Médecine & enfance Les maladies neuromusculaires : ce n’est pas que du muscle ! FMC DE NÎMES U. Walther-Louvier, neuropédiatre, et M. Mercier, médecine physique et de réadaptation, centre de référence maladies neuromusculaires, service de neuropédiatrie, Hôpital Gui de Chauliac, CHRU de Montpellier Tout pédiatre ou médecin généraliste peut être confronté à un enfant présentant des anomalies du développement moteur ou une augmentation des créatines kinases découverte fortuitement. Ces signes orientent d’emblée vers une atteinte musculaire squelettique. Par contre, un retard psychomoteur, du langage ou des apprentissages scolaires, des troubles des interactions et du comportement, des particularités de la mimique de la face ne sont pas spécifiques d’une telle atteinte. Les vignettes cliniques présentées ici montrent toutefois que les maladies neuromusculaires de l’enfant les plus fréquentes ne se limitent pas à une expression purement musculaire, et que l’éventail des symptômes est bien plus varié. Il faut donc savoir quand évoquer cette possibilité afin d’orienter les familles vers un centre de référence des maladies neuromusculaires. haque maladie neuromusculaire (MNM) est en soi une maladie rare, cependant l’ensemble des MNM, environ 200 à ce jour, concerne quelque 40 000 personnes en France. La plupart des MNM chez l’enfant sont d’origine génétique. Le diagnostic de certaines pathologies neuromusculaires est difficile et souvent retardé du fait de leur méconnaissance. Si nous ne disposons de traitement spécifique que dans quelques pathologies, une prise en charge précoce et ciblée sur les plans cardiaque, orthopédique et respiratoire permet d’améliorer et de prolonger l’espérance et les conditions de vie. C CAS CLINIQUES Les cas cliniques suivants illustrent les maladies neuromusculaires les plus fréquentes chez l’enfant, en insistant sur la diversité des signes cliniques musculaires et non musculaires. LA MALADIE DE DUCHENNE REVISITÉE Rubrique dirigée par T.A. Tran, service de pédiatrie, CHU Carémeau, Nîmes Cas 1. Devant un ictère prolongé, on découvre une élévation des transaminases chez un nourrisson masculin de un mois sans antécédents néonatals et familiaux notables. Aucune pathologie hépatique mai 2014 page 127 n’étant trouvée, un dosage des créatines kinases (CK) est réalisé et contrôlé à plusieurs reprises : les CK sont très élevées, à 22 000 UI/l. Cette augmentation fait suspecter une dystrophie musculaire. Cas 2. Noa, un petit garçon sans antécédents, est hypotonique et « éteint » jusqu’à quinze mois. A vingt-quatre mois, il acquiert la marche, dit deux mots et présente des stéréotypies de balancement. Le bilan étiologique de retard psychomoteur, avec IRM cérébrale, caryotype et recherche d’X fragile, fait à trente mois, est négatif. Par contre, le dosage des CK, fait dans un deuxième temps, indique des valeurs très élevées. Cas 3. Mathis consulte pour des difficultés dans les acquisitions motrices. La marche est acquise à dix-huit mois. A trois ans, il fait des chutes fréquentes, ne sait pas courir, monte l’escalier à quatre pattes, présente un retard de langage et de parole. A l’examen clinique, on note un déficit des fléchisseurs du cou et des muscles abdominaux, des rétractions au niveau des chevilles, un Gower’s positif (figure 1), de gros mollets fermes, des réflexes ostéotendineux (ROT) absents aux membres inférieurs. Les CK sont augmentées à 20 000 UI/l. Chez ces trois garçons l’élévation des Médecine & enfance Figure 1 Signe de Gowers, témoin du déficit musculaire de la ceinture pelvienne Figure 2 Dystrophie musculaire de Duchenne : pseudohypertrophie des mollets et marche digitigrade Figure 3 Macroglossie CK a fait suspecter le diagnostic de dystrophie musculaire de Duchenne (DMD), qui a été confirmé par la biopsie du muscle et la biologie moléculaire. ➜ La DMD est la pathologie musculaire la plus fréquente (1/3 500). La mutation du gène DMD sur le chromoso me X, codant pour la