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Prévention du diabète de type 2
dossier
* Service d’endocrino­
logie-diabétologie-nutrition,
hôpital Jean-Verdier,
CHU de Paris-Seine-SaintDenis, université ParisNord, membre du groupe
IMAGE, Bondy.
thématique
Prévention du diabète de type 2 :
les recommandations
du consortium européen IMAGE
Prevention of type 2 diabetes: the recommendations of the IMAGE European consortium
Paul Valensi*
P o i nt s f o rt s
»»Le diabète de type 2 (DT2) et les états prédiabétiques sont souvent
méconnus, et le diagnostic fait avec retard.
»»Plusieurs essais cliniques contrôlés, randomisés ont bien montré qu’une
intervention s’appuyant sur l’hygiène de vie permet de réduire la
progression de l’intolérance au glucose vers le DT2 avéré d’au moins 50 %.
»»Le projet IMAGE a été élaboré dans le but d’améliorer la prévention
du diabète en Europe grâce au développement et à l’application de
normes d’organisation de la prévention et de la formation.
»»Parmi les outils de dépistage précoce du diabète ou du prédiabète, la
charge orale en glucose avec dosages de la glycémie à jeun et 2 heures
après la prise orale de 75 g de glucose est de meilleure sensibilité que la
glycémie à jeun, et constitue le seul moyen pour détecter l’intolérance
au glucose (ITG), de même qu’elle permet une catégorisation précise
du statut glycémique.
»»Plusieurs scores de risque de diabète ont été développés. Le score
FINDRISK qui comporte 8 items et qui a été validé en France est l’un
des scores préconisés par le consortium IMAGE.
»»Ces scores trouvent leur application essentielle en population générale
et chez les individus ayant a priori un risque de diabète.
»»Les mesures d’hygiène de vie, essentiellement en groupes, constituent
la démarche de prévention de première ligne et doivent être mises
en œuvre en priorité chez les patients intolérants au glucose ou
hyperglycémiques à jeun.
»»Ces mesures reposent sur les possibilités locales et nationales et sur une
implication politique qui devrait conduire à un plan national d’action.
»»Un professionnel de la santé (médecin ou paramédical) devient
“manager” d’un groupe s’il a bénéficié d’une formation appropriée.
Le groupe IMAGE a conçu cette formation (curriculum) grâce à un
portail internet.
»»Enfin, le groupe a développé des indicateurs de qualité permettant
d’évaluer toute intervention de prévention du DT2.
Mots-clés : Diabète de type 2 – Prédiabète – Dépistage – Risque –
Intolérance au glucose – Prévention – Mesures hygiénodiététiques.
Keywords: Type 2 diabetes – Prediabetes – Detection – Risk – Impaired
glucose intolerance – Prevention – Lifestyle.
18
O
n estime que plus de 30 millions de personnes
vivant au sein de l’Union européenne (UE) sont
diabétiques, ce qui équivaut à une prévalence
de 8,6 % de la population adulte. Une augmentation de
la prévalence au-delà de 10 % est attendue en 2030. En
2010, l’UE a consacré au diabète environ 10 % de ses
budgets de santé. Cette maladie représente la quatrième ou la cinquième cause de mortalité dans les
pays à niveau de vie élevé, mais elle est sous-estimée
du fait des décès considérés comme liés à la maladie
coronaire ou à un accident vasculaire cérébral.
La progression du diabète trouve ses principales origines dans des facteurs sociétaux, comportementaux,
métaboliques et dans le vieillissement de la population.
Mais il faut bien noter que le diabète et les altérations
de la tolérance au glucose progressent également chez
les plus jeunes.
