L Ostéoporose et infection par le VIH Actualités dans

La Lettre de l’Infectiologue Tome XXIX - no 3 - mai-juin 2014 | 113
Actualités dans
LE VIH
Ostéoporose et infection
par le VIH
Osteoporosis and HIV infection
C. Cazanave*, N. Mehsen-Cêtre**
* Service des maladies infectieuses
et tropicales, CHU de Bordeaux.
Université de Bordeaux, USC EA 3671
“Infections humaines à mycoplasmes
et à chlamydiae”, INRA ;
**
Service de rhumatologie, CHU de
Bordeaux.
L
es premiers traitements antiviraux, mis sur le
marché en 1988, ont considérablement modifi é
l’évolution naturelle de l’infection par le VIH.
À partir de 1996, l’avènement des inhibiteurs de
protéases (IP) et des cART (combination antiretroviral
therapy) a littéralement transformé le pronostic de
cette infection, en améliorant de façon spectaculaire
la qualité et la durée de vie des patients infectés par
le VIH (VIH+) [1]. Cependant, cet allongement de
l’espérance de vie des patients a des conséquences
inattendues : l’infection par le VIH devient une
maladie chronique qui expose de façon prolongée
les patients au virus, mais également aux traite-
ments. Diverses complications métaboliques ont
été progressivement rapportées : lipodystrophie,
diabète, maladies cardiovasculaires et, sur le plan
osseux, ostéonécrose, ostéomalacie, ostéoporose
et, plus récemment, fractures (encadré).
Les premières études rapportant des cas de déminé-
ralisation osseuse ont été publiées en 1995, avant
l’avènement des cART, sans faire état de complica-
tion fracturaire. Les études mettant en évidence une
déminéralisation osseuse au décours de l’infection
par le VIH se sont multipliées à partir de 1998. Nous
vous proposons au travers de cette mise au point de
faire un état des lieux des connaissances relatives
aux ostéopathies fragilisantes associées à l’infection
par le VIH. Après avoir développé l’épidémiologie de
l’atteinte ostéoporotique du patient VIH+, nous nous
attarderons sur les différentes pistes étudiées pour
expliquer la physiopathologie de la perte osseuse et
sur les conséquences osseuses de cette pathologie.
Enfi n, nous envisagerons les différentes modalités
de prise en charge diagnostique et thérapeutique
de l’ostéoporose chez le patient infecté par le VIH+.
Épidémiologie
Les études se sont multipliées à partir des années
2000, sachant que les cART ont été largement pres-
crites à partir de 1997. Des divergences sont apparues
dans les différentes études publiées concernant la
prévalence de l’ostéopénie et de l’ostéoporose, et
l’implication potentielle des traitements antirétro-
viraux (ARV) dans la déminéralisation osseuse (2).
Ainsi, chez les patients naïfs d’antirétroviraux, la
prévalence de l’ostéopénie était évaluée entre 20
et 65 %, et celle de l’ostéoporose, entre 0 et 14 %,
contre respectivement 22 à 76 %, et 3 à 30 % pour
les patients traités par ARV. D’où le sentiment que
les cART étaient probablement impliqués dans le
mécanisme de l’ostéoporose.
En 2006, T.T. Brown et al. (3) ont réalisé une méta-
analyse des 20 études publiées sur le sujet à l’époque.
Seules les études cas/témoins ont été retenues. Au
total, sur 884 patients VIH+ ayant bénéfi cié d’une
ostéodensitométrie, 67 % présentaient une diminution
de leur minéralisation osseuse (T-score < −1 déviation
standard [DS]), parmi lesquels 15 % répondaient aux
Les premiers cas d’infection par le VIH ont été décrits
en 1981. Le délai moyen entre l’infection par le VIH
et la survenue du stade sida était alors estimé à 10,8ans.
Après le passage au stade sida et en l’absence de traite-
ment, la médiane de survie était au début de 9mois.
À partir de 1996, l’avènement des anti-protéases et des
thérapies hautement actives a transformé le pronostic de
cette infection et permis un allongement de la durée de vie,
associé toutefois à l’apparition de diverses complications
métaboliques, notamment une ostéoporose précoce.
