Syndrome d’activation macrophagique Hemophagocytic syndrome A. Karras *, O. Hermine

Mise au point
Syndrome d’activation macrophagique
Hemophagocytic syndrome
A. Karras
a,
*, O. Hermine
b
a
Service de néphrologie et de transplantation rénale, hôpital Saint-Louis,1, avenue Claude-Vellefaux, 75010 Paris, France
b
Service d’hématologie, hôpital Necker-Enfants Malades, 169, rue de Sèvres, 75015 Paris, France
Résumé
Propos. – Le syndrome d’activation macrophagique (SAM) est lié à une stimulation inappropriée des cellules macrophagiques dans la
moelle osseuse et le système lymphoïde, ce qui entraîne une phagocytose anormale des éléments figurés du sang et la libération de cytokines
pro-inflammatoires. Le SAM associe des signes cliniques peu spécifiques (fièvre, altération de l’état général, hépatosplénomégalie,
adénopathies) et des éléments biologiques évocateurs (bi- ou pancytopénie, altération du bilan hépatique, coagulopathie, augmentation des
LDH, de la ferritine et des triglycérides). Le diagnostic est confirmé par un examen cytologique ou histologique retrouvant
l’hémophagocytose. Ce syndrome peut être primaire essentiellement chez l’enfant, ou secondaire à diverses affections, hématologiques,
infectieuses ainsi qu’à des maladies auto-immunes variées. Le pronostic est sombre, avec une mortalité de près de 50 % toutes causes
confondues.
Actualités et points forts. – Les avancées récentes, grâce notamment à l’étude génétique des formes héréditaires, ont permis de démontrer
le rôle majeur du lymphocyte T et de certaines cytokines telles que le TNFαdans la physiopathologie de ce syndrome. Le pronostic des
formes primaires de l’enfant a par ailleurs été transformé ces dernières années par l’allogreffe de moelle, passant ainsi de 10 % à 66 % de
survie à long terme.
Perspectives et projets. – Le traitement du SAM secondaire est symptomatique mais dépend aussi de la pathologie causale
(chimiothérapie dans les néoplasies, traitement anti-infectieux et immunoglobulines polyvalentes dans les infections, traitement
immunosuppresseur dans les maladies auto-immunes). Il reste cependant assez mal codifié et des études prospectives seraient utiles pour
démontrer son efficacité et en définir les modalités. Les données récentes laissent également entrevoir de nouvelles options thérapeutiques,
ciblant les acteurs–clés de ce syndrome tels les lymphocytes T et les cytokines impliquées comme le TNFα. © 2002 E
´ditions scientifiques
et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Introduction. – Hemophagocytic syndrome results from a inappropriate stimulation of macrophages in bone marrow and lymphoid
organs, leading to phagocytosis of blood cells and production of high amounts of pro-inflammatory cytokines. This life–threatening disease
combines non-specific clinical signs (fever, cachexia, hepatomegaly, enlargement of spleen and lymph nodes) as well as typical laboratory
findings (bi- or pancytopenia, abnormal hepatic tests, hypofibrinemia, elevation of serum LDH, ferritinemia and triglyceride levels).
Diagnosis is confirmed by cytological or pathological examination of bone marrow or tissue specimens. Hemophagocytosis may be
primitive, essentially in pediatric population, or secondary, related to various situations such as lymphomas, infections (viral, bacterial or
parasitic) or auto-immune diseases. Prognosis is poor, depending on the associated disease, with an overall mortality of 50%.
Current knowledge and key points. – Recent advances, essentially due to genetic studies of familial hemophagocytic syndrome, have
underlined the major role of T lymphocytes and TNFαin the pathogenesis of hemophagocytosis. In these pediatric cases, prognosis has
dramatically improved since allogenic bone marrow transplantation is performed, raising long-term survival from 10 to 66%.
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (A. Karras).