Le diabète de type 2 (DT2) et les états prédiabétiques
sont souvent méconnus et le diagnostic fait avec retard,
compromettant les possibilités de prévenir les complications et le diabète lui-même. Plusieurs essais cliniques contrôlés, randomisés, menés aux États-Unis, en
Finlande, en Chine, au Japon et en Inde ont clairement
montré qu’il est possible de réduire la progression de
l’intolérance au glucose vers le DT2 avéré d’au moins
50 % en recourant à une intervention s’appuyant sur
l’hygiène de vie. Des programmes de prévention ont
été mis en place dans certains pays, en particulier en
Finlande et en Allemagne, ou à des échelles régionales dans le but de transposer les données issues
de la recherche à la vie réelle, avec certaines limites,
voire obstacles, qu’il convient de franchir. L’Organisation
mondiale de la santé (OMS) et l’International Diabetes
Foundation (IDF) ont publié des recommandations pour
la prévention du DT2 qui toutefois n’ont pas été suivies
d’une application substantielle dans les pays européens.
Le projet IMAGE a été élaboré dans le but d’améliorer
la prévention du diabète en Europe grâce au développement et à l’application de normes d’organisation
de la prévention et de formation. Le projet qui a été
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XV - nos 1-2 - janvier-février 2011
Les recommandations du consortium européen IMAGE soumis à la Communauté européenne dans le cadre de
l’appel à propositions 2006 pour le programme d’action
communautaire dans le domaine de la santé publique,
a été soutenu par un cofinancement de trois ans, de
2007 à 2010. L’objectif général est bien d’implémenter
en Europe les mesures de prévention du DT2.
Les partenaires
et l’organisation du groupe IMAGE
Le projet a été mené à son terme grâce à la participation
de 32 partenaires issus de 13 États membres de l’UE et
de partenaires collaborateurs de Serbie, d’Ukraine et
d’Israël. Secondairement, des partenaires d’Albanie,
des Pays-Bas, de Suisse, de Turquie et du Luxembourg
se sont joints au groupe ainsi que des experts de l’Association Diabetes UK et de l’Association européenne
pour l’étude de l’obésité (EASO [European Association
for the Study of Obesity]).
La première réunion s’est tenue en novembre 2007 et a
permis de recueillir un consensus autour des principaux
thèmes et sous-thèmes à inclure dans les directives que
nous souhaitions établir. Trois autres réunions se sont
tenues ultérieurement.
Sept groupes de travail (Work Packages) ont été constitués : le groupe de coordination, le groupe de diffusion
des résultats du travail collaboratif, le groupe d’évaluation, le groupe d’établissement des recommandations, le groupe de formation, le groupe contrôle
de qualité et le groupe engagé dans la création d’un
portail d’accès Internet. Chaque groupe a bien entendu
constitué des sous-groupes de ­travail. J’ai personnellement participé, avec l’aide de plusieurs membres
de mon équipe, au groupe de diffusion, au nom du
Diabetes Prevention Forum de l’International Diabetes
Federation – European Region (IDF Europe), et au
groupe des recommandations. Les résultats du travail
ont été présentés lors du 6e congrès mondial sur la
prévention du diabète et de ses complications qui s’est
tenu à Dresde, en Allemagne, en avril 2010. Au même
moment est paru un numéro spécial de Hormone and
Metabolic Research incluant trois articles, l’un consacré
aux recommandations sur la prévention du DT2, le deuxième mettant à disposition un outil pratique pour la
prévention et le troisième portant sur les indicateurs
de qualité dans la prévention du DT2 (1-3). Les recommandations devraient maintenant être adoptées par les
différentes instances nationales et internationales (4)
dans la mesure où ces recommandations devraient être
valides dans les différentes régions du monde moyennant certains ajustements.
Nous exposerons ici essentiellement les principaux
résultats du travail consacré aux recommandations
fondées sur les preuves pour la prévention du DT2
(1). L’article comporte 325 références et huit séries de
recommandations.
Outils de dépistage précoce
et d’évaluation du risque
✓✓ Les outils de dépistage précoce du diabète ou
du prédiabète reposent sur des dosages sanguins.
