F i ctechnique he N° 62 Traitements symptomatiques de la sclérose latérale amyotrophique Sous la responsabilité de leurs auteurs Traitements symptomatiques de la sclérose latérale amyotrophique P. Cintas (Centre SLA, service de neurologie, CHU de Rangueil, Toulouse) Fiche à détacher et à archiver E n l’absence de traitement curatif, la prise en charge symptomatique est essentielle dans la sclérose latérale amyotrophique (SLA). Réalisée au mieux de façon pluridisciplinaire, elle aura pour objectif principal d’améliorer la qualité de vie des patients. Elle fait appel à un certain nombre de thérapeutiques ne disposant pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette indication malgré leur utilisation en pratique courante. Nous n’aborderons pas les techniques de désencombrement (Techniques de drainage bronchique au cours de la sclérose latérale amyotrophique. Perrin C., Desnuelle C. La Lettre du Neurologue, Vol. IX - n° 10, déc. 2005). tements de première ligne. Les benzodiazépines nécessitent des précautions en raison de leur effet sédatif et du risque d’aggravation d’une hypoventilation alvéolaire nocturne. Le dantrolène peut aggraver la faiblesse musculaire comme les autres antispastiques et présente une hépatotoxicité accrue. Encadré III. Traitement de la spasticité. • Kinésithérapie • Hydrothérapie • Baclofène, tizanidine • Alternatives : benzodiazépines, dantrolène, baclofène intrathécal Fatigue Douleurs et crampes Il s’agit de symptômes fréquents nécessitant une évaluation précise afin d’identifier les mécanismes impliqués. Les crampes sont plus fréquentes en début d’affection, particulièrement au réveil, justifiant des soins spécifiques. Les douleurs nociceptives surviennent à un stade plus avancé et sont d’origine variée (rétractions, points de compression, etc.). Les douleurs neuropathiques sont en revanche rares et peuvent répondre aux antidépresseurs sérotoninergiques ou mixtes, ou aux antiépileptiques. Encadré I. Traitements des crampes. • Soins de massage, hydrothérapie • Sulfate de quinine + • Mg2 , antiépileptiques agissant sur les canaux sodiques Encadré II. Traitement des douleurs nociceptives. • Éviction des facteurs favorisants • Kinésithérapie d’exercice, massages, physiothérapie • Antalgiques selon les paliers de l’OMS Spasticité Elle aggrave le handicap fonctionnel et les douleurs. La prise en charge de première intention repose sur des soins physiques réguliers et des soins d’hydrothérapie entre 32 °C et 34 °C. Les thérapeutiques médicamenteuses sont parfois décevantes. Le baclofène et la tizanidine représentent les traiLa Lettre du Neurologue - vol. X - n° 6 - juin 2006 D’origine multifactorielle (fatigabilité musculaire, troubles du sommeil incluant les hypoventilations nocturnes, dysthymie), elle justifie la réalisation d’une évaluation précise. En l’absence d’étiologie clairement identifiée, le modafinil peut apporter un bénéfice modéré, ainsi que l’acétyl-L-carnitine. Quelques patients rapportent une amélioration transitoire de la fatigabilité musculaire sous inhibiteurs de l’acétylcholinestérase périphérique. Cet effet ponctuel, lié à l’amélioration de la transmission neuromusculaire au niveau des jonctions néoformées, nécessite toutefois d’être mieux évalué. Dépression Sa fréquence n’est pas nécessairement corrélée au stade évolutif de la maladie. Aggravant le pronostic, elle nécessite une prise en charge active psychologique et médicamenteuse. Les antidépresseurs tricycliques, et particulièrement l’amitriptyline, sont fréquemment utilisés pour leur effet sédatif en prise vespérale et leur action sur les troubles salivaires. L’alternative est représentée par les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine. Syndrome de labilité émotionnelle D’origine pseudobulbaire, il doit être différencié des syndromes dysthymiques. Cependant, les thérapeutiques les I Traitements symptomatiques de la sclérose latérale amyotrophique Encadré IV. Traitement du syndrome de la labilité émotionnelle. • Antidépresseurs tricycliques (amitriptyline 50-150 mg/j) ou sérotoninergiques (fluvoxamine 100-300 mg/j, fluoxétine 20-60 mg/j) • Alternatives : lamotrigine, lévodopa Troubles salivaires Les troubles salivaires sont à l’origine d’un inconfort important et de risques