La revue de médecine interne 23 (2002) 768–778
www.elsevier.com/locate/revmed
© 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
PII:S0248-8663(02)00673-2
Future prospects and projects. In secondary forms of hemophagocytic syndrome, treatment must be symptomatic (transfusion,
correction of electrolyte disorders) and etiological (chemotherapy, anti-viral or antibiotic drugs, immunosuppressive therapy). However,
prospective trials are necessary to dene the best treatment in these cases. New therapeutic options, targeting specic mediators, including
TNFα, may emerge with the understanding of pathogenesis of hemophagocytic syndrome. © 2002 E
´ditions scientiques et médicales
Elsevier SAS. All rights reserved.
Mots clés: Syndrome dactivation macrophagique; Hémophagocytose réactionnelle; Lymphohistiocytose familiale.
Keywords: Hemophagocytic syndrome; Macrophage; Reactive hemophagocytosis; Familial hemophagocytic lymphohistiocytosis.
1. Introduction
Le syndrome dactivation macrophagique (SAM) est une
pathologie initialement décrite dans les années 1950 mais
individualisée plus récemment, essentiellement depuis la
description des hémophagocytoses post-virales par Risdall
en 1979 [1]. Le SAM est observédans une multitude de
situations cliniques rencontrées en médecine interne (infec-
tiologie, hématologie et cancérologie, maladies systémi-
ques), en transplantation (greffe dorgane ou greffe de
moelle) ainsi quen réanimation [2-10]. Il est caractérisépar
un ensemble de signes cliniques et biologiques non spéci-
ques mais dont lassociation doit faire évoquer le diagnos-
tic et conduire àun examen cytologique ou histologique
permettant de le conrmer. Sa survenue impose un bilan
étiologique assez exhaustif, car les maladies associées sont
multiples. Il sagit dune pathologie grave, dont le pronostic
est sévère et le traitement encore mal codifié.
2. Épidémiologie
Le syndrome dactivation macrophagique est une patho-
logie probablement sous-estimée. Son incidence globale au
Japon a étéestiméeà51,7 cas par an, incluant les SAM
pédiatriques et ceux de ladulte [11]. Les formes pédiatri-
ques sont souvent mieux documentées et une série suédoise
note une incidence dun cas annuel par million denfants.
Lorsquon étudie la prévalence de lhémophagocytose à
partir de séries de prélèvements médullaires, celle-ci est
estimée aux environs de 1 % [2].
3. Étiologie
3.1. Les SAM primaires
Plusieurs pathologies héréditaires du système immuni-
taire sont caractérisées par une activation macrophagique et
lymphocytaire T appelée lymphohistiocytose hémophago-
cytaire (ou phase accélérée de la maladie), souvent déclen-
chée par une infection intercurrente. Ces maladies sont
surtout décrites chez lenfant et ladulte jeune. Quatre
syndromes sont désormais bien individualisés et les anoma-
lies génétiques àleur origine commencent àêtre connues
[12].
3.1.1. Lymphohistiocytose familiale
La lymphohistiocytose familiale (maladie la plus fré-
quente parmi ces 4 pathologies) est une maladie de la
première enfance (âge moyen des patients : 2 mois), trans-
mise sur le mode autosomique récessif [12-14]. Les pre-
miers cas ont étédécrits par Farquhar et Claireaux en 1952.
Au décours dune infection, souvent virale, les organes
lymphoïdes sont inltrés par une population cellulaire
polyclonale mixte, lymphocytaire T et macrophagique, avec
évolution secondaire quasiconstante vers le décèsenlab-
sence de traitement. Lorsquun cas dactivation macropha-
gique survient chez lenfant, la lymphohistiocytose hérédi-
taire doit être évoquéesil existe des antécédents familiaux
(50 % dans le registre international) ou une consanguinité
(10 % des cas). Des mutations inactivatrices du gène de la
perforine ont récemment étéidentifiées [15] dans environ
40 % des cas familiaux étudiés. Le défaut de cytotoxicité
des lymphocytes CD8+ résultant de ces mutations empêche-
rait la lyse des cellules présentatrices dantigènes exprimant
àleur surface un antigène viral ou bactérien, et par
conséquent entretiendrait une activation permanente dune
population lymphocytaire dirigée vis-à-vis de cet antigène.
Les anomalies clinicobiologiques de ce syndrome sont
celles de tout syndrome hémophagocytaire, mais avec une
fréquence accrue datteinte du système nerveux central
(50 % des patients), ce qui représente un facteur de mauvais
pronostic. Le virus dEpstein-Barr (EBV) est souvent res-
ponsable de cette activation inappropriée, sans doute àcause
dune masse antigénique importante au cours de la primo-
infection.
