Médecine
& enfance
Chaque maladie neuromusculaire
(MNM) est en soi une maladie
rare, cependant l’ensemble des
MNM, environ 200 à ce jour, concerne
quelque 40000 personnes en France. La
plupart des MNM chez l’enfant sont
d’origine génétique. Le diagnostic de
certaines pathologies neuromusculaires
est difficile et souvent retardé du fait de
leur méconnaissance. Si nous ne dispo-
sons de traitement spécifique que dans
quelques pathologies, une prise en
charge précoce et ciblée sur les plans
cardiaque, orthopédique et respiratoire
permet d’améliorer et de prolonger l’es-
pérance et les conditions de vie.
CAS CLINIQUES
Les cas cliniques suivants illustrent les
maladies neuromusculaires les plus fré-
quentes chez l’enfant, en insistant sur la
diversité des signes cliniques muscu-
laires et non musculaires.
LA MALADIE DE DUCHENNE
REVISITÉE
Cas 1. Devant un ictère prolongé, on dé-
couvre une élévation des transaminases
chez un nourrisson masculin de un mois
sans antécédents néonatals et familiaux
notables. Aucune pathologie hépatique
n’étant trouvée, un dosage des créatines
kinases (CK) est réalisé et contrôlé à plu-
sieurs reprises : les CK sont très élevées,
à 22000 UI/l. Cette augmentation fait
suspecter une dystrophie musculaire.
Cas 2. Noa, un petit garçon sans antécé-
dents, est hypotonique et « éteint » jus-
qu’à quinze mois. A vingt-quatre mois,
il acquiert la marche, dit deux mots et
présente des stéréotypies de balance-
ment. Le bilan étiologique de retard
psychomoteur, avec IRM cérébrale, ca-
ryotype et recherche d’X fragile, fait à
trente mois, est négatif. Par contre, le
dosage des CK, fait dans un deuxième
temps, indique des valeurs très élevées.
Cas 3. Mathis consulte pour des difficul-
tés dans les acquisitions motrices. La
marche est acquise à dix-huit mois. A
trois ans, il fait des chutes fréquentes,
ne sait pas courir, monte l’escalier à
quatre pattes, présente un retard de
langage et de parole. A l’examen cli-
nique, on note un déficit des fléchis-
seurs du cou et des muscles abdomi-
naux, des rétractions au niveau des che-
villes, un Gower’s positif (figure 1), de
gros mollets fermes, des réflexes ostéo-
tendineux (ROT) absents aux membres
inférieurs. Les CK sont augmentées à
20000 UI/l.
Chez ces trois garçons l’élévation des
FMC DE NÎMES
Tout pédiatre ou médecin généraliste peut être confronté à un enfant présen-
tant des anomalies du développement moteur ou une augmentation des créa-
tines kinases découverte fortuitement. Ces signes orientent d’emblée vers une
atteinte musculaire squelettique. Par contre, un retard psychomoteur, du lan-
gage ou des apprentissages scolaires, des troubles des interactions et du
comportement, des particularités de la mimique de la face ne sont pas spéci-
fiques d’une telle atteinte. Les vignettes cliniques présentées ici montrent tou-
tefois que les maladies neuromusculaires de l’enfant les plus fréquentes ne se
limitent pas à une expression purement musculaire, et que l’éventail des
symptômes est bien plus varié. Il faut donc savoir quand évoquer cette possibi-
lité afin d’orienter les familles vers un centre de référence des maladies neuro-
musculaires.
Rubrique dirigée par T.A. Tran, service
de pédiatrie, CHU Carémeau, Nîmes
Les maladies neuromusculaires :
ce n’est pas que du muscle !
U. Walther-Louvier, neuropédiatre, et M. Mercier,
médecine physique et de réadaptation,
centre de référence maladies neuromusculaires,
service de neuropédiatrie, Hôpital Gui de
Chauliac, CHRU de Montpellier
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atteinte des performances verbales et
de la mémoire de travail, liées à l’absen-
ce d’expression de dystrophine dans le
cerveau. Certains garçons ont des
signes du spectre autistique [1].
