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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XII), n°2, mars-avril 2008
thématique
Dossier
>>>
L
a connaissance du génome a
entraîné une révolution de l’en-
semble de la biologie. C’est
également le cas en endocrinologie.
Concernant les pathologies hypophy-
saires, les avancées de la génomique
et de la biologie moléculaire ont per-
mis des progrès importants dans deux
grands types de pathologies:
les adénomes hypophysaires, carac-
térisés dans la majorité des cas par une
sécrétion hormonale excessive;
les insuffisances hypophysaires
congénitales, dans lesquelles la
sécrétion d’une ou plusieurs hor-
mones antéhypophysaires est insuf-
fisante ou inexistante, affections qui
peuvent s’accompagner d’une hypo-
plasie hypophysaire.
Des mécanismes moléculaires ont
été mis en évidence dans les deux
cas au moyen de modèles animaux
ou grâce à l’utilisation d’approches
de biologie moléculaire, aboutissant
à l’identification d’altérations de
nouveaux gènes: détection de muta-
tions, délétions, modifications de
l’épissage ou altérations du niveau
de leur expression hypophysaire.
Cette revue fera état de quelques-
unes des avancées les plus impor-
tantes enregistrées dans le cadre de
ces deux types de pathologies hypo-
physaires.
Les adénomes
hypophysaires
Pour les adénomes hypophysaires,
deux situations différentes impli-
quent la génétique et la biologie
Apport de la génomique
dans les pathologies hypophysaires
Contribution of genomics to pituitary pathology
Alexandru Saveanu*,**,***, Anne Barlier*,**,***, Thierry Brue*,***, Alain Enjalbert*,**
* CRN2M UMR-6231, CNRS, université de la Méditerranée, faculté de médecine Nord, Marseille.
** Laboratoire de biochimie et biologie moléculaire, hôpital de la Conception, Marseille.
*** Service d’endocrinologie, hôpital Timone Adultes, Marseille.
Trois gènes peuvent être impliqués dans les syndromes familiaux
d’adénomes hypophysaires : MEN1, PRKAR1α et AIP.
Le gène AIP est muté dans 15% des cas d’adénomes familiaux isolés et
jusque dans 50 % des cas d’adénomes somatotropes familiaux.
Au niveau somatique, le gène GNAS est muté dans 40% des cas d’adé-
nomes somatotropes, mais il n’explique pas à lui seul l’apparition tumorale.
L’hyperexpression de PTTG est associée à l’agressivité tumorale hypo-
physaire.
Les niveaux d’expression des récepteurs de la somatostatine (sst)
et de la dopamine D2 (D2DR) sont corrélés aux niveaux de réponse aux
agonistes somatostatinergiques et dopaminergiques utilisés.
La génétique explique plus de 50 % des déficits hypophysaires isolés
en GH (isolated GH deficiency [IGHD]) et des hypogonadismes hypogona-
dotropes (HH).
Le gène Tpit est responsable d’environ 60 % des tableaux d’insuffisance
corticotrope isolée néonatale.
Dans les phénotypes de déficits hypophysaires combinés (combined
pituitary hormone deficiency [CPHD]), le gène le plus fréquemment
impliqué est le gène PROP1, mais seuls 13% des CPHD sporadiques et
44 % des CPHD familiaux sont expliqués par une anomalie génique.
Les mutations des autres facteurs de transcription hypophysaires
(POU1F1, LHX3, LHX4, HESX1) sont retrouvées quasi exclusivement dans
un contexte familial, parfois associées à des malformations des structures
cérébrales voisines.
Mots-clés : Adénomes hypophysaires – Déficit hypophysaire combiné –
AIP – PROP1.
Keywords: Pituitary adenomas – Combined pituitary hormone deficiency –
AIP – PROP1.
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S
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S
points FORTS
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moléculaire: les altérations génomi-
ques et les altérations somatiques.