3.1.2. Syndrome de Chediak-Higashi
Le syndrome de Chediak-Higashi [12] est caractérisépar
un albinisme partiel, cutanéet oculaire associéàun déficit
immunitaire T cytotoxique et NK, avec présence de grandes
granulations intracytoplasmiques dans de nombreuses popu-
lations cellulaires. Le syndrome dactivation macropha-
A. Karras, O. Hermine / La revue de médecine interne 23 (2002) 768778 769
gique peut très souvent survenir chez ces enfants, avec un
assez mauvais pronostic vital. Le gène mutédans cette
maladie code pour une protéine appelée LYST (LYSosomal
Traffıcking regulator), impliquée dans ladressage des pro-
téines intracellulaires. Certaines protéines membranaires
lymphocytaires (perforine, CTLA4), jouant un rôle clé
dans la régulation du système immunitaire, semblent dans
ce cas déviées de leur destination primitive et sont adressées
vers les lysosomes cellulaires, expliquant la présence des
grandes vacuoles cytoplasmiques caractéristiques de cette
maladie.
3.1.3. Syndrome de Griscelli
Le syndrome de Griscelli [12] est une pathologie assez
voisine du syndrome de Chediak-Higashi, et seule labsence
des grandes granulations intracytoplasmiques peut distin-
guer les deux maladies. Deux gènes semblent pouvoir être
mutés dans ce syndrome, codant pour la myosine 5A et la
protéine RAB27A, protéines impliquées dans le trac intra-
cellulaire. Les patients présentant une mutation de la pro-
téine RAB27A [16] présentent également un déficit lym-
phocytaire T cytotoxique et quelquefois un syndrome
dactivation macrophagique déclenchépar un épisode infec-
tieux. Cette protéine ayant une fonction importante dans la
liaison de la vésicule dexocytose avec la membrane cellu-
laire, on peut supposer que sa mutation conduit àun
mauvais routage de certaines molécules (ex. CTLA4)
contrôlant lactivation lymphocytaire T.
3.1.4. Syndrome de Purtilo
Le syndrome de Purtilo (X-linked lymphoproliferative
syndrome) est un déficit immunitaire héréditaire rare (1/10
6
garçons) caractérisépar une susceptibilitéaccrue àlinfec-
tion par lEBV [12].Près de la moitiédes patients présen-
tent des manifestations avant toute rencontre avec lEBV
(hypogammaglobulinémie, lymphome B souvent de locali-
sation intestinale ou iléo-cæcale) mais l’évolution est mar-
quée, en labsence de traitement, par la survenue dune
mononucléose infectieuse gravissime et fatale aprèslinfec-
tion par ce virus. Les autres manifestations possibles sont
une aplasie médullaire, une vascularite nécrosante, une
granulomatose lymphomatoïde pulmonaire ou une hépatite
fulminante. Biologiquement ces patients ne développent pas
danticorps antiEBNA et présentent histologiquement une
inltration tissulaire massive par des lymphocytes T cyto-
toxiques (CD8+) responsables des lésions nécrotiques. La
mortalitéspontanée de cette maladie (fatale dans 100 % des
cas avant l’âge de 40 ans) rend nécessaire une greffe de
moelle osseuse. Quant àla génétique de cette maladie, elle
aétéélucidée en 1998, avec la mise en évidence de
mutations portant sur un gène localisésur le bras long du
chromosome X. Ce gène, caractérisésimultanément par
plusieurs équipes, code pour une protéine nommée
SH2D1A / DSHP / SAP (pour SLAM–associated protein),
exprimée dans les lymphocytes T [17]. Elle se lie àla
protéine membranaire lymphocytaire appelée SLAM (si-
gnaling lymphocytic activation molecule), bloquant la phos-
phorylation de ses résidus tyrosine et sa liaison àdautres
protéines impliquées dans le contrôle de la réponse lympho-
cytaire. Des expériences chez lanimal ont montréque
linhibition du signal SLAM (par la mutation de SAP)
provoquait une activation lymphocytaire T de type Th1, ce
qui pourrait expliquer la fréquence du syndrome dactiva-
tion macrophagique dans cette pathologie.
