Cancer du sein
Cancer du sein
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La Lettre du Cancérologue - Vol. XVII - n° 1-2 - janvier-février 2008
tion favorable de la mortalité concerne l’ensemble des situations,
mais est nettement plus marquée pour les tumeurs RE+ (– 13 %
par tranche de 5 ans versus – 4 % en cas de négativité des RE) et,
surtout, pour les femmes âgées de moins de 70 ans (2).
L’étude française MISSION a comparé l’incidence des cancers
du sein chez 6 755 femmes ayant reçu ou non un THS sur une
période allant de 2004 à 2006 (3). Cette étude ne montrait pas
de différence en termes de nombre de cancers entre les deux
groupes, quel que soit le type de THS utilisé. Remarquons que
les patientes recevant un THS étaient plus jeunes, avaient moins
souvent un surpoids et moins d’antécédents familiaux de cancer
du sein que celles n’en recevant pas. Cette étude a donc été
critiquée en raison des biais possibles, mais elle pose la question
du type de THS utilisé en France par rapport à celui utilisé aux
États-Unis et au Royaume-Uni.
Une méta-analyse des risques de développer des cancers chez
des femmes porteuses de mutations des gènes BRCA1 ou BRCA2
(4) montre que, à l’âge de 70 ans, le risque cumulé de cancer
du sein est de 57 % (IC95 : 47-66) pour BRCA1 et de 49 % (IC95 :
40-57) pour BRCA2 ; le risque pour le cancer de l’ovaire est de
40 % (IC95 : 35-46) pour BRCA1 et de 18 % (IC95 : 13-23) pour
BRCA2. Le modèle de Gail (Breast Cancer Risk Assessment
Tool), qui sert à déterminer le risque de développer un cancer
du sein, s’est révélé moins performant dans la prédiction des
cancer RH-. Une modification du modèle de Gail pour les cancers
RH- a été proposée (5). Il est à noter que la pilule contraceptive
protégerait du cancer de l’ovaire les patientes porteuses de muta-
tions BRCA1 ou BRCA2 (6). En revanche, selon un rapport des
groupes collaboratifs EMBRACE, GENEPSO et GEO-HEBON
et de l’IBCCS (International BRCA1/2 Carrier Cohort study),
elle augmenterait le risque de cancer du sein chez ces mêmes
patientes, surtout en cas d’utilisation prolongée (plus de quatre
ans) avant une première grossesse (7).
DÉPISTAGE, PRÉVENTION
Plusieurs études importantes ont porté sur les techniques d’ima-
gerie pour le dépistage. Ainsi, une étude a évalué des techniques
d’assistance par ordinateur de la lecture des mammographies de
dépistage chez 222 000 patientes. Cette technique a entraîné une
baisse de la spécificité du diagnostic par rapport à la lecture par
le seul radiologue, de 90 à 87 %, l’augmentation du nombre de
gestes de biopsie qu’elle entraîne ne s’accompagnant pas d’une
augmentation du nombre de cancers dépistés (8). Une étude
britannique portant sur 161 000 femmes âgées de 40 à 50 ans
a montré une réduction non statistiquement significative de la
mortalité par cancer du sein dans une étude randomisée compa-
rant une mammographie annuelle au suivi standard. La question
du bénéfice du dépistage par mammographie entre 40 et 50 ans
reste posée (9). Il existe un lien net entre densité mammaire et
cancer, puisque les patientes présentant à la mammographie
une densité supérieure à 75 % (extremely dense) ont un risque
de cancer 4,7 fois plus élevé (IC
95
: 3,0-7,4) que celles dont la
densité est inférieure à 10 % (almost entirely fat) [10].
L’IRM systématique lors du diagnostic initial de cancer du sein,
en l’absence d’anomalie clinique ou mammographique dans le
sein controlatéral, pouvait permettre de détecter un cancer
controlatéral dans 3 % des cas (11). L’analyse d’une série de
7 319 patientes ayant eu à la fois une mammographie et une
IRM a montré une meilleure détection des carcinomes in situ,
en particulier de haut grade, par l’IRM (12). De nouvelles recom-
mandations de l’ACS (American Cancer Society) en faveur de
l’usage de l’IRM mammaire dans le dépistage ont été publiées
en 2007 (13). Le dépistage annuel par IRM mammaire en plus
de la mammographie est recommandé en routine pour toutes
les femmes dont le risque de développer un cancer du sein au
cours de leur vie est de 20 % ou plus : femme porteuse d’une
mutation BRCA1 ou 2, femme non testée mais dont un parent
au premier degré est porteur d’une mutation BRCA1 ou 2, ou
toute femme dont le risque de développer un cancer du sein est
estimé à plus de 20 à 25 % (selon le modèle de Gail et autres). Il
est recommandé de ne pas utiliser l’IRM en deça d’un risque de
cancer du sein cumulé de moins de 15 % en raison des problèmes
de coût, de taux élevé de faux positifs et de la standardisation
de la technique.
L’actualisation de deux essais européens de chimioprévention
du cancer du sein a été publiée. Un essai italien comparait chez
5 408 femmes une prévention par tamoxifène à un placebo : le
taux de cancer du sein après un suivi médian de onze ans ne
différait pas significativement d’un groupe à l’autre (74 versus
62 cas). Les effets indésirables étaient plus importants dans le
bras traité (14). Un essai anglais portait sur 2 471 femmes, et,
avec vingt ans de recul, ne montrait pas non plus de diminution
significative du nombre de cancers du sein (82 cas versus 104
[p = 0,1]). L’incidence des tumeurs RE+ était cependant diminuée
par le tamoxifène, et cet effet était surtout net à distance de l’arrêt
du tamoxifène, au-delà des 5 ans de traitement (15).
Quel est l’impact du régime alimentaire sur la prévention et la
récidive du cancer du sein ? L’effet de la réduction de l’apport
alimentaire en graisses dans l’étude WINS (Women’s Intervention
Nutrition Study) a fait l’objet d’un essai randomisé comparant,
chez 2 437 patientes opérées d’un cancer du sein localisé, un
régime alimentaire normal à un régime réduisant la consomma-
tion en graisses de près de 30 %. Chez les patientes ayant suivi
un régime restrictif, le risque de récidive du cancer du sein à
5 ans est significativement réduit, de 24 % (p = 0,034). De façon
plutôt surprenante, la réduction du risque était significative chez
les patientes dont la tumeur n’était pas hormonosensible (RH-)
[p = 0,018]. Il s’agit de la première étude prospective randomisée
démontrant le bénéfice d’une réduction de l’apport en graisses
sur la survie sans récidive (SSR) après cancer du sein (16). En
revanche, l’étude WHEL (Women’s Healthy Eating and Living),
portant sur 3 088 patientes suivies après un cancer du sein (17),
n’a pas montré d’effet préventif pour la récidive d’un régime riche
en fibres, en fruits et légumes et avec des apports en graisses
diminués. À la phase préventive, un essai randomisé portant sur
48 835 femmes n’ayant pas eu de cancer du sein, et comparant
un régime normal à un régime avec une réduction des apports
en graisses de 20 %, n’a pas montré de réduction significative du
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