dystrophine, entraîne l’absence de dystrophine dans la membrane musculaire. La DMD est marquée par une hyperCKémie (5 00020 000 UI/l). Les difficultés à la marche débutent entre les âges de deux et quatre ans, avec une démarche dandinante, parfois digitigrade, et des difficultés croissante pour monter les esca- Figure 4 Scoliose. A droite, après athrodèse liers, jusqu’à la perte de la marche entre huit et dix ans. Dès le petit âge, on note une pseudo-hypertrophie des mollets (figure 2), un déficit progressif des muscles de la ceinture pelvienne et des membres inférieurs puis supérieurs, une atteinte du tronc, l’apparition d’une macroglossie (figure 3) et souvent d’une scoliose à l’adolescence (figure 4). La cardiomyopathie et l’insuffisance respiratoire sont des facteurs pronostiques péjoratifs, avec toutefois, actuellement, une augmentation de l’espérance de vie grâce à une prise en charge précoce. Un tiers des cas de DMD présentent une déficience intellectuelle (QI < 70) et une mai 2014 page 128 atteinte des performances verbales et de la mémoire de travail, liées à l’absence d’expression de dystrophine dans le cerveau. Certains garçons ont des signes du spectre autistique [1]. Les mères transmettrices peuvent présenter des signes discrets (des crampes et une fatigabilité musculaire). Leurs CK sont modérément élevées. Il peut exister des troubles cognitifs et cardiaques. Le diagnostic préimplantatoire et prénatal est possible. La dystrophie musculaire de type Becker est dix fois moins fréquente. Elle est caractérisée par la présence de dystrophine tronquée ou en quantité insuffisante. Médecine & enfance Figure 5 Facies myopathique Les CK sont élevées, la pseudo hypertrophie des mollets est présente, la faiblesse musculaire débute tardivement à l’adolescence et progresse lentement. Les patients perdent rarement la marche, mais l’atteinte cardiaque peut être sévère. Certains patients souffrent de difficultés cognitives importantes, d’atteintes psychiatriques ou d’un trouble envahissant du développement. UNE HISTOIRE DE FAMILLE Figure 6 Dystrophie facio-scapulo-humérale : hyperlordose et décollement des omoplates Juline, troisième enfant de la fratrie, est née au terme de trente-sept semaines d’aménorrhée avec un retard de croissance intra-utérin. Une hypotonie axiale importante est présente dès la naissance, ainsi que des troubles sévères de la succion-déglutition nécessitant une alimentation par sonde gastrique pendant deux semaines. Elle a un bon contact, les ROT sont absents. Les recherches génétiques, mises en œuvre en néonatologie en raison de l’hypotonie néonatale, sont négatives pour l’amyotrophie spinale et le syndrome de Prader-Willi. Par contre, la recherche de la maladie de Steinert montre une amplification au locus DMPK estimée à plus de 1 000 triplets CTG. L’hypotonie s’amendera au fil des années, avec l’acquisition de la marche à dix-huit mois et l’installation tardive du langage. Suite au diagnostic chez l’enfant, la maladie est retrouvée chez la mère, dont on apprend qu’elle s’est toujours plainte d’une fatigabilité et d’une myotonie. L’examen ophtalmologique met en évidence un début de cataracte chez cette femme pourtant jeune. Alissa, la grande sœur, a toujours eu un parcours scolaire difficile, mais a pu suivre un cycle normal malgré sa lenteur et son déficit d’attention. L’évaluation psychométrique par WISC IV à huit ans montre des compétences globales moyennes faibles. L’examen clinique est normal en dehors d’une hypomimie. Le diagnostic de dystrophie myotonique de Steinert sera confirmé chez elle, ainsi que chez le grand-père et une tante maternels. ➜ L’histoire de cette famille illustre bien la transmission autosomique domimai 2014 page 129 nante de la maladie de Steinert, ou dystrophie myotonique de type 1 (DM1), dont la fréquence est estimée à 1/20 000. La DM1 est due à la répétition exagérée d’une séquence d’ADN (triplets) dans le gène DMPK (chromosome 19) codant pour une protéine