d’inhalation. Ils sont secondaires à des modifications de la consistance salivaire, de la posture céphalique, de l’occlusion labiale et de la déglutition. Les traitements de première intention sont les médications anticholinergiques. En cas d’échec, un traitement par toxine botulique A dans les parotides et/ou les glandes sous-maxillaires peut être proposé, idéalement guidé par échographie. En raison de sa durée d’action (3 à 6 mois), il représente un traitement réversible et permet un ajustement des posologies. La radiothérapie à faible dose des glandes salivaires sous-maxillaires et accessoires est une alternative généralement définitive. Elle expose au risque de xérostomie ou de mucite, généralement transitoire. Encadré V. Traitement des hypersialorrhées. Anticholinergiques : antidépresseurs tricycliques, scopolamine en patch ou par voie sous-cutanée, collyre d’atropine 1 % sublingual Autres (CI aux anticholinergiques) : clonidine Toxine botulique A dans glandes sous-maxillaires et/ou parotides Radiothérapie des glandes sous-maxillaires et salivaires accessoires (8 à 12 grays) Pour les patients présentant des sécrétions salivaires épaisses, on peut proposer des traitements bêtabloquants. L’ensemble de ces traitements doit être associé à des soins buccaux réguliers. Troubles trophiques et prévention des phlébites Il existe dans la SLA des modifications du collagène au niveau du derme expliquant la très faible incidence des complications cutanées du décubitus. Des mesures simples de nursing et une adaptation du couchage et de l’assise sont généralement suffisantes. La fréquence exacte des complications thromboemboliques est, en revanche, bien moins II connue. Il n’existe pas actuellement de consensus sur la prescription d’une anticoagulation préventive. Constipation Elle est secondaire à l’immobilité, à la diminution de l’hydratation, aux modifications alimentaires, mais aussi à un ralentissement du temps de transit. Les mesures non médicamenteuses (massages, hydratation, conseils alimentaires et éviction des causes iatrogènes) sont essentielles. Les traitements laxatifs seront préférentiellement de type osmotique (dérivés du polyéthylène glycol, lactulose) ou lubrifiants. Les traitements péristaltogènes sont d’utilisation rare et ponctuelle (érythromycine, pyridostigmine). Compléments nutritionnels La présence d’une dénutrition est un facteur pronostique péjoratif. Elle peut être secondaire à une anorexie, à des troubles de la déglutition et à un hypermétabolisme. Des mesures anthropométriques simples (index de la masse corporelle, mesure de la circonférence musculaire brachiale et du pli cutané tricipital) permettent une évaluation précise de l’état nutritionnel. Encadré VI. Compléments nutritionnels. Perte masse maigre, patients normopondéraux : poudre de protéine (10 à 20 g/j), crèmes enrichies Perte de poids avec troubles de la déglutition : crèmes enrichies, plats mixés HP/HC Perte masse grasse (apports protidiques satisfaisants) : boissons enrichies (jus de fruits) Perte masse grasse et maigre : boissons enrichies lactées Conclusion La mise en œuvre des diverses mesures symptomatiques permet d’améliorer la qualité de vie des patients. Ces mesures nécessitent d’être appliquées le plus précocement possible par une étroite collaboration entre les divers inter■ venants auprès du malade. Pour en savoir plus… > Andersen PM et al. EFNS task force on diagnosis and management of amyotrophic lateral sclerosis. EFNS task force on management of amyotrophic lateral sclerosis: guidelines for diagnosing and clinical care of patients and relatives. Eur J Neurol 2005;12(12):921-38. > Cintas P. Symptomatic treatment of ALS. Rev Neurol 2006 (sous presse). > Miller RG et al. Practice parameter: the care of the patient with amyotrophic lateral sclerosis (An evidence-based review). Muscle Nerve 1999;22(8):1104-18. La Lettre du Neurologue - vol. X - n° 6 - juin 2006 Fiche à détacher et à archiver plus efficaces sont les antidépresseurs tricycliques et sérotoninergiques (fluvoxamine, fluoxétine, citalopram). Quelques cas d’amélioration sous lamotrigine et sous lévodopa ont été rapportés. Une association de dextrométhorphane et de quinidine a démontré son efficacité, mais pose le problème d’une mauvaise tolérance.