Cancer du sein
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La Lettre du Cancérologue - Vol. XVII - n° 1-2 - janvier-février 2008
Revue sur le cancer du sein en 2007
Highlights in breast cancer 2007
J.Y. Pierga*, V. Diéras*
* Département d’oncologie médicale, Institut Curie, Paris.
RÉSUMÉ
Lannée 2007 a é marquée par l’identication de nouveaux
gènes de susceptibilité au cancer du sein, dont la fréquence est
faible mais qui peuvent être détectés par de nouvelles techni-
ques de biologie moculaire (SNP). Une baisse de lincidence
des cancers du sein a été observée depuis 2003 aux États-Unis,
qui peut être en rapport avec une diminution de l’usage du
traitement hormonal substitutif (THS) de lanopause. De
nouvelles recommandations sur l’utilisation de l’IRM dans le
pistage ou le bilan du cancer du sein ont été publes. En
radiothérapie, l’essai START a mis en évidence une équiva-
lence, en termes de tolérance et d’ecacité, de l’irradiation
hypofractionnée, laquelle permet de réduire le nombre de
séances (essai START), en particulier chez les patientes les
plus âgées. Il ny a pas eu de grandes nouveautés en hormo-
nothérapie du cancer du sein, mais des actualisations des
données des principaux essais, portant sur la survie et surtout
sur la tolérance, soulignent l’attention qui doit être accore
aux problèmes cardiovasculaires liés aux inhibiteurs de l’aro-
matase (IA). Une nouvelle classe d’agents ciblant la tubuline
comme les taxanes, les épothilones, conrme son intérêt dans
le cancer du sein, avec plusieurs études portant sur l’ixabé-
pilone. Concernant les thérapies dites cibes, la publication
n 2006 des sultats de phase III a permis l’obtention de l’AMM
du lapatinib, inhibiteur des récepteurs à TKI de HER2 dans le
cancer du seintastatique. Plusieurs études ont conrmé
l’ecacité du trastuzumab en adjuvant et en néo-adjuvant,
sauf un essai français, le PACS04. Enn les résultats de l’étude
E2100 montrant le bénéce du bévacizumab associé au pacli-
taxel hebdomadaire dans le cancer du sein tastatique en
première ligne ont enn été publiés dans le New England
Journal of Medicine, justiant lAMM de ce produit.
Mots-clés : SNP IRM Radiothérapie hypofractionnée –
Épothilone – Lapatinib – Bévacizumab – Trastuzumab.
SUMMARY
During the year 2007, new susceptibility breast cancer
genes of low frequency have been identied with single
nucleotide polymorphism (SNP) technology. A decrease of
breast cancer incidence has been reported for the rst time
in the US since 2003 and could be related to the decrease
in the use of hormone-replacement therapy among post-
menopausal women. The American Cancer Society (ACS)
has published new recommendations for breast cancer
screening with RMI. For radiotherapy, the British trial START
has shown the safety and the eciency of hypofractionated
treatment. In hormonal therapy, no new results have been
published except updates of well-known reference trials
underlining the cardiovascular side eects of the antiaro-
matase agents. A new antitubulin agent, ixabepilone, has
been highlighted in several studies in breast cancer patients
with resistant tumours. Advances in targeted therapies
consisted in the demonstration of the ecacy of lapatinib,
a TKI agent, in patients with HER2 positive tumours resis-
tant to trastuzumab. The ecacy of trastuzumab has been
conrmed in several trials in adjuvant and neoadjuvant
settings except in the French trial PACS04. Registration
of the monoclonal antibody against VEGF bevacizumab
associated with weekly paclitaxel has been obtained based
on the results of the phase III E2100 study published in the
New England Journal of Medicine.
Keywords: SNP
MRI
Hypofractionated radiotherapy
Epothilone
Lapatinib
Bevacizumab
Trastuzumab.
