La Lettre du Psychiatre • Vol. IX - no 3 -mai-juin 2013 | 99
Résumé
Cliniciens et chercheurs se penchent depuis peu sur la prise en charge curative du traumatisme psychique
et de ses conséquences, mais également sur leur prévention. Dans une perspective de prévention dite
secondaire, il s’agit de repérer, au plus près de l’événement, donc bien avant l’émergence clinique des
premiers symptômes constitués, des facteurs qui feraient craindre une évolution morbide. Ce repérage
permettrait de définir une population à risque dans laquelle une vigilance clinique particulière et des
propositions thérapeutiques dédiées contribueraient à diminuer le risque d’évolution psychopathologique.
Outre les approches psychothérapiques immédiates, il devient possible de proposer, dès les premiers temps
qui suivent l’événement, des stratégies médicamenteuses dont l’efficacité est attestée par un nombre
croissant de travaux et étayée par des arguments neurobiologiques consistants.
Mots-clés
État de stress post-
traumatique
Traitement
pharmacologique
Prévention secondaire
Summary
Prevention and treatment is
a recent preoccupation for
clinicians and researchers. The
identification of risk factors of
PTSD should be adressed early,
close to the event rather than
only after the development
of the first psychotraumatic
symptoms. This determination
would make possible the defini-
tion of a vulnerable population.
In this population, a particular
clinical vigilance and dedi-
cated therapeutic approaches
would contribute to decrease
the risk of psychopathological
evolution. In addition to the
necessary post-immediate
psychotherapeutic approaches,
it is now possible to propose,
soon after the event, psycho-
pharmacological strategies
whose effectiveness is attested
by a growing number of studies
and supported by consistent
neurobiological data.
Keywords
Post-traumatic stress disorder
Pharmacological treatment
Secondary prevention
sant – véritable phénomène de conditionnement de
la peur –, le cortex préfrontal infralimbique intervient
pour faciliter les mécanismes d’extinction de la peur,
l’hippocampe participant de son côté au contrôle de
l’équilibre de ces 2 zones pour un stimulus donné par
le biais de la neurogenèse. Agir sur ces mécanismes
avant l’exposition pourrait se faire par des anta-
gonistes des récepteurs des glucocorticoïdes (GR),
Corticotropin Releasing Factor 1 (CRF1) ou cholécys-
tokinine 2 (CCK2), ou encore par des antagonistes
de la vasopressine. Mais, et c’est probablement ce
qui conditionne l’absence de résultats probants chez
l’homme, cette intéressante inhibition limbique sur
l’axe HPA présente également le risque de voir les
mécanismes physiologiques d’extinction inhibés à
leur tour, augmentant paradoxalement le risque
d’ESPT. Malgré toute la prudence nécessaire, il est
intéressant de constater que quelques travaux vont
dans ce sens, de hautes doses de corticostérone
administrées juste après le stresseur inhiberaient
les mécanismes de consolidation mnésique alors
que de petites doses auraient un effet délétère en
facilitant cette consolidation.
Des médicaments pour
une prévention secondaire ?
Un substratum neurobiologique
Les régions cérébrales corticales et sous-corticales
activées lors de la réaction de stress sont multiples,
mais les plus spécifiquement concernées sont le
cortex sensorimoteur et préfrontal, le thalamus, le
striatum, l’amygdale et l’hippocampe, comme en
témoigne un nombre croissant de travaux cliniques
appuyés par les données de l’imagerie (3). L’activa-
tion de ces régions et la communication qui s’établit
entre elles facilitent en effet tant l’appréciation de
la situation dangereuse que sa mémorisation et la
réponse motrice face à elle.
La médiation neurobiologique de ces zones dépend
essentiellement du système GABA-glutamate au
travers d’un phénomène de balance entre processus
inhibiteur et processus activateur. Schématique-
ment, cette balance a pour rôles, d’une part, d’har-
moniser les échanges d’informations dans les réseaux
corticolimbiques et de permettre, d’autre part, le
déclenchement d’une cascade de réponses protec-
trices. La première cible est le niveau d’excitabilité
de l’amygdale. Le réseau amygdalien a en effet une
réactivité excessive lors de la confrontation trau-
matique et de la réaction de stress contemporaine ;
excès qui peut être la conséquence d’un excès d’acti-
vation et/ou d’un défaut d’inhibition.
Concernant le défaut d’inhibition, nous savons
qu’il existe un réseau d’interneurones GABAer-
giques responsable de l’inhibition de la mémori-
sation traumatique, dont le fonctionnement peut
être altéré par une dysfonction de régulation de
neurotransmission GABAergique. Ces altérations
semblent pouvoir être dues à des concentrations
de GABA génétiquement réduites (GABA bas) ou
au polymorphisme du gène codant pour certaines
sous-unités du récepteur GABA-A.
L’excès d’activation semble de son côté lié à une
convergence au niveau de l’amygdale de neuromé-
diateurs excitateurs (glutamate, catécholamines,
CRF), qui favorise l’émergence de la mémorisa-
tion traumatique initiale, et c’est ainsi que l’effet
protecteur des bêtabloquants a pu être mis en
évidence, seule alternative devant l’absence d’anti-
CRF. Toujours lors de cette phase d’exposition au
“stresseur”, l’étiopathogénie fait se succéder une
facilitation de conditionnement de peur et une
non-facilitation des phénomènes d’extinction du
conditionnement aversif, succession représentant
la piste étiopathogénique principale de l’ESPT.
À côté de la balance GABA-glutamate, la modulation
et l’équilibre – ou le déséquilibre – entre ces systèmes
concernent également d’autres peptides, monoa-
mines ou hormones, qui impliquent principalement
les systèmes dopaminergiques, adrénergiques et
sérotoninergiques et conduisent à autant de pistes
pharmacologiques.
Action directe sur la transmission
noradrénergique : clonidine, guanfancine
et propranolol
Dans ce modèle de peur et d’hyperéveil, l’hyperadré-
nergie joue un rôle pathogénique essentiel au travers
des mécanismes d’encodage émotionnel et de conso-