Comment procédez-vous pour intégrer l’usager dans votre processus d’innovation ?
Nous travaillons avec les associations d’usagers d’une part, et d’autre part, depuis un an et demi, nous intégrons une
personne déficiente visuelle dans notre entreprise. Cette personne participe directement au développement produit. Une
seconde personne déficiente visuelle a intégré l’entreprise en septembre. Ce sont des personnes salariées de
l’entreprise en CDI qui nous permettent de garantir le bien fondé de nos recherches puis de les relayer, notamment aux
autres usagers, regroupés en associations ou non.
Quel regard portez-vous sur le secteur associatif ?
Nous sommes dans l’échange avec ces acteurs. Dans le domaine du handicap visuel, le secteur associatif est très
éclaté. Il y en a 26 sur Lyon ! Nous cherchons à bien identifier les besoins avec elles. On leur explique, on vient les voir,
on teste auprès d’eux les solutions auxquelles on pense. Nos salariés déficients visuels nous aident aussi à maintenir le
lien.
Quelles ont été les évolutions de votre système depuis sa mise en marché ?
Le produit a beaucoup évolué. A l’origine, nous étions sur une carte électronique qui s’active avec une télécommande via
un signal en fréquence radio. Aujourd’hui, nous gardons cette fréquence qui a été normalisée, mais nous avons rajouté
d’autres couches d’activation telle que le bluetooth. Je peux activer mes systèmes via la radio ou le bluetooth, ce qui
rend possible l’utilisation du téléphone portable comme support de notre dispositif. Nous avons équipé plus de 600 villes
avec ces dispositifs. A Paris, il y a 11 000 feux piétons équipés de ce dispositif là. Sur Lyon, il y en a plusieurs centaines.
Par la suite, l’idée était de permettre aux usagers de localiser l’entrée de leur mairie, de leur boulangerie ou de leur
bureau de poste. Donc sur le même principe, nous avons installé des balises audio fonctionnant avec la même
télécommande à l’entrée des bâtiments.
Notre objectif est d’être capables d’accompagner la personne depuis chez elle jusqu’à sa destination finale. Donc nous
ne sommes plus seulement sur la voirie mais aussi dans les bâtiments. Notre métier est bien la mise en accessibilité de
la chaîne du déplacement. Pour ce faire, nous avons à faire à des interlocuteurs très différents, entre les services voirie,
les responsables des transports ou encore des bâtiments. Nous sommes dans la logique d’intermodalité à travers un
outil unique.
Quelle est la technologie à venir qui va impacter votre offre de service ?
C’est le GPS piéton vocalisé qui permet de préparer son déplacement et à terme d’être accompagné sans rupture sur
l’ensemble de la chaîne du déplacement. Il vient en complémentarité avec notre propre système et permet de déclencher
la plupart de nos systèmes. En effet, la technologie GPS a encore ses limites en termes de précision dans les grandes
agglomérations. Et puis, plus fondamentalement, quand je suis déficient visuel, j’ai besoin de repères spatiaux. Le GPS
ne permet pas de m’indiquer clairement l’entrée d’un bureau de poste, par contre s’il permet de déclencher la balise
sonore que l’on a placée à l’entrée, l’’information spatiale que nous délivrons devient un précieux complément de celle
proposée par le GPS. Dans les transports en commun, nous vocalisons déjà en dynamique toutes les informations qui
sont sur les bornes d’informations voyageurs et l’usager peut consulter ces informations sur un téléphone portable, une
télécommande ou un GPS piéton en temps réel.
Est-ce que les solutions que vous développez s’adressent à un public plus large que les handicapés visuels ?
On se rend compte par exemple que le guidage au sol pour les déficients visuels sert aussi aux handicapés mentaux qui
s’en servent comme un fil d’Ariane. De même, le fait de mettre des bandes au sol permet aussi de gérer les flux de
déplacement dans le bâtiment en participant à leur canalisation. Intuitivement, les gens suivent ce marquage et l’on peut
ainsi intervenir sur la structuration des déplacements.
Nous travaillons également sur l’accessibilité pour tous à travers par exemple des plans multi sensoriels. C’est un plan
en relief, tactile (avec du braille), visuel (pictogrammes, texte, et sonore (avec de l’audio). Il est conçu sous l’angle du
design universel, du « design for all ». Ce plan doit servir à tout le monde ! C’est dans ce sens là que certains
équipements que l’on pensait dédiés aux personnes handicapées peuvent finalement servir à tous. Dans la même idée,
on se rend compte que le traitement antidérapant des escaliers (conformément à la loi) apporte du confort d’usage à
tous. La notion de handicap devient relative sous cet angle. Par exemple, un touriste primo-arrivant dans une ville peut,
d’une certaine manière, être perçu comme étant dans une situation de handicap. Nos plans multisensoriels s’adressent
également à lui !
C’est la notion de situation handicapante ou celle de design pour tous qui doivent orienter la mise en œuvre de nos
solutions pour apporter du confort au plus grand nombre sans discrimination ni apprentissage nécessaire.