ÉPIDÉMIOLOGIE
Enfin une diminution de l’incidence des cancers du sein ? Aux
États-Unis, alors que les anes 1990 avaient été marquées
par une augmentation régulière de l’incidence des cancers du
sein, d’environ 0,5 % par an, on observe, depuis 2002, une nette
diminution du nombre de nouveaux cas par an : 8,6 % entre
2001 et 2004 (1). Cette diminution concernait essentiellement
les femmes âgées de plus de 50 ans et, surtout, les tumeurs
exprimant des récepteurs hormonaux. Dans le même temps,
on notait que les prescriptions de THS de la ménopause avaient
diminué aux États-Unis de 38 % entre 2002 et 2003 à la suite de
la publication de l’étude WHI, qui avait relevé une augmentation
du risque de cancer du sein sous THS. Les auteurs font un lien
entre la diminution de l’utilisation de THS aux États-Unis et
celle du nombre de cancers du sein.
Une autre étude a confirmé la diminution de 24 % de la morta-
lité par cancer du sein aux États-Unis depuis le début des
années 1990. Parmi les patientes, 147 289 présentaient une
tumeur exprimant les récepteurs aux estrogènes (RE+). Lévolu-
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tion favorable de la mortali concerne lensemble des situations,
mais est nettement plus marquée pour les tumeurs RE+ (– 13 %
par tranche de 5 ans versus 4 % en cas de négativides RE) et,
surtout, pour les femmes âgées de moins de 70 ans (2).
Létude française MISSION a comparé l’incidence des cancers
du sein chez 6 755 femmes ayant reçu ou non un THS sur une
période allant de 2004 à 2006 (3). Cette étude ne montrait pas
de différence en termes de nombre de cancers entre les deux
groupes, quel que soit le type de THS utilisé. Remarquons que
les patientes recevant un THS étaient plus jeunes, avaient moins
souvent un surpoids et moins d’antécédents familiaux de cancer
du sein que celles n’en recevant pas. Cette étude a donc é
critiquée en raison des biais possibles, mais elle pose la question
du type de THS utilisé en France par rapport à celui utilisé aux
États-Unis et au Royaume-Uni.
Une méta-analyse des risques de développer des cancers chez
des femmes porteuses de mutations des gènes BRCA1 ou BRCA2
(4) montre que, à l’âge de 70 ans, le risque cumulé de cancer
du sein est de 57 % (IC95 : 47-66) pour BRCA1 et de 49 % (IC95 :
40-57) pour BRCA2 ; le risque pour le cancer de l’ovaire est de
40 % (IC95 : 35-46) pour BRCA1 et de 18 % (IC95 : 13-23) pour
BRCA2. Le modèle de Gail (Breast Cancer Risk Assessment
Tool), qui sert à déterminer le risque de développer un cancer
du sein, s’est révélé moins performant dans la prédiction des
cancer RH-. Une modification du modèle de Gail pour les cancers
RH- a été proposée (5). Il est à noter que la pilule contraceptive
protégerait du cancer de lovaire les patientes porteuses de muta-
tions BRCA1 ou BRCA2 (6). En revanche, selon un rapport des
groupes collaboratifs EMBRACE, GENEPSO et GEO-HEBON
et de l’IBCCS (International BRCA1/2 Carrier Cohort study),
elle augmenterait le risque de cancer du sein chez ces mêmes
patientes, surtout en cas d’utilisation prolongée (plus de quatre
ans) avant une première grossesse (7).
DÉPISTAGE, PRÉVENTION
Plusieurs études importantes ont porté sur les techniques d’ima-
gerie pour le dépistage. Ainsi, une étude a évalué des techniques
d’assistance par ordinateur de la lecture des mammographies de
dépistage chez 222 000 patientes. Cette technique a entraîné une
baisse de la spécificité du diagnostic par rapport à la lecture par
le seul radiologue, de 90 à 87 %, l’augmentation du nombre de
gestes de biopsie qu’elle entraîne ne s’accompagnant pas d’une
augmentation du nombre de cancers dépistés (8). Une étude
britannique portant sur 161 000 femmes âgées de 40 à 50 ans
a montré une réduction non statistiquement significative de la
mortalité par cancer du sein dans une étude randomisée compa-
rant une mammographie annuelle au suivi standard. La question
du bénéfice du dépistage par mammographie entre 40 et 50 ans
reste posée (9). Il existe un lien net entre densité mammaire et
cancer, puisque les patientes présentant à la mammographie
une densité supérieure à 75 % (extremely dense) ont un risque
de cancer 4,7 fois plus élevé (IC
95
: 3,0-7,4) que celles dont la
densité est inférieure à 10 % (almost entirely fat) [10].