Les mères transmettrices peuvent pré-
senter des signes discrets (des crampes
et une fatigabilité musculaire). Leurs
CK sont modérément élevées. Il peut
exister des troubles cognitifs et car-
diaques. Le diagnostic préimplantatoire
et prénatal est possible.
La dystrophie musculaire de type Becker
est dix fois moins fréquente. Elle est ca-
ractérisée par la présence de dystrophi-
ne tronquée ou en quantité insuffisante.
liers, jusqu’à la perte de la marche entre
huit et dix ans. Dès le petit âge, on note
une pseudo-hypertrophie des mollets (fi-
gure 2), un déficit progressif des muscles
de la ceinture pelvienne et des membres
inférieurs puis supérieurs, une atteinte
du tronc, l’apparition d’une macroglos-
sie (figure 3) et souvent d’une scoliose à
l’adolescence (figure 4). La cardiomyopa-
thie et l’insuffisance respiratoire sont
des facteurs pronostiques péjoratifs,
avec toutefois, actuellement, une aug-
mentation de l’espérance de vie grâce à
une prise en charge précoce. Un tiers
des cas de DMD présentent une défi-
cience intellectuelle (QI < 70) et une
CK a fait suspecter le diagnostic de dys-
trophie musculaire de Duchenne
(DMD), qui a été confirmé par la biop-
sie du muscle et la biologie moléculaire.
La DMD est la pathologie musculaire
la plus fréquente (1/3500). La muta-
tion du gène DMD sur le chromoso -
me X, codant pour la dystrophine, en-
traîne l’absence de dystrophine dans la
membrane musculaire. La DMD est
marquée par une hyperCKémie (5000-
20000 UI/l). Les difficultés à la marche
débutent entre les âges de deux et
quatre ans, avec une démarche dandi-
nante, parfois digitigrade, et des diffi-
cultés croissante pour monter les esca-
Figure 1
Signe de Gowers, témoin du déficit musculaire de la ceinture pelvienne
Médecine
& enfance
Figure 2
Dystrophie musculaire de
Duchenne : pseudo-
hypertrophie des mollets et
marche digitigrade
Figure 3
Macroglossie
Figure 4
Scoliose. A droite, après athrodèse
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Les CK sont élevées, la pseudo -
hypertrophie des mollets est présente, la
faiblesse musculaire débute tardivement
à l’adolescence et progresse lentement.
Les patients perdent rarement la
marche, mais l’atteinte cardiaque peut
être sévère. Certains patients souffrent
de difficultés cognitives importantes,
d’atteintes psychiatriques ou d’un
trouble envahissant du développement.
UNE HISTOIRE DE FAMILLE
Juline, troisième enfant de la fratrie, est
née au terme de trente-sept semaines
d’aménorrhée avec un retard de crois-
sance intra-utérin. Une hypotonie axia-
le importante est présente dès la nais-
sance, ainsi que des troubles sévères de
la succion-déglutition nécessitant une
alimentation par sonde gastrique pen-
dant deux semaines. Elle a un bon
contact, les ROT sont absents. Les re-
cherches génétiques, mises en œuvre en
néonatologie en raison de l’hypotonie
néonatale, sont négatives pour l’amyo-
trophie spinale et le syndrome de Pra-
der-Willi. Par contre, la recherche de la
maladie de Steinert montre une amplifi-
cation au locus DMPK estimée à plus de
1000 triplets CTG. L’hypotonie s’amen-
dera au fil des années, avec l’acquisition
de la marche à dix-huit mois et l’instal-
lation tardive du langage. Suite au dia-
gnostic chez l’enfant, la maladie est re-
trouvée chez la mère, dont on apprend
qu’elle s’est toujours plainte d’une fati-
gabilité et d’une myotonie. L’examen
ophtalmologique met en évidence un
début de cataracte chez cette femme
pourtant jeune.
