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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 1, janvier/février 2004
Stratégie thérapeutique
Stratégie thérapeutique
relation dose-réponse pour le risque de diplopie avec
la quantité de cigarettes fumées. Enfin, le tabac diminue
la réponse aux traitements, ce qui justifie en soi une
demande d’arrêt de l’intoxication chez les patients.
Contrôler précocement les hyperthyroïdies
Une enquête auprès des endocrinologues européens a
montré que leur impression générale était en faveur de la
réduction de l’incidence de l’orbitopathie sauf dans deux
pays : la Hongrie et la Pologne (plus de tabac ?). Une
explication pourrait être l’amélioration de la prise en
charge des patients basedowiens et un meilleur contrôle
de l’hyperthyroïdie. Ainsi, la comparaison entre 1960 et
1990 des 100 premiers patients annuels consultant pour
maladie de Basedow dans un même centre spécialisé a
montré une réduction de 57 à 35 % des orbitopathies
ainsi qu’une réduction des formes sévères.
Ne pas aggraver l’œil en traitant la thyroïde :
la prévention secondaire
La notion d’aggravation, voire de déclenchement, pro-
longé d’une orbitopathie après un traitement antithyroï-
dien agressif était rapportée dans la littérature mais diffi-
cile à démontrer. En fait, les fluctuations de l’équilibre
thyroïdien, tant l’hyperthyroïdie que les passages en
hypothyroïdie avec élévation de la TSH, semblent dan-
gereux. Donc, ne pas traiter les récidives après des trai-
tements médicaux est mauvais, tout comme surtraiter
sans contrôler les passages en hypothyroïdie.
Parmi les traitements, si les anti-thyroïdiens de synthèse
(ATS) semblent neutres, l’irathérapie a la plus mauvaise
réputation. L’étude de Bartalena et al. (1) fait autorité
(figure 2). Il s’agit d’une étude prospective randomisée de
450 patients traités soit par antithyroïdiens de synthèse, soit
par irathérapie, soit par irathérapie suivie d’une cortico-
thérapie à la posologie de 0,4 mg/kg pendant un mois puis
arrêt progressif sur une période de deux mois, soit trois mois
de traitement. Les résultats montrent après irathérapie une
apparition ou une aggravation de l’ophtalmopathie dans
15 % des cas, permanente et nécessitant un traitement chez
8 % des patients. La corticothérapie permet de retrouver
des résultats identiques à ceux des ATS en ce qui
concerne la progression de l’orbitopathie. Dans la mesure
où peu de patients progressent après irathérapie, les
auteurs nous proposent de retenir ce traitement en cas de
facteurs de risque importants : orbitopathie préexistante,
hyperthyroïdie non contrôlée et particulièrement à T3,
tabagisme. Une hypothèse pour expliquer cet effet
néfaste de l’iode est le relargage possible d’antigènes
thyroïdiens après traitement, comme en témoigne l’aug-
mentation du taux des anticorps, notamment ceux qui
semblent impliqués dans l’orbitopathie, les AC anti-
récepteurs de la TSH.
L’autre traitement radical de l’hyperthyroïdie, la chirurgie,
n’entraîne pas de progression de l’orbitopathie.
Quand un risque important d’orbitopathie existe, on a
donc des moyens de protéger le patient. Un traitement
médical prolongé par des ATS prolongés pouvant expo-
ser au risque de récidive n’est certainement pas souhai-
table. Les traitements radicaux ne doivent pas être
exclus. Certains auteurs recommandent même des traite-
ments les plus éradicateurs possibles d’antigènes thyroï-
diens (chirurgie et irathérapie) comme immunosuppres-
seur sélectif.
Conclusion
L’indication des différents traitements médicaux est
mieux codifiée même si les pratiques varient encore. Des
études multicentriques à l’échelle européenne sont mises
en place. À l’échelle locale, la prise en charge multi-
disciplinaire des patients est un préalable.
L’orbitopathie bénigne bénéficie des traitements locaux
et doit être surveillée.
Le traitement médical a une place dès que l’orbitopathie
devient modérée à sévère : on discutera entre cortico-
thérapie (actuellement plutôt des bolus) et radiothérapie,
voire les deux en phase d’activité de la maladie.
Après cette phase, c’est la place de la chirurgie correc-
trice. Les formes très sévères relèvent d’une chirurgie de
décompression en urgence après d’éventuels bolus de
corticoïdes.
Références
1.
Bartalena L et al. Relation between therapy for hyperthyroidism and the
course of Grave’s ophthalmopathy. N Engl J Med 1998 ; 338 : 73-8.
2.
Bartalena L et al. Management of Graves’ ophthalmopathy : reality and
perspectives. Endocrine Rev 2000 ; 21 : 168-99.
Figure 2. Prévention de la progression de l’orbitopathie par une
corticothérapie débutée après l’iode (d’après [1]).
Radio-iodine-Prednisone
Methimazole
Radio-iodine
Mois après traitement
Patients sans apparition
ou aggravation
de l’ophtalmopathie (%)