Altérations génomiques
Les adénomes hypophysaires
font partie du tableau clinique des
syndromes familiaux de néoplasie
endocrinienne multiple de type 1
(NEM1), du complexe de Carney et du
syndrome de McCune-Albright, dont
les causes génétiques identifiées sont
des mutations respectivement du gène
de la ménine (MEN1), de la sous-unité
catalytique de la protéine kinase A
(PRKAR1
α
) et de la sous-unité alpha
des protéines Gs (oncogène gsp).
Hormis ces entités bien connues, les
mutations de deux nouveaux gènes
ont été récemment décrites dans les
cas familiaux d’adénomes hypophy-
saires: dans les phénotypes de NEM1
sans mutation du gène MEN1, le
gène CDKN1B/p27kip1; dans les
adénomes hypophysaires familiaux
(familial isolated pituitary adenomas
[FIPA]) sans autre pathologie asso-
ciée, le gène AIP (aryl-hydrocarbon
receptor interacting protein).
Mutations du gène MEN1
Le syndrome de NEM1 est induit
par des mutations du gène MEN1,
gène suppresseur de tumeur situé
sur le chromosome 11q13 (1). Il est
caractérisé par l’association typique
de tumeurs endocrines et non endo-
crines. Les adénomes hypophysaires
sont présents dans 40% des cas et
sont en majorité des prolactinomes
(60%) [2]. Il s’agit d’un syndrome au
mode de transmission autosomique
dominant. Le rôle de la région chro-
mosomique 11q13 dans la tumori-
genèse hypophysaire est déjà connu,
puisque 8% des adénomes sporadi-
ques présentent des délétions de cette
région (revue en [3]). Néanmoins,
dans environ 20% des phénotypes de
NEM1, aucune mutation de MEN1
n’est identifiée.
Mutations du gène
CDKN1B/p27kip1
La protéine p27kip1 régule le
cycle cellulaire en se liant aux
V
V
complexes cycline-CdK et en les
inhibant. Le gène correspondant
CDKN1B/p27kip1 est un gène
suppresseur de tumeur. Les souris
inactivées pour p27kip1 présentent
un phénotype combinant les traits
des NEM1 et des NEM2 humaines
(adénomes hypophysaire et parathy-
roïdien, phéochromocytome, cancer
thyroïdien et tumeurs neuroendo-
crines périphériques, association
appelée NEMX) [4]. Chez l’homme,
c’est dans les phénotypes de type
NEM1, sans mutation du gène
correspondant, que des mutations
du CDKN1B/p27kip1 ont été iden-
tifiées, la première chez un patient
présentant un adénome somatotrope
et une hyperparathyroïdie (4) et une
deuxième chez un patient associant
un adénome corticotrope, une hyper-
parathyroïdie et une tumeur neuroen-
docrine du cou (5). La fréquence de
ces mutations semble rare: 2,8 % sur
une série de 36 phénotypes NEM1
sans mutation MEN1 (5).
Mutations du gène
PRKAR1
α
Un autre syndrome familial bien
identifié est le complexe de Carney,
associant des tumeurs non endo-
crines, une hyperplasie des surrénales
et des modifications hypophysaires
qui aboutissent dans la plupart des
cas (75%) à une acromégalie. Dans
60% des cas, une mutation du gène
de la sous-unité régulatrice 1α de
la protéine kinase A, PRKAR1
α
,
est identifiée. En revanche, les alté-
rations du gène PRKAR1α sont
rarissimes dans les adénomes spora-
diques (6).
Mutations du gène AIP
Les adénomes hypophysaires fami-
liaux isolés (FIPA) présentent un
phénotype hypophysaire différent de
celui de la NEM1, avec une propor-
tion plus importante d’adénomes
somatotropes que de prolactinomes.
