Sciences économiques et sociales LE G20 ET LA GOUVERNANCE DES MARCHÉS I LA GENESE DU G20 La nécessité de la concertation des grandes puissances sur les questions économiques remonte au milieu des années 1970, au moment où fut réuni le premier G6 à Rambouillet en 1975. Devenu G8 à la fin des années 1990 afin d’intégrer la Russie postsoviétique, ce directoire des Chefs d’Etat est officiellement élargi à 20 membres en 2009 pour tenir compte du poids économique nouveau des pays émergents et pour tenter d'apporter une réponse à la crise financière mondiale. L'institutionnalisation du G20 marque ainsi une étape dans l'édification d'une gouvernance mondiale. DOCUMENT 1 : NAISSANCE DU G6, NAISSANCE DU G20 : LE POIDS DE L’EVOLUTION DE L’ECONOMIE MONDIALE DEPUIS LES ANNEES 1970. DOCUMENT 2 : LES PAYS DU G8 ET G20 (PIB en dollars et population) DOCUMENT 3 : DES SOMMETS DU G8 A CEUX DU G20 DOCUMENT 4 : LE G7 ET LA STABILISATION DE L’ECONOMIE MONDIALE DOCUMENT 5 : NAISSANCE DU G20 ET BILAN DES G20. DOCUMENT 6 : LES PRIORITES DU G20 EN 2011 DOCUMENT 7 : AGIR AUJOURD’HUI LOCALEMENT OU REGIONALEMENT POUR OBTENIR DEMAIN UNE GOUVERNANCE MONDIALE ? ******************* DOCUMENT 1 : NAISSANCE DU G6, NAISSANCE DU G20 : LE POIDS DE L’EVOLUTION DE L’ECONOMIE MONDIALE DEPUIS LES ANNEES 1970. De 1945 aux années 1960, les économies européennes et japonaise se reconstruisent et découvrent l'abondance. Autour des Etats-Unis s'est édifié un système occidental à la discipline précise, les accords de Bretton Woods de juillet 1944. Les échanges commerciaux se multiplient et se libéralisent. Mais, avec les années 1970, quatre chocs se cumulent, balayant à la fois des règles établies et poussant à la recherche de modes de gestion plus compréhensifs, plus flexibles. […] En janvier 1976, les accords de Kingston (Jamaique) officialisent l'abandon des parités fixes pour un système de taux de change flottants. […] Les chocs pétroliers marquent l'entrée dans le jeu économique mondial d'un nouveau groupe d'États les pays exportateurs d'hydrocarbures. […] Enrichissement des sociétés occidentales par les Trente Glorieuses, internationalisation des entreprises, création incessante de techniques financières de plus en plus sophistiquées, interconnexion des marches, tous ces facteurs créent un marché mondial des capitaux. Au-delà se dessinent déjà d'autres marchés mondialisés, comme celui de la main-d'œuvre. […] Enfin, dans les années 1970, électronique, informatique et télécommunications se diffusent, imposant ou rendant possibles de nouveaux modes de gestion. L’information devient surabondante, elle appartient à tous. La maîtriser devient un enjeu politique majeur. […] La création du G6 [le G7 sans le Canada (1977) et le G8 sans la Russie (1991)] est indissociable de cet environnement. Dans les années 1970 et 1980, la vague de fond de la mondialisation se gonfle, elle ne déferle pas encore. Au lendemain de la mort du Grand Timonier (9 septembre 1976), la Chine de Deng Xiaoping opte pour les Quatre Modernisations et son économie décolle. […] Les autres colosses du Sud, notamment l'Inde dans les années 1990, admettent que la seule modernisation efficace et crédible réside dans la plongée dans la compétition mondiale. En 1989-1991, la banquise soviétique s'effondre, les démocraties populaires d'Europe centrale et orientale s'écroulent, l'URSS est liquidée. En un quart de siècle (19752000), de nombreux pays dans le monde, de l'Asie dans son ensemble à l'Amérique du Sud, basculent dans la mondialisation. Les marchés nationaux s'ouvrent, les investissements étrangers sont avidement courtisés et se multiplient, la libre circulation des capitaux et le respect de la propriété privée sont acquis, des pans entiers de secteurs publics sont privatisés. […] Cet élargissement brutal et spectaculaire du paysage économique international, devenant mondial, appelle inévitablement une restructuration radicale de la gouvernance internationale, et plus précisément l'invention d'un G… 20. Source : Ph. Moreau Defarges : « du G7 au G20 : vers une multipolarité élargie », Questions internationales n°43, mai-juin 2010. Sommaire du numéro consultable à http://www.ladocumentationfrancaise.fr/revues-collections/questionsinternationales/43/sommaire43.shtml DOCUMENT 2 : LES PAYS DU G8 ET G20 (PIB en dollars et population) Source : http://www.france.fr/connaitre/monde/diplomatie/dossier-thematique/g8-et-g20-lafrance-au-coeur-des-decisions-pour-un-monde-equilibre DOCUMENT 3 : DES SOMMETS DU G8 A CEUX DU G20 Note : En plus des Sommets réunissant une fois par an les chefs