Différentes études ont confi rmé une augmentation de
la prévalence de l’ostéoporose et des événements fractu-
raires chez les patients VIH+. Des facteurs de risque spéci-
ques de l’infection VIH ont été rapportés (sexe masculin,
certains traitements antirétroviraux, activation immunitaire,
etc.), associés aux autres facteurs de risque classiques de
déminéralisation osseuse (IMC bas, ethnie caucasienne,
toxiques, etc.).
Il est important de mettre en place des stratégies de
prévention et de dépistage pour prévenir les événe-
ments fracturaires chez ces patients présentant déjà de
nombreuses comorbidités. En effet, sachant que la popu-
lation infectée par le VIH est encore jeune (âge médian de
50ans), nous pourrions constater une “épidémie” fractu-
raire chez ces patients vieillissants.
Encadré. Ostéoporose et VIH.
C. Cazanave
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Points forts
»
L’ostéoporose chez les patients VIH+ concerne une population jeune (environ 45ans) et essentiellement
masculine.
»
La baisse de la masse osseuse est surtout importante à l’instauration des HAART et pendant les48premières
semaines de traitement.
»
La perte de masse osseuse est plurifactorielle, les facteurs de risque d’ostéoporose sont classiques
(IMC bas, tabac, ethnie caucasienne, etc.) et spécifiques de l’infection par le VIH (toxicité indirecte du VIH :
restauration et activation immunitaires, rôle probable des cART).
»
La prise en charge thérapeutique est classique : optimisation des mesures hygiénodiététiques et supplé-
mentation par vitamine D. Les traitements par bisphosphonates ont fait la preuve de leur efficacité chez
les patients ostéoporotiques et VIH+.
Mots-clés
Ostéoporose et VIH
Restauration
immunitaire
Toxicité
desantirétroviraux
Fractures
Traitement de
l’ostéoporose
Highlights
»
Osteoporosis prevalence in
HIV-infected patients is high
in spite of the young age of
the population (median age of
45years).
»
Bone mineral density (BMD)
is stable in HIV cohorts estab-
lished on HAART, whereas
cohorts initiating HAART have
short-term (48 weeks) acceler-
ated BMD loss.
»
Among the factors found
to be associated with BMD,
some were expected (lower
BMI, tobacco use…), but others
are specific to HIV infection
(immune reconstitution and
activation, cART…).
»
Osteoporosis therapeutic
management is classic: optimi-
zation of lifestyle behaviours
and vitamin D supplementation.
Bisphosphonate- treatments
have demonstrated efficacy
in osteoporotic HIV-infected
patients.
Keywords
HIV and osteoporosis
Immune reconstitution
Antiretroviral toxicity
Fractures
Osteoporosis treatment
critères d’ostéoporose (T-score ≤ −2,5 DS), avec, respec-
tivement, un odds-ratio (OR) de 6,4 (IC
95
: 3,7-11,3) et
3,7 (IC95 : 2,3-5,9) par rapport au groupe témoin non
infecté par le VIH. Au sein du groupe des patients VIH+,
ceux traités par ARV présentaient un risque accru de
déminéralisation osseuse par rapport aux patients naïfs
d’ARV, avec un OR de 2,7 (IC95 : 1,9-4,1).
Dans une étude publiée au sein de la cohorte ANRS
CO3 Aquitaine, une ostéodensitométrie a été réalisée
chez 492 patients VIH+ (72 % d’hommes) [4]. L’âge
médian des patients était de 43 ans. Cette étude confi r-
mait une importante prévalence de la déminéralisation
osseuse, puisqu’une ostéopénie (T-score compris entre
−1 et −2,5 DS) était présente chez 54,6 % des hommes
(IC95 : 49,4-59,7) et 51,1 % des femmes (IC95 : 42,6-
59,6) et une ostéoporose chez 33,7 % des hommes et,
curieusement, 8,3 % des femmes seulement.