L’IRM systématique lors du diagnostic initial de cancer du sein,
en l’absence d’anomalie clinique ou mammographique dans le
sein controlatéral, pouvait permettre de tecter un cancer
controlatéral dans 3 % des cas (11). Lanalyse d’une série de
7 319 patientes ayant eu à la fois une mammographie et une
IRM a montré une meilleure détection des carcinomes in situ,
en particulier de haut grade, par l’IRM (12). De nouvelles recom-
mandations de l’ACS (American Cancer Society) en faveur de
l’usage de l’IRM mammaire dans le dépistage ont été publiées
en 2007 (13). Le dépistage annuel par IRM mammaire en plus
de la mammographie est recommandé en routine pour toutes
les femmes dont le risque de développer un cancer du sein au
cours de leur vie est de 20 % ou plus : femme porteuse d’une
mutation BRCA1 ou 2, femme non testée mais dont un parent
au premier degré est porteur d’une mutation BRCA1 ou 2, ou
toute femme dont le risque de velopper un cancer du sein est
estimé à plus de 20 à 25 % (selon le modèle de Gail et autres). Il
est recommandé de ne pas utiliser l’IRM en deça d’un risque de
cancer du sein cumude moins de 15 % en raison des probmes
de coût, de taux élevé de faux positifs et de la standardisation
de la technique.
Lactualisation de deux essais européens de chimioprévention
du cancer du sein a été publiée. Un essai italien comparait chez
5 408 femmes une prévention par tamoxifène à un placebo : le
taux de cancer du sein après un suivi médian de onze ans ne
différait pas significativement d’un groupe à l’autre (74 versus
62 cas). Les effets indésirables étaient plus importants dans le
bras traité (14). Un essai anglais portait sur 2 471 femmes, et,
avec vingt ans de recul, ne montrait pas non plus de diminution
significative du nombre de cancers du sein (82 cas versus 104
[p = 0,1]). Lincidence des tumeurs RE+ était cependant diminuée
par le tamoxifène, et cet effet était surtout net à distance de larrêt
du tamoxifène, au-delà des 5 ans de traitement (15).
Quel est l’impact du régime alimentaire sur la prévention et la
récidive du cancer du sein ? Leffet de la duction de l’apport
alimentaire en graisses dans létude WINS (Womens Intervention
Nutrition Study) a fait lobjet d’un essai randomisé comparant,
chez 2 437 patientes opérées d’un cancer du sein localisé, un
régime alimentaire normal à un régime réduisant la consomma-
tion en graisses de près de 30 %. Chez les patientes ayant suivi
un régime restrictif, le risque de récidive du cancer du sein à
5 ans est significativement réduit, de 24 % (p = 0,034). De façon
plutôt surprenante, la réduction du risque était significative chez
les patientes dont la tumeur nétait pas hormonosensible (RH-)
[p = 0,018]. Il s’agit de la première étude prospective randomisée
démontrant le bénéfice d’une réduction de l’apport en graisses
sur la survie sans récidive (SSR) après cancer du sein (16). En
revanche, létude WHEL (Womens Healthy Eating and Living),
portant sur 3 088 patientes suivies après un cancer du sein (17),
na pas montré deffet préventif pour la récidive dun régime riche
en fibres, en fruits et légumes et avec des apports en graisses
diminués. À la phase préventive, un essai randomisé portant sur
48 835 femmes nayant pas eu de cancer du sein, et comparant
un régime normal à un régime avec une réduction des apports
en graisses de 20 %, na pas montde réduction significative du
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risque de développer un cancer du sein après plus de 8 ans de
recul (18). Cependant, cette étude montrait, après plus de 4 ans de
régime, une diminution du risque de cancer de l’ovaire (19).