Alissa, la grande sœur, a toujours eu un
parcours scolaire difficile, mais a pu
suivre un cycle normal malgré sa len-
teur et son déficit d’attention. L’évalua-
tion psychométrique par WISC IV à huit
ans montre des compétences globales
moyennes faibles. L’examen clinique est
normal en dehors d’une hypomimie. Le
diagnostic de dystrophie myotonique de
Steinert sera confirmé chez elle, ainsi
que chez le grand-père et une tante ma-
ternels.
L’histoire de cette famille illustre
bien la transmission autosomique domi-
nante de la maladie de Steinert, ou dys-
trophie myotonique de type 1 (DM1),
dont la fréquence est estimée à
1/20000. La DM1 est due à la répéti-
tion exagérée d’une séquence d’ADN
(triplets) dans le gène DMPK (chromo-
some 19) codant pour une protéine im-
pliquée dans le transfert d’énergie dans
la cellule. L’instabilité des répétitions
lors de la transmission, avec un phéno-
mène d’anticipation et une variabilité
selon le sexe du transmetteur, explique
la variation phénotypique. La sévérité
de la maladie, qui a des formes congéni-
tales, infantiles et adultes, est liée au
nombre de répétitions de triplets (50 à
3000 triplets CTG chez une personne
malade au lieu de 5 à 37). Les pieds
bots sont fréquents dans la forme
congénitale. L’hypotonie néonatale
peut s’améliorer en grandissant. La
myotonie est accompagnée d’une hypo-
mimie (figure 5) et d’une faiblesse muscu-
laire qui touche les muscles distaux,
comme les avant-bras ou les releveurs
des pieds, mais aussi les abdominaux,
les intercostaux, le diaphragme et les
muscles faciaux. Les patients nécessi-
tent non seulement une surveillance
cardiaque rapprochée, mais aussi une
surveillance respiratoire et endocrinolo-
gique (hypogonadisme, intolérance aux
hydrates de carbone, calvitie). L’attein-
te des muscles lisses entraîne des
troubles digestifs. Les formes congéni-
tales et infantiles sont fréquemment as-
sociées à une déficience intellectuelle.
Chez l’adulte prédominent des troubles
des fonctions cognitives, de l’humeur et
du comportement. La cataracte peut
survenir précocement. La recherche par
polysomnographie de troubles du som-
meil et d’une somnolence diurne invali-
dante (hypersomnie) est indiquée [2, 3].
UNE ATTEINTE MUSCULAIRE
ISOLÉE
Cas 1. Matthieu est hospitalisé à cinq se-
maines de vie pour détresse respiratoire
et hypotonie périphérique et centrale. Il
a un très bon contact et une bonne pour-
suite oculaire, mais un cri faible, ainsi
qu’un tirage sous-costal et un balance-
ment thoraco-abdominal. Il ne tient pas
Médecine
& enfance
Figure 5
Facies myopathique
Figure 6
Dystrophie facio-scapulo-humérale :
hyperlordose et décollement des
omoplates
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sa tête, l’hypotonie est globale et les
ROT sont absents. Le dosage des CK est
normal. Le diagnostic d’amyotrophie
spinale infantile (ASI) de type 1 avec
présence d’une délétion homozygote du
gène SMN1 est confirmé. A cinq mois,
l’enfant est de nouveau hospitalisé pour
détresse respiratoire sévère. Une venti-
lation non invasive et une alimentation
entérale sont mises en place. Le retour à
domicile est accompagné par un service
pédiatrique de soins palliatifs. Matthieu
décède à huit mois d’une insuffisance
respiratoire.
Cas 2. Nicki a un bon développement
psychomoteur jusqu’à l’âge de dix mois.
Entre neuf et dix mois, il est hospitalisé
à trois reprises pour bronchiolite. Après
la première hospitalisation, la famille
note un manque de tonicité des
membres inférieurs : l’enfant n’arrive
plus à se redresser sur les genoux.
L’examen clinique montre un bon éveil,
une paralysie flasque des membres infé-
rieurs avec abolition des ROT, mais une
bonne coordination aux membres supé-
rieurs. L’amyotrophie spinale infantile
dans sa forme intermédiaire (type 2) se-
ra confirmée.
