DOSSIER THÉMATIQUE Autour du traumatisme psychique Traumatisme psychique et état de stress post-traumatique : de la prévention au traitement pharmacologique Psychological trauma and post -traumatic stress disorder: from prevention to treatment F. Ducrocq*, **, G. Vaiva** F. Ducrocq G. Vaiva * Pôle des urgences, centre hospitalier universitaire de Lille. ** Pôle universitaire de psychiatrie, centre hospitalier universitaire de Lille. D u point de vue du clinicien ou de celui du patient, les troubles psychotraumatiques ont un coût considérable, et la question de leur prise en charge est centrale. Dans une approche médico-économique, l’enjeu est également majeur, les conséquences du traumatisme psychique ont le triste privilège de faire partie des 10 préoccupations mondiales de santé publique selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), des travaux nord-américains en ayant chiffré le coût à plus de 3 milliards de dollars par an, rien que sur leur territoire (1). Si l’approche thérapeutique du trouble constitué que représente l’état de stress post-traumatique (ESPT) – seul ou comorbide – s’inscrit dans un périmètre dont les contours sont actuellement bien définis, comme en témoigne l’abondante littérature sur le sujet, la question de sa prévention demeure encore en phase exploratoire, mais les travaux à son sujet sont de plus en plus concordants. Un intérêt clinique et scientifique croissant permet en effet actuellement d’adosser à des fondements neurobiologiques devenus consistants des approches pharmacologiques dont l’efficacité n’est plus remise en cause, tant sur le plan préventif que curatif. La prévention se centrera principalement sur les stratégies dites de “prévention secondaire”. Dans les suites immédiates de la confrontation à l’événe- 98 | La Lettre du Psychiatre • Vol. IX - no 3 - mai-juin 2013 ment traumatique, le praticien repérera certains éléments considérés comme des facteurs de risque de développer un trouble ultérieur (facteurs liés à l’événement, au sujet ou à la réaction de celui-ci à celui-là) pour proposer une approche médicamenteuse dans un délai de 24 à 48 heures et pour une durée courte de 8 à 10 jours (2). En amont, des arguments encore précliniques ébauchent l’idée d’une véritable prévention primaire alors qu’en aval la prévention tertiaire est dédiée au trouble constitué et à ses conséquences, tant en termes de souffrance psychique psychotraumatique que de comorbidité (troubles de l’humeur, addictions, ou encore morbi-mortalité suicidaire). Peut-il exister une prévention primaire ? S’il ne s’agit à ce jour que de travaux précliniques, une attitude de prévention primaire est néanmoins envisageable ; favoriser les stratégies d’adaptation faciliterait, par exemple, les mécanismes d’extinction du stress. En effet, si le cortex préfrontal prélimbique facilite l’émergence d’une mémorisation excessive de la peur en transformant au niveau de l’amygdale basolatérale un input transitoire en un output puis- Résumé Cliniciens et chercheurs se penchent depuis peu sur la prise en charge curative du traumatisme psychique et de ses conséquences, mais également sur leur prévention. Dans une perspective de prévention dite secondaire, il s’agit de repérer, au plus près de l’événement, donc bien avant l’émergence clinique des premiers symptômes constitués, des facteurs qui feraient craindre une évolution morbide. Ce repérage permettrait de définir une population à risque dans laquelle une vigilance clinique particulière et des propositions thérapeutiques dédiées contribueraient à diminuer le risque d’évolution psychopathologique. Outre les approches psychothérapiques immédiates, il devient possible de proposer, dès les premiers temps qui suivent l’événement, des stratégies médicamenteuses dont l’efficacité est attestée par un nombre croissant de travaux et étayée par des arguments neurobiologiques consistants. sant – véritable phénomène de conditionnement de la peur –, le cortex préfrontal infralimbique intervient pour faciliter les mécanismes d’extinction de la peur, l’hippocampe participant de son côté au contrôle de l’équilibre de ces 2 zones pour un stimulus donné par le biais de la neurogenèse. Agir sur ces mécanismes avant l’exposition pourrait se faire par des antagonistes des récepteurs des glucocorticoïdes (GR), Corticotropin Releasing Factor 1 (CRF1) ou cholécystokinine 2 (CCK2), ou encore par des antagonistes de la vasopressine. Mais, et c’est probablement ce qui conditionne l’absence de résultats probants chez l’homme, cette intéressante inhibition limbique sur l’axe HPA présente également le risque de voir les mécanismes physiologiques d’extinction