BIOLOGIE
Identication de nouveaux gènes de risque de cancer
du sein
Moins de 25 % des cancers du sein familiaux sont liés à des gènes
de susceptibilité connus (BRCA1, BRCA2). De nouveaux gènes
de susceptibilité au cancer du sein ont été récemment identi-
fiés, impliqués dans les canismes de réparation de l’ADN.
CHEK2, une chekpoint kinase c dans la voie de l’apoptose
en cas de double clivage de l’ADN, a été étudiée chez près de
10 000 Danoises (20). Une hétérozygotie pour une mutation
CHEK2*1100delC était retrouvée chez 0,5 % de la population
et correspondait à une multiplication par 3 du risque de cancer
du sein. Une très grande étude, publiée dans Nature, utilisant la
technique des SNP, portant sur près de 22 000 patientes et autant
de contrôles, a permis d’identifier cinq nouveaux nes de risque
de cancer du sein, dont quatre peuvent avoir des liens de causalité
avec le cancer du sein : FGFR2, TNRC9, MAP3K1 et LSP1 (21).
Le rôle du FGFR2 (fibroblast growth factor receptor 2) dans le
cancer du sein non familial chez des femmes ménopausées a
également été retrouvé par d’autres chercheurs sur une série de
1 145 patientes (22). Inversement, un variant assez rare, codant
pour un gène impliqué dans l’apoptose, la caspase 8 (CASP8),
serait associé à une légère réduction du risque de cancer du sein,
comme l’a montré une étude réalisée dans le cadre de travaux
du Breast Cancer Association Consortium (BCAC), portant
sur plusieurs milliers de patientes (23).
Signatures moléculaires
Plusieurs travaux importants ont por sur les signatures
moléculaires fondées sur des puces d’expression (24). L’une
des signatures les plus connues, dite signature d’Amsterdam,
basée sur 70 gènes et utilisée dans lessai MINDACT, a été testée
en pratique clinique “courante” dans un essai prospectif multi-
centrique de faisabilité, laissant au clinicien le choix d’effectuer
ou non une chimiothérapie adjuvante, en fonction du résultat
de ce test moléculaire (essai RASTER) [25]. Près d’un quart des
patientes (158 patientes sur 585) ont éexclues pour cause
de problèmes techniques (fixation du matériel, extraction de
l’ARN, etc.). Cependant, en utilisant cette signature, lorsque
que le profil obtenu était favorable, il a été possible de réduire
le nombre de chimiothérapies adjuvantes par rapport à ce qui
aurait dû être administré selon les critères de Saint-Gall ou
d’Adjuvant! Online.
Une autre signature, dite de Rotterdam, de 76 gènes, a également
été validée sur une série indépendante de près de 200 patientes
sans atteinte ganglionnaire axillaire (26). Une signature qui
évalue essentiellement la prolifération cellulaire (dite gene expres-
sion grade index [GGI]) a permis de séparer deux groupes de
pronostics distincts parmi plus de 600 patientes dont la tumeur
exprimait les cepteurs aux estrogènes (ER+) [27]. Ces deux
sous-groupes correspondaient assez bien à deux groupes déjà
identifiés parmi les tumeurs ER+, les tumeurs luminales A,
peu proliférantes et de bon pronostic, et les luminales B, plus
proliférantes et de moins bon pronostic.
La valeur pronostique d’une nouvelle signature fondée sur des
gènes exprimés différemment dans les cellules tumorales ayant
un phénotype de cellules souches tumorales (CD44+CD24-/
faible), signature comprenant 186 gènes et appelée invasiveness
gene signature (IGS), a été mise en évidence dans le cancer
du sein (28). La valeur pronostique de celle-ci était également
retrouvée dans les médulloblastomes ainsi que dans les cancers
bronchiques et prostatiques.