d’État et de gouvernement, le G7 comprend un ensemble d’interactions entre représentants des États membres qui implique des représentants personnels (les « sherpas ») des ministres, notamment les ministres des finances parfois accompagnés des gouverneurs des Banques centrales et qui forment ensemble le « G7 Finances ». Depuis 1999, ce groupe s’est constitué en « G20 Finances » ouvrant la voie au G20. Source : travail personnel de l’auteur Mickael SYLVAIN. DOCUMENT 4 : LE G7 ET LA STABILISATION DE L’ECONOMIE MONDIALE Le G7 est une coalition informelle d’États, un forum de discussions qui cherche à développer des visions communes et à construire des consensus sur l évolution de l économie mondiale et les orientations à donner à sa gouvernance. Les communiqués et autres déclarations issus des sommets sont des déclarations de principe, sans aucun engagement contraignant. Le G7 ne se fixe presque jamais d’objectifs chiffrés. [Pourtant] Le G7 a joué à plusieurs occasions un rôle important, parfois en intervenant de manière volontariste dans la gouvernance internationale […] Il a ainsi décidé d’une relance coordonnée lors du Sommet de Bonn en 1978 pour faire face à la dépression qui s’installait. La relance budgétaire coordonnée par les économies du G3 (États-Unis, Japon, RFA) suivant la « théorie de la locomotive » n’a certes pas résisté au second choc pétrolier et à l’inflation grandissante, mais elle avait bel et bien été amorcée. Le G7 a ensuite cherché à coordonner les interventions de ses membres pour stabiliser les changes. L’accord du Plaza (1985) et l’accord du Louvre (1987) ont esquissé le modèle des « zones cibles » par lequel les autorités monétaires des pays du G3 et les autres s’accordent sur une bande de fluctuation à l intérieur de laquelle les taux de change peuvent varier. Les Banques centrales interviennent lorsque les taux de change dépassent les bornes établies (et tenues secrètes). Ce genre d’expérience a été abandonné au cours des années 1990. Les États-Unis ont renoué avec la politique de la « douce insouciance » (benign neglect) et le G7 s’est retranché sur un « consensus de l’inaction » ou « pacte de non-agression ». L’absence de coordination des politiques économiques ne signifie pas nécessairement que la discorde règne ou que le G7 serait inefficace. La passivité en la matière peut provenir d’une relative compatibilité entre les économies ou d’un consensus sur la situation économique actuelle. À l’heure du consensus néolibéral, le principe premier est que chaque pays mène, de son côté, une politique macroéconomique saine. Ces résultats en matière de coordination des politiques économiques n’épuisent pourtant pas le bilan de l’action du G7. Ils attestent plutôt de son évolution vers d’autres formes d’action sur l’économie. Le G7 a ainsi initié la création de forums et d’Organisations internationales destinés à améliorer certains aspects de la gouvernance mondiale. Le sommet de Paris en 1989 a décidé de la création du Groupe d’action financière (GAFI), dont l’objectif est de lutter contre le blanchiment des capitaux (et désormais contre le financement du terrorisme). En 1999 le Forum pour la stabilité financière (FSF) et le Groupe des Vingt (G20) ont été initiés par le G7/8. Bien que son efficacité reste sujette à interrogation, le G7 a eu de toute évidence la volonté et parfois la capacité d’exercer un leadership collectif. » Note : les participants et les analystes académiques du G7 ne sont pas les seuls à considérer que le G7 est susceptible de jouer un rôle important. La mobilisation considérable des altermondialistes, à chaque sommet depuis celui de Gênes en 2001, suggère que les opposants au G7 considèrent aussi qu’il a un pouvoir important dans la gouvernance de l économie mondiale. Source : Nicolas Simiand, « Le G7 en tant que club hégémonique », in La question politique en économie internationale, La Découverte, 2006. DOCUMENT 5 : NAISSANCE DU G20 ET BILAN DES G20. Le G20 a été créé en 1999, en réponse aux crises financières qui ont touché les pays émergents pendant les années 1990, notamment la crise asiatique. Les ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales des pays industrialisés et émergents se sont réunis une fois par an dans ce format. En 2008, face à la crise financière mondiale, le G20 a été promu en forum de pilotage de l’économie mondiale, désormais au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement. La montée en puissance du G20 va de pair avec une perte d’importance du G8. Représentant 85% de l’économie mondiale et 66% de la population