Plusieurs études, notamment l’étude DECODE, ont
bien montré que, comparativement à la méthode de
référence que constitue la charge orale en glucose
(COG), le seul dosage de la glycémie à jeun méconnaissait un grand nombre de cas de diabète ou d’états
prédiabétiques définis par l’hyperglycémie à jeun
et/ou l’intolérance au glucose (ITG). La COG avec
dosages de la glycémie à jeun et 2 heures après la
prise orale de 75 g de glucose est donc de meilleure
sensibilité que la glycémie à jeun, constitue le seul
moyen pour détecter l’ITG et permet une catégorisation
précise du statut glycémique (recommandation de
grade A). Le choix entre le seul dosage de la glycémie
à jeun ou la réalisation d’une COG dépend toutefois
des disponibilités locales.
✓✓ Le dosage de l’hémoglobine A1c, recommandé par
certaines instances, est également moins sensible pour
détecter le diabète et le prédiabète comparativement
à la COG. En outre, nous avons récemment montré,
dans une population de 1 283 patients en surpoids ou
obèses, que ce dosage est de faible sensibilité dans
cette situation et identifie des patients différents de
ceux reconnus par la COG (5, 6).
✓✓ Plusieurs scores de risque de diabète ont été développés dans le monde pour évaluer le risque de développer un diabète. Tel est le cas en particulier du score
finlandais FINDRISK qui répond à plusieurs exigences :
simplicité, caractère non invasif et coût insignifiant.
Les performances de tout score de risque de diabète
doivent toutefois être évaluées dans la population où
il est envisagé de l’utiliser (grade B).
• Le score FINDRISK (grade A) comporte huit items
(encadré 1). Il peut être calculé par un soignant ou
par la personne testée elle-même. Il a été validé dans
plusieurs cohortes européennes, notamment sur la
population de l’étude DESIR (7) pour le diabète incident avec toutefois une limite inhérente à cette étude
qui a recouru au dosage itératif de la glycémie à jeun
et non à la COG, et dans notre cohorte de patients en
surpoids ou obèses pour le diabète et le prédiabète
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XV - nos 1-2 - janvier-février 2011
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Prévention du diabète de type 2
dossier
thématique
1. Quel est votre âge ?
0p : moins de 35 ans 1p : 35 à 44 ans
2p : 45 à 54 ans
3p : 55 à 64 ans
4p : plus de 64 ans
2. Quel est votre IMC ?
(IMC = indice de masse corporelle : poids [kg]/taille [m2])
0p : moins de 25 kg/m2 1p : 25-30 kg/m2
3p : plus de 30 kg/m2
3. Quel est votre tour de taille ?
Homme
0p : moins de 94 cm
3p : 94-102 cm
4p : plus de 102 cm
Femme
0p : moins de 80 cm
3p : 80-88 cm
4p : plus de 88 cm
Le tour de taille se mesure à la hauteur de l’ombilic
4. Exercez-vous tous les jours au moins 30 minutes d’activité physique ?
0p : oui 2p : non
5. Avez-vous déjà eu une ordonnance pour des médicaments contre l’hypertension ?
0p : non 2p : oui
6. Avez-vous déjà eu une glycémie élevée (par exemple lors d’une maladie, d’une grossesse) ?
0p : non 5p : oui
7. Y a-t-il des diabétiques parmi vos proches consanguins ?
0p : non 3p : oui, chez un grand-parent, une tante, un oncle, un cousin, une cousine
5p : oui, chez un parent, un frère, une sœur, un enfant
(une seule réponse possible !)
8. Mangez-vous des fruits, des légumes, du pain complet ou du pain de seigle ?
0p : chaque jour
1p : pas tous les jours
Total :
Conclusion : risque à 10 ans
Moins de 7 : risque très faible (1/100)
7-11 : risque faible (1/25)
12-14 : risque modéré (1/6)
15-20 : risque élevé (1/3)
Plus de 20 : risque très élevé (1/2)
Les critères IMAGE
devant conduire à un dépistage ciblé
Encadré 1. Le score FINDRISK.
