SOMMAIRE
Organisateurs :
O. CHAPUIS (Paris)
1. Prise en charge initiale du traumatisé fermé de l’abdomen
J.-L. DABAN (Clamart)
2. Algorithme décisionnel
Le traitement non opératoire : indications, modalités et limites
S. BONNET (Clamart)
3. Place de la radiologie interventionnelle dans la prise en charge des
traumatismes fermés de l’abdomen
J. POTET (Clamart)
4. Place de la chirurgie dans la prise en charge des traumatismes fermés de
l’abdomen
Procédure de « Damage Control » - Place de la laparoscopie Arrêt du
traitement non opératoire
D. ROUQUIE (Paris)
PRISE EN CHARGE INITIALE DU TRAUMATISE FERME DE L’ABDOMEN
Jean-Louis DABAN
1 Introduction
En France, les traumatismes de l’abdomen sont essentiellement fermés. La prise en charge
des patients les plus graves repose sur le damage control (DC). Au concept chirurgical initial
de DC a été adjoint depuis une dizaine d’années le concept de damage control resuscitation
(DCR) [1]. Le DCR optimise la réanimation du traumatisé grave et s’inclut dans la chaine de
survie débutant du pré hospitalier à la réanimation chirurgicale post opératoire. Ce texte
présente les grands axes du DCR.
2 Evaluation initiale
L’examen clinique des traumatisés fermés de l’abdomen est souvent trompeur et faussement
rassurant. Pour cette raison, la radiologie et la biologie sont des aides précieuses du triage.
L’évaluation initiale doit être rapide et permettre une prise de décision immédiate pour stopper
une hémorragie active car seule l’hémostase chirurgicale ou radiologique peut sauver le
patient. Cette notion de facteur temps est essentielle comme l’illustre l’étude PROMMTT
portant sur une cohorte de plus de 1000 traumatisés graves dans laquelle près de 90 % des
décès précoces étaient liés à une hémorragie [2].
1. Clinique
La gravité immédiate d’un traumatisme abdominal est liée à l’hémorragie essentiellement par
des lésions d’organe plein (rate, foie) ou par rupture vasculaire. Le risque septique par
perforation d’organe creux représente la seconde complication mais est retardé de quelques
heures à quelques jours. L’évaluation initiale dès l’étape pré hospitalière a pour objectif de
rechercher des signes de choc. Deux notions importantes doivent être notées. Tout d’abord,
les chiffres de fréquence cardiaque ou de tension artérielle sont d’interprétation difficile. La
fourchette clinique définissant un malade à risque de transfusion massive est large et débute
selon les scores dès 110mmHg de systolique ou 105 bpm de fréquence cardiaque [3,4]. Pour
exemple, sur une population de militaires traumatisés, une systolique inférieure à 100 mmHg
est déjà associée à une hypo perfusion tissulaire et à une surmortalité. Second point, en cas
d’évacuation rapide qui doit être la règle pour un traumatisé grave, le délai bref avant l’arrivée
à l’hôpital peut masquer un choc débutant (phase initiale de compensation du choc). Pour ces
raisons, la conférence de Vittel en 2002 recommande de considérer tout patient comme un
traumatisé grave dès que des éléments de cinétique (éjection du véhicule, chute > 6m,...) sont
présents. Si ces précautions amènent probablement à un "sur-triage", elles permettent d’éviter
tout retard de prise en charge délétère pour le patient.
2. Imagerie
A l’inverse du thorax et du bassin, la réalisation d’une radiographie simple de l’abdomen de
face (ASP) en salle d’accueil des urgences vitales (SAUV) n’apporte rien. Le bilan d’imagerie
sera modulé selon l’état hémodynamique du patient. Pour le patient instable, l’échographie
d’urgence de l’abdomen en SAUV (FAST écho) peut être réalisée par un « non-radiologue »
après une courte formation avec une sensibilité et une spécificité acceptable. L’apport de
l’échographie est indiscutable sur la prise de décision (laparotomie d’hémostase immédiate).
Mais s’agissant, d’un traumatisme fermé qui n’est donc pas un traumatisme pénétrant,
l’utilisation de l’échographie doit être limitée à une question simple: existe-t-il un épanchement
intra péritonéal? La recherche des lésions de contusions d’organes pleins ou des voies
urinaires doit être laissée au scanner. De fait, une échographie d’urgence négative ne signe
pas l’absence de lésion. A l’inverse, et dans une étude portant sur 110 traumatismes fermés
en choc avec un épanchement vu à l’échographie, Charbit et coll ne retrouvait que 50%
d’hémorragie active intra abdominale [5]. Pour ces raisons, l’échographie doit être réservée
aux patients instables et replacée dans le contexte global de l’évaluation du traumatisé fermé
pour ne rien négliger des lésions extra abdominales (bassin, thorax et membres) avant une
décision thérapeutique. Chez un patient stable ou stabilisé, un scanner abdominal (sans puis
avec injection) doit compléter systématiquement l’évaluation d’un traumatisé grave de
l’abdomen. L’arrivée des scanners « délocalisés » en SAUV et la rapidité actuelle des
acquisitions d’image pourrait permettre de réaliser un scanner même chez les patients
initialement décrits comme non transportables en radiologie et rendrait obsolète l’échographie.
Dans ce sens, certaines équipes proposent un accueil direct sur la table du scanner délocalisé
en SAUV des patients avec un traumatisme fermé.