impliquée dans le transfert d’énergie dans la cellule. L’instabilité des répétitions lors de la transmission, avec un phénomène d’anticipation et une variabilité selon le sexe du transmetteur, explique la variation phénotypique. La sévérité de la maladie, qui a des formes congénitales, infantiles et adultes, est liée au nombre de répétitions de triplets (50 à 3 000 triplets CTG chez une personne malade au lieu de 5 à 37). Les pieds bots sont fréquents dans la forme congénitale. L’hypotonie néonatale peut s’améliorer en grandissant. La myotonie est accompagnée d’une hypomimie (figure 5) et d’une faiblesse musculaire qui touche les muscles distaux, comme les avant-bras ou les releveurs des pieds, mais aussi les abdominaux, les intercostaux, le diaphragme et les muscles faciaux. Les patients nécessitent non seulement une surveillance cardiaque rapprochée, mais aussi une surveillance respiratoire et endocrinologique (hypogonadisme, intolérance aux hydrates de carbone, calvitie). L’atteinte des muscles lisses entraîne des troubles digestifs. Les formes congénitales et infantiles sont fréquemment associées à une déficience intellectuelle. Chez l’adulte prédominent des troubles des fonctions cognitives, de l’humeur et du comportement. La cataracte peut survenir précocement. La recherche par polysomnographie de troubles du sommeil et d’une somnolence diurne invalidante (hypersomnie) est indiquée [2, 3]. UNE ATTEINTE MUSCULAIRE ISOLÉE Cas 1. Matthieu est hospitalisé à cinq semaines de vie pour détresse respiratoire et hypotonie périphérique et centrale. Il a un très bon contact et une bonne poursuite oculaire, mais un cri faible, ainsi qu’un tirage sous-costal et un balancement thoraco-abdominal. Il ne tient pas Médecine & enfance sa tête, l’hypotonie est globale et les ROT sont absents. Le dosage des CK est normal. Le diagnostic d’amyotrophie spinale infantile (ASI) de type 1 avec présence d’une délétion homozygote du gène SMN1 est confirmé. A cinq mois, l’enfant est de nouveau hospitalisé pour détresse respiratoire sévère. Une ventilation non invasive et une alimentation entérale sont mises en place. Le retour à domicile est accompagné par un service pédiatrique de soins palliatifs. Matthieu décède à huit mois d’une insuffisance respiratoire. Cas 2. Nicki a un bon développement psychomoteur jusqu’à l’âge de dix mois. Entre neuf et dix mois, il est hospitalisé à trois reprises pour bronchiolite. Après la première hospitalisation, la famille note un manque de tonicité des membres inférieurs : l’enfant n’arrive plus à se redresser sur les genoux. L’examen clinique montre un bon éveil, une paralysie flasque des membres inférieurs avec abolition des ROT, mais une bonne coordination aux membres supérieurs. L’amyotrophie spinale infantile dans sa forme intermédiaire (type 2) sera confirmée. Cas 3. Née de parents cousins germains, Sabine, trois ans, dernière d’une fratrie de sept, est amenée en consultation pour des chutes fréquentes depuis l’âge de seize mois, la marche ayant été acquise à onze mois. Sa démarche est dandinante ; elle ne saute pas, ne court pas, ne monte pas les escaliers. Il existe des fasciculations linguales ; les ROT sont présents en rotulien et absents en achilléen. Le développement cognitif est très bon. On diagnostique une forme tardive (type 3) d’ASI. ➜ L’amyotrophie spinale infantile, de transmission autosomique récessive, a une fréquence estimée à 1,25/100 000. Elle est due à une dégénérescence des motoneurones de la corne antérieure de la moelle épinière provoquée par la présence d’une délétion homozygote du gène SMN1 au chromosome 5. L’ordre de contraction n’est plus acheminé jusqu’aux fibres musculaires. Selon le début et la sévérité de l’atteinte, trois types sont distingués. Le type 1 (maladie de Werdnig-Hoffmann), qui débute entre zéro et six mois, associe des fasciculations linguales caractéristiques ainsi qu’une hypo- ou aréflexie à une hypotonie plutôt proximale épargnant la