•• Sujets de race blanche âgés de plus de 40 ans, sujets de race noire, sujets asiatiques ou sujets
appartenant à une minorité ethnique, âgés de plus de 25 ans avec un ou plusieurs des facteurs de
risque suivants :
− antécédent familial de diabète au premier degré ;
− et/ou IMC > 25 kg/m2 ;
− et/ou tour de taille ≥ 94 cm pour les hommes, qu’ils soient blancs ou noirs, ≥ 80 cm pour les femmes
blanches, noires ou asiatiques, et ≥ 90 cm pour les hommes asiatiques ;
− et/ou pression artérielle systolique ≥ 140 mmHg ou pression artérielle diastolique ≥ 90 mmHg
ou hypertension traitée ;
− et/ou HDL-cholestérol ≤ 0,35 g/l (0,9 mM) ou triglycérides ≥ 2 g/l (2,2 mM) ou dyslipidémie traitée.
•• Femmes ayant un antécédent de diabète gestationnel ou un enfant de poids de naissance supérieur à 4 kg.
•• Antécédent de diabète temporairement induit, par exemple par stéroïdes.
•• Maladie coronarienne, maladie cérébro-vasculaire, artériopathie périphérique.
•• Femmes ayant un syndrome des ovaires polykystiques avec un IMC supérieur ou égal à 30 kg/m2.
•• Patients ayant des problèmes psychiatriques sévères et/ou recevant un traitement antipsychotique
au long cours.
•• Antécédent d’ITG ou d’hyperglycémie à jeun.
Encadré 2. Les critères IMAGE de dépistage des populations cibles pour le diabète et le
prédiabète.
20
existants (8). Ce score nous est aussi apparu fortement
corrélé à la glycémie à jeun, à la glycémie 2 heures après
glucose, au statut glycémique (prédiabète ou diabète),
à la pression artérielle systolique, diastolique et pulsée,
aux taux de cholestérol total et de triglycérides, au syndrome métabolique et à l’insulinorésistance évaluée
par l’index HOMA.
• Un score plus simple que le FINDRISK a été élaboré à
partir de la cohorte DESIR (7). Nous avons également
mis au point un score de prédiction du diabète ou du
prédiabète chez les femmes ayant un indice de masse
corporelle ≥ 25 kg/m2. Ce score très simple, calculé à
partir de l’âge et du tour de taille, s’avère significativement plus performant que le score FINDRISK et le score
DESIR (9). Ces 2 scores alternatifs, comme plusieurs
autres scores développés en Europe, aux États-Unis
ou en Asie, sont mentionnés dans le document des
recommandations IMAGE, mais il faut reconnaître l’intérêt du score FINDRISK qui comporte 8 questions
et qui permet d’engager avec le patient un dialogue
intéressant, en particulier sur les items relatifs au mode
de vie.
Après avoir calculé le score, il est nécessaire d’informer
la personne sur son propre risque et de consacrer le
temps nécessaire aux explications, en particulier vis-àvis des personnes de faible niveau éducatif (grade B).
Les programmes de dépistage peuvent être menés
à grande échelle ou limités aux populations à risque
élevé, donnant lieu respectivement à des stratégies en
population ou à des stratégies en pratique clinique.
Les facteurs de risque de DT2 ont été recensés. Certains
sont non modifiables : âge, histoire familiale, prédisposition génétique, ethnicité, antécédent de diabète
gestationnel, ovaires polykystiques. Les facteurs de
risque modifiables sont le surpoids ou l’obésité, l’inactivité physique, un retard de maturation intra-utérine
ou une prématurité, l’hyperglycémie à jeun ou l’ITG, le
syndrome métabolique, des facteurs diététiques, des
médicaments diabétogènes, la dépression, un environnement obésogène ou diabétogène, le faible statut
socio-économique.