Ainsi, les patients VIH+ présentent une déminéra-
lisation osseuse importante et précoce par rapport
à la population générale. Celle-ci touche majori-
tairement des hommes plutôt jeunes (âge médian
légèrement supérieur à 40 ans dans les études), ce
qui contraste avec les données épidémiologiques en
population générale de l’ostéoporose. Ce phénomène
est d’autant plus marqué depuis l’avènement des
cART, mais il ne faut pas oublier que ces dernières
années ont permis d’allonger considérablement la
durée de vie des patients VIH+. Plusieurs hypothèses
physiopathologiques avaient alors été émises pour
l’expliquer : toxicité médicamenteuse ? Tissu osseux
soumis de façon chronique à la sécrétion de cytokines
pro-infl ammatoires délétères pour son métabolisme ?
Toxicité directe du rétrovirus sur les ostéoblastes ? Ou,
simplement, des patients présentant de façon accrue
des facteurs de risque classiques d’ostéoporose ?
Physiopathologie de la perte
osseuse
Toxicité directe du VIH sur le tissu
osseux ?
La capacité du VIH à infecter les ostéoblastes
matures demeure controversée. N. Nacher et al.
n’avaient pas mis en évidence l’expression du CD4
à la surface des ostéoblastes de moelle osseuse
de patients séropositifs [5]. Les cultures d’ostéo-
blastes ne montraient pas non plus la présence
d’ARN rétroviral dans le surnageant, ni d’altération
de leur réplication ou de leur capacité à synthétiser
du collagène de type 1. Les auteurs concluaient que
ce virus pourrait diffi cilement contaminer des ostéo-
blastes in vivo.
J.M. Fakruddin et al. avaient montré que le VIH
était capable d’induire in vitro la production du
facteur RANKL (Receptor Activator of Nuclear factor
Kappa-B Ligand) [6], sécrété par les ostéoblastes et
les lymphocytes T activés, cytokine qui allait à son
tour activer les ostéoclastes. L’expression de cette
sécrétion serait induite par la glycoprotéine gp120,
principale protéine de surface du VIH.
Rôle des traitements antirétroviraux
Dans leur méta-analyse, T.T. Brown et al. (3), en
analysant séparément l’effet des différents traite-
ments, montraient que le risque de déminéralisation
était signifi cativement plus élevé chez les patients
traités par les IP que chez les patients recevant
d’autres traitements (OR de 1,5 [IC95 : 1,1-1,6]). De
même, le ténofovir (inhibiteur nucléotidique de
la transcriptase inverse) est souvent associé aux
densités minérales osseuses (DMO) les plus abais-
sées lorsqu’il est comparé à d’autres inhibiteurs
nucléosidiques comme l’abacavir par exemple (7).
D’après des études longitudinales (7, 8), la perte de
masse osseuse chez les patients naïfs d’antirétro-
viraux commençant leur traitement, est effective
entre S0 et S48 (et surtout lors des 24 premières
semaines au rachis). Cette perte est de l’ordre de 2
à 6 % selon les études, les molécules utilisées et les
sites de mesure. Puis il existe une stabilisation de la
DMO dans le temps (9).
L’introduction des ARV ne prévient pas la baisse de
DMO, quel que soit le schéma antirétroviral utilisé,
mais certaines classes médicamenteuses, comme
les IP ou le ténofovir, ont plus souvent été associées
aux baisses de DMO que d’autres. Cependant, les
résultats sont parfois discordants, et il est diffi cile
de différencier l’effet de ces médicaments sur l’os
des autres conséquences de l’infection VIH. Certains
Figure 1. Facteurs de risque de baisse de la densité minérale osseuse (DMO) décrits dans
la littérature chez les patients infectés par le VIH.
Toxicité directe
VIH ?
Facteurs de risque spécifi ques de l’infection VIH Facteurs de risque classiques
Ménopause
Âge avancé
Petit IMC Tabac
Alcool
Baisse de l’activité
physique
Corticothérapie Carence en vitamine D
Perte de masse
musculaire
Caucasoïdes
Turnover osseux
accru
Co-infection
hépatites virales
Sexe masculin
Toxiques
(opiacés, amphétamines,
poppers, méthadone)
Antirétroviraux
– IP ?
– ténofovir ?