Importance du stroma tumoral
Léquipe de B. Weinberg a montré la contribution des cellules
mésenchymateuses du stroma au processus métastatique (29).
Ainsi les cellules de cancer du sein stimulent la sécrétion, par
les cellules du stroma, de la chimiokine CCL5 (aussi appelée
RANTES), qui agit de façon paracrine, stimulant la mobilité, lin-
vasivité et la migration métastatique des cellules cancéreuses. De
plus, une équipe américaine a étudié les pertes d’hétérozygotie
(LOH) et les mutations du ne de la P53 dans les cellules cancé-
reuses mais également dans les cellules stromales de tumeurs du
sein. Dans ces dernières, les LOH étaient associées à des muta-
tions somatiques de la P53 dans des cancers non héréditaires,
et à un envahissement ganglionnaire axillaire (30).
Autres découvertes dans le processus métastatique
Les micro-ARN (miRNA) interviennent dans la régulation cellu-
laire comme des oncogènes ou des anti-oncogènes. L’un d’eux,
miRNA-10b, régulé par le gène Twist, interviendrait comme un
promoteur de métastase dans le cancer du sein (31). Le rôle de
plusieurs facteurs a été mis en évidence dans la diffusion métas-
tatique au niveau pulmonaire, comme le ligand de l’epidermal
growth factor receptor (EGFR), lépiréguline, la cyclo-oxynase 2
(COX2), les talloproinases 1 et 2 de la matrice (32). Léquipe
de L. Zitvogel, de l’Institut Gustave-Roussy, a montré que, après
une chimiothérapie et une radiothérapie adjuvante pour cancer
du sein, les taux de récidive et de décès des patientes ayant une
perte d’allèle fonctionnelle du récepteur Toll-like 4 sont plus
éles, cela pouvant être rapport avec une perte de fonction
immunitaire des cellules dendritiques (33).
Autres facteurs
L’amplification de ERSR1, qui code pour le cepteur α aux
estrogènes, existe-t-elle ? C’est ce qu’une équipe allemande aurait
montré, et cette amplification serait fréquente, associée au statut
ER+ et à une meilleure efficacité du traitement adjuvant par
tamoxifène (34).
Plusieurs travaux ont également porté sur les canismes de
résistance au trastuzumab (Herceptin
®
). Ainsi, en utilisant une
combinaison de gefitinib (Iressa
®
) anti-EGFR, de trastuzumab et
de pertuzumab (nouvel anticorps anti-HER2), on peut obtenir un
blocage complet des lignées tumorales HER2+ sur des modèles
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de souris (35). La voie de signalisation HER3 PI3K/AKT n’est
pas inhibée par les inhibiteurs de tyrosine kinase (TKI) actuel-
lement utilisés, et représente un mécanisme d’échappement à
ces agents (36). Il semble donc cessaire d’envisager soit des
TKI plus puissants, soit, plutôt, des stratégies d’association pour
inhiber complètement la signalisation passant par HER2.
Les tumeurs du sein triple négatives sont définies par l’absence
d’expression des cepteurs aux estrogènes, à la progestérone
et à HER2. Ce sous-groupe représente 15 % de la totalité des
cancers du sein. Il nexiste pas de recommandations thérapeu-
tiques spécifiques en l’absence de traitement ciblé. Avec un
traitement standard, ce sous-groupe est associé à un mauvais
pronostic, avec un taux élevé de rechutes locales et systémiques.
Les options thérapeutiques futures doivent dériver des données
biologiques, caractérisées dans un grand nombre de cas par un
dysfonctionnement du gène BRCA1 (37).
