Violences Les infirmières se mobilisent Le voile “pudique” jeté sur les problèmes de violence semble se déchirer. D’après le Conseil international des infirmières (CII), les infirmières sont trois fois plus susceptibles que les autres catégories professionnelles d’être confrontées à la violence. L e CII a décidé de consacrer sa journée internationale 2001 à la violence sous toutes ses formes et signale son nouveau partenariat avec l’OMS. D’après le Code déontologique du CII pour la profession infirmière en 2000 : “Le respect de la vie, de la dignité humaine et des droits de l’homme fait partie intégrante des soins infirmiers”. Parmi toutes les violences, ne seront évoquées ce mois-ci que les violences subies par les victimes admises à recevoir les soins des professionnels. La violence, compte tenu de ses conséquences néfastes, constitue un problème de santé publique majeur dans le monde. Car, outre les blessures et la mort prématurée, la violence entraîne une grande variété de problèmes (trouble de santé mentale, MST, troubles de comportement...). La violence recouvre en fait tout comportement destructeur (du verbal aux coups) envers autrui. Elle ne concerne pas exclusivement la police et la justice mais elle est l’affaire de tout le monde et, au plus haut point, celle des soignants. Jusqu’ici, le secteur de la santé s’est contenté d’un rôle mineur de traitement, de prévention des handicaps et de contrôle des dégâts. Phénomène de mode dont les médias se sont emparés ou bien prise de conscience des victimes qui demandent à être respectées dans leur dignité, respect inscrit dans les droits de l’homme ? Aujourd’hui, prévenir la violence, notamment domestique, c’est d’abord en connaître les facteurs de risque. Ceux-ci sont de mieux en mieux cernés. Pour ne citer que l’abus croissant de stupéfiants et d’alcool, certaines valeurs culturelles qui privilégient une certaine “virilité”, le chômage, la pauvreté, l’exclusion... A travers le monde, la plupart des victimes de la violence sont les femmes. Dans les pays en développement, entre un tiers et la moitié des femmes affirment avoir été battues par leur partenaire. Pour être soignée, la violence doit être abordée avec méthode et nécessite des compétences et l’expertise de plusieurs professionnels car le problème revêt de multiples facettes. L’approche est comparable au processus suivi dans le cadre des soins infirmiers : définition du problème, identification des facteurs de risques et de prévention, intervention. La violence domestique La violence domestique va des violences physiques aux agressions sexuelles ou viols en passant par la violence psychologique et toutes sortes de comportements destructeurs. Certaines pratiques traditionnelles (excision, par exemple) sont considérées comme des actes violents. L’absence de tout système crédible de soutien en faveur des femmes victimes contribue à perpétuer l’escalade de la violence. Celle-ci est définie dans la déclaration des Nations Unies comme “tout acte de violence fondé sur le sexe qui entraîne ou risque d’entraîner une blessure ou une souffrance physique, sexuelle ou psychologique, y compris la menace de perpétrer un tel acte, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, et qui se manifeste dans la vie privée ou dans la vie publique”. La violence domestique concerne aussi les enfants qui, même lorsqu’ils ne sont pas concernés directement sont témoins de faits préjudiciables à leur équilibre et leur santé. Les infirmières qui accueillent aux urgences doivent être sensibilisées à des atteintes corporelles souvent présentées comme des “accidents”. Car la violence domestique est perverse et même la victime, émue par une phase de repentance de l’agresseur, se culpabilise et se fait piéger jusqu’à ce que ce soit trop tard. Il ne faut pas oublier que la majorité des viols et des agressions dans les pays industrialisés se situent dans le cercle familial. Cela contribue à entretenir des mythes qui créent une culture d’acceptation et de tolérance où l’ingérence dans la sphère privée est mal perçue. D’où la difficulté des acteurs de santé d’aborder le problème, d’autant que la victime, honteuse et ayant peur des représailles, nie la violence. Le rôle infirmier est aussi de s’assurer de la sécurité de toute personne vulnérable, de la traiter avec respect et de l’écouter, d’informer sur les réseaux d’aide, d’expliquer les cycles de la violence. Confrontés à une responsabilité de dénoncer la violence et de protéger la victime, les soignants entrent dans un dilemme éthique. C’est pourquoi ce type de soins doit s’envisager avec plusieurs intervenants dans une action multidisciplinaire. A.-L.P. D’après des communications de l’International Council of Nurses. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 26 - mai 2001 17