Les critères devant donner lieu à un dépistage ciblé,
dans des populations définies, s’appuient sur ces
facteurs de risque et sur les recommandations existantes, notamment celles de l’Anaes pour la France
ou de Diabetes UK ou encore celles de l’Association
américaine du diabète (encadré 2) [grade B].
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XV - nos 1-2 - janvier-février 2011
Les recommandations du consortium européen IMAGE Stratégies de dépistage des personnes
à risque de diabète de type 2
Deux stratégies différentes sont recommandées, l’une
en population générale, l’autre vis-à-vis de populations
ciblées.
En population générale, le dépistage doit être opportuniste en incluant la population la plus large et le plus
grand nombre d’acteurs : médecins, infirmiers, pharmaciens, services de médecine du travail…, et lors d’occasions privilégiées comme les Journées mondiales du
diabète. Un score de risque doit être utilisé en premier
lieu (grade A), permettant d’évaluer le risque de devenir
diabétique et qui renseigne également sur le risque de
diabète ou de prédiabète existant. Si le score est élevé,
une glycémie à jeun, ou mieux une COG si possible,
est réalisée secondairement, avec simultanément des
dosages lipidiques. La détection d’un diabète conduit
alors à la prise en charge appropriée du patient selon les
recommandations existantes. La mise en évidence d’une
hyperglycémie à jeun et/ou d’une ITG doit conduire à la
mise en œuvre des mesures de prévention du diabète
selon les recommandations IMAGE (figure).
Dans les populations ciblées (encadré 2), répondant
aux critères IMAGE, trois possibilités sont offertes :
dosage de la glycémie à jeun, réalisation d’une COG
ou calcul d’un score de risque. Les options du score
ou de la COG sont toutefois soutenues préférentiellement dans ces recommandations. Plus spécifiquement, dans la population des sujets obèses ou en
surpoids, compte tenu de leur nombre très élevé et
d’une prévalence intermédiaire des dysglycémies, un
score de risque est préconisé en première intention,
donnant lieu à une COG s’il est élevé (grade B). Nous
avons en effet montré que cette stratégie améliore
grandement la rentabilité du dépistage des dysglycémies par rapport à la réalisation d’emblée d’une
COG. Chez les patients coronariens, la prévalence du
diabète est forte et la prévalence des dysglycémies
méconnues est extrêmement élevée (> 60 %), justifiant systématiquement une COG en l’absence de
diabète connu (grade B). L’attitude ultérieure consiste,
comme en population générale, selon les résultats des
dosages glycémiques, à prendre en charge le diabète
ou à mettre en place les mesures de prévention du
diabète (figure).
Population générale
Populations ciblées
Dépistage opportuniste
Tester si le sujet répond aux critères IMAGE
Score de risque
Score de risque
Non élevé
Élevé
GAJ
Normal
Retester 2 ans
plus tard
GAJ
+/COG
HAJ
et/ou ITG
Diabète
Traiter selon
les recommandations
en vigueur
Intervention selon
les recommandations
IMAGE
Non élevé
Normal
Élevé
HAJ
et/ou ITG
Retester 2 ans
plus tard
COG
Diabète
Intervention selon
les recommandations
IMAGE
Conseils
généraux
Traiter selon
les recommandations
en vigueur
COG : charge orale en glucose ; GAJ : glycémie à jeun ; HAJ : hyperglycémie à jeun ; ITG : intolérance au glucose.
Figure. Stratégie de dépistage IMAGE (d’après [1]).
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XV - nos 1-2 - janvier-février 2011
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Prévention du diabète de type 2
dossier
thématique
Stratégies de prévention
Les études de prévention ont montré que l’incidence
annuelle d’un DT2 est supérieure à 5 % dans les états
prédiabétiques et dépasse même 10 % lorsque l’hyperglycémie à jeun s’associe à une ITG. Les essais de
prévention du DT2 par les mesures intensifiées d’hygiène de vie ont établi leur grande efficacité avec une
réduction de plus de 50 % chez les patients ayant une
ITG. Il a été ainsi calculé que le nombre de patients à
traiter pour éviter un cas de DT2 est de 6,4 pendant 1,8
à 6,4 ans. En outre, l’étude chinoise Da Qing a récemment montré la durabilité du bénéfice engendré par les
mesures d’hygiène de vie, jusqu’à 14 ans après la fin de
l’intervention. Ce sont donc bien les mesures d’hygiène
de vie qu’il faut encourager en premier lieu (grade A).