Cas 3. Née de parents cousins germains,
Sabine, trois ans, dernière d’une fratrie
de sept, est amenée en consultation
pour des chutes fréquentes depuis l’âge
de seize mois, la marche ayant été ac-
quise à onze mois. Sa démarche est
dandinante ; elle ne saute pas, ne court
pas, ne monte pas les escaliers. Il existe
des fasciculations linguales ; les ROT
sont présents en rotulien et absents en
achilléen. Le développement cognitif
est très bon. On diagnostique une forme
tardive (type 3) d’ASI.
L’amyotrophie spinale infantile, de
transmission autosomique récessive, a
une fréquence estimée à 1,25/100000.
Elle est due à une dégénérescence des
motoneurones de la corne antérieure de
la moelle épinière provoquée par la pré-
sence d’une délétion homozygote du gè-
ne SMN1 au chromosome 5. L’ordre de
contraction n’est plus acheminé jus-
qu’aux fibres musculaires. Selon le dé-
but et la sévérité de l’atteinte, trois
types sont distingués.
Le type 1 (maladie de Werdnig-Hoff-
mann), qui débute entre zéro et six
mois, associe des fasciculations lin-
guales caractéristiques ainsi qu’une hy-
po- ou aréflexie à une hypotonie plutôt
proximale épargnant la mimique. L’in-
telligence est normale, mais la faiblesse
musculaire gêne l’acquisition du langa-
ge. L’atteinte des muscles respiratoires
évolue vers l’aplatissement thoracique
et l’insuffisance respiratoire, et entraîne
le décès avant deux ans.
La forme intermédiaire (ASI type 2) dé-
bute après l’acquisition de la position
assise et avant l’âge de la marche (six à
dix-huit mois). L’atteinte paralytique
est variable, prédominant aux membres
inférieurs avec une faiblesse symé-
trique des muscles proximaux et du
tronc. Il arrive, rarement, qu’une
marche précaire soit acquise, mais elle
est ensuite perdue. L’atteinte des
muscles intercostaux relève d’une prise
en charge respiratoire précoce (ventila-
tion non invasive). La scoliose précoce
nécessite le port d’un corset et ultérieu-
rement une arthrodèse.
La forme tardive de l’amyotrophie spi-
nale (type 3, maladie de Kugelberg-We-
lander) débute après l’âge de la marche
(après dix-huit mois). Le déficit des
muscles des ceintures entraîne une dé-
marche dandinante. Outre les difficul-
tés à se relever et à monter les escaliers,
les chutes sont fréquentes. L’évolution
est lentement progressive, la perte de la
marche est possible. Les complications
sont respiratoires et orthopédiques
(scoliose) [4].
UNE PARALYSIE FACIALE
AVEC SURDITÉ
Dès les premières années de vie,
William a présenté une paralysie facia-
le, un sourire transversal, un visage
inex pres sif et une non-occlusion des
yeux pendant le sommeil. La prise en
charge orthophonique n’a que peu amé-
lioré ses troubles de l’articulation. A
quatre ans, une surdité de perception
est constatée, qui nécessitera un appa-
reillage. A sept ans apparaissent une hy-
perlordose, un décollement des omo-
plates ainsi qu’une faiblesse de la cein-
ture scapulaire. Après une errance dia-
gnostique de plusieurs années, la forme
infantile de la dystrophie facio-scapulo-
humérale (FSHD) est confirmée par
biologie moléculaire.