inhibés à leur tour, augmentant paradoxalement le risque d’ESPT. Malgré toute la prudence nécessaire, il est intéressant de constater que quelques travaux vont dans ce sens, de hautes doses de corticostérone administrées juste après le stresseur inhiberaient les mécanismes de consolidation mnésique alors que de petites doses auraient un effet délétère en facilitant cette consolidation. Des médicaments pour une prévention secondaire ? Un substratum neurobiologique Les régions cérébrales corticales et sous-corticales activées lors de la réaction de stress sont multiples, mais les plus spécifiquement concernées sont le cortex sensorimoteur et préfrontal, le thalamus, le striatum, l’amygdale et l’hippocampe, comme en témoigne un nombre croissant de travaux cliniques appuyés par les données de l’imagerie (3). L’activation de ces régions et la communication qui s’établit entre elles facilitent en effet tant l’appréciation de la situation dangereuse que sa mémorisation et la réponse motrice face à elle. La médiation neurobiologique de ces zones dépend essentiellement du système GABA-glutamate au travers d’un phénomène de balance entre processus inhibiteur et processus activateur. Schématiquement, cette balance a pour rôles, d’une part, d’harmoniser les échanges d’informations dans les réseaux corticolimbiques et de permettre, d’autre part, le déclenchement d’une cascade de réponses protectrices. La première cible est le niveau d’excitabilité de l’amygdale. Le réseau amygdalien a en effet une réactivité excessive lors de la confrontation traumatique et de la réaction de stress contemporaine ; excès qui peut être la conséquence d’un excès d’activation et/ou d’un défaut d’inhibition. Concernant le défaut d’inhibition, nous savons qu’il existe un réseau d’interneurones GABAergiques responsable de l’inhibition de la mémorisation traumatique, dont le fonctionnement peut être altéré par une dysfonction de régulation de neurotransmission GABAergique. Ces altérations semblent pouvoir être dues à des concentrations de GABA génétiquement réduites (GABA bas) ou au polymorphisme du gène codant pour certaines sous-unités du récepteur GABA-A. L’excès d’activation semble de son côté lié à une convergence au niveau de l’amygdale de neuromédiateurs excitateurs (glutamate, catécholamines, CRF), qui favorise l’émergence de la mémorisation traumatique initiale, et c’est ainsi que l’effet protecteur des bêtabloquants a pu être mis en évidence, seule alternative devant l’absence d’antiCRF. Toujours lors de cette phase d’exposition au “stresseur”, l’étiopathogénie fait se succéder une facilitation de conditionnement de peur et une non-facilitation des phénomènes d’extinction du conditionnement aversif, succession représentant la piste étiopathogénique principale de l’ESPT. À côté de la balance GABA-glutamate, la modulation et l’équilibre – ou le déséquilibre – entre ces systèmes concernent également d’autres peptides, monoamines ou hormones, qui impliquent principalement les systèmes dopaminergiques, adrénergiques et sérotoninergiques et conduisent à autant de pistes pharmacologiques. Mots-clés État de stress posttraumatique Traitement pharmacologique Prévention secondaire Summary Prevention and treatment is a recent preoccupation for clinicians and researchers. The identification of risk factors of PTSD should be adressed early, close to the event rather than only after the development of the first psychotraumatic symptoms. This determination would make possible the definition of a vulnerable population. In this population, a particular clinical vigilance and dedicated therapeutic approaches would contribute to decrease the risk of psychopathological evolution. In addition to the necessary post-immediate psychotherapeutic approaches, it is now possible to propose, soon after the event, psychopharmacological strategies whose effectiveness is attested by a growing number of studies and supported by consistent neurobiological data. Keywords Post-traumatic stress disorder Pharmacological treatment Secondary prevention Action directe sur la transmission noradrénergique : clonidine, guanfancine et propranolol Dans ce modèle de peur et d’hyperéveil, l’hyperadrénergie joue un rôle pathogénique essentiel au travers des mécanismes d’encodage émotionnel et de consoLa Lettre du Psychiatre • Vol. IX - no 3 -mai-juin 2013 | 99 DOSSIER THÉMATIQUE Autour du traumatisme psychique Traumatisme psychique et état de stress post-traumatique : de la prévention au traitement pharmacologique lidation mnésique, et plusieurs molécules ont été proposées pour en modérer l’intensité ou la portée. Des interventions directes sur la transmission