mimique. L’intelligence est normale, mais la faiblesse musculaire gêne l’acquisition du langage. L’atteinte des muscles respiratoires évolue vers l’aplatissement thoracique et l’insuffisance respiratoire, et entraîne le décès avant deux ans. La forme intermédiaire (ASI type 2) débute après l’acquisition de la position assise et avant l’âge de la marche (six à dix-huit mois). L’atteinte paralytique est variable, prédominant aux membres inférieurs avec une faiblesse symétrique des muscles proximaux et du tronc. Il arrive, rarement, qu’une marche précaire soit acquise, mais elle est ensuite perdue. L’atteinte des muscles intercostaux relève d’une prise en charge respiratoire précoce (ventilation non invasive). La scoliose précoce nécessite le port d’un corset et ultérieurement une arthrodèse. La forme tardive de l’amyotrophie spinale (type 3, maladie de Kugelberg-Welander) débute après l’âge de la marche (après dix-huit mois). Le déficit des muscles des ceintures entraîne une démarche dandinante. Outre les difficultés à se relever et à monter les escaliers, les chutes sont fréquentes. L’évolution est lentement progressive, la perte de la marche est possible. Les complications sont respiratoires et orthopédiques (scoliose) [4]. UNE PARALYSIE FACIALE AVEC SURDITÉ Dès les premières années de vie, William a présenté une paralysie faciale, un sourire transversal, un visage inex pres sif et une non-occlusion des yeux pendant le sommeil. La prise en charge orthophonique n’a que peu amélioré ses troubles de l’articulation. A quatre ans, une surdité de perception est constatée, qui nécessitera un appareillage. A sept ans apparaissent une hyperlordose, un décollement des omoplates ainsi qu’une faiblesse de la ceinmai 2014 page 130 ture scapulaire. Après une errance diagnostique de plusieurs années, la forme infantile de la dystrophie facio-scapulohumérale (FSHD) est confirmée par biologie moléculaire. ➜ Par sa fréquence, la FSHD est la troisième maladie neuromusculaire chez l’adulte. La transmission est autosomique dominante. La FSHD est due à une anomalie du chromosome 4 entraînant une diminution du nombre de copies d’une séquence génétique (D4Z4) qui perturbe la structure de la chromatine. Le déficit moteur concerne surtout certains muscles de la face, des épaules et des bras. Les premiers signes apparaissent entre dix et vingt ans, mais il existe des formes tardives et des formes infantiles précoces. La forme infantile, probablement sous-diagnostiquée, concerne 4 % des malades FSHD. Elle est définie par l’apparition avant cinq ans d’une faiblesse musculaire faciale : troubles de la succion-déglutition, nonocclusion des yeux pendant le sommeil, sourire transversal, inexpressivité du visage, impossibilité de siffler, troubles de l’articulation difficiles à rééduquer. Les premiers signes de faiblesse de la ceinture scapulaire apparaissent avant dix ans : difficulté pour lever les bras audessus de la tête, épaules tombantes et omoplates proéminentes (figure 6). Puis s’installent progressivement une hyperlordose, jusqu’à compromettre la marche, ainsi qu’un déficit des muscles fessiers et des releveurs des pieds qui entraîne des difficultés pour se redresser et un steppage. Une surdité de perception et une vasculopathie rétinienne (tortuosités) asymptomatique sont souvent associées. La présence d’une déficience intellectuelle, d’une épilepsie ou d’un trouble envahissant du développement avant l’apparition des signes musculaires rend plus difficile l’évocation du diagnostic de FSHD [5]. UNE HÉPATOMÉGALIE Rami est décrit comme hypotonique dès l’âge de deux mois, mais acquiert la marche à quinze mois. Une hépatomégalie apparaît à vingt et un mois, mais sans atteinte cardiaque. Une hyperCKémie à Médecine & enfance 470 UI/l est constatée. Le dosage de la maltase acide sur papier buvard est négatif. La biologie moléculaire confirme une forme « non classique » de la maladie de Pompe (MP) quand l’enfant a trois ans. ➜ La maladie de