, hémorragie du post-partum).
Références :
- The Coagulopathy of Trauma: A Review of Mechanisms. JOHN R. HESS, KARIM BROHI, RICHARD P. DUTTON,
CARL J. HAUSER, JOHN B. HOLCOMB, YORAM KLUGER et al . J Trauma. 2008;65:748 –754.
- Staged Physiologic Restoration and Damage Control Surgery. ERNEST E. MOORE, JON M. BURCH, REGINALD J.
FRANCIOSE, PATRICK J. OFFNER, M.D., WALTER L. BIFFL. World J. Surg. 22, 1184–1191, 1998
- La laparotomie écourtée pour le traitement des traumatismes abdominaux sévères. C. ARVIEUX, N. CARDIN,
C. LETOUBLON. Annales de chirurgie 2006 May;131(5):342-6.
- Laparotomie écourtée pour traitement des traumatismes abdominaux sévères : principe de technique et de
tactique chirurgicale. C. ARVIEUX, C. LETOUBLON. Encycl Med Chir, Techniques chirurgicales- Appareil digestif,
40-095, 2005.
- Le damage control en traumatologie abdominale sévère. C. ARVIEUX, C. LETOUBLON, F. RECHE. Réanimation
(2007) 16, 678—686.
- Mise au point. Les hémorragies graves de la délivrance : doit-on lier, hystérectomiser ou emboliser ? F.
SERGENT, B. RESCH, E. VERSPYCK, B. RACHET, E. CLAVIER AND L. MARPEAU. Gynecol Obstet Fertil.
2004;32(4):320-9
LA LAPARATOMIE DE CONTROLE DES LESIONS OU DAMAGE CONTROL DANS
LES TRAUMATISMES GRAVES DE L’ABDOMEN
Pr. Francisco Florez Nicolini
Hôpital Des Urgences –Level I Trauma Center
CHU Cordoba – Argentine
Une mortalité élevée était observée chez les patients polytraumatisés qui présentait une sévère hypothermie,
une coagulopathie et une acidose et qui nécessitaient une laparotomie. En constatant que les patients
décédaient pendant l’intervention plus par altération métabolique que du fait des réparations des organes
intra-abdominaux lésés, Rotondo, aux USA, en 1993, a développé une technique à partir du concept que chez
ce type de patient complexe, la laparotomie devait être la plus brève possible et suivie d’une réanimation
importante dans une unité de soins intensifs. Ensuite, dans un laps de temps raisonnable et lorsque le patient
se trouve dans des conditions appropriées, il peut être emmené de nouveau en salle d’opération pour la
réparation définitive de ses lésions organiques.
À l’origine, cette technique fut appelée laparotomie abrégée, puis, laparotomie par étape, et enfin partout
dans le monde, on la connaît désormais comme Damage Control Surgery ou Chirurgie de Contrôle des Lésions
(en comparaison à une technique utilisée dans la marine de guerre aux USA, où l’on faisait référence à la
capacité d’un bateau à absorber les dégats et pouvoir remplir sa mission). De nos jours, la Chirurgie de Contrôle
des Lésions ne se limite pas uniquement à des lésions abdominales, mais ces techniques s’appliquent
également à des lésions pelviennes, thoraciques, cervicales et des membres.
Le chirurgien doit envisager une laparotomie de contrôle des lésions (LCL) lorsque le patient a encore des
possibilités de récupération. Les indications reposent sur :
-Instabilité hémodynamique persistante
-Hypothermie avec des valeurs <35°c
-Acide Lactique dans le sang>5mmol/l
-Acidose (ph<7,2) (EB>-14meq/l)
-Coagulopathie évidente
-Transfusions massives (>10 en 4hs)
-Nécessité de traiter des lésions extra abdominales prioritaires
-Impossibilité de fermer la paroi abdominale liée à un œdème viscéral
-Lésions multiples
La première étape s’achève en amenant le patient en salle d’opération et ses objectifs sont : arrêter les
saignements, exploration, contrôler les pertes du tube digestif, faire un packing et fermeture rapide et
provisoire de la paroi abdominale. L’arrêt des saignements doit se réaliser, en ligaturant les vaisseaux
importants, en réalisant une artériographie ou shunts (temporaires ou définitifs) au niveau des vaisseaux où il
est vital de maintenir un flux sanguin ou en appliquant des compresses sur les parties saignantes des organes
massifs, pelvis, retropéritoine.