La réduction du poids constitue un élément essentiel,
une perte de 5 à 7 % suffisant à réduire substantiellement le risque de DT2 (grade A). L’augmentation de
l’activité physique à 30 minutes par jour d’exercice
modéré réduit également le risque (grade B). L’étude
DPP (10) a montré que la plus forte réduction pondérale était observée lorsque trois objectifs prédéfinis –
réduction pondérale, exercice physique et réduction
de la consommation de graisse – étaient atteints. La
persistance du bénéfice est apparue la plus forte chez
les personnes âgées de plus de 60 ans, probablement
en lien avec leur plus grande motivation et disponibilité
vis-à-vis de leur état de santé. Dans l’étude finlandaise
DPS, cinq objectifs étaient définis : ne pas dépasser
30 % de l’apport énergétique quotidien sous forme
de graisses, ne pas dépasser 10 % de l’apport énergétique sous forme de graisses saturées, consommer au
moins 15 g de fibres/1 000 Kcal, pratiquer une activité
physique modérée d’au moins 30 minutes par jour,
perdre au moins 5 % de son poids. Lorsque les cinq
objectifs étaient atteints, aucun cas de diabète n’était
enregistré dans la population initialement intolérante
au glucose (11).
Plusieurs médicaments ont également fait preuve
de leur efficacité dans la prévention du DT2. Il s’agit,
chez les patients ayant une ITG, de la metformine et
de l’acarbose, qui peuvent être utilisés en seconde
intention et en respectant les contre-indications pour
la metformine (grade A). Chez les obèses avec ou sans
ITG, l’orlistat associé aux mesures hygiéno-diététiques
peut également être proposé en second lieu chez les
obèses (grade A). Rappelons toutefois qu’aucun de ces
médicaments ne dispose en France de l’AMM dans la
prévention du diabète.
À l’échelle individuelle, la motivation est essentielle
pour initier une démarche de prévention du diabète.
22
Le processus implique la prise de décision d’agir, puis
l’action proprement dite et le maintien dans l’action.
Les interventions doivent promouvoir des changements
diététiques et l’activité physique (grade A), utiliser les
techniques de modifications comportementales bien
définies (grade A), proposer un plan clair d’intervention
selon le contexte social et organisationnel (grade D),
impliquer l’engagement des supports sociaux (famille,
amis, collègues) [grade A], multiplier la fréquence des
contacts (grade B), soutenir le maintien des mesures
d’hygiène de vie (grade A).
Aspects sociétaux et de santé publique
La mise en place des mesures hygiéno-diététiques
repose sur les possibilités locales et nationales et sur
une implication politique conduisant à un plan national d’action. La collaboration doit être encouragée
entre différents secteurs d’activité : les éducateurs,
les organisations non gouvernementales, l’industrie
agro-alimentaire, les médias, les acteurs locaux et les
instances politiques.
À l’échelle sociétale et de santé publique, l’implémentation des mesures de prévention du DT2 doit recourir
à un plan de santé publique structuré (grade A), en
impliquant des approches spécifiques selon les populations (adolescents, minorités, groupes défavorisés)
[grade C], des initiatives gouvernementales (soutiens
aux communautés, infrastructures, mesures fiscales
et législatives, engagements du secteur privé et communications à travers les médias) [grade B]. Un tel plan
devrait constituer une des composantes d’un réseau
comportant d’autres programmes de prévention ou
d’activités d’éducation publique (grade A).