adrénergique sont possibles, avec la clonidine et la guanfancine, agonistes α2-adrénergiques qui diminuent le largage d’adrénaline en activant les autorécepteurs présynaptiques. Ces molécules se sont révélées efficaces chez des vétérans, des réfugiés cambodgiens et des enfants présentant un ESPT mais seul le propranolol a été évalué au décours immédiat du trauma (1). Bloqueur β1et β2-adrénergique non sélectif, il a été utilisé avec succès dans plusieurs travaux depuis que R.K. Pitman a réalisé la première étude contrôlée publiée, proposant du propranolol à la posologie de 40 mg × 3/j sur une durée de 10 jours, dès la salle d’urgence, dans les 6 premières heures suivant la survenue de l’événement (4). La population était constituée de 41 patients recrutés sur des critères concernant l’événement et son vécu, l’absence de lésion physique grave et une fréquence cardiaque supérieure à 80 bpm. L’efficacité préventive de la molécule (ESPT à 1 mois de 30 % dans le groupe placebo versus 10 % dans le groupe propranolol), associée à un effet positif de la molécule active sur des mesures physiologiques (électromyogramme [EMG], conductance cutanée, réactivité physiologique), permettait de conclure à l’intérêt d’une telle prescription. Nousmêmes avons confirmé cet intérêt préventif dans un travail pilote prospectif qui relevait l’efficacité du propranolol dans les 9 heures suivant l’exposition au trauma (agression, accident de voie publique) chez 20 sujets (5). Ces travaux ont depuis été répliqués et, si l’on respecte les précautions d’usage liées à l’administration de ce cardiotrope, le propranolol semble représenter une piste prioritaire ; si l’on y a eu peu recours jusqu’à présent, c’est en raison des contraintes liées à sa prise. Interventions sur les modulations de la transmission adrénergique du neuropeptide Y, et des antagonistes du CRF, opiacés et benzodiazépines Le neuropeptide Y (NPY) est un acide aminé qui inhibe la libération du neurotransmetteur auquel il est associé. Des études précliniques soulignent son rôle anxiolytique dans différents modèles animaux quand un effet antistress a été documenté chez des volontaires sains soumis à un stress intense. Selon A.M. Rasmusson et al., une diminution des capacités 100 | La Lettre du Psychiatre • Vol. IX - no 3 - mai-juin 2013 du NPY à moduler la noradrénaline augmenterait le risque de développement d’un ESPT après exposition à un événement traumatique, mais l’efficacité d’une administration précoce de NPY dans les suites immédiates de l’événement traumatique demeure à évaluer (6). Les opiacés endogènes, en inhibant les actions de la noradrénaline et du CRF, jouent également un rôle de contre-régulation dans le système nerveux central (SNC), et l’administration d’opiacés dans les suites immédiates de tâches d’apprentissage diminue les processus d’encodage mnésique de la mémoire à long terme. G. Saxe et al. ont vérifié son efficacité chez des enfants victimes de brûlures graves pour qui l’administration de morphine était corrélée à une diminution de l’intensité de la symptomatologie psychotraumatique à 6 mois, indépendamment du degré d’antalgie (7). Plus récemment, 2 groupes de militaires américains sérieusement blessés lors du conflit en Irak ont été comparés, les uns ayant reçu des dérivés morphiniques à visée antalgique lors de leur évacuation médicale (2 à 5 mg i.v.) et les autres non [8]. Une association négative entre morphine et ESPT (OR = 0,47) étaient relevée, association indépendante de la sévérité du traumatisme physique, de la présence d’un traumatisme crânien ou encore de tout geste chirurgical délabrant. Le caractère neuroprotecteur de la morphine semblait par ailleurs totalement indépendant de sa posologie. Neurotransmetteur cérébral inhibiteur ubiquitaire, le GABA est potentialisé par les benzodiazépines, et des taux plasmatiques bas de GABA au décours du trauma ont été mis en relation avec le développement ultérieur d’un syndrome psychotraumatique, comme nous l’avons vu plus haut (9). Mais si de rares auteurs ont relevé l’intérêt des benzodiazépines pour améliorer ponctuellement certains symptômes spécifiques dans le trouble constitué (souvenirs intrusifs, hyperactivité neurovégétative ou troubles du sommeil), de nombreux autres dénoncent l’utilisation systématique et prolongée de ces molécules (10). Outre les risques addictifs et un retentissement néfaste sur les fonctions supérieures, les benzodiazépines ont été associées à un amoindrissement des nécessaires phénomènes d’extinction et à des taux plus élevés d’ESPT (11). Elles sont donc considérées par plusieurs auteurs comme favorisant la survenue de troubles psychotraumatiques