Toutes ces pathologies ont donc en commun une activa-
tion primitive lymphocytaire T, souvent déclenchée par une
infection opportuniste, le plus souvent virale, avec produc-
tion majeure de cytokines pro-inammatoire (IFNγ,IL1,
IL6, TNFα), puis une activation macrophagique qui parti-
cipe aux lésions tissulaires disséminées. La chimiothérapie
et les immunosuppresseurs apportent parfois une améliora-
tion transitoire de la maladie, mais le traitement curatif ne
peut se faire que grâce àune greffe de moelle [13].
3.2. Les SAM secondaires (ou réactionnels)
Lactivation macrophagique peut apparaître au cours de
diverses pathologies, infectieuses, néoplasiques, ou auto-
immunes. Le diagnostic étiologique demeure souvent néga-
tif car le spectre des pathologies associées àce syndrome est
extrêmement large et le tableau clinique est habituellement
dominépar les manifestations secondaires au SAM, occul-
tant les signes spéciques de la pathologie causale.
3.2.1. Les SAM post-infectieux
Pratiquement toutes les infections, bactériennes, virales,
fungiques ou parasitaires ont étéassociées au SAM [18],le
plus souvent àtitre anecdotique (Tableau 1). Lanalyse des
quelques séries publiées (Tableau 2) montre que les infec-
tions virales àherpès virus (CMV, EBV, VZV, HSV, HHV6)
sont responsables de près de la moitiédes cas de SAM
post-infectieux. Suivent par ordre décroissant les mycobac-
téries, les bactéries intracellulaires et pyogènes, puis les
parasites. Il nest pas rare de retrouver deux agents infec-
tieux pathogènes chez le même patient au cours dune
hémophagocytose.
Il faut souligner quil est parfois difficile dimputer la
survenue dun syndrome hémophagocytaire àune infection.
Dune part, lagent infectieux pourrait juste jouer le rôle de
facteur déclenchant sur un terrain immunologique particu-
lier, comme cest le cas chez les enfants ayant une anomalie
génétique particulière du système immunitaire ou chez les
patients sous traitement immunosuppresseur chronique.
Dautre part, limmunosuppression qui résulte du SAM
(secondaire àla neutropénie et parfois aux traitements
770 A. Karras, O. Hermine / La revue de médecine interne 23 (2002) 768–778
administrés) peut favoriser les surinfections secondaires,
rendant parfois impossible le diagnostic étiologique.
Un grand nombre des cas rapportés dans la littérature
surviennent chez des patients immunodéprimésdefaçon
chronique (infection par le VIH, traitement immunosuppres-
seur pour une transplantation ou une maladie systémique,
chimiothérapie anticancéreuse, splénectomie). Il est de ce
fait difficile de savoir si limmunodépression favorise lacti-
vation macrophagique en soi ou plus simplement si cest
linfection qui est àlorigine du SAM. On peut cependant
supposer que limmunosuppression empêche dans certains
cas l’élimination de lagent infectieux, entraînant une sti-
mulation et une activation anormale des lymphocytes et/ou
des macrophages impliqués dans la réponse anti-infectieuse
et souvent infectés par ces agents pathogènes intra-
cellulaires, viraux ou bactériens.
Linfection par le VIH est connue pour être associéeà
des syndromes hémophagocytaires depuis les années 1980
[2]. Dans une étude rétrospective [19] la fréquence est
évaluéeà0,6 % des patients infectés par le VIH. Le
syndrome dactivation macrophagique survient habituelle-
ment dans les stades avancés de la maladie [20],etune
infection opportuniste, voire un lymphome sont retrouvés
dans une majoritédes patients. En reprenant les 27 patients
recensés par Grateau et al. en 1997 [19] et les 21 autres
cas décrits par Sailler et al. [5] et Tiab et al. [8], nous
pouvons analyser les facteurs déclenchants potentiels
(Tableau 3).