FACTEURS PRONOSTIQUES
En pratique, les recommandations de l’ASCO 2007 pour l’uti-
lisation des marqueurs tumoraux retiennent l’utilité clinique
dans certaines situations du CA 15.3, du CA 27.29, de lantigène
carcino-embryonnaire (ACE), des récepteurs aux estrogènes et à
la progesrone (RE et RP), de HER2, de lurokinase plasminogen
activator (uPA) et du plasminogen activator inhibitor de type 1
(PAI1), ainsi que de certains tests d’expression multigénique
(Oncotype DX) [38]. Les autres facteurs nétaient pas considérés
comme validés pour un usage en routine.
Actuellement, dans environ 20 % des cas, la détermination du
statut de HER2 est incorrecte, essentiellement avec des faux
positifs, conduisant à un traitement par trastuzumab inutile,
coûteux et potentiellement toxique. Le groupe d’experts de
l’ASCO a publié les recommandations strictes de détermination
du statut de HER2 selon les techniques utilisées (39). Le chan-
gement important concerne le cut-off de cellules marquées en
immunohistochimie (IHC), celui-ci passant de 10 % à 30 %.
Il est également à noter dans ce domaine que les statuts des
récepteurs hormonaux et de HER2 pourraient être déterminés
de façon fiable par puce Affymetrix
®
(40). Dans une étude rétros-
pective du Cancer and Leukemia Group B CALGB 8541 (4 cures
d’adriamycine-cyclophosphamide [AC] versus 4 cures d’AC puis
4 de paclitaxel), la surexpression de HER2 serait associée à un
bénéfice de l’addition du paclitaxel, quelle que soit l’expres-
sion des récepteurs hormonaux (41). Ladjonction de paclitaxel
naurait, selon cette étude publiée dans le New England Journal
of Medicine, pas d’intérêt en cas de tumeur ne surexprimant
pas HER2.
Une nouvelle étude, portant sur 1 586 patientes sans atteinte
ganglionnaire, souligne la valeur pronostique des emboles
lymphatiques (peritumoral vascular invasion) [42].
En travaillant sur les bases du SEER, les données de survie sur
51 246 cas de tumeurs du sein de moins de 1 cm (T1a,b, N0)
ont été obtenues, témoignant d’une mortalité par cancer du
sein à 10 ans de 4 % (43).
Marqueurs de réponse au traitement néo-adjuvant
La valeur pronostique du marqueur de prolifération Ki67 a été
établie dans une méta-analyse portant sur plus de 12 000 patientes
suivies pour un cancer du sein (44). Plus que la valeur initiale,
c’est surtout l’impact favorable sur la SSR de la diminution du
Ki67 après 15 jours d’hormonothérapie néo-adjuvante qui a été
clairement mont dans l’essai IMPACT comparant l’anastrozole
au tamoxifène (45).
Plusieurs marqueurs de prédiction de la réponse à la chimiothé-
rapie néo-adjuvante ont été mis en évidence. Ainsi, les muta-
tions de la P53 sont associées à un taux de réponse élevé mais
aussi à un plus mauvais pronostic en cas de non-réponse en
néo-adjuvant (46). De même, la chimiosensibilité des tumeurs
dites triple négatives est plus importante en situation néo-adju-
vante, avec un taux de ponse histologique complète éle,
mais leur pronostic est particulièrement sombre en l’absence
de réponse (47).
Une étude de la European Organisation for Research and Treat-
ment of Cancer (EORTC) a validé une signature prédictive
de la réponse à la chimiothérapie néo-adjuvante utilisant une
puce Affymetrix
®
, réponse soit à un traitement de type FEC
(5-FU + cyclophosphamide + épirubicine), soit à un traitement
comportant du docétaxel (48).
TRAITEMENTS ADJUVANTS
Les recommandations du consensus de Saint-Gall 2007 sur les
indications de traitements adjuvants ont été publiées dans Annals
of Oncology (49). Ces directives tiennent aujourd’hui davantage
compte de la probabilité de réponse à un traitement donné.