Le contrôle d’une fuite au niveau digestif se réalise grâce à la fermeture des perforations (suture continue ou
mécanique), la déconnexion temporaire de certain segment (en évitant les résections et anastomoses ou les
ligatures multiples qui demandent du temps), et des drainages de collections (biliaires, pancréatiques…). La
fermeture de la laparotomie doit être rapide ce qui permettra une ré-exploration facile, pouvant se faire avec
des capitons, fermeture uniquement de la peau, filets, vacuum pack ou sac de Bogotá.
Une fois cette première étape de laparotomie initiale terminée on doit commencer la deuxième, en amenant le
patient à l’Unité de Soin Intensif, dans le but de poursuivre une réanimation optimale basée sur :
-Optimiser la distribution d’oxygène
-Corriger l’hypovolémie
-Poursuivre le réchauffement
-Corriger la coagulopathie
-Corriger l’acidose
-Réaliser une correcte évaluation neurologique
-Recherche des lésions inaperçues
-Études et thérapeutique annexes (TDM, Angio Embolisation etc)
Après avoir respecté ses règles thérapeutiques, le chirurgien doit réopérer le patient dans le but de compléter
la thérapeutique chirurgicale si possible. Le temps idéal pour sa réalisation est pendant les 48 premières
heures, mais certains patients on besoin de plus de temps. Pendant ce temps chirurgical certains gestes
doivent être réalisés comme :
-Le retrait des compresses et le contrôle de l’hémorragie
-Réexaminer les traumatismes
-Débridement
-Rétablir la continuité intestinale
-Toilette péritonéale et drainage
-Envisager un sonde d alimentation
-Fermeture de la paroi abdominale
Dans les 10 dernières années une Laparotomie de Contrôle des Lésions (LCL) a été réalisée dans notre service
chez 38 patients (3,3 %) alors que 1153 patients ont eu une laparotomie pour traumatisme abdominal pendant
la même période. Sur le plan technique, le packing (péri hépatique, pelvien, ou retro péritonéal) a été utilisé
chez tous les patients comme geste hémostatique, des shunts temporaires ont été réalisés chez 8 patients,
l’occlusion artérielle temporaire fut nécessaire chez un patient une fermeture rapide d’une fuite intestinale a
été faite chez 14 patients. La mortalité était de 44,7%
Indubitablement, la fréquence LCL des diminue. Ceci est du probablement lié à la croissance de l’utilisation de
moyens de diagnostiques plus sophistiqués aux seins des services d’urgence comme la TDM multispiralée, de
l’indication plus appropriée des traitements non opératoires ainsi que de l’angiographie et de l’embolisation
des traumatismes hépatiques, spléniques, rénaux et pelviens importants.
