RAPPELER ROLAND texte Frédéric Boyer mise en scène Ludovic Lagarde avec Pierre Baux spectacle créé du 19 au 23 mars 2013 à la Comédie de Reims–CDN Photo Pascal Gely CONTACTS Jean-Michel Hossenlopp | directeur adjoint + 33 (0)6 16 74 57 80 - [email protected] Solenn Réto | responsable des productions et de la diffusion + 33 (0)7 81 14 08 41 - [email protected] Rappeler Roland texte Frédéric Boyer édité chez P.O.L mise en scène Ludovic Lagarde avec Pierre Baux scénographie Antoine Vasseur son David Bichindaritz lumières Sébastien Michaud costumes Fanny Brouste production la Comédie de Reims–CDN, CDDB Théâtre de Lorient « Bataille aurons acharnée et farouche. » Rappeler Roland est un monologue écrit aujourd’hui pour exorciser la violence des guerres et des combats dans notre histoire collective et sanglante et dans chacune de nos petites histoires individuelles. Un jeune homme tente de rappeler à l’aide un héros mort il y a plus de mille ans. La voix de La Chanson de Roland fait irruption dans notre mémoire contemporaine. Le destin de Roland, neveu tant aimé de l’empereur Charlemagne, jeune chevalier carolingien mort, diton, au col pyrénéen de Roncevaux dans une sanglante embuscade tendue par les armées des Sarrasins, se confond avec celui d’un inconnu. Et cette histoire consignée dans un vieux manuscrit de jongleur du XIème siècle, un des premiers en notre possession entièrement rédigé en français, en langue vulgaire, la langue de tous, revient hanter la langue et la mémoire de cet inconnu qui rêve en s’effrayant de batailles et de tueries. Le passé millénaire des guerres et des combats de l’Europe médiévale revient ici interroger notre monde. Nous, les enfants européens d’un monde étrangement pacifié dans le déni de nos guerres, nous envoyons toujours de très jeunes gens se battre sur des fronts lointains, à la démarcation vacillante et souvent idéologique de mondes en décomposition. Guerres dont la victoire n’est pour finir que le récit de défaites répétées, d’actions malheureuses. Qu’est-ce qu’un combat ? Pourquoi et comment se battre ? Contre qui et quoi ? Et surtout quelle langue, quels mots aujourd’hui rappeler et inventer pour dire à la fois notre peur des batailles et notre folle envie d’en découdre ? Frédéric Boyer a écrit ce monologue tout en travaillant depuis plus de deux ans à une nouvelle traduction en français contemporain de La Chanson de Roland. Rappeler Roland et la nouvelle traduction de La Chanson de Roland sont édités aux Éditions P.O.L. « N’aurez de guerre de toute votre vie. » « Je ne me suis jamais battu. Je n’ai connu aucun champ de bataille. Et ma génération a été généreusement tenue éloignée des guerres qu’ont connues nos parents et grands-parents. Mais cette absence (illusoire) des combats ne fut pas sans entretenir en nous un sentiment ambigu et embarrassant tant les guerres et les affrontements meurtriers ravagent notre monde contemporain et détruisent d’innombrables existences. Au point d’avoir le sentiment de vivre par simulacre ad nauseam ces combats auxquels les images des caméras du monde entier nous donnent l’illusion d’un libre accès. Sans se battre sur les champs de bataille, voyeurs, nous participons de plus en plus virtuellement aux combats. Le spectacle redondant des combats des autres fournit une justification à notre propre survie protégée. Nos gisants, héros morts au combat, ne sont plus de pierre mais de pixels. Car représenter et voir les autres se battre, tuer et mourir, a toujours eu une fonction sociale et politique. Récits, peintures, monuments ou images... Voir le combat comme aller au spectacle puisque le combat a toujours été une forme excitante et puissante du jeu. Se ranger du côté du guerrier, du combattant, du soldat, pour avoir part à son infatigable énergie, à son pouvoir et à son art de tuer. Comme si nous étions tous hantés par les coups que nous ne porterons jamais contre un ennemi réel ou imaginaire. D’où l’importance au Moyen Âge de vivre par le récit, le chant ou les images, l’émotion forte de la bataille, pour participer à celle que nous ne livrerions jamais. Les tueries épouvantables n’ont pas disparu ni même n’ont ralenti. Mais