L’association d’adénomes de diffé-
rent types – adénomes somatotropes,
prolactinomes, adénomes non sécré-
tants (NFPA) et adénomes cortico-
V
V
tropes – est fréquente dans la même
famille (7). Par définition, les patients
présentant un FIPA sont exempts des
mutations de MEN1 et de PRKAR1
α
.
Dans environ 15% des cas, une
mutation du gène AIP est identifiée.
La fréquence des mutations atteint
50% dans les adénomes somato-
tropes familiaux (familial isolated
somatotropinomas [FIS]). La trans-
mission est autosomique dominante,
mais la pénétrance est inférieure à
50%. Ces adénomes s’illustrent par
un âge précoce de survenue et leur
agressivité. En revanche, dans les
adénomes sporadiques, l’analyse de
plus de 200 patients a révélé un taux
de mutations d’AIP de moins de
1%, exclusivement chez quelques
patients jeunes porteurs de macro-
adénomes.
AIP est une protéine appartenant à
la famille des immunophillines. Elle
interagit avec la protéine hsp90 (heat
shock protein 90), la protéine p23 et
le récepteur AhR (aryl-hydrocarbon
receptor) pour former un complexe
de stabilisation de ce récepteur (8)
[figure 1]. La plupart des informa-
tions portant sur ces interactions
proviennent de l’étude de la modu-
lation des réponses cellulaires à la
dioxine. Une partie des mutations
de AIP affectent la région impliquée
dans l’interaction avec hsp90/AhR
(mutations à l’origine d’une protéine
tronquée ou mutations faux-sens au
niveau des acides aminés conservés
de cette région, comme R271W
et K241E). AIP semble intervenir
dans de multiples cascades de trans-
duction intracellulaires (7). Cette
protéine intervient en particulier
dans la modulation de l’activité de
la phosphodiestérase PDE4A5 (acti-
vité réduite dans le cas d’un mutant
d’AIP en position 271), et interagit
aussi avec une autre phosphodies-
térase, PDE2A, reliant ainsi AIP à
la voie de l’AMP cyclique (AMPc)
[figure 1]. Or, on connaît l’impor-
tance de cette voie de l’AMPc
dans la pathogenèse des adénomes
hypophysaires (mutations GNAS et
PKAR1A) [cf. infra].
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Figure 1 (AIP). AIP et voies de signalisation intracellulaires.
AIP fait partie du complexe de stabilisation du récepteur AhR, incluant la protéine hsp90 et
la co-chaperone p23. Sous l’action d’un ligand semblable à la dioxine (par exemple, TCDD),
le complexe est partiellement dissocié (départ de hsp90 et p23) et l’ensemble AIP-AhR-ligand
est transloqué au noyau, où AhR va agir comme un facteur de transcription sur des éléments
de réponse à la dioxine (DRE), sous la forme d’un hétérodimère avec Arnt (aryl-hydrocarbon
nuclear translocator) [8].
AIP interagit avec la phosphodiestérase PDE4A5 et inhibe sa fonction enzymatique d’hydrolyse
de l’AMP cyclique (AMPc) en 5’-AMP (20), modulant ainsi la voie de transduction de l’AMPc.
Par ailleurs, une autre phosphodiestérase, PDE2A, interagit par l’intermédiaire de l’AIP avec
le complexe AhR et inhibe la translocation nucléaire et la transduction induite par le complexe
ligand-AhR-AIP.
TCDD : tétrachlorodibenzodioxine ; AIP : aryl-hydrocarbon receptor interacting protein ;
AhR : aryl-hydrocarbon receptor ; hsp90 : heat shock protein 90; p23 : p23 co-chaperone ;
PDE4A5 : phosphodiestérase de type 4A5 ; PDE2A : phosphodiestérase de type 2A ; Arnt : aryl-
hydrocarbon nuclear translocator ; DRE : dioxin responsive elements (éléments de réponse
à la dioxine).