LE DAMAGE CONTROL THORACIQUE
F. Pons, G. Boddaert, D. Ngabou, B. Grand, J.P. Arigon
Service de Chirurgie Thoracique et Viscérale – HIA Percy Clamart
La tactique du Damage Control initialement décrite pour la prise en charge des traumatismes
abdominaux hémorragiques graves a été depuis élargie à la prise en charge de tous les traumatismes
hémorragiques graves et appliquée dans toutes les régions de l’organisme avec pour l’ensemble des gestes qui
sont pratiqués la même tactique en trois temps : un premier temps chirurgical d’hémostase rapide, un temps
de réanimation, un deuxième temps chirurgical de réparation définitive
Les impératifs du premier temps chirurgical sont :
-
qu’il doit être rapide (inférieur à 90 mn et au mieux 60 mn) pour l’ensemble des gestes afin de
prévenir l’apparition de la triade létale et placer au plus vite le patient en Unité de Soins Intensifs
pour le temps de réanimation
-
qu’il fasse appel à des techniques d’hémostase rapides et efficaces mais pouvant être provisoires
et laissant du matériel en place (packing par champs, shunts …)
-
qu’il remette au deuxième temps les techniques de réparation ou de reconstruction de lésions
non hémorragiques (réparation digestive, abdomen laissé ouvert …)
Ces principes ont été décrits pour les lésions abdominales mais leur utilisation au niveau thoracique
s’avère différente car la plupart des lésions intrathoraciques imposent un traitement définitif immédiat et en
raison des conséquences physiopathologiques induites par certains gestes au niveau cardiorespiratoire.
La rapidité du geste et de l’hémostase demeure le temps essentiel et sera assuré :
• par une voie d’abord adaptée :
- qui chez un blessé instable ne peut être réalisée qu’en décubitus dorsal et sera une thoracotomie
antérolatérale élargie éventuellement en thoracotomie bilatérale transverse (ou parfois une sternotomie). Cet
abord se fera au mieux au bloc opératoire mais sera parfois réalisé en salle d’urgence dans le cadre d’une
thoracotomie de ressuscitation. En cas de lésion abdominale associée une laparotomie sera associée et il faut
éviter une grande thoracophrénolaparotomie longue à réaliser, longue à fermer et gênant la mise en place d’un
packing périhépatique
• par des gestes d’hémostase définitifs :
- au niveau cardiovasculaire (plaie du cœur par suture, plaie vasculaire traitée par suture, ligature
parfois ou mise en place d’un greffon)
- au niveau pulmonaire par agrafage des lésions périphériques ou par réalisation de « tractotomies »
pour les lésions plus profondes (ouverture d’une plaie profonde par agrafage du trajet pour exposer et faire
l’hémostase des hémorragies profondes)
- en cas de lésion du hile le contrôle peut être assuré par un clampage total du hile suivi d’une
réparation élective ou parfois par une pneumonectomie par agrafage en masse du pédicule dont le pronostic
est cependant très sombre
• plus rarement par des gestes provisoires qui peuvent parfois sauver une situation difficile :
-
twist du poumon sur lui même permettant de tordre le hile et de faire l’hémostase qui peut être
complétée par la mise en place de champs intrathoracique ; le deuxième temps chirurgical sera
inéluctablement une pneumonectomie ;
-
shunt sur une lésion artérielle,
-
packing intrathoracique pour des lésions pariétales postérieurs ou du sommet mais ce packing est
souvent très mal toléré sur le plan cardiovasculaire (tamponnade)
-
drainage ou intubation simple d’une plaie de l’œsophage dont les modalités de réparation seront
décidées au deuxième temps
• pour la fermeture de la thoracotomie plusieurs options sont possibles :
-
fermeture classique sur drainage
-
fermeture en masse des muscles de la paroi thoracique pour aller plus vite et pour assurer
l’hémostase pariétale
-
fermeture cutanée exclusive
-
thoracotomie laissée ouverte selon le même concept que l’abdomen ouvert en utilisant feuilles de
plastique et/ou champs
La tactique du « damage control » peut donc être appliquée au niveau thoracique en connaissant et
utilisant les moyens les plus rapides d’assurer l’hémostase. En revanche les techniques de traitement ou de
fermeture provisoire sont moins utilisées et lorsqu’elles le sont posent le problème de risque de fuites
aériennes et de compression des cavités cardiaques qui peuvent limiter leur emploi et imposer une reprise
chirurgicale rapide.
Bibliographie :
- Rotondo MF, Bard MR Damage control surgery for thoracic injuries Injury, Int. J. Care Injured (2004) 35, 649—
654
- Wilson A, Wall MJ. Maxson R, Mattox K, The pulmonary hilum twist as a thoracic damage control procedure.