Toxicité indirecte
VIH
– restauration
– activation
– nadir CD4
DMO
La Lettre de l’Infectiologue Tome XXIX - no 3 - mai-juin 2014 | 115
Actualités dans
LE VIH
aspects délétères des ARV sur la DMO semblent
aussi être le résultat de modifi cations virologiques
et immunologiques.
Toxicité indirecte du VIH
Les données les plus récentes mettent en avant
des phénomènes d’activation immunitaire chez les
patients VIH+, délétères pour le métabolisme osseux.
En effet, l’activation des lymphocytes T CD4+ et
CD8+ (HLA-DR+CD4+, HLA-DR+CD8+) est associée
aux DMO abaissées (10).
De plus, les phénomènes de restauration immuni-
taire ont un effet sur le métabolisme osseux. Cela
avait déjà été mis en évidence par des travaux plus
anciens (4), dans lesquels un lien entre le nadir des
CD4 (taux le plus bas des lymphocytes CD4 au cours
de l’infection par le VIH) et une DMO abaissée chez les
femmes VIH+ existait ; ainsi que sur des données plus
récentes où le nadir des CD4 est un facteur important
et indépendant de perte de masse osseuse lors de
l’instauration des ARV (Grant et al., abstract 823, CROI
2013). Cela explique indirectement l’effet négatif de
l’instauration des ARV sur la baisse de la DMO.
Facteurs de risque classiques
De nombreuses études ont analysé les facteurs de
risque de déminéralisation osseuse spécifi ques de
l’infection par le VIH mais aussi les facteurs de risque
classiques d’ostéopathie fragilisante :
la baisse de la DMO chez les patients séropositifs,
tout comme chez les patients séronégatifs, s’accélère
avec le vieillissement (4) ;
l’imputabilité des toxiques, comme le tabac,
l’alcool ou la prise de méthadone, de cocaïne, voire
de poppers, a été suggérée ;
l’indice de masse corporelle (IMC) bas (< 19) est
rapporté comme un facteur favorisant l’apparition d’une
ostéopathie fragilisante dans toutes les études concer-
nant les patients VIH+, quel que soit le sexe (4, 11) ;
des syndromes de Cushing iatrogènes ont été
rapportés chez des patients séropositifs traités avec
des corticoïdes inhalés au long cours, mais prenant
aussi du ritonavir (inhibiteur puissant du cytochrome
P450). Cela a été à l’origine d’un surdosage en corti-
coïdes par le biais d’un passage systémique (12),
avec d’authentiques tableaux d’ostéoporoses frac-
turaires ;
d’autres facteurs de risque de déminéralisation
osseuse ont été rapportés et sont résumés en gure 1.
Perturbations du bilan phosphocalcique
Il existe de façon globale, chez les patients VIH+, une
baisse de la 25(OH) vitamine D (13), mais équivalente
à celle de la population générale (BEH, avril 2012).
Sur un plan physiopathologique, l’implication des
ARV a été soulevée : effet inducteur enzymatique de
l’efavirenz [induction du catabolisme de la 1,25(OH
2
)
vitamine D] et effet inhibiteur enzymatique du rito-
navir [inhibition de l’activité de la 1α-hydroxylase et
diminution de la 1,25(OH2) vitamine D].
Il existe de plus un turnover osseux accru (augmen-
tation des marqueurs d’ostéorésorption et d’ostéo-
formation), particulièrement chez les patients traités
par ténofovir, aboutissant in fi ne à une perte de
masse osseuse accélérée.
Enfi n, les liens entre le rein et l’os chez les patients
VIH+ ne sont plus à démontrer. L’atteinte osseuse du
patient VIH+ passe en partie par le rein, notamment
lorsqu’il existe des tubulopathies proximales. Les
diabètes phosphorés, voire le syndrome de Fanconi,
induisent, entre autres, la fuite urinaire de phos-
phore, expliquant, en partie, la déminéralisation
osseuse.
Conséquences
de la déminéralisation osseuse
L’impact fracturaire est bien réel et est désormais
démontré dans la littérature, y compris dans des
Figure 2. Scintigraphie osseuse d’une ostéomalacie fracturaire chez un patient infecté par
le VIH. Patient ayant consulté pour un syndrome polyalgique. La scintigraphie osseuse
montrait la présence de nombreuses ssures. Le bilan biologique confi rmait une ostéo-
malacie dans le cadre d’un syndrome de Fanconi.