la question qui me vient à l’esprit aujourd’hui en ouvrant la Chanson de Roland, et qui pourrait scandaliser, est de m’interroger sur la disparition ou l’effacement de cet art verbal qui célébrait la bataille, l’assaut et la mise à mort de l’adversaire. Mort il l’abat, chantait joyeusement le conteur de la chanson. J’ai tenu une unique fois une arme de combat entre les mains, un M16 américain, dans un stand de tir privé réservé à quelques barbouzes sur les hauteurs d’Ajaccio. Je n’avais pas trente ans. Et cette expérience pitoyable, qui se solda par un tir en l’air, un bras ankylosé et une immense frayeur, me confirma ainsi qu’à tous ceux autour de moi ce jour-là que j’aurais fait un piètre soldat. Mais rien de plus intolérable que la conscience de notre propre incertitude face à nous-même et devant la violence. Serions-nous capable d’aller au bout de toute notre énergie possible ? Car la nostalgie du combat, je l’ai toujours eue. Nostalgie d’un coeur vide quand il doit choisir pour quoi, pour qui se battrait-il. Nostalgie d’un coeur saisi par l’angoisse de se battre, de risquer sa vie, et par le sentiment curieux d’attendre indéfiniment l’occasion où il ne lui sera plus possible de reculer ou de se dérober. Convaincu que dans des circonstances déterminées, nous savons tous (ou nous voulons le croire) que nous pouvons connaître un état tel que, adoptant le comportement que ces circonstances nous imposent, nous engagerions alors le fer, nous prendrions les armes. La Chanson de Roland consacre pour la première fois dans un grand texte écrit en français le champ de bataille comme espace déterminant de notre destin. Avec des morts par milliers. Des tueries récurrentes. Jusqu’à la célébration et déploration du héros mort qui a sacrifié sa vie pour la communauté et ses compagnons. Ecriture d’un désastre chanté comme une victoire. J’ai relu la Chanson de Roland avec l’idée que cette nostalgie était à l’oeuvre, il y a déjà plus de mille ans et qu’elle s’était accrue en nous depuis le Moyen Âge. Mais tout objet de nostalgie devient incompréhensible et lointain. Qu’est-ce que le combat ? Qu’est-ce que la bataille ? Moi qui ai toujours eu envie de bataille je ne sais toujours pas m’expliquer cette envie. Il s’agit moins de gagner la bataille que de la jouer et de la raconter par compensation non seulement d’une persistante envie d’en découdre mais aussi d’un désir noir, d’une obsession souvent refoulée des massacres, de la tuerie. Roland. On a lu de préférence dans son histoire ce que dictaient les idéologies de sa réception. Epopée nationale qui fonde la légende de l’empereur Charlemagne. Appel à la croisade contre le Sarrasin, l’Arabe. Passion christique du soldat martyr... Mais son histoire a été incertaine. Son personnage n’est pas non plus un seul objet d’investigation. Son histoire est incompréhensible sans une vision de l’existence réservant à l’honneur une place centrale mais déchirante et paradoxale. Et on ne sait d’où vient finalement cette force de conviction du personnage dans notre culture. Son histoire nous a été transmise par une narration cérémonielle de la bataille où la mort est le refrain attendu. Célébration d’un lieu et du personnage légendaire qui le hante, un peu comme le théâtre nô qui fait apparaître un personnage qui a déjà eu lieu dans un passé reculé, et que l’on rappelle par bribes et allusions énigmatiques. » Frédéric Boyer Frédéric Boyer Frédéric Boyer est né le 2 mars 1961 à Cannes. Ancien élève de l’Ecole normale supérieure, il est traducteur, éditeur et auteur d’une trentaine de livres depuis 1991, tous publiés aux éditions P.O.L, romans, essais, poèmes et traductions. Il a reçu le Prix du Livre Inter en 1993 pour son roman Des choses idiotes et douces et le Prix Jules Janin de l’Académie française pour sa nouvelle traduction des Confessions de Saint Augustin (Les Aveux, P.O.L 2008). Il a dirigé le chantier de la Nouvelle Traduction de la Bible, avec de nombreux écrivains contemporains (Olivier Cadiot, Jean Echenoz, Florence Delay, Jacques Roubaud, Valère Novarina…) parue en 2001 aux éditions Bayard. Depuis des années son oeuvre associe l’écriture personnelle et la