Évolution du droit des malades : le point sur Internet ● T. Schaeverbeke* L‘ annonce d’un projet de loi relatif à la modernisation du système de santé et aux droits des malades a fait l’objet d’une campagne médiatique très importante début septembre. Le ton général des articles publiés dans la grande presse a pu légitimement inquiéter les médecins que nous sommes. La consultation de l’Internet permet de faire le point sur ce sujet brûlant. L’annonce du projet de loi, telle qu’elle a été transcrite dans la presse Télévisions, radios, journaux... les médias dans leur ensemble ont fait un large écho à l’annonce, le 5 septembre dernier, du projet de loi sur les droits des malades et la modernisation du système de santé par Bernard Kouchner. Nous citerons deux exemples qui reflètent le ton général de l’analyse de cette annonce par la presse : le dossier de la chaîne de télévision TF1 et celui du quotidien Libération, ces deux dossiers étant librement consultables dans les archives des sites Internet respectifs de ces deux organes de presse. TF1 annonce une minirévolution dans le domaine de la santé, tandis que Libération titre : La fin “du sois malade et tais-toi !” Il est question d’un bouleversement des rapports entre malades et médecins, d’une intrusion des malades dans le système de santé, de l’instauration d’une démocratie sanitaire. Deux points forts du projet sont mis en exergue : le libre accès du malade au dossier médical et l’indemnisation de l’aléa thérapeutique. Cet aléa est présenté d’une façon caricaturale dans le dossier de Libération : “Comment * Service de rhumatologie du Pr Dehais, Groupe hospitalier Pellegrin, 6, place Amélie-Raba-Léon, 33076 Bordeaux Cedex. E-mail : [email protected] supporter qu’un patient entre à l’hôpital en bonne santé et en ressorte malade, sans pour autant qu’il y ait eu faute”. Peut-être peuton s’interroger sur le motif d’hospitalisation d’un sujet en parfaite santé... Les réticences du corps médical sont interprétées au mieux comme une peur du changement, au pire comme une volonté conservatrice d’un paternalisme médical. Les associations de malades, interrogées sur le sujet, font part de leur satisfaction, tout en émettant des réserves sur les procédures d’indemnisation des risques thérapeutiques et sur l’absence de prise en compte des victimes de l’hépatite C. La version des sites officiels Le site du Sénat expose en détail les travaux de la commission parlementaire chargée de la proposition de loi relative à l’indemnisation de l’aléa médical et à la responsabilité médicale. Une évidence s’impose immédiatement : ce texte est en préparation depuis près de dix ans. Les rapports de la commission parlementaire mettent l’accent sur la responsabilité médicale, sur les litiges en responsabilité médicale (réforme de l’expertise médicale) et sur la reconnaissance et l’indemnisation, par l’assurance maladie, de l’accident médical grave non fautif (aléa thérapeutique, dont la fréquence est évaluée à 10 000 accidents graves par an). Une place particulière est faite aux infections nosocomiales, qui demeureraient de la responsabilité des établissements de santé. Le projet de loi, disponible sur le site du secrétariat d’État chargé de la santé, comporte trois grands volets : renforcer les droits des malades, garantir la qualité du système de santé, organiser la réparation du risque sanitaire. ✔ Le renforcement des droits des malades, non envisagé dans la proposition parlementaire, contient un rappel des droits antérieurs (non-discrimination, secret médical...) et comporte des éléments nouveaux, notamment le libre accès du patient au dossier médical. Cette disposition est présentée comme une révolution dans la relation médecin-malade. En pratique, cependant, les patients disposent déjà d’un grand nombre d’informations. Les comptes-rendus d’examens radiographiques accompagnent les clichés et sont en la pos- CETTE RUBRIQUE A ÉTÉ CRÉÉE AVEC LE SOUTIEN DE PHARMACIA 20 La Lettre du Rhumatologue - n° 275 - octobre 2001 session du malade ; lorsqu’un malade vous consulte, le courrier du médecin qui vous l’adresse a le plus souvent été ouvert et lu ; pour les accidents du travail, le patient dispose en général d’un dossier très complet, comportant des doubles des courriers, des examens ou comptes-rendus d’examens réalisés. Parmi les autres nouveautés figure “le droit d’accéder aux soins les plus appropriés à son état, à la sécurité sanitaire et à la continuité des soins”. Là, compte tenu de l’évolution des effectifs médicaux depuis quelques années, nos autorités de tutelle vont être soumises à de fortes pressions ; à l’heure des anti-TNF, la phrase “Cet article consacre notamment le principe de la recherche systématique du meilleur traitement” sera lourde de conséquences. L’implication du malade dans les processus décisionnels devra être plus large : le médecin devra informer et faire des propositions qui permettront au malade de prendre la décision. Enfin, une place importante sera accordée aux représentants des usagers et aux associations de malades (conseils d’administration des établissements de santé, comités de l’organisation sanitaire et sociale...). ✔ Le volet concernant la qualité du système de santé insiste sur une profonde réforme de la formation médicale continue, sur le renforcement de l’évaluation des pratiques médicales et... sur la modernisation des ordres des professions médicales. Les réseaux de santé seront favorisés. Un séminaire à l’Institut national des sciences politiques Sciences-Po a organisé un séminaire les 10 et 11 octobre, consacré à l’analyse des évolutions juridiques en cours en matière de santé. Le programme de ce séminaire et les modalités d’inscription sont disponibles sur le site de l’Institut. Indiscutablement, l’encadrement juridique de l’exercice de la médecine évolue. On peut d’ores et déjà déplorer le décalage entre l’évolution de la démographie médicale et les exigences toujours grandissantes en termes d’information, de formation et d’évaluation, grandes consommatrices de temps. Une chose est sûre, la judiciarisation de la médecine française est en marche. Lorsque vous aurez consulté la sélection de sites que nous vous proposons, vous serez certainement tentés de la compléter par une recherche des sites des compagnies d’assurance et du Conseil de l’Ordre des ■ Avocats. ✔ La réparation des risques sanitaires reprend l’essentiel des propositions de la commission parlementaire. Ces propositions sont encadrées par la création de divers organismes qui devront être chargés de la gestion des litiges : commissions régionales de conciliation et d’indemnisation, office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales. Références La proposition de loi du Parlement : http://www.senat.fr/rap/l00-277/l00-277.html Le projet de loi : http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/droit_mal/sommaire.htm Le séminaire de Sciences-Po : http://www.sciences-po.fr/spf/programmes/ps/ps8.htm Les nouvelles de Rhumato.net publie quotidiennement les nouvelles de l’AFP dans le domaine de la santé. Proposition de loi sur les rapports médecins-malades de Bernard Kouchner, négociation des 35 heures dans les établissements de soins, péripéties de l’anticholestérol de Bayer... Une rubrique essentielle pour éviter d’être pris au dépourvu par un malade informé. http://www.rhumato.net