Ainsi, le niveau d’hormonosensibilité probable de la tumeur est
à la base des indications thérapeutiques. Par rapport à 2005, le
statut HER2 et les indications de traitement adjuvant par tras-
tuzumab, toujours associé à la chimiothérapie, en concomitant
ou en séquentiel, sont intégrés. À noter une bonne revue, dans le
New England Journal of Medicine, des modalités de surveillance
des cancers du sein localisés après traitement (50).
Hormonothérapie adjuvante
Castration
Un essai a compa, chez 762 patientes non ménopausées
présentant une tumeur RH+, une castration par radiothérapie
à 9 cures de CMF (cyclophosphamide + méthotrexate + fluoro-
uracile). Les résultats après 8,5 ans de suivi étaient identiques
en termes de survie globale (SG) et de SSR (51). Lessai TABLE
a comparé, chez 600 patientes non ménopausées, RH+, avec
atteinte ganglionnaire, un traitement par 6 cures de CMF à un
traitement par agoniste trimestriel pendant deux ans. La survie
était équivalente dans les deux bras après plus de 5 ans de suivi
(52). Lessai ABC Ovarian Ablation or Suppression Trial, de
l’Adjuvant Breast Cancer Trials Collaborative Group (ABCTCG),
comparait, chez des patientes non ménopausées ou en périmé-
nopause, recevant un traitement par tamoxifène pendant 5 ans
suivant ou non une chimiothérapie, une castration à l’absence
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d’autre traitement (53). Aucune différence en termes de SSR
ou de SG na été obsere. Lessai GABG-IV B-93 ne montrait
pas de bénéfice des agonistes de la LHRH après chimiothérapie
chez des patientes non ménopausées dont la tumeur était RH-
en majorité (54).
Une méta-analyse sur les agonistes de la LHRH portant sur
11 906 patientes non ménopausées montre que, comme seul
traitement systémique, ils ne réduisent pas le risque de mortalité
ou de récidive du cancer du sein. Ils réduisent ce risque signifi-
cativement après chimiothérapie, ou associés soit au tamoxifène
soit aux deux. Ils ont un effet identique à celui de la chimiothé-
rapie si les deux sont comparés. Il n’y a pas d’essai comparant
agoniste + tamoxifène à chimiothérapie + tamoxifène. La durée
optimale du traitement nest pas connue (55).
Antiaromatases
Les principaux grands essais d’IA en situation adjuvante on é
actualisés. Lessai BIG 98 comparant le létrozole (Femara
®
) au
tamoxifène confirme la supériorité de l’IA en termes de SSR,
mais nous navons pas de résultats en termes de SG (56, 57). On
note plus dévénements cardiovasculaires sévères (insuffisances
cardiaques ou maladies ischémiques) sous létrozole que sous
tamoxifène : 2,4 % versus 1,4 % (p = 0,001) [58].
Un gain modeste en termes de SG (p = 0,05) est obtenu avec
l’exémestane dans l’essai Intergroup Exemestane Study (IES) [59],
qui comparait 5 ans de traitement par tamoxifène à 2,5 ans de
traitement par tamoxifène suivis de 2,5 ans de traitement par
exémestane. On observait, en revanche, une augmentation du
taux de fractures dans le bras avec exémestane (60).
Après deux ans de traitement adjuvant par tamoxifène, le passage
à un traitement par anastrozole (switch) permet d’obtenir en
termes de SG un bénéfice que ne permet pas d’obtenir la pour-
suite du traitement par tamoxifène pendant 5 ans au total, dans
le cadre de l’étude ARNO 95 (61). Trois études ont été intégrées
dans une méta-ananalyse (ABCSG 8, ARNO 95 et ITA), qui
confirme le bénéfice en termes de survie du switch au bout de
2 à 3 ans de tamoxifène (62, 63).
Lostéoporose induite par les IA peut être prévenue par une
perfusion tous les 6 mois d’acide zolédronique (Zometa
®
),
comme le montrent l’essai ZFAST (64) et un essai de lABCSG
(65). Une nouvelle voie d’approche est l’inhibition de la résorp-
tion osseuse par l’administration d’un anticorps anti-RANK
ligand, le dénozumab, en s.c. toutes les 4 semaines, qui montre,
dans le cadre d’une étude de phase II contrôlée, une efficacité
comparable à celle des disphosphonates (66).