Ligand (TCDD)
Membrane cellulaire
AMPc
AMP
PDE4A5
PDE2A
AIP
p23
hsp90
AhR
Ligand
Noyau
DRE
Arnt
p23
AIP
hsp90
AhR
AhR
AIP Arnt
Ligand
Altérations somatiques
Mutations du gène GNAS
Les mutations activatrices du gène
GNAS, codant pour la sous-unité αs
des protéines G responsable du
couplage à l’adénylate cyclase, sont
retrouvées dans 40% des cas d’adé-
nomes somatotropes. Ces mutations
concernent deux sites, les codons
201 et 227. Elles sont associées à
des adénomes de plus petite taille et
à une sensibilité accrue aux analo-
gues somatostatinergiques. Néan-
moins, le rôle oncogénique de la
protéine Gαs mutée (oncogène gsp)
n’est pas complètement élucidé.
En effet, il existe des phénomènes
moléculaires capables de compenser
l’activité oncogénique de la protéine
gsp, comme une activité élevée des
phosphodiestérases, qui diminuent le
taux de l’AMPc (9).
V
Dans le cadre du syndrome de
McCune-Albright, la mutation acti-
vatrice de GNAS (Arg201Cys) est
présente à l’état de mosaïque dans
divers tissus endocrines et non
endocrines. Parmi les nombreuses
modifications endocrines touchant
les gonades, les surrénales et la
thyroïde, l’atteinte hypophysaire est
responsable d’une acromégalie.
Altérations chromosomiques
Des altérations somatiques telles que
des délétions ou des duplications
chromosomiques sont présentes
dans le tissu hypophysaire tumoral.
Au niveau cytogénétique, une étude
d’hybridation génomique compa-
rative a identifié des gains ou des
pertes chromosomiques significatifs
dans 45% des adénomes analysés
(10). Les gains de matériel géné-
V
tique sont plus fréquents que les
délétions, surtout au niveau du chro-
mosome X (jusque 32 % des NFPA).
Les délétions chromosomiques sont
parfois associées à la perte des gènes
suppresseurs de tumeurs. Les délé-
tions les plus fréquentes concernent
la région 11q13, où sont situés les
gènes MEN1 et AIP (3).
Anomalies d’expression
des gènes
L’expression de PTTG (pitui-
tary tumor transforming gene) est
augmentée dans les adénomes non
fonctionnels, les adénomes soma-
totropes et les prolactinomes. Dans
les deux derniers types tumoraux, le
niveau d’expression de PTTG semble
corrélé au caractère invasif de ces
tumeurs. La surexpression du gène
PTTG semble être une des causes
d’aneuploïdie tumorale (11). En
effet, la protéine codée par ce gène a
des homologies avec la sécurine, qui
régule la séparation des chromatides
sœurs dans la méiose. En dehors de
PTTG, d’autres oncogènes, surtout
de la classe de cyclines interve-
nant dans la progression du cycle
cellulaire, comme les cyclines D1
(surexpression dans les NFPA) et les
cyclines E (surexpression dans les
adénomes corticotropes), semblent
également impliqués dans la tumo-
rigenèse hypophysaire (3).
Les récepteurs de la somato-
statine et de la dopamine D2
La mesure quantitative des ARNm
et des protéines des récepteurs sst
et D2DR représente un avantage en
permettant d’orienter le choix vers
une pharmacologie ciblée, domaine
actuellement en cours de dévelop-
pement. En effet, les analogues de
la somatostatine et de la dopamine
représentent actuellement le traite-
ment pharmacologique de première
intention des adénomes somato-
tropes et thyréotropes d’une part,
et des adénomes lactotropes d’autre
part. De nouvelles drogues, présen-
tant une affinité différente pour les
ssts (comparativement à l’octréo-
V
V
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Tableau I. Expression des ARNm de récepteurs sst et D2DR dans les adénomes hypo-
physaires (d’après Saveanu et al. Mol Cell Endocrinol 2007, et des données personnelles non
publiées).
