Mise au point
Mise au point
La Lettre du Rhumatologue - n° 327 - décembre 2006
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On ne retrouve dans la littérature que très peu d’autres infor-
mations concernant les traitements de fond chez les porteurs
du virus B. Il existe des arguments indirects suggérant que l’uti-
lisation d’immunosuppresseurs pourrait provoquer plus de
réactivations virales chez les porteurs de l’hépatite B que chez
les porteurs de l’hépatite C. Enfin, comme pour les corticoïdes,
on retrouve des descriptions d’observations d’hépatites B fulmi-
nantes à l’arrêt du traitement de fond.
Les données concernant l’hépatite C ne proviennent que de
petites séries. Celles-ci suggèrent que l’hydroxychloroquine et la
D-pénicillamine pourraient être bien tolérées. Le méthotrexate a
été utilisé chez 7 patients dans la série de Nissen [dose moyenne
12,5 mg/semaine, durée moyenne 15 mois] (7). Chez ces patients,
une seule réactivation virale, contrôlée par la vidarabine, a été
notée. Une ponction-biopsie hépatique a été réalisée chez trois
patients traités depuis plus de un an, et n’a pas mis en évidence
d’évolution fibrosante (8).
BIOTHÉRAPIES
Leur utilisation semble surtout problématique dans l’hépatite B.
Certaines observations dans lesquelles les anti-TNF ont été utilisés
sans problème ont certes été rapportées. Cependant, des réactiva-
tions de l’hépatite B, voire des hépatites fulminantes, ont été signa-
lées, soit au cours du traitement anti-TNF soit, ici aussi, après l’arrêt
de ce dernier. L’indication doit donc être extrêmement prudente.
En cas de nécessité, il faudra discuter avec l’hépatologue l’intérêt de
traitements antiviraux associés. Certaines observations suggèrent
en effet que ceux-ci pourraient permettre de diminuer le risque de
réactivations virales induites par l’anti-TNF, voire de les prévenir.
Dans une observation, les antiviraux ont même permis de traiter
la réactivation virale tout en poursuivant l’anti-TNF (9). Enfin,
parmi les nouvelles biothérapies, le rituximab semble pouvoir, lui
aussi, favoriser des réactivations de l’hépatite virale B.
En ce qui concerne l’hépatite C, plusieurs observations ou petites
séries ont été publiées, et n’ont pas fait part de réactivations de
la maladie virale sous anti-TNF. Deux séries plus importantes,
comprenant respectivement 24 malades (dont 8 suivis en pros-
pectif) et 9 malades (tous suivis en prospectif), n’ont pas mis
en évidence d’aggravation du taux de transaminases, ni de la
charge virale (10, 11) sous anti-TNF (essentiellement l’étanercept).
L’étanercept a été évalué en tant que traitement adjuvant de l’hé-
patite C (interféron + ribavirine + étanercept versus interféron +
ribavirine + placebo) avec des résultats intéressants, mais ceux-
ci doivent être confirmés, compte tenu de certaines faiblesses
méthodologiques de l’étude (12). Enfin, plusieurs petites séries de
traitement par rituximab ont été publiées. Les résultats étaient
encourageants en ce qui concerne l’efficacité et la tolérance. Il
s’agissait cependant de patients très particuliers, avec cryoglobuli-
némie et vascularite sévère. Les données concernant biothérapies
et hépatite C sont donc plus rassurantes que pour l’hépatite B.
Elles sont cependant trop parcellaires pour permettre de dire
que les biothérapies n’augmentent pas le risque de réactivation
de l’hépatite C. L’indication doit donc en être très prudente.
QUE FAIRE EN PRATIQUE?
Compte tenu du manque de données scientifiques sur le sujet, il
est impossible de proposer des conduites à tenir systématiques.
La conduite à tenir doit donc être discutée au cas par cas. La
discussion ne doit pas uniquement prendre en compte le risque
du traitement chez un patient donné, mais plutôt son rapport
bénéfice/risque. Elle doit donc prendre en compte l’invalidité et
le handicap du patient liés à l’affection rhumatismale, la nature
et l’activité de l’hépatite virale, la présence et l’importance d’une
fibrose hépatique. Elle doit également essayer de comparer les
rapports bénéfice/risque des différentes alternatives (y compris
l’abstention thérapeutique). L’association à un traitement anti-
viral préventif fait également partie des alternatives, en sachant
qu’il faut alors inclure dans l’évaluation bénéfice/risque les effets
indésirables potentiels de l’antiviral (notamment pour l’hépa-
tite C).
Enfin, on rappellera l’importance et la nécessité de la discus-
sion pluridisciplinaire entre le rhumatologue et l’hépatologue
traitants, chacun de ces intervenants devant essayer d’éviter un
raisonnement d’organe, et d’appréhender le problème de santé
du patient dans sa globalité.
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