DOSSIER - UN ÉTAT DES LIEUX DES DOMMAGES ET DES RISQUES ENVIRONNEMENTAUX
CAHIERS FRANÇAIS N° 374 3
(essentiellement des pêcheurs et des membres de leur
famille), souffrant de troubles neurologiques, sensoriels
et moteurs. Ce n’est qu’à la n de la décennie que la
cause de ces troubles énigmatiques est découverte : une
pollution au mercure dont la contamination se fait par
la consommation de poissons. Depuis 1932, une usine
pétrochimique rejetait du mercure dans la baie. Ces
déversements continueront jusqu’en 1966 et aboutiront
à un bilan ofciel de 13000 victimes dont 900 décès.
La deuxième grande catastrophe est celle de Seveso :
le 10juillet 1976, un accident survient dans une usine
chimique produisant des herbicides dans le Nord de
l’Italie. Cet accident ne fera pas de victime directe
mais de nombreux blessés par brûlure de la peau. Les
dommages sont importants au niveau du bétail situé à
proximité et des bâtiments et maisons environnantes
qui doivent être rasés ou décontaminés.
Dans la nuit du 2 au 3décembre 1984, c’est une
explosion dans l’usine de pesticides Union Carbide de
Bhopal (Inde) qui répand un nuage toxique sur des zones
très peuplées et entraîne directement ou indirectement
la mort de plusieurs milliers de personnes (1).
À cette liste des catastrophes industrielles les plus
retentissantes s’est ajoutée la succession des marées
noires provenant de naufrages de pétroliers ou d’explo-
sions sur des plateformes pétrolières, qui ont contribué
à la montée des préoccupations environnementales dans
l’opinion publique.
Jusque dans les années 1980, les risques environ-
nementaux se résument pour l’essentiel à des risques
technologiques et des pollutions localisées dans
l’espace et dans le temps. L’enjeu des politiques envi-
ronnementales est alors d’encadrer, d’accompagner le
développement industriel et économique de manière
à limiter les risques au maximum. Ce n’est pas tant
le développement industriel, que le non-respect de
certaines normes de sécurité, qui est la cause de ces
accidents. Ainsi, la catastrophe de Seveso a conduit à
la directive européenne du même nom qui impose à
tous les États membres d’identier les sites industriels
présentant des risques d’accidents majeurs et de prendre
les mesures nécessaires pour y faire face.
L’explosion du réacteur no 4 de la centrale nucléaire de
Tchernobyl en Ukraine le 26avril 1986 peut être rangée
dans cette liste des catastrophes industrielles qui ont éveillé
(1) Le dernier bilan ofciel des autorités indiennes s’élève à plus
de 7500 décès et environ 300000 personnes intoxiquées et blessées.
les consciences à la question environnementale. Mais
cet accident marque un tournant en raison de l’ampleur
du désastre et de ses conséquences internationales. Il
survient à un moment où émergent de nouveaux grands
problèmes environnementaux qui concernent cette fois-
ci l’ensemble de la planète et ont potentiellement des
conséquences humaines, écologiques et économiques
d’une ampleur sans équivalent jusqu’à présent.
L’émergence des problèmes
environnementaux planétaires
À partir des années 1980, de nouveaux problèmes
environnementaux surgissent. Le grand public, après les
experts, devient de plus en plus sensible à ces nouveaux
risques et leur reconnaissance institutionnelle durant
les années 1980 et 1990 va les transformer en autant
de grands dés que tous les pays se doivent de relever.
Le risque climatique qui résulte de l’augmentation,
d’origine anthropique, de la concentration de gaz à
effet de serre (GES) dans l’atmosphère en est sans
aucun doute le plus emblématique.
Ces nouveaux problèmes sont caractérisés par au
moins trois évolutions majeures par rapport aux risques
technologiques locaux évoqués précédemment.
Des biens publics mondiaux
Tout d’abord, ils prennent la forme d’externalités
négatives multilatérales publiques qui ont toutes les
caractéristiques d’un mal (bien) public global. Leur
dimension planétaire implique une coopération entre
États qui fait généralement défaut, ce qui explique
qu’ils se révèlent si difciles à gérer. Depuis le traité
de Westphalie en 1648, seuls des États consentants
peuvent se voir imposer des obligations internationales.
Ainsi, les États-Unis ne peuvent pas être contraints,
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