116 | La Lettre de l’Infectiologue Tome XXIX - no 3 - mai-juin 2014
Ostéoporose et infection parle VIH
Actualités dans
LE VIH
méta-analyses (14). Sur 7 études avec groupe
contrôle, le ratio d’incidence des fractures patho-
logiques (fractures ostéoporotiques pour un trauma-
tisme de faible énergie) était de 1,35 (IC95 : 1,10-1,65).
L’augmentation du risque fracturaire est surtout
effective sur les 2 premières années suivant l’ins-
tauration des ARV (15) ; elle est, le plus souvent,
associée aux facteurs de risque classiques, comme
l’âge avancé, l’ethnie caucasienne et le tabagisme.
À ce jour, peu de fractures pathologiques ont été
rapportées dans les cohortes françaises, car il s’agit
d’une population relativement jeune (âge médian
d’environ 50 ans), souffrant peu de troubles de l’équi-
libre et/ou de chutes, contrairement aux populations
âgées atteintes d’ostéoporose sénile. La population
infectée par le VIH vieillissant, une augmentation
de l’impact fracturaire est prévisible et à anticiper
par la mise en place de stratégies thérapeutiques
préventives.
Autres atteintes osseuses
et articulaires
Face à des tableaux de douleurs diffuses, articulaires
et para-articulaires, associées à des myalgies, voire à
une diminution de la force musculaire, l’ostéo malacie
est bien sûr à évoquer. Beaucoup de cas ont été
diagnostiqués il y a quelques années, avec parfois
des tableaux d’ostéomalacie fracturaire (fi gure 2) ;
désormais, avec le screening assez systématique du
taux de vitamine D, ces formes-là se rencontrent
moins. De plus, des tubulopathies proximales, plus
ou moins complexes, allant jusqu’au syndrome de
Fanconi complet, peuvent se rencontrer, particu-
lièrement chez les patients traités par inhibiteurs
nucléosidiques de la transcriptase inverse (ténofovir
et didanosine). Le diabète phosphoré, précédem-
ment évoqué, associant des signes cliniques assez
divers, comme des douleurs diffuses, articulaires
et para-articulaires, associées à des myalgies, voire
des syndromes dépressifs, est assez fréquent et ne
doit pas être méconnu ou sous-diagnostiqué. Il faut
l’évoquer face à une hypophosphorémie avec hyper-
phosphaturie et taux de réabsorption du phosphore
abaissé.
Enfin, il ne semble pas exister un surrisque de
rhumatismes inflammatoires (grands pourvoyeurs
d’ostéoporose) chez les patients VIH+, malgré les
craintes initiales, bien que quelques cas sporadiques
puissent être diagnostiqués en consultation rhuma-
tologique.
Quelles conséquences
pour la pratique ?
Qui dépister ?
Dès la prise en charge d’un patient VIH+ naïf, il est
proposé un screening des facteurs de risque (poids,
taille, tabac, alcool, poppers, etc.). Un dosage de la
25(OH) vitamine D peut être proposé, ainsi que des
autres marqueurs du métabolisme phospho calcique
(calcémie, phosphorémie à jeun, urée sérique, créa-
tininémie).
Il est proposé un dépistage ciblé de l’ostéoporose
chez les patients VIH+, naïfs ou prétraités, par
ostéodensitométrie, selon les facteurs de risque
suivants :
hommes d’au moins 50 ans ;
femmes ménopausées ;
antécédent de fracture pathologique.
La Lettre de l’Infectiologue Tome XXIX - no 3 - mai-juin 2014 | 117
Actualités dans
LE VIH
Dans les 2 premières indications, l’ostéodensito-
métrie n’est pas remboursée en l’absence d’autres
facteurs de risque reconnus d’ostéoporose par la
Haute Autorité de santé.