Par sa fréquence, la FSHD est la troi-
sième maladie neuromusculaire chez
l’adulte. La transmission est autoso-
mique dominante. La FSHD est due à
une anomalie du chromosome 4 entraî-
nant une diminution du nombre de co-
pies d’une séquence génétique (D4Z4)
qui perturbe la structure de la chromati-
ne. Le déficit moteur concerne surtout
certains muscles de la face, des épaules
et des bras. Les premiers signes appa-
raissent entre dix et vingt ans, mais il
existe des formes tardives et des formes
infantiles précoces. La forme infantile,
probablement sous-diagnostiquée,
concerne 4 % des malades FSHD. Elle
est définie par l’apparition avant cinq
ans d’une faiblesse musculaire faciale :
troubles de la succion-déglutition, non-
occlusion des yeux pendant le sommeil,
sourire transversal, inexpressivité du vi-
sage, impossibilité de siffler, troubles de
l’articulation difficiles à rééduquer. Les
premiers signes de faiblesse de la cein-
ture scapulaire apparaissent avant dix
ans : difficulté pour lever les bras au-
dessus de la tête, épaules tombantes et
omoplates proéminentes (figure 6). Puis
s’installent progressivement une hyper-
lordose, jusqu’à compromettre la
marche, ainsi qu’un déficit des muscles
fessiers et des releveurs des pieds qui
entraîne des difficultés pour se redres-
ser et un steppage. Une surdité de per-
ception et une vasculopathie rétinienne
(tortuosités) asymptomatique sont sou-
vent associées. La présence d’une défi-
cience intellectuelle, d’une épilepsie ou
d’un trouble envahissant du développe-
ment avant l’apparition des signes mus-
culaires rend plus difficile l’évocation
du diagnostic de FSHD [5].
UNE HÉPATOMÉGALIE
Rami est décrit comme hypotonique dès
l’âge de deux mois, mais acquiert la
marche à quinze mois. Une hépatoméga-
lie apparaît à vingt et un mois, mais sans
atteinte cardiaque. Une hyperCKémie à
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& enfance
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470 UI/l est constatée. Le dosage de la
maltase acide sur papier buvard est né-
gatif. La biologie moléculaire confirme
une forme « non classique » de la mala-
die de Pompe (MP) quand l’enfant a
trois ans.
La maladie de Pompe ou glycogénose
de type II est une maladie lysosomiale
causée par un déficit en maltase acide
(alpha-glucosidase). Elle est transmise
de manière autosomique récessive. La
forme « classique » débute pendant les
premiers mois de vie, avec une hypoto-
nie majeure, une faiblesse musculaire,
une macroglossie, une cardiomyopathie
précoce, suivie d’un décès précoce. Il n’y
a aucune activité enzymatique mesu-
rable. La forme infantile se caractérise
par une faiblesse musculaire avec attein-
te des ceintures qui s’installe plus tardi-
vement, une intelligence normale et une
cardiomyopathie absente ou modérée.
Les formes adultes sont moins sévères
en raison de la persistance d’une activité
résiduelle. Le dosage de la maltase acide
sur papier buvard oriente le diagnostic,
qui est confirmé par la biologie molécu-
laire. Un traitement par enzymothéra-
pie, qui permet une amélioration de la
symptomatologie cardiaque et muscu-
laire, peut être proposé [6].
UN PTÔSIS QUI VARIE
DANS LA JOURNÉE
Yanis est le premier enfant de parents
consanguins. Dès la naissance, il pré-
sente un ptôsis fluctuant dans la jour-
née, ainsi qu’une ophtalmoplégie. En
grandissant, il a de nombreuses crises
d’asthme. A l’école, il est plus fatigable
et il court moins vite que ses camarades.
Il fait parfois des fausses routes. L’élec-
tromyogramme détecte un bloc neuro-
musculaire avec décrément, ce qui
oriente vers un syndrome myasthénique
congénital, que confirmera la biologie
moléculaire (anomalie du récepteur
postsynaptique d’acétylcholine).
Les syndromes myasthéniques con -
nitaux (SMC) constituent un groupe
hétérogène d’affections génétiques res-
ponsables d’un dysfonctionnement de
la transmission neuromusculaire. Il
s’agit de syndromes rares et sans doute
encore sous-diagnostiqués. Les signes
cliniques, fluctuants dans la journée,
sont l’ophtalmoplégie et le ptôsis, des
signes bulbaires (troubles de la dégluti-
tion), une parésie faciale et une faibles-
se musculaire accentuée par l’effort. En
période néonatale, l’hypotonie et l’in-
suffisance respiratoire n’excluent pas
les SMC. L’effet favorable du test à la
prostigmine est un argument en faveur
d’un syndrome myasthénique congéni-
tal, qui est à confirmer par génétique
moléculaire [7].