Phénotype
tumoral
Moyenne de l’expression des ARNm de récepteurs exprimée
en copies/copies β-Gus (entre parenthèses, valeurs extrêmes)
Sst2 Sst1 Sst3 Sst5 D2DR
GH 1,8 (0,05-9) 0,3 (0,05-2)* 0,4 (0,1-1,5)** 2,9 (0,05-18) 4,5 (0,1-16)
PRL 0,2 (0,01-4) 0,8 (0,05-6) *** 3,5 (0,05-20) 65 (2-190)
ACTH 0,3 (0,01-2) *** *** 2,7 (0,05-12) 5,2 (0,1-8)
LH/FSH 0,2 (0,01-2) *** 2,7 (0,05-18) *** 4,7 (0,1-17)
TSH 1,5 (0,1-5) *** 0,4 (0,1-0,9)** 2,7 (0,1-5) 2,6 (0,2-7)
β-Gus = β-glucuronidase (gène de référence).
* dans les adénomes mixtes GH + PRL.
** dans seulement 50 % des tumeurs.
*** pas de moyenne car retrouvé dans moins de 20% des tumeurs analysées.
En gras, niveau moyen de récepteur significativement plus élevé dans le phénotype
(comparativement aux autres adénomes hypophysaires).
tide/lanréotide), comme le ligand
multiple de sst, pasiréotide (SOM-
230), ou combinant des domaines
structurels de la dopamine et de la
somatostatine, comme les chimères
dopastatines (12), pourraient demain
être également utilisées dans le
contrôle des adénomes corticotropes
et gonadotropes. L’expression quali-
tative des cinq sous-types de sst
et du D2DR (tableau I) est assez
caractéristique dans les divers types
d’adénomes hypophysaires, avec la
présence quasi constante de deux à
trois récepteurs réalisant des profils
typiques comme sst2 + sst5 + D2DR
dans les adénomes somatotropes,
sst1 + sst5 + D2DR dans les prolac-
tinomes et sst2 + sst3 + D2DR dans
les NFPA (13). Le niveau d’expres-
sion des ARNm est extrêmement
variable (tableau I) dans les diverses
tumeurs. Pour les adénomes somato-
tropes, le niveau de sst2 est corrélé
à la sensibilité aux agonistes soma-
tostatinergiques sst2 (octréotide,
lanréotide), et celui de D2DR à la
sensibilité aux agonistes dopaminer-
giques D2DR (cabergoline, quina-
golide). L’arsenal thérapeutique sera
complété prochainement par le pasi-
réotide, qui reconnaît mieux le sous-
type sst5 impliqué dans le contrôle
de la PRL, la GH et l’ACTH. Par
ailleurs, les dopastatines, tel BIM-
23A760, favorisent la coopération
sst2-D2DR dans le contrôle de la
GH et de la croissance cellulaire,
possiblement via une hétérodiméri-
sation des récepteurs.
Les déficits
hypophysaires
Dans les cas de déficits hypophy-
saires congénitaux, les analyses
génétiques sont d’un apport certain
pour le patient et sa famille, permet-
tant d’éviter les séquelles irréversi-
bles de certains de ces déficits. Ces
analyses sont néanmoins coûteuses
en raison du nombre élevé de gènes
candidats; aussi est-il essentiel
de pouvoir les effectuer selon une
procédure optimisée.
Le déficit somatotrope isolé
Le syndrome de IGHD est caractérisé
par un arrêt de croissance associé à un
déficit en GH, sans autre déficit anté-
hypophysaire associé. La plupart du
temps, ce syndrome est idiopathique;
néanmoins, des IGHD familiaux sont
retrouvés dans 5 à 30% des cas, ce
qui suggère des causes génétiques
(14). Deux étiologies génétiques ont
été identifiées: les mutations du gène
du récepteur du GHRH (GHRHR)
d’une part, et celles du gène de la GH
d’autre part. La première mutation
du gène de la GHRHR a été décrite
en 1996. D’autres ont par la suite été
retrouvées, associant des mutations
faux-sens, des mutations introni-
ques et des mutations produisant des
protéines tronquées. Leur phéno-
type correspond au type clinique 1
d’IGHD, à transmission autosomique
récessive et qui répond bien au trai-
tement par la GH recombinante. Les
mutations du GHRHR sont rares et
retrouvées exclusivement dans un
contexte familial.