séquellaires, ou aggravant ceux-ci : exacerbation des troubles du comportement et absence d’amélioration des symptômes psychotraumatiques sous alprazolam ou encore absence d’efficacité du clonazépam, de l’alprazolam ou du DOSSIER THÉMATIQUE témazépam dans plusieurs travaux contrôlés sur 6 semaines ou 6 mois (12). La prescription de benzodiazépines au décours du trauma semble donc devoir demeurer prudente, ponctuellement destinée à lutter contre des symptômes d’hyperréactivité neurovégétative très intenses dans le contexte de l’urgence, et sans bénéfice préventif à attendre sur une éventuelle évolution psychotraumatique. Interventions sur la transmission glutamatergique : antiglutamate La dissociation péritraumatique est un phénomène clinique dans lequel des sous-types de récepteurs glutamatergiques NMDA (N-méthyl-D-aspartate) jouent un rôle important. Agissant sur la diminution de la libération de glutamate, un agoniste des récepteurs NMDA tel que la lamotrigine s’est avéré efficace dans la diminution des symptômes dissociatifs et des distorsions cognitives induits par la kétamine chez des volontaires sains (13). La molécule devrait logiquement faire l’objet d’essais cliniques dans l’état de stress aigu ou la dissociation péritraumatique. Des consignes de prudence demeurent cependant de mise, car les efforts précoces du clinicien pour lutter pharmacologiquement contre les manifestations cliniques immédiates par cet effet antiglutamate pourraient également entraver les phénomènes d’apprentissage et les processus d’extinction au point de handicaper les processus de récupération. Interventions sur la transmission sérotoninergique : néfazodone, mirtazapine, buspirone et antidépresseurs sérotoninergiques Les systèmes sérotoninergiques sont une des principales cibles des réactions de stress, notamment dans l’amygdale. Les actions sur les voies sérotoninergiques représentent donc des perspectives intéressantes. Si l’antagoniste sérotoninergique 5-HT2A néfazodone présente cet intérêt théorique, il est surtout reconnu comme ayant un impact déterminant sur les symptômes clés de l’ESPT constitué ainsi que sur certains symptômes associés tels que l’irritabilité et les troubles du sommeil (14). En revanche, cette efficacité a également été validée sur les symptômes dissociatifs, ce qui laisse présager d’un intérêt en prévention secondaire. De la même manière, la mirtazapine est considérée comme susceptible de contrôler la charge anxieuse et l’hyperréactivité neurovégétative dans l’ESPT ; nous attendons des travaux plus ciblés la concernant dans les troubles aigus. À l’heure où la France voit apparaître des indications officielles pour certains inhibiteurs sélectifs de recapture de la sérotonine (ISRS) dans le traitement du trouble constitué, certains pourraient être tentés d’utiliser cette classe thérapeutique précocement après la survenue de l’événement traumatique. Une grande prudence s’impose, car ces molécules sont susceptibles de majorer la composante anxieuse et semblent, sur la base notamment de travaux précliniques, participer de l’aggravation du risque de développer un ESPT si elles interviennent trop tôt. En pratique, cette prescription ne semble pas indiquée dans le premier mois qui suit l’événement, par exemple chez les sujets en état de stress aigu. Interventions sur la transmission histaminergique : hydroxyzine Des arguments nombreux et convergents indiquent que la voie histaminergique est très impliquée dans les phénomènes de stress, notamment dans le maintien de la vigilance, l’hyperéveil, les réponses cognitives au stress ou les phénomènes de conditionnement de la peur. Dans les troubles psychotraumatiques, l’intérêt théorique du blocage histaminergique par l’hydroxyzine est ainsi double : éviter la mise en place des phénomènes de conditionnement au niveau hippocampique et contrôler le retentissement de l’hyperadrénergie sur l’amygdale. Néanmoins, si dans notre expérience clinique, l’hydroxyzine, prescrite dans les toutes premières heures qui suivent l’exposition à l’événement à une posologie de 50 à 100 mg/j, a pu faire preuve d’une réelle efficacité, la seule étude contrôlée menée à ce jour n’a pas permis de confirmer formellement ces résultats. Le traitement du trouble constitué : l’état de stress post-traumatique Malgré la complexité étiopathogénique du trouble constitué et la multiplicité des voies neurobiologiques concernées, la pharmacologie de l’ESPT représente un champ relativement homogène, et la majorité des auteurs s’accordent à relever la bonne efficacité d’un nombre relativement restreint de La Lettre du Psychiatre • Vol. IX - no 3 -mai-juin 2013 | 101 DOSSIER THÉMATIQUE