Tableau 1
Infections associées au syndrome dactivation macrophagique
Infections virales Infections bactériennes Infections parasitaires et fungiques
HSV Mycobacterium tuberculosis Babésiose
VZV Mycobacterium avium Leishmaniose
EBV Salmonella typhi Toxoplasmose
CMV Borrelia burgdorferi Paludisme
HHV6 Leptospirose Strongyloidiase
HHV8 Brucellose Pneumocystose
Parvovirus B19 Chlamydia psittaci
Adénovirus Mycoplasma pneumoniae
Entérovirus Coxiella burnetii Candida albicans
HAV, HCV Ehrlichiose Aspergillus fumigatus
HIV Rickettsiose Cryptococcus neoformans
Oreillons Syphilis Histoplasma capsulatum
Rubéole Legionella pneumophila Penicillium marneffei
Myxovirus parainuenzae Pneumocoque
Dengue Staphylocoque
Bacilles àGram négatif
.
Tableau 2
Étiologies du syndrome dactivation macrophagique (analyse des 8 plus grandes séries)
Risdall[1] Reiner[2] Albert[7] Tiab[8] Sailler[5] Wong[4] Tsuda[6] Kaito[9] Total Pourcentage
Année 1979 1988 1992 1996 1997 1992 1997 1997
Nombre de patients 19 23 45 23 99 40 23 34 306
Enfants/adultes 6/13 0/23 6/17 9/90 3/37 0/23 1/33
Infection virale 15 10 17 5 12 4 20 4 87 28,4 %
HSV 1 4 3 0 1 0 0 0 9 2,9 %
EBV 1 1 4 1 4 1 7 2 21 6,9 %
CMV 10 7 5 2 5 0 3 0 32 10,5 %
VIH 0 2 3 5 16 1 0 0 27 8,8 %
Autre infection 0 10 10 5 26 10 0 2 63 20,6 %
Bactérie 0 6 7 0 17 10 0 0 40 13,1 %
Mycobactérie 0 0 0 5 2 0 0 0 7 2,3 %
Parasite/champignon 0 4 3 0 7 0 0 2 16 5,2 %
Néoplasie 0 6 18 13 27 18 4 5 91 29,7 %
Lymphome 0 3 9 11 18 16 2 2 61 19,9 %
Autre hémopathie 0 2 9 2 7 1 1 3 25 8,2 %
Cancer solide 0 1 0 0 2 1 1 0 5 1,6 %
Maladie systémique 1 6 3 0 3 4 3 2 22 7,2 %
Sans étiologie 4 2 7 2 16 2 2 20 55 18,0 %
Héréditaire 5 0 10 4 0 0 0 0 19 6,2 %
Pronostic fatal 6 7 28 17 49 18 5 20 150 49 %
.
A. Karras, O. Hermine / La revue de médecine interne 23 (2002) 768778 771
Les infections bactériennes sévères semblent également
pouvoir évoluer vers un syndrome dactivation macropha-
gique, prenant dans ce contexte, la forme dune défaillance
multiviscérale. Des infections àbactéries «banales »(pneu-
mocoque, Escherichia coli et autres bacilles àGram négatif,
staphylocoque) ont étérendues responsables dauthentiques
syndromes hémophagocytaires. Une étude prospective en
réanimation a montréque le myélogramme systématique
chez des patients thrombopéniques au cours dun choc
septique montrait une activation macrophagique dans 60 %
des cas [21]. Cela montre que lhémophagocytose est
probablement sous-estimée, surtout au cours des syndromes
septiques sévères et quelle pourrait expliquer en partie les
pancytopénies observées dans cette pathologie.
3.2.2. Les SAM associésàune néoplasie
Lhémophagocytose peut sassocier, compliquer ou
même révéler une néoplasie évolutive. L’étiologie la plus
fréquente dans ce groupe de SAM est le lymphome de haut
grade de malignité[22-28], pouvant être de différents types,
mais essentiellement (70 % des cas) non hodgkinien de
phénotype T ou NK. Dans la série de Su et al. [24], sur les
23 patients atteints de lymphome avec activation macropha-
gique, 15 présentaient des lymphomes T associésàlEBV.