Pompe ou glycogénose de type II est une maladie lysosomiale causée par un déficit en maltase acide (alpha-glucosidase). Elle est transmise de manière autosomique récessive. La forme « classique » débute pendant les premiers mois de vie, avec une hypotonie majeure, une faiblesse musculaire, une macroglossie, une cardiomyopathie précoce, suivie d’un décès précoce. Il n’y a aucune activité enzymatique mesurable. La forme infantile se caractérise par une faiblesse musculaire avec atteinte des ceintures qui s’installe plus tardivement, une intelligence normale et une cardiomyopathie absente ou modérée. Les formes adultes sont moins sévères en raison de la persistance d’une activité résiduelle. Le dosage de la maltase acide sur papier buvard oriente le diagnostic, qui est confirmé par la biologie moléculaire. Un traitement par enzymothérapie, qui permet une amélioration de la symptomatologie cardiaque et musculaire, peut être proposé [6]. UN PTÔSIS QUI VARIE DANS LA JOURNÉE Yanis est le premier enfant de parents consanguins. Dès la naissance, il présente un ptôsis fluctuant dans la journée, ainsi qu’une ophtalmoplégie. En grandissant, il a de nombreuses crises d’asthme. A l’école, il est plus fatigable et il court moins vite que ses camarades. Il fait parfois des fausses routes. L’électromyogramme détecte un bloc neuromusculaire avec décrément, ce qui oriente vers un syndrome myasthénique congénital, que confirmera la biologie moléculaire (anomalie du récepteur postsynaptique d’acétylcholine). ➜ Les syndromes myasthéniques congénitaux (SMC) constituent un groupe hétérogène d’affections génétiques responsables d’un dysfonctionnement de la transmission neuromusculaire. Il s’agit de syndromes rares et sans doute encore sous-diagnostiqués. Les signes cliniques, fluctuants dans la journée, sont l’ophtalmoplégie et le ptôsis, des signes bulbaires (troubles de la déglutition), une parésie faciale et une faiblesse musculaire accentuée par l’effort. En période néonatale, l’hypotonie et l’insuffisance respiratoire n’excluent pas les SMC. L’effet favorable du test à la prostigmine est un argument en faveur d’un syndrome myasthénique congénital, qui est à confirmer par génétique moléculaire [7]. DES PIEDS CREUX FAMILIAUX Théo est vu en consultation pour la première fois à l’âge de dix ans, pour des chutes fréquentes et des difficultés pour courir. La marche, acquise à un an, est digitigrade depuis l’âge de cinq ans. Son père, dont le père et la grand-mère paternelle présentaient des pieds creux, a été opéré à quatorze ans d’un pied creux équin. La maladie de Charcot-Marie-Tooth (CMT) avait été alors évoquée pour le père. L’examen de Théo montre l’abolition des ROT en rotulien et en achilléen, des rétractions des deux chevilles et une amyotrophie en chaussette. L’exploration électrophysiologique met en évidence une neuropathie périphérique myélinique. Le diagnostic de CMT1A, liée à une duplication du gène PMP22 et de transmission autosomique dominante, est confirmé. ➜ La maladie de Charcot-Marie-Tooth ou neuropathie sensitivo-motrice est un groupe de maladies hétérogènes avec un polymorphisme génétique et physiopathologique. La transmission est possible de manière dominante, récessive ou liée à l’X. Les CMT sont fréquentes avec une prévalence de 7 à 40/100 000. Les premiers signes s’échelonnent entre trois et dix à quinze ans. La gravité de la maladie est variable au sein d’une même famille. La plupart des CMT sont caractérisées par une abolition des réflexes, une amyotrophie distale aux membres inférieurs, des pieds creux, un déficit de la force musculaire en distal qui se traduit par l’impossibilité de marcher sur les talons, voire un steppage. L’atteinte des mains, souvent présente, mai 2014 page 131 est discrète (muscles interosseux et région thénarienne), mais peut évoluer vers une « main de singe » embarrassante pour les gestes fins du quotidien. L’électromyogramme permet le diagnostic et la classification [8]. DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE Une maladie neuromusculaire peut se déclarer à tout âge. Chez le nourrisson, on s’inquiète devant une hypotonie et une mauvaise tenue de la tête. Dans la petite enfance, le retard de l’acquisition de la marche est un motif de consultation fréquent. Ces signes doivent évoquer autant une origine centrale (IMC, syndrome génétique) qu’une origine périphérique (MNM). Plus tard, une marche digitigrade ou en dandinement, des difficultés pour courir et se relever, des chutes fréquentes inquiètent les parents. Chez l’enfant d’âge scolaire, des douleurs musculaires après l’effort ou une intolérance à l’effort, une faiblesse musculaire persistante, un manque de tonicité, une amyotrophie ou des déformations évolutives des pieds sont autant de motifs de consultation. Une fatigabilité, une asthénie, un enfant « pataud » sont des signes moins spécifiques, mais il faut intégrer la possibilité d’une MNM dans le diagnostic différentiel. Certaines MNM (maladie de Steinert, maladie de Duchenne) sont associées à une atteinte des fonctions cérébrales supérieures (retard psychomoteur, troubles des apprentissages, retard de langage, troubles du spectre autistique) qui peut précéder l’apparition du syndrome myopathique ou être au premier plan et orienter faussement le diagnostic vers une origine centrale. INTERROGATOIRE ET EXAMEN CLINIQUE L’histoire clinique, les antécédents néonatals et familiaux, l’évaluation du développement psychomoteur donnent des informations importantes orientant la recherche de la pathologie sous-jacente. Les exemples cités démontrent que certaines MNM présentent, selon l’âge du début de la maladie, des formes Médecine & enfance flexes faibles sont associés à une diminution de la force musculaire des ceintures. Des variations diurnes dans la force musculaire sont fréquentes dans les atteintes de la jonction neuromusculaire. Une hypomimie, due à une faiblesse des muscles bucco-faciaux, évoque une maladie de Steinert, une dystrophie musculaire congénitale ou une dystrophie facio-scapulo-humorale. La myotonie, définie par un retard et une lenteur anormale du relâchement musculaire (par exemple lors du serrer la main), est typique de la maladie de Steinert (dystrophie myotonique) et des myotonies congénitales type Thomsen et Becker, liées à des anomalies des canaux ioniques membranaires. Figure 7 Unité motrice Cerveau Moelle épinière Neurone moteur ou motoneurone Unité motrice EXAMENS COMPLÉMENTAIRES Axone Fibres musculaires Tendon Os Articulation cliniques très variables dans leur sévérité et leur expression (par exemple l’amyotrophie spinale, la dystrophie myotonique de Steinert). Un examen somatique, avec évaluation de la force motrice et recherche des réflexes et d’une atteinte des muscles bucco-faciaux (hypomimie, ptôsis), permet, dans un premier temps, de localiser l’origine de l’atteinte musculaire observée. Par définition, une MNM est une pathologie de l’unité motrice. Cette unité motrice est constituée par le motoneurone dans la corne antérieure, le nerf, la jonction neuromusculaire (synapse) et le muscle (figure 7). L’examen clinique permet de spécifier le lieu de l’atteinte au niveau de l’unité motrice par l’évaluation de la répartition de la force motrice et la recherche des réflexes. Une diminution, voire une abolition des réflexes se voit dans de nombreuses pathologies neuromusculaires. L’atteinte de la corne antérieure entraîne une hypotonie chez le nourrisson (dans une hypotonie centrale, les réflexes sont présents) et une faiblesse musculaire des racines chez l’enfant plus grand (par exemple amyotrophie spinale infantile). Dans les neuropathies, les ROT disparaissent en même temps qu’apparaît une faiblesse musculaire localisée en distal, avec des pieds creux et des orteils en griffe. Dans les dystrophies musculaires et les myopathies des ceintures (LGMD), des rémai 2014 page 132 Des examens complémentaires ciblés aideront à établir le diagnostic. 