Chimiothérapie adjuvante
Une méta-analyse du groupe Cochrane a évalué l’impact des
taxanes dans la chimiotrapie adjuvante du cancer du sein (67).
Les données portant sur 18 304 patientes ont été rassemblées
et montrent un bénéfice en termes de SSR et de SG. Aucun
sous-groupe de patientes ayant un gain supérieur de l’ajout des
taxanes na pu être identifié.
Deux études montrent un danger du granulocyte colony-stimu-
lating factor (GCSF) à long terme dans le traitement adjuvant du
cancer du sein. Une analyse rétrospective de la base de données
du SEER, portant sur 5 500 patientes, montre que les patientes en
ayant reçu en cours de chimiothérapie adjuvante encouraient un
risque doub de développer une myélodysplasie ou une leucémie
aiguë : 1,8 % à 4 ans versus 0,7 % sans GCSF (68). Une étude cas-
moin portant sur tous les cas de leucémie ou de dysmlopoïèse
enregistrés en France après cancer du sein de 1985 à 2001 en a
répertorié 182 et montre une association avec les inhibiteurs de
topo-isomérase II et surtout avec la mitoxantrone, plus quavec les
anthracyclines. Les alkylants ne semblent pas impliqués. Le taux
est multiplié par 3 avec la radiothérapie, mais les GCSF augmen-
tent également le risque relatif (RR) dun facteur 6 (69).
Traitements ciblés adjuvants
Avec une prolongation du suivi médian à 2 ans, l’étude HERA, qui
comparait un traitement par trastuzumab après une chimiothérapie
adjuvante à la chimiothérapie seule, conrme le néce important
de ce traitement en termes de SSR mais surtout de SG (70).
TRAITEMENT NÉOADJUVANT
Une étude randomisée a évalué l’apport du gefitinib, inhibiteur
du récepteur EGFR (HER1), à une hormonothérapie préopéra-
toire par anastrozole chez 206 patientes (71). L’adjonction de
gefitinib na apporté aucune augmentation du taux de réponse et
na pas modifié les paramètres biologique comme le Ki67. Cette
étude a remis en cause l’intérêt du gefitinib en complément de
l’hormonothérapie.
La méta-analyse du groupe Cochrane a porté sur 5 500 patientes
incluses dans des essais comparant chimiothérapie néo-adju-
vante et chimiothérapie adjuvante. La chimiothérapie première
donne les mêmes taux de survie à long terme, mais permet
une augmentation du taux de conservation mammaire (72). La
réponse histologique est un facteur de bon pronostic. En cas
de disparition de la composante invasive après chimiothérapie
néo-adjuvante, la persistance d’un carcinome in situ résiduel
na pas de valeur péjorative (73).
Lactualisation de létude de phase II randomisée du MD
Anderson Cancer Center évaluant l’apport du trastuzumab
en association avec une chimiothérapie par paclitaxel suivi de
FEC montre un taux de ponse complète (RC) histologique
de 60 % (IC95 : 44,3-74,3) [74] et l’absence de rechutes chez les
patientes traitées avec le trastuzumab, sans augmentation du
risque de cardiotoxicité.
Dans les cancers du sein surexprimant HER2 et traités par
chimiothérapie et trastuzumab, il existe une corrélation entre
la RC histologique et le niveau d’amplification de HER2 : 56 %
en cas de forte amplification (> 10 copies) contre 22 % en cas
de faible amplification (6-10 copies) [75].
L’association de docétaxel (75 mg/m²), de carboplatine (ASC6)
et de trastuzumab, 6 cycles, donne un taux de RC histologique
de 43 % après relecture centralisée du statut HER2 (76).
Lassociation de docétaxel, de vinorelbine et de trastuzumab
permet d’obtenir un taux de RC histologique de 39 % mais au
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