DES PIEDS CREUX FAMILIAUX
Théo est vu en consultation pour la pre-
mière fois à l’âge de dix ans, pour des
chutes fréquentes et des difficultés pour
courir. La marche, acquise à un an, est
digitigrade depuis l’âge de cinq ans. Son
père, dont le père et la grand-mère pa-
ternelle présentaient des pieds creux, a
été opéré à quatorze ans d’un pied
creux équin. La maladie de Charcot-Ma-
rie-Tooth (CMT) avait été alors évoquée
pour le père. L’examen de Théo montre
l’abolition des ROT en rotulien et en
achilléen, des rétractions des deux che-
villes et une amyotrophie en chaussette.
L’exploration électrophysiologique met
en évidence une neuropathie périphé-
rique myélinique. Le diagnostic de
CMT1A, liée à une duplication du gène
PMP22 et de transmission autosomique
dominante, est confirmé.
La maladie de Charcot-Marie-Tooth
ou neuropathie sensitivo-motrice est un
groupe de maladies hétérogènes avec
un polymorphisme génétique et physio-
pathologique. La transmission est pos-
sible de manière dominante, récessive
ou liée à l’X. Les CMT sont fréquentes
avec une prévalence de 7 à 40/100000.
Les premiers signes s’échelonnent entre
trois et dix à quinze ans. La gravité de la
maladie est variable au sein d’une mê-
me famille. La plupart des CMT sont ca-
ractérisées par une abolition des ré-
flexes, une amyotrophie distale aux
membres inférieurs, des pieds creux, un
déficit de la force musculaire en distal
qui se traduit par l’impossibilité de mar-
cher sur les talons, voire un steppage.
L’atteinte des mains, souvent présente,
est discrète (muscles interosseux et ré-
gion thénarienne), mais peut évoluer
vers une « main de singe » embarrassan-
te pour les gestes fins du quotidien.
L’électromyogramme permet le dia-
gnostic et la classification [8].
DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE
Une maladie neuromusculaire peut se
déclarer à tout âge. Chez le nourrisson,
on s’inquiète devant une hypotonie et
une mauvaise tenue de la tête. Dans la
petite enfance, le retard de l’acquisition
de la marche est un motif de consulta-
tion fréquent. Ces signes doivent évo-
quer autant une origine centrale (IMC,
syndrome génétique) qu’une origine pé-
riphérique (MNM). Plus tard, une
marche digitigrade ou en dandinement,
des difficultés pour courir et se relever,
des chutes fréquentes inquiètent les pa-
rents. Chez l’enfant d’âge scolaire, des
douleurs musculaires après l’effort ou
une intolérance à l’effort, une faiblesse
musculaire persistante, un manque de
tonicité, une amyotrophie ou des défor-
mations évolutives des pieds sont au-
tant de motifs de consultation. Une fati-
gabilité, une asthénie, un enfant « pa-
taud » sont des signes moins spéci-
fiques, mais il faut intégrer la possibilité
d’une MNM dans le diagnostic différen-
tiel. Certaines MNM (maladie de Stei-
nert, maladie de Duchenne) sont asso-
ciées à une atteinte des fonctions céré-
brales supérieures (retard psychomo-
teur, troubles des apprentissages, re-
tard de langage, troubles du spectre au-
tistique) qui peut précéder l’apparition
du syndrome myopathique ou être au
premier plan et orienter faussement le
diagnostic vers une origine centrale.
INTERROGATOIRE
ET EXAMEN CLINIQUE
L’histoire clinique, les antécédents néo-
natals et familiaux, l’évaluation du dé-
veloppement psychomoteur donnent
des informations importantes orientant
la recherche de la pathologie sous-ja-
cente. Les exemples cités démontrent
que certaines MNM présentent, selon
l’âge du début de la maladie, des formes
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& enfance
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