Am J Surg 186 (2003) 49–52
- Phelan HA, Patterson SG, Hassan MO, Gonzalez RP, Rodning CB. Thoracic damage-control operation:
principles, techniques, and definitive repair. J Am Coll Surg. 2006 Dec;203(6):933-41.
- Vargo D J; Battistella FD , Abbreviated Thoracotomy and Temporary Chest Closure An Application of Damage.
Control After Thoracic Trauma Arch Surg. 2001 Jan;136(1):21
DAMAGE CONTROL EN CHIRURGIE ORTHOPÉDIQUE
F.X. Gunepin (HIA Clermont-Tonnerre, Brest)
S. Rigal (HIA Percy, Clamart)
La Navy (marine de guerre des Etats Unis) utilisa le terme de Damage Control pour décrire l’ensemble
des mesures temporaires utilisées au combat pour empêcher un navire de sombrer tout en poursuivant sa
mission [1]. Il s’agit, de facto, de mesures de sauvetage mises en œuvre dans un contexte d’urgence vitale
(survie du bâtiment et de son équipage). Il est donc logique que les chirurgiens se soient appropriés ce terme et
en particulier les chirurgiens viscéralistes, au sens large, qui sont en première ligne en traumatologie.
Damage Control en chirurgie orthopédique: Quand ?
Le recours au Damage Control en orthopédie existe dans trois cas de figure parfaitement décrits par
Burgess [2]:
- Polytraumatisé dont l’état général interdit toute ostéosynthèse idéale d’emblée
- Association lésionnelle au-delà des capacités techniques de la structure d’accueil (neurochirurgie,
vasculaire interventionnelle…)
- Lésions pluritissulaires d’un membre interdisant une ostéosynthèse conventionnelle
Les militaires l'utilisent également dans un quatrième cas de figure qui correspond à un afflux massif
de blessés. Les choix techniques se portent sur les gestes permettant de traiter le plus grand nombre de
patients en un temps limité.
Damage Control en chirurgie orthopédique: Comment ?
En chirurgie orthopédique, le concept de Damage Control est d'apparition récente même si la notion
de traitement idéal retardé existe depuis les débuts de l'ostéosynthèse.
Dès 1950, les fondateurs de l’association pour l’ostéosynthèse avaient jeté les bases de la
standardisation de la prise en charge des fractures, notamment des os longs, privilégiant la stabilisation
chirurgicale. Mais jusque dans les années 70, devant un polytraumatisé grave, la stabilisation primaire des
fractures était plutôt dévolue aux plâtres et aux tractions, avec toutes les limites que nous leur connaissons.
L'ère moderne est celle du choix de la stabilisation rapide la plus simple possible, ce qui renvoie
essentiellement à l'utilisation du fixateur externe.
La stabilisation temporaire précoce impose un traitement idéal secondaire dans un délai encore non
défini. Il semble que l’étude des paramètres inflammatoires puisse apporter des éléments de réponse (l'amorce
de leur diminution pourrait donner le feu vert à une reprise chirurgicale, Smith[3]).
Conclusion
Le concept de Damage Control en orthopédie n'est pas réservé uniquement à l'urgence vitale mais
peut être employé dès que la situation ne permet pas la réalisation du traitement optimal lors de la prise en
charge initiale du patient. La fixation externe moderne répond au cahier des charges d'une chirurgie simple,
fiable et même rapide entre des mains expertes.
Bibliographie
1- Damage Control: In naval usage, measures necessary aboard ship to preserve and reestablish watertight
integrity, stability, maneuverability, and offensive power; to control list and trim; to effect rapid repairs of
materiel; to limit the spread of and provide adequate protection from fire; to limit the spread of, remove the
contamination by, and provide adequate protection from chemical, biological, and radiological agents; and to
provide for care of wounded personnel. See also area damage control; disaster control. Dictionary of Military
and Associated Terms. US Department of Defense 2005.