첸 Le dosage des enzymes musculaires CK (N < 300 UI/l) doit faire partie de tout bilan pour suspicion de maladie neuromusculaire, mais aussi en cas de retard psychomoteur. Une élévation des transaminases inexpliquée par une pathologie hépatique doit faire rechercher une hyperCKémie. La découverte fortuite d’une hyperCKémie est à contrôler et sa persistance doit orienter vers une dystrophie musculaire. En cas de myosite virale avec élévation des CK, il faut s’assurer de la normalisation ultérieure, pour exclure ainsi une pathologie neuromusculaire non encore déclarée [9]. 첸 Le scanner, l’échographie ou l’IRM musculaire sont de plus en plus utilisés dans la différenciation des myopathies en raison de « patterns » d’atteinte musculaire spécifiques à chaque myopathie. 첸 L’électromyogramme est surtout utile dans les pathologies de la jonction neuromusculaire et les myotonies. 첸 La biopsie musculaire, qui n’est plus nécessaire dans les pathologies pour lesquelles un diagnostic en biologie moléculaire est disponible, reste indiquée dans les suspicions de maladie de Duchenne, les myopathies congénitales et les dystrophies musculaires congénitales. Médecine & enfance 첸 L’analyse en biologie moléculaire, réalisée dans des laboratoires spécialisés, permet les diagnostics suivants : maladie de Steinert, amyotrophie spinale infantile, dystrophie facio-scapulohumérale, maladie de Charcot-MarieTooth, syndrome myasthénique congénital. Pour la maladie de Pompe, le dosage de l’activité de la maltase acide à partir de sang sur papier buvard permet d’orienter le diagnostic. 첸 L’atteinte cardiaque (cardiomyopathie, troubles du rythme et de la conduction) est fréquente dans ces pathologies, voire spécifique de certaines, et nécessite une surveillance particulière. Chez le nourrisson, la cardiomyopathie et l’hépatomégalie doivent, entre autres, faire évoquer une maladie de Pompe. L’échocardiographie et l’holterECG sont donc indiqués pour le diagnostic des complications cardiaques et aussi dans leur surveillance. Devant toute suspicion de MNM, une consultation dans un centre de référence des maladies neuromusculaires est indiqué. Ces centres existent dans toutes les régions de France et mettent à disposition des patients leur expérience et leurs savoirs ainsi qu’un plateau technique spécialisé (loi de santé publique du 9 août 2004). La présentation clinique des maladies neuromusculaires ne se limite pas au muscle squelettique, et l’apparition des signes musculaires peut être précédée d’autres signes. Poser rapidement et sûrement un diagnostic permet de parler du pronostic de la maladie avec l’enfant et la famille, de mettre en place des prises en charge rééducatives (kinésithérapie, appareillages, etc.), de surveiller d’éventuelles complications et de proposer des thérapies spécifiques, voire la participation à des protocoles de recherche clinique. S’agissant, dans la plupart des cas, de maladies déterminées de manière génétique, le diagnostic permet également de donner un conseil génétique à la famille. Cela peut concerner une grossesse en cours ou le souhait d’une grossesse, autant dans la fratrie des parents que dans celle de l’enfant malade. 첸 Références hood myotonic dystrophy type 1 », Dev. Med. Child Neurol., 2012 ; 54 : 905-11. [4] LUNN M.R., WANG C.H. : « Spinal muscular atrophy », Lancet, 2008 ; 371 : 2120-33. [5] BROUWER O.F., PADBERG G.W., WIJMENGA C., FRANTS R.R. : « Facioscapulohumeral muscular dystrophy in early childhood », Arch. Neurol., 1994 ; 51 : 387-94. [6] KISHNANI P.S., HWU W.L., MANDEL H., NICOLINO M., YONG F., CORZO D ; INFANTILE-ONSET POMPE DISEASE NATURAL HISTORY STUDY GROUP : « A retrospective, multinatio- nal, multicenter study on the natural history of infantile-onset Pompe disease », J. Pediatr., 2006 ; 148 : 671-6. [7] HANTAÏ D., NICOLE S., EYMARD B. : « Congenital myasthenic syndromes : an update », Curr. Opin. Neurol., 2013 ; 26 : 561-8. 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