Plus simplement, il est rappelé qu’il est nécessaire de
mesurer régulièrement les patients VIH+ et, en cas
d’une diminution de taille signifi cative à la toise (au
moins 4 cm par rapport à l’âge à 20 ans), il faut aussi
proposer un dépistage de l’ostéoporose et rechercher
des fractures vertébrales à bas bruit fréquentes chez
nos patients (dans la population générale, 2/3 des
fractures vertébrales ne sont pas diagnostiquées car
la lombalgie est un motif de consultation banal).
Quand traiter ?
L’insuffi sance en vitamine D (< 30 ng/ml) doit être
corrigée chez tout patient, en raison du faible coût,
de la bonne tolérance, et, surtout, de l’amélioration
prouvée sur les marqueurs du métabolisme phospho-
calcique et également sur des bénéfi ces systémiques.
Si l’ostéodensitométrie confi rme une déminéralisa-
tion osseuse, il faut s’assurer de l’absence de patho-
logie endocrinienne, néoplasique, métabolique par
des examens clinique et biologique.
Si ces examens sont normaux, il existe 2 types de
diagnostics densitométriques :
ostéopénie : il n’y a pas d’indication à instaurer
un traitement anti-ostéoporotique, mais il faudra
recontrôler cet examen dans un délai de 2 à 3 ans ;
ostéoporose : il est alors proposé une consultation
spécialisée en rhumatologie afi n de réévaluer les diffé-
rents facteurs de risque et, en fonction, de proposer
soit une abstention de traitement spécifi que, avec
contrôle ostéodensitométrique dans les 2 à 3 ans, soit
une instauration de traitement anti-ostéoporotique.
Comment traiter ?
Comme toujours et comme dans la population géné-
rale, il faut fonder la prise en charge sur la préven-
tion, avec la correction des facteurs modifi ables et
le renforcement des règles hygiénodiététiques (arrêt
du tabac, diminution de la consommation d’alcool
et autres toxiques, augmentation de l’activité
physique). Il faut prendre en charge et corriger les
carences (< 10 ng/ml) ou insuffi sance en vitamine D,
par cholécalciférol à fortes doses (16).
Plusieurs essais cliniques ont évalué l’impact des
bisphosphonates (dont le zolédronate intraveineux)
sur la masse osseuse des patients VIH+ présentant
une ostéoporose densitométrique (17).
Ces essais ont démontré un gain significatif du
contenu minéral osseux après 1 à 2 ans de traite-
ment, associé à une baisse des marqueurs d’ostéo-
résorption.
Les autres traitements – hormonothérapie substitu-
tive, SERM (Selective Estrogen Receptor Modulator),
calcitonine, ranélate de strontium, tériparatide
–n’ont fait l’objet d’aucune évaluation.
Conclusion
L’ostéoporose chez les patients VIH+ touche une
population jeune (environ 45 ans), majoritairement
masculine. La baisse de DMO commence avant la
mise sous ARV et est accélérée lors de leur instaura-
tion. La perte osseuse accélérée est d’origine multifac-
torielle (IMC bas, tabagisme, alcoolisme, co-infection
par les virus des hépatites) et commence certaine-
ment très tôt dans l’histoire de l’infection par le VIH.
Il faut envisager des politiques adaptées de prévention
et de gestion de la perte de masse osseuse, car la
population de patients VIH+ vieillissant, le nombre de
fractures pathologiques risque d’augmenter, à l’ori-
gine d’une morbimortalité importante. La question
du dépistage systématique de l’ostéoporose dans la
population VIH+ se pose d’ores et déjà indiscutable-
ment (Rapport Morlat 2013). Les conseils hygiéno-
diététiques habituels (arrêt du tabac et de l’alcool,
apports calciques alimentaires et vitaminiques) ont
certainement leur place dans tous les cas. Chez les
patients ostéoporotiques, hommes ou femmes, et
après l’accord d’un rhumatologue, les bisphospho-
nates ont une indication légitime et validée.
1. Palella FJ Jr, Delaney KM, Moorman AC et al. Declining
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4. Cazanave C, Dupon M, Lavignolle-Aurillac V et al.
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5. Nacher N, Serrano S, Gonzalez A et al. Osteoblasts in
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Références bibliographiques
C. Cazanave déclare ne pas avoir
de liens d’intérêts.
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