relecture et traduction de grands textes anciens. Sa nouvelle traduction de Richard II de Shakespeare (P.O.L 2010) est mise en scène par Jean-Baptiste Sastre, avec Denis Podalydès, dans la Cour d’honneur du Palais des Papes au festival d’Avignon. En 2012, il crée au Théâtre de Lorient et au Centre dramatique de Châteauvallon sa première pièce : Phèdre les oiseaux (P.O.L 2012) avec la comédienne Hiam Abbass. Rappeler Roland a été publié aux éditions P.O.L en janvier 2013. C’est un triple livre proposant une nouvelle traduction de la Chanson de Roland, un essai personnel sur le thème de la bataille et un monologue pour le théâtre en écho contemporain avec le texte médiéval. Ludovic Lagarde C’est à la Comédie de Reims et au Théâtre Granit de Belfort qu’il réalise ses premières mises en scène. En 1993, il crée Sœurs et frères d’Olivier Cadiot. Depuis 1997, il a adapté et mis en scène plusieurs romans et textes de théâtre de l’auteur : Le Colonel des Zouaves (1997), Retour définitif et durable de l’être aimé (2002) et Fairy Queen (2004). En 2008, il a mis en scène les opéras Roméo et Juliette de Pascal Dusapin à l’Opéra-Comique et Massacre de Wolfgang Mitterer au théâtre São João de Porto ainsi qu’au festival Musica à Strasbourg. Depuis janvier 2009, Ludovic Lagarde dirige la Comédie de Reims, Centre dramatique national. Il y crée en mars 2010 Doctor Faustus Lights the Lights de Gertrude Stein en compagnie du musicien Rodolphe Burger. Au Festival d’Avignon 2010, il crée Un nid pour quoi faire et Un mage en été d’Olivier Cadiot. En janvier 2012, Ludovic Lagarde présente à la Comédie de Reims l’intégrale du théâtre de Georg Büchner – Woyzeck, La Mort de Danton, Léonce et Léna – repris au Théâtre de la Ville en janvier 2013. En mars 2013, il met en scène au Grand Théâtre du Luxembourg et à l’Opéra-Comique La Voix humaine d’après le livret de Jean Cocteau. Il crée Lear is in Town pour la 67e édition du Festival d’Avignon, d’après Le Roi Lear de William Shakespeare, dans une traduction de Frédéric Boyer et Olivier Cadiot. En 2014, il met en scène Le Regard du nageur, écrit et interprété par Christèle Tual et crée Quai ouest avec des comédiens grecs au Théâtre National de Grèce à Athènes. Pierre Baux Il débute sous la direction de metteurs en scène tels que Jean Danet, Jacques Mauclair, Pierre Meyrand. Depuis, il travaille notamment avec Jacques Nichet (Faut pas payer de Dario Fo, Mesure pour mesure de Shakespeare), la Cie IRAKLI (Zig Bang Parade de Georges Aperghis, La Tentative orale de Francis Ponge), Célie Pauthe (Quartett de Heiner Müller, L’Ignorant et le Fou de Thomas Bernhard, Long voyage du jour à la nuit d’Eugène O’Neill), Gilles Zaepfell et l’Atelier du Plateau (Voyage à vélo de Matthieu Malgrange, Les Contes de Grimm, Écrits rocks avec le violoncelliste Vincent Courtois), Jeanne Champagne (L’Enfant de Jules Vallès), Éric Vigner (Brancusi contre États-Unis), Slimane Benaïssa (L’Avenir oublié), Frédéric Fisbach (Tokyo Notes de Oriza Hirata), Jacques Rebotier et François Veyret (Memento), Arthur Nauzyciel (Ordet de Kaj Munk), Antoine Caubet (Partage de midi de Paul Claudel) et avec le violoniste Dominique Pifarély (Anabasis et Avant la révolution de Charles Pennequin). Fidèle au travail de Ludovic Lagarde et acteur associé à la Comédie de Reims, il a joué dans la plupart de ses spectacles : Le Petit Monde de Georges Courteline, Sœurs et frères d’ Olivier Cadiot, Platonov et Ivanov de Tchekhov, Le Cercle de craie caucasien de Brecht, Oui dit le très jeune homme de Gertrude Stein, Richard III de Peter Verhelst, Un nid pour quoi faire d’Olivier Cadiot. Son parcours de comédien l’a également amené devant les caméras de cinéma et de télévision, sous la direction de Jean-Marc Moutout, Philippe Garrel, Cédric Kahn, Philippe Faucon, Siegrid Alnoy, Pierre Jolivet, Bénédicte Brunet, Éric Rochan, Rocco Labé, Valerie Mrejen. Il signe la mise en scène de Comment une figue de paroles et pourquoi de Francis Ponge (Villa Gillet, Fondation Cartier, TGP, Cité Internationale), Rosalie au carré à partir de textes de Jacques Rebotier (Villa Gillet) et Passage des Heures de Fernando Pessoa aux Subsistances à Lyon.