Les mutations du gène de la GH
(GH1), plus fréquentes, sont à l’ori-
gine des phénotypes cliniques de
IGHD de type 2 à transmission auto-
somique dominante (10 à 15% des
cas). La mutation la plus fréquente
concerne la zone d’épissage précé-
dant l’exon 3, conduisant à la perte de
l’exon 3 et à la formation d’une GH
tronquée (del32-71 GH). Néanmoins,
des mutations faux-sens sont à l’ori-
gine d’un phénotype similaire. Dans
certains cas d’IGHD, la possibilité
d’apparition secondaire d’un déficit
sur une autre lignée hypophysaire est
évoquée (15), celle-ci aboutissant à
un phénotype d’“apparent” déficit
hypophysaire combiné (CPHD). En
fait, il existe parfois un chevauche-
ment entre les phénotypes d’IGHD
et de CPHD, car des mutations de
PROP1 ou de POU1F1 peuvent se
révéler par un déficit somatotrope
(cf. infra). Néanmoins, les déficits
thyréotrope et lactotrope, qui appa-
raissent rapidement, permettent
d’établir le diagnostic de CPHD.
Les déficits corticotropes isolés
Rarement isolés, les déficits cortico-
tropes sont à l’origine d’hypoglycé-
mies graves potentiellement létales.
Un phénotype particulier associant
déficit corticotrope et obésité sévère
est caractéristique des mutations du
gène de la proconvertase 1 et de la
pro-opiomélanocortine (POMC).
Une coloration rousse des cheveux
est associée en cas de mutation de
ce dernier gène. Cependant, c’est la
découverte du gène Tpit, facteur de
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Tableau II. Fréquence des mutations des facteurs de transcription hypophysaires dans les
CPHD sporadiques et familiaux (revue de la littérature).
Fréquence des mutations retrouvées dans les CPHD (%)
Gène muté CPHD sporadiques CPHD familiaux Références
PROP1 13 % 44 % Reynaud et al., 2006
POU1F1 < 1 % 3 % Reynaud et al., 2006
LHX3 1,4 % 5 % Pfaeffle et al., 2007
LHX4 0-1,3 % 8 % Pfaeffle et al., 2008 ; Melo et al.,
2007* ; Castinetti et al., 2008
HESX 0-1 % 1,5 %
Melo et al., 2007* ;
Thomas et al., 2001 ;
McNay et al., 2007**
* dans les phénotypes associant PSIS ; ** dans les phénotypes de SOD.
PSIS : syndrome d’interruption de tige (pituitary stalk interruption syndrome) ;
SOD : dysplasie septo-optique (septo-optique dysplasia).
transcription spécifique de la lignée
corticotrope, qui a permis d’élucider
la cause de 65% des insuffisances
corticotropes néonatales isolées (16).
Douze mutations ont été identifiées
à ce jour, combinant des mutations
faux-sens, des mutations non-sens,
des délétions et des mutations intro-
niques affectant l’épissage. La trans-
mission est autosomique récessive.
L’hypoglycémie néonatale est grave,
parfois à l’origine d’une mortalité
périnatale. En effet, dans la fratrie
touchée par une mutation de Tpit, il
n’est pas rare de retrouver un antécé-
dent de bébé mort-né. Aucune muta-
tion de Tpit n’a été retrouvée chez
les patients présentant une insuf-
fisance corticotrope isolée à début
plus tardif.