3. Biologie
Les examens de biologie permettent d’améliorer l’évaluation initiale. En urgence, le bilan initial
repose sur des examens simples. L’évaluation rapide de la gravité du traumatisme est faite
par l’évaluation des conséquences de l’insuffisance circulatoire (gazométrie, lactate) et par la
mise en évidence d’une coagulopathie. La réalisation d’une gazométrie associée à un dosage
des lactates artériels présente l’avantage d’être rapide et délocalisable en SAUV. Un pH<7,20
est une indication reconnue de DCR et de DC [6]. La lactatémie à l’arrivée et sa baisse en
cours de prise en charge sont de bons marqueurs de l’efficacité de la réanimation. La mise en
évidence d’une coagulopathie biologique peut se faire par la mesure du taux de prothrombine-
TP% ou de l'INR. Le long délai entre prélèvement, acheminement au laboratoire et obtention
d’un résultat ne permet pas de guider la transfusion initiale chez le traumatisé hémorragique.
Pour cette raison, les dernières recommandations sur la transfusion de plasma thérapeutique
autorisent la transfusion de plasma sans attendre un critère biologique en cas d’hémorragie
massive [7]. La thromboélastographie réalisable « au lit du malade » pourrait permettre de
guider les besoins transfusionnels et de diminuer la consommation des produits sanguins
labiles (PSL: CGR, plaquette, plasma) [8]. L’hémoglobine et l’hématocrite doivent être
analysés avec prudence et sont de mauvais marqueurs en aigu de l’intensité d’un saignement
en l’absence de remplissage important. Dans l’étude multicentrique PROMMTT, l’hémoglobine
moyenne à l’admission était de 11g/dl chez des traumatisés hémorragiques. Ce chiffre bien
qu’élevé, doit être retenu comme alarme [2]. Et en cas de saignement actif important, le seuil
transfusionnel de 7g/dl ne doit pas être attendu pour transfuser.
3 Damage control ressuscitation
Le damage control ressuscitation (DCR) vise à réduire la mortalité en prévenant la survenue
de la triade létale de Moore (acidose, hypothermie et coagulopathie). Cette stratégie, mise en
place par l’armée américaine lors des conflits récents, a pour but d’optimiser la réanimation du
traumatisé présentant une hémorragie massive [9]. Sa transposition en milieu civil a montré
son efficacité [10]. Les grandes lignes du DCR sont reprises dans la figure 1.
1. Réanimation hémostatique et transfusion massive
La transfusion est l’élément central de la réanimation du blessé hémorragique. La réanimation
hémostatique repose sur la transfusion précoce de concentrés de globules rouges (CGR), de
plasma frais congelé (PFC) et de concentrés plaquettaires (CP) à un ratio proche de 1/1/1 qui
permet de diminuer les besoins transfusionnels totaux et d’améliorer la survie en traitant la
coagulopathie. Ces ratios bien que discutés sont actuellement acceptés à la phase initiale du
choc hémorragique. Plus que les ratios sur 24 heures, c’est l’absence de retard à
l’administration de plasma et de plaquettes qui semble améliorer la survie. Ces ratios ne
concernent que les patients bénéficiant d’une transfusion massive. La mise en place de
protocoles comportant des « pack transfusionnels » prédéfinis (CGR/plasma/plaquette) en cas
d’hémorragie cataclysmique améliore la survie en permettant. La transfusion de CGR jeunes
(absence de lésions de stockage) améliore le pronostic des patients.
2. Agents hémostatiques
La transfusion massive doit être associée à l’utilisation d’agents hémostatiques. Si les données
récentes plaident pour un abandon du facteur VIIa, l’étude CRASH 2 a montré l’intérêt majeur
à l’administration précoce (<3H après le traumatisme) d’acide tranexamique
(antifibrinolytique). Le plasma thérapeutique est pauvre en fibrinogène. En cas d’hémorragie
massive, l’utilisation de concentrés de fibrinogène peut s’avérer nécessaire pour maintenir un
taux au-dessus de 1,5g/dl [7]. L’apport de citrate par les CGR nécessite une administration
régulière de calcium.
3. Prévention de l’hémodilution
Les solutés de remplissage (colloïdes ou cristalloïdes) sont à l’origine d’une hémodilution
iatrogène aggravant la coagulopathie. L’excès de cristalloïdes ou colloïdes lors des chocs
hémorragiques aggrave le pronostic. Dans l’armée américaine, le DCR a réduit de 50% le
volume de cristalloïdes des blessés de guerre au profit des PSL améliorant la survie. Les
solutions balancées isotoniques diminuent l’acidose en particulier hyperchlorémique liée au
sérum physiologique et pourraient à terme devenir le soluté de référence. Les colloïdes doivent
être abandonnés en l’absence de preuve de supériorité sur les cristalloïdes iso ou
hypertoniques [11]. On peut retenir que chez le patient hémorragique le soluté de choix est le
sang sous forme de PSL [12].
4. Hypotension permissive
En l’absence de traumatisme crânien, l’hypotension permissive avant hémostase permet de
diminuer les apports et le saignement. Les objectifs recommandés sont une pression artérielle
systolique à 80-90mmHg pour une pression artérielle moyenne à 50mmHg. Dès le contrôle du
saignement, l’objectif est d’au moins 65mmHg de pression artérielle moyenne [13].
5. Hypothermie
L’hypothermie est à la fois un marqueur de gravité du traumatisme et un axe thérapeutique
important. L’hypothermie aggrave la coagulopathie et est associée à une surmortalité. La perte
de chaleur doit être une préoccupation permanente du lieu de l’accident à la réanimation en
passant par le bloc opératoire. L’hémorragie, le choc, la perfusion de larges volumes de
solutés froids (CGR en particulier) ou l’anesthésie (curarisation) sont des facteurs majeurs de
déperdition thermique. Pour ce faire, le patient doit être couvert entre chaque examen,
l’ambiance thermique de travail adaptée et les solutés réchauffés, en particulier les CGR.
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