Compte tenu des moyens nécessaires, humains et
financiers, une approche hiérarchique dans les priorités est recommandée. La priorité la plus élevée
concerne les patients ayant une ITG (qui ont éventuellement aussi une hyperglycémie à jeun) [grade A], une
priorité élevée est attribuée aux hyperglycémiques à
jeun et aux personnes ayant un syndrome métabolique
(grade C), une priorité intermédiaire aux personnes
en surpoids, obèses ou ayant une faible activité physique, enfin une priorité faible en population générale
(grade C).
La réalisation pratique des actions d’intervention sur
l’hygiène de vie s’appuie sur des modalités différentes
selon les contextes, sont réalisées en groupes pour l’essentiel, de façon individuelle ou mixte éventuellement
(grade A). Un grand nombre de professionnels ou de
non-professionnels devraient être impliqués (grade A).
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XV - nos 1-2 - janvier-février 2011
Les recommandations du consortium européen IMAGE Un professionnel de la santé (médecin ou paramédical)
devient “manager” d’un groupe s’il a bénéficié d’une
formation appropriée. Le groupe IMAGE a conçu cette
formation (curriculum) avec un portail Internet. Nous
avons ouvert un diplôme interuniversitaire (Paris-Nord
et Paris-V) dont le but est de former des acteurs relais
dans la prévention du diabète, de l’obésité et des
maladies cardio-vasculaires[1]. L’enseignement inclut
les principes de formation issus du travail du groupe
IMAGE. Les animateurs des groupes pourraient suivre le
même type de formation ou être formés par le manager.
Enfin, des indicateurs de qualité ont été développés
pour évaluer toute intervention de prévention du DT2
(3). Les indicateurs spécifiques concernent la stratégie
de prévention en population générale, le dépistage des
personnes à risque élevé de diabète et la stratégie de
prévention proprement dite. Vingt-deux indicateurs ont
été générés, se répartissant au niveau macro : stratégie
de prévention en population générale, méso : dépistage
des personnes à risque élevé, méso et micro : stratégie
de prévention chez les personnes à risque élevé.
En ce qui concerne l’évaluation médico-économique,
trois types d’effets de l’intervention doivent être analysés (grade A) : nombres de cas de diabète évités, espérance de vie gagnée ajustée sur la qualité de vie (QALY),
bénéfices financiers obtenus. Et chaque stratégie devrait
être évaluée par le rapport coût/efficacité (grade A).
En conclusion, le travail produit par le consortium
IMAGE est unique par le nombre de partenaires européens impliqués, par l’exhaustivité du travail de lecture
de la littérature, par la précision des recommandations
issues également du partage d’expériences rapportées
sur le plan européen. Il constitue une référence en la
matière. Il est temps d’agir…
■
[1] Les inscriptions se font cette
année à l’université Paris-Nord.
Le premier module débute au premier trimestre 2011.
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Evidence-Based Guideline for the Prevention of Type 2 Diabetes.
Horm Metab Res 2010;Suppl.1:S3-36.
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Comparaison de deux scores cliniques de risque de survenue
de diabète pour le dépistage du prédiabète, du diabète, du
syndrome métabolique et le risque cardio-vasculaire. Diabetes
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9. Cosson E, Hamo-Tchatchouang E, Nguyen MT et al. Un
nouveau score simple pour sélectionner les femmes obèses ou
en surpoids chez qui réaliser une charge en glucose. Diabetes
Metab 2010;36:O96.
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loss with lifestyle intervention on risk of diabetes. Diabetes
Care 2006;29:2102-7.
11. Lindstrom J, Peltonen M, Eriksson JG et al. High-fibre,
low-fat diet predicts long-term weight loss and decreased
type 2 diabetes risk: the Finnish Diabetes Prevention Study.
Diabetologia 2006;49:912-20.
prochain numéro
Prochain dossier thématique à paraître en mars 2011
“Endocrinopathies familiales”
Coordination : Pr Yves Reznik (Caen)
mars 2011
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XV - nos 1-2 - janvier-février 2011
23
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