Les déficits gonadotropes
isolés (hypogonadisme
hypogonadotrope)
Les déficits en LH et/ou en FSH,
complets ou partiels, sont parfois
difficiles à différencier du retard
pubertaire simple. L’hypogona-
disme hypogonadotrope (HH) est dû
à des mutations de multiples gènes
impliqués dans le développement
gonadotrope. Une première entité
est le syndrome de Kallmann (SK),
associant HH et anosmie. Une cause
génétique est identifiée chez environ
30% des patients. Les mutations du
gène KAL1, codant pour l’anosmine,
sont responsables du SK à trans-
mission liée à l’X; celles du gène
KAL2, codant pour le récepteur 1
du FGF, sont responsables du SK à
transmission autosomique dominante
(17). Récemment, dans une série de
192 patients, 14 mutations des gènes
codant pour le récepteur de la prokiné-
ticine-2 (PROKR2) et un de ses
ligands, la prokinéticine-2 (PROK2),
ont été retrouvées. Les mutations de
PROK2 se transmettent de manière
autosomique récessive et celles de
PROKR2 de manière autosomique
récessive ou dominante. Pour les
HH sans anosmie, des mutations du
récepteur du GnRH et du GPR54
sont retrouvées dans environ 50%
de cas (18). Enfin, l’HH doit faire
évoquer des mutations de la leptine
et de ses récepteurs lorsqu’il est
associé à l’obésité, et des mutations
du gène DAX1 lorsqu’il est associé à
l’hypoplasie surrénalienne (18).
Les déficits hypophysaires
combinés
Les déficits hypophysaires combinés
(combined pituitary hormone defi-
ciency [CPHD]) sont définis par la
présence d’au moins deux déficits
parmi les cinq lignées antéhypophy-
saires. Une cascade de molécules de
signalisation hypothalamiques et de
facteurs de transcription induit l’or-
ganogenèse, la prolifération cellulaire
et la différenciation cellulaire termi-
nale hypophysaire. Des interactions
génétiques complexes, qui impli-
quent la répression et l’activation de
gènes cibles, coordonnent ce déve-
loppement hypophysaire. Celles-ci
impliquent des facteurs de transcrip-
tion, au sein de la poche de Rathke
devenant ensuite l’antéhypophyse,
tels HESX1, LHX3, LHX4, prophet
of Pit-1 (PROP1) et POU1F1, qui
suivent une expression spatio-tempo-
relle précise et spécifique.
PROP-1
PROP1 appartient à la famille des
facteurs de transcription de type
paired. Son expression, intervenant
de façon temporaire au cours du
V
développement, est indispensable
à celle de Pit-1, d’où son nom de
prophet of Pit-1, mais ses gènes
cibles sont encore mal connus.
Dans le cadre des CPHD, les alté-
rations du gène PROP1 sont les
plus fréquentes. Ainsi, dans une
série de 109 patients présentant un
phénotype de CPHD, 18% étaient
porteurs d’une mutation de PROP1
(19). Le pourcentage est de 44%
dans les cas familiaux (consangui-
nité fréquente), contre 13% pour
les cas sporadiques (tableau II). La
transmission est toujours de type
autosomique récessif. Au total, chez
l’homme, une vingtaine de muta-
tions ponctuelles, courtes insertions
ou délétions, du gène PROP1 ont
été décrites (figure 2). Les patients
présentent des déficits somatotrope,
lactotrope, thyréotrope, gonadotrope
et parfois corticotrope d’apparition
retardée. Ces déficits peuvent être
d’apparition progressive, avec un
tableau clinique, dans les premières
années de vie, de déficit isolé total
ou partiel en GH. Néanmoins,
des cas de patients de taille quasi
normale ont été rapportés. L’atteinte
des cellules gonadotropes à l’âge
adulte est constante, mais la puberté
peut survenir chez certains patients.
L’ordre d’apparition des déficits peut
varier, comme cela a été démontré
dans un cas d’HH apparemment
isolé. L’aspect morphologique de
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