mondiale, le G20 reflète mieux les réalités du 21ème siècle. Bilan de cinq sommets du G20 : – Coordination des mesures pour limiter les effets de la crise au niveau national (mesures de soutien aux activités de crédit des banques, injections de liquidités par les banques centrales, plans de relance, etc.) : l’idée est d’optimiser la réponse politique et d’éviter des problèmes d’action collective (passagers clandestins). Pourtant, la coopération ne s’est pas faite sans frictions ou réflexes protectionnistes. Deux exemples sont les querelles sur la clause « Buy America » du plan de relance américain et les querelles monétaires, notamment la sous-évaluation du taux de change de la monnaie chinoise. – Détermination de l’agenda de réforme pour la régulation et la surveillance financières. – Renforcement des capacités d’aide des institutions financières internationales. Le sommet de Washington, par exemple, a augmenté les ressources du FMI et des banques de développement de 850 milliards €. – Réformes des institutions internationales (FMI, Banque mondiale, CSF*,…) pour accroître leur efficacité ainsi que leur légitimité, notamment en tenant compte du poids croissant des pays émergents. Source : Sebastian Paulo, L’Europe et la crise mondiale expliquée en 10 fiches, Fondation Robert Schuman, avril 2011. Note : CSF = Conseil de Stabilité Financière ou FSB, Financial Stability Board en anglais. DOCUMENT 6 : LES PRIORITES DU G20 EN 2011 Coordonner les politiques économiques et réduire les déséquilibres macroéconomiques mondiaux Représentant 85% de l’économie mondiale, le G20 est une enceinte cruciale pour assurer la coordination des politiques économiques, à court et plus long terme. Au-delà du pilotage conjoncturel, le G20 a créé un cadre pour une croissance forte, durable et équilibrée, qui vise à réorienter les stratégies nationales dans un sens plus favorable à l’économie mondiale. La France poursuivra cet exercice en 2011 en assurant notamment un suivi des engagements pris lors du sommet de Séoul dans lesquels chaque pays du G20 a accepté de mettre en œuvre des mesures adaptées à ses circonstances nationales pour réduire les déséquilibres macroéconomiques et conforter la croissance mondiale. Renforcer la régulation financière Il sera impératif pour la France de veiller à la mise en œuvre effective des règles décidées par le G20 pour renforcer durablement le contrôle du secteur financier. La présidence française s’emploiera également à renforcer l’action du G20 dans les domaines où les règles restent insuffisantes, par exemple en matière de régulation du « secteur bancaire fantôme » (activité bancaire parallèle non régulée à ce jour) et d’intégrité et de transparence des marchés financiers. Réformer le Système Monétaire International (SMI) La période récente a été marquée par une forte volatilité des monnaies, l’accumulation des déséquilibres, et la recherche d’un niveau toujours plus élevé de réserves de change par les pays émergents pouvant être confrontés à des retraits brutaux et massifs des capitaux internationaux. La France souhaite apporter des réponses collectives à ces dysfonctionnements afin d’éviter le creusement des déséquilibres économiques mondiaux. Lutter contre la volatilité des prix des matières premières Le G20 s’est pour la première fois penché sur la question de la fluctuation excessive des prix des matières premières lors du Sommet de Pittsburgh en septembre 2009 mais peu de mesures concrètes ont été prises à ce jour. La France souhaite trouver des solutions collectives pour réduire la volatilité excessive des prix des matières premières, notamment agricoles, qui pèse sur la croissance mondiale et menace la sécurité alimentaire des populations. Améliorer la gouvernance mondiale Nos économies ont besoin d’institutions internationales rénovées capables de réguler efficacement la mondialisation. La France cherchera à conforter le G20 dans son rôle de première enceinte de coopération économique et à renforcer la cohérence d’action des institutions internationales en matière économique, sociale et environnementale, et à identifier les sujets où cette gouvernance est insuffisante. La synergie entre le G20 et les Nations Unies sera notamment approfondie. Agir pour le développement Le G20, qui représente 85% de l’économie mondiale et les deux tiers de la population de la planète apparaît aujourd’hui comme une enceinte pertinente pour apporter des solutions concrètes aux problématiques du développement. Le Sommet de Séoul de novembre 2010 a marqué une étape décisive avec l’adoption du