Cette entitéhématologique désormais bien connue, est
marquée par une hémophagocytose fréquente et extrême-
ment sévère puisque sur les 22 lymphomes T induits par
lEBV rapportés par Yao et al. [25], 15 patients sont décédés
dun SAM d’évolution fulminante. Dans les lymphomes B,
la fréquence du SAM est bien moindre : 7 cas de SAM sur
105 lymphomes B dans la série de Miyahara et al. [26].À
signaler cependant que dans la population dExtrême-
Orient, le pourcentage de lymphomes B parmi les lympho-
mes compliquésdhémophagocytose est plus élevéquen
Occident, atteignant 48 % dans une série japonaise [23].
Dans les lymphomes, le SAM pourrait résulter dune
synthèse anormale de cytokines par les cellules tumorales,
stimulant directement les macrophages ou inhibant les
fonctions cytotoxiques des lymphocytes T, avec pour consé-
quence laugmentation de la charge virale EBV et leur
activation secondaire (comme cela est constatédans les
lymphohistiocytoses familiales de lenfant).
Les autres maladies néoplasiques associées au SAM
peuvent être des hémopathies diverses (leucémie aiguë
myéloblastique ou lymphoblastique, myélome multiple,
myélodysplasie, syndromes myéloprolifératifs) ou des tu-
meurs solides variées (carcinome gastrique ou colique,
thymome, sarcomes divers, cancer pulmonaire àpetites
cellules, tumeurs germinales). Le pourcentage de syndro-
mes hémophagocytaires attribuables àune maladie néopla-
sique est difficile àpréciser, variable selon les séries. Une
analyse cumulée des 8 plus grandes séries publiées (Tableau
2), totalisant plus de 300 patients, montre 20 % de lympho-
mes et 10 % dautres néoplasies (hémopathies ou tumeurs
solides).
3.2.3. Les SAM associésàune maladie systémique
Lhémophagocytose a étédécrite au cours de certaines
pathologies auto-immunes ou inammatoires chroniques
[29-31]. Plusieurs cas de lupus érythémateux systémique
avec hémophagocytose sont signalés dans la littérature, avec
une fréquence de 2,4 % dans la série de Wong et al. [29],
comprenant 250 patients lupiques suivis pendant 3,5 ans.
Les autres affections rapportées sont diverses : connectivite
mixte, sclérodermie, maladie de Still, maladie de Weber-
Christian, maladie de Horton, polyarthrite rhumatoïde, enté-
ropathies inammatoires, maladie de Kikuchi.
Lanalyse des 8 plus grandes séries publiées (Tableau 2)
trouve une maladie systémique chez 7,2 % des malades. Il
est souvent difficile de préciser si lactivation macrophagi-
que est secondaire àla maladie auto-immune ou àune
infection latente survenant chez des patients recevant très
souvent un traitement immunosuppresseur au long cours.
Cependant, dans plusieurs cas décrits dans la littérature,
lhémophagocytose révèle la maladie auto-immune et ré
pond de façon étonnante aux immunosuppresseurs, ce qui
semble écarter un SAM réactionnel àune infection secon-
daire.
3.2.4. Les SAM secondaires àdautres étiologies
Divers facteurs ont étéincriminés dans la survenue dune
activation macrophagique, sans que leur rôle ne soit reconnu
de façon certaine. On note ainsi plusieurs cas dhémopha-
gocytose associéeàla prise de certains médicaments (phé-
nytoïne, acide valproïque) ou àla nutrition parentérale avec
des solutés lipidiques, voire déclenchée par une transfusion
ou une vaccination. On retiendra également la survenue
fréquente dhémophagocytose dans certaines anomalies in-
nées du métabolisme, telles les glycogénoses.
Tableau 3
Étiologies des syndromes dactivation macrophagique chez les patients infectés par le VIH (48 observations [5,8,19])
Infection virale 8 cas 3 CMV, 2 VZV, 1 HSV, 1 EBV, 1 adénovirus
Infection parasitaire 7 cas 3 toxoplasmoses, 1 pneumocystose, 1 cryptococcose, 1 leishmaniose, 1 candidose
Infection àmycobactéries 7 cas 4 atypiques, 3 tuberculoses
Lymphomes 11 cas 6 lymphomes B, 5 lymphomes T
Pas d’étiologie (sauf VIH) 15 cas
.
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