2- Burgess A.R. Damage control orthopaedics. J Orthop Trauma. 2004; 18(8): S1.
3- Smith RM, Giannoudis PV. Trauma and immune response. J R Soc Med 1998; 91:417-20.
PRISE EN CHARGE CHIRURGICALE DES HEMORRAGIES
DE LA DELIVRANCE SEVERES
F. Sergent, V. Equy, F. Petitperrin, C. Thong-Vanh, J.P. Schaal
Service de gynécologie-obstétrique,
CHU de Grenoble et Université de Grenoble,
B.P. 217, 38043 Grenoble cedex 09, France
Quand ?
L’hémorragie de la délivrance (HDD) sévère (spoliation sanguine ≥ 1 litre après un accouchement)
reste la première cause de mortalité maternelle en France. Les clés de sa prise en charge résident dans la
rapidité de son diagnostic et de la mise en œuvre des moyens pour la contrôler. Face à une HDD incontrôlable
par les mesures médicales et obstétricales appropriées voire après échec d’une embolisation radiologique
quand le plateau technique en dispose, il existe pour le chirurgien d’autres possibilités que l’hystérectomie
d’hémostase. L’atonie utérine et les anomalies d’insertion placentaire (placenta prævia, placenta accreta) sont
les étiologies les plus habituelles. S’agissant le plus souvent de femmes jeunes, ayant peu ou pas d’enfant, avec
un utérus antérieurement sain, en première intention l’option conservatrice est recommandée.
Comment ?
Les techniques les plus simples doivent être connues et appliquées.
Tout d’abord, il s’agira de la ligature progressive des pédicules utérins qui permet de faire face à la majorité des
situations, sans perte de temps pour la patiente puisque de toute façon, toute hystérectomie d’hémostase
débuterait nécessairement par ce temps opératoire. La ligature progressive consiste à lier les artères utérines
sous le niveau supposé d’une hystérotomie de césarienne après décollement du péritoine vésico-utérin et
section des ligaments ronds. En cas de nécessité, la ligature peut être poursuivie 2 à 3 cm plus bas ; les
ligaments utéro-ovariens peuvent également être liés. Ensuite, les compressions en bretelles (B-lynch) ou
capitonnages utérins (Cho) sont des méthodes chirurgicales plus récentes, faciles à réaliser qui semblent
donner d’aussi bons résultats mais pour lesquelles nous manquons encore de recul. La ligature des artères
iliaques internes est sans doute un peu moins efficace et plus difficile techniquement à réaliser. Elle demeure
intéressante dans les lésions traumatiques obstétricales non contrôlées (plaie de la filière génitale spontanée
ou après extraction instrumentale, thrombus vaginal) mais qui ne concernent pas à proprement parler l’utérus.
La qualité du résultat de la chirurgie reste assujettie à la cause exacte de l’HDD. Quelle que soit la technique,
les principales causes d’échec sont liées aux placentas accreta (ou percreta) qui sont actuellement devenus la
première étiologie de l’hystérectomie d’hémostase devant l’atonie utérine. En cas de placenta accreta, le
traitement conservateur consistant à laisser in utero le placenta semble être une option intéressante pour
diminuer le risque d’hystérectomie. En cas d’échec d’un traitement chirurgical conservateur, il serait dangereux
de multiplier les techniques. L’hystérectomie d’hémostase doit alors garder sa place.
Les techniques de ligatures étagées impliquant l’artère utérine et la ligature des artères hypogastriques ne
semblent pas altérer la fertilité et le pronostic obstétrical ultérieurs des patientes. La ligature des ligaments
lombo-ovariens doit être évitée car elle semble altérer la fertilité ultérieure des patientes (faillite ovarienne).
Les données concernant le devenir maternel à long terme après compressions ou capitonnages utérins sont
rassurantes mais actuellement très limitées. Les patientes ayant comme antécédent une HDD sévère sont à
haut risque de récidive lors d’une nouvelle grossesse (environ 30 %).
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