premier plan d’action du G20 sur le développement. La France s’attachera à renforcer cette priorité sous sa Présidence. Source : http://www.minefe.gouv.fr/G20/les-priorites-de-la-presidence-francaise.html POUR ALLER PLUS LOIN : voir aussi sur le site, le diaporama « LE G20 ET LA GOUVERNANCE DES MARCHES » DOCUMENT 7 : AGIR AUJOURD’HUI LOCALEMENT OU REGIONALEMENT POUR OBTENIR DEMAIN UNE GOUVERNANCE MONDIALE ? Un mécanisme économique planétaire n'est-il pas prématuré ? Ne convient-il pas de commencer par des fondations, des gouvernances régionales, ces dernières étant ensuite couronnées par un dispositif planétaire ? Pour le moment, deux facteurs suggèrent que cette démarche, rationnelle sur le papier, risque de se révéler très vite insuffisante : - les grandes régions du monde (Europe, Moyen-Orient, Asie centrale) sont trop diverses, leurs frontières trop floues et discutées, leur degré d'organisation est trop variable. Seule l'Europe est équipée d'un système supra-étatique perfectionné. L'Amérique et l'Asie maritime restent des laboratoires d'expérience institutionnelle. Ailleurs (Moyen-Orient, Afrique...), la fragmentation et le chaos l'emportent. Dans cet environnement hétérogène, comment concevoir des représentations régionales de valeur comparable ? En outre, les États de ces régions, et surtout les Grands, accepteraient-ils d'être représentés par des porte-parole continentaux ? - L'intégration économique planétaire est bien trop avancée pour que le monde ne réclame pas une gouvernance globale. II existe aujourd'hui bien des marchés mondiaux : marchandises, services mais aussi capitaux, travail... La sécurité des flux - maritimes, aériens, terrestres, physiques et financiers... - requiert des réseaux globaux de surveillance. Depuis 2007, la crise confirme que l'économie mondiale est une, chacune des régions de la Terre interagissant avec les autres. L'officialisation du G20 appelle en principe la disparition du G8. Mais les institutions ont une extraordinaire capacité de survie ou de réinvention. Alors que le système planétaire échappe inexorablement à l'Occident, ce dernier peut vouloir préserver le club des Occidentaux, un lieu où l'on se rencontre entre gens de même éducation, possédant les mêmes usages. Source : Ph. Moreau Defarges : « du G7 au G20 : vers une multipolarité élargie », Questions internationales n°43, mai-juin 2010. Sommaire du numéro consultable à http://www.ladocumentationfrancaise.fr/revues-collections/questionsinternationales/43/sommaire43.shtml QUESTIONS : Q1) Identifiez les quatre chocs des années 1970 cités par l’auteur. (doc.1) Q2) Proposez alors une illustration de la phrase soulignée dans chacun des cas (doc. 1) Chocs Remise en cause des règles établies depuis la 2ème GM Motif d’une nécessaire concertation Q3) Expliquez en quoi certains sommets du G7 ont joué leur rôle (doc. 3 et doc. 4). Q4) Pourquoi l’élargissement du G6 s’est-il historiquement imposé à 8 puis à 20 ? (doc. 1, doc. 5 et doc. 2 pour la liste des pays membres) Q5) Expliquer la phrase soulignée du doc. 5 à l’aide de la liste des pays membres du G20 du doc. 2. Q6) Quels chiffres vous manquent-ils dans le doc. 2 pour obtenir par le calcul les pourcentages du doc. 5 ? Q7) En quoi les cinq premiers sommets des G20 (doc. 3) tentent-ils de « gouverner » la mondialisation ? (Doc. 5 et 6) Q8) Les priorités du prochain sommet à Cannes en novembre 2011 sont-elles en rupture avec celles des sommets précédents ? (Doc. 5 et 6) Q9) Pourquoi n’est-il pas plus efficace d’édifier une gouvernance mondiale petit à petit à partir d’initiatives locales ou régionales que de l’imposer par le haut… à travers le « G20 » par exemple ? (Doc. 7) BIBLIOGRAPHIE ET SITOGRAPHIE Le site de la présidence française du G20/G8 en 2011 http://www.g20-g8.com/g8-g20/g20/francais/accueil.1.html Sur le site « France.fr », le portail officiel : http://www.france.fr/connaitre/economie/panorama/article/le-g8-d-une-reunion-informelleparis-la-reforme-de-la-gouvernance-mondiale Sur le site du Ministère de l'économie, une présentation du G20 avec une vidéo : http://www.minefe.gouv.fr/G20/c-est-quoi-le-g20.html K. Postel-Vinay, « Le G20 : quoi, qui et comment ? », décembre 2010, publication internet du CERI dans le « Kiosque » : http://www.ceri-sciencespo.com/archive/2010/decembre/dossier/art_kpv.pdf N. Simiand, « L'hégémonie du G7 dans la gouvernance de l'économie mondiale », Thèse pour l'obtention du Doctorat ès Sciences Economiques, soutenue le 22/01/2010, non publiée, mais disponible à : http://lepii.centredoc.fr/opac/doc_num.php?explnum_id=615