La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. IX - n° 4 - septembre 2006
Proctologie(s)
P r o c t o l o g i e ( s )
211
OUTILS DE DÉPISTAGE
Le développement de techniques d’analyse cytologique, dite en
couche mince ou en phase liquide, autorise pourtant un suivi
comparable à celui qui est proposé au niveau du col utérin. Qui
plus est, certains travaux évoquent la possibilité que le frottis
soit effectué par les personnes elles-mêmes (10). L’analyse cyto-
logique repose sur la classification de Bethesda modifiée.
La sensibilité et la spécificité des techniques de frottis pour
l’identification des lésions de dysplasie varient entre 69 et 93 %,
32 et 59 % respectivement. La répétition du dépistage à 2 ans
d’intervalle permet d’augmenter de façon très significative les
valeurs prédictives des tests (11). Cependant, le dépistage des
malades à risque et leur compliance au suivi pourraient être
médiocres si l’on en croit les 40 % de personnes se prêtant encore
à un suivi trois ans après le diagnostic initial d’une condylo-
matose anale (12). L’impact d’une telle procédure de dépistage
n’a pas encore donné lieu à un élargissement des pratiques et à
des propositions rationnelles de suivi et il n’est pas aujourd’hui
démontré qu’une politique de dépistage des malades infectés
par le VIH, par exemple, améliore la survie et le pronostic de
ceux qui sont victimes d’un cancer du canal anal (9).
IMPACT DU DÉPISTAGE SUR LA PRISE EN CHARGE
THÉRAPEUTIQUE
Le traitement de la dysplasie anale n’a donné lieu aujourd’hui
à aucune autre évaluation que celle de courtes séries de cas.
À l’instar du traitement de la dysplasie du col de l’utérus, les
gestes de résection, de photo- ou d’électrocoagulation des zones
de dysplasie paraissent des alternatives logiques. Cependant,
chez les malades infectés par le VIH, la récidive des lésions de
dysplasie de haut grade après traitement est observée dans près
de 80 % des cas dans l’année qui suit le geste d’électrocoagula-
tion. Le recours à des thérapeutiques immunomodulatrices de
type imiquimod ou les vaccins thérapeutiques (protéines E7
HPV 16) pourraient être une approche plus séduisante chez
ces malades.
L’effet des thérapeutiques antirétrovirales modernes (HAART)
sur l’incidence et la progression des lésions de dysplasie de haut
grade chez les malades VIH apporte, selon les études, des don-
nées actuellement contradictoires, certains travaux soulignant
un accroissement considérable de la dysplasie de haut grade
en termes d’odds-ratios, d’autres soulignant un effet inverse
(9, 13).
REMARQUES EN GUISE DE CONCLUSION
Aucune étude randomisée n’a montré un bénéfice du dépistage
sur la mortalité spécifique de la dysplasie anale. Aucune étude
longitudinale n’a, à ce jour, montré de supériorité d’un mode de
dépistage et de suivi optimal par rapport à l’absence de suivi. Les
stratégies de traitement de la dysplasie n’ont pour l’instant pas
donné lieu à une évaluation solide. Les stratégies de destruc-
tion locale sont peu efficaces dans la prévention des récidives
chez les malades infectés par le VIH et ayant des lésions de
dysplasie de haut grade. L’histoire naturelle de la progression
de la dysplasie vers le cancer invasif n’est pas bien documentée.
S’il est aujourd’hui bien prouvé que la majorité des malades
VIH ayant une dysplasie de bas grade va développer au cours
du suivi une dysplasie de haut grade, la progression de celle-ci
vers un cancer invasif est imprécise (9). Tout reste à faire dans
ce champ pathologique… n
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Ryan DP, Compton CC, Mayer RJ. Carcinoma of the anal cancer. N Engl J Med
2000;342:792-800.
2. Schwartz SM, Daling JR, Doody DR et al. Oral cancer risk in relation to
sexual history and evidence of human papillomavirus infection. J Natl Cancer
Inst 1998;90:1626-36.
3. Frisch M, Glimelius B, Van den Brule AJ et al. Sexually transmitted infection
as a cause of anal cancer. New Eng J Med 1997;337:1350-8.
4. Frisch M, Smith E, Grulich A, Johansen C. Cancer in a population-based co-
hort of men and women in registered homosexual partnerships. Am J Epidemiol
2003;157:966-72.
5. Holm R, Tanum G, Karlsen F, Nesland JM. Prevalence and physical state of
human papillomavirus DNA in anal carcinomas. Mod Pathol 1994;7:449-53.
6. Piketty C, Darragh TM, Da Costa M et al. High prevalence of anal human pa-
pillomavirus infection and anal cancer precursors among HIV-infected persons
in the absence of anal intercourse. Ann Intern Med 2003;183:453-4.
7. Sobhani I, Walker F, Roudot-oraval F et al. Anal carcinoma: incidence and
effect of cumulative infections. AIDS 2004;18:1561-9.
8. Palefsky JM, Holly EA, Ralston ML et al. High incidence of anal high-grade
squamous intra-epithelial lesions among HIV-positive and HIV-negative homo-
sexual and bisexual men. AIDS 1998;26;12:495-503.
9. Chiao EY, Giordano TP, Palefsky JM et al. Screening HIV-Infected Indivi-
duals for Anal Cancer Precursor Lesions: A Systematic Review. Clin Infect Dis
2006;43:223-33.
10. Vajdic CM, Anderson JS, Hillman RJ et al. Blind sampling is superior to
anoscope guided sampling for screening for anal intraepithelial neoplasia. Sex
Transm Infect 2005;81:415-8.
11. Palefsky JM, Holly EA, Hogeboom CJ et al. Anal cytology as a screening tool
for anal squamous intraepithelial lesions. J Acquir Immune Defic Syndr Hum
Retrovirol 1997;14:415-22.
12. Mathews WC, Sitapati A, Caperna JC et al. Measurement characteristics
of anal cytology, histopathology, and high-resolution anoscopic visual impres-
sion in an anal dysplasia screening program. J Acquir Immune Defic Syndr
2004;37:1610-5.
13. Palefsky J, Holly EA, Efirds JT et al. Anal intraepithelial noeplasia in the
highly active antiretroviral therapy era among HIV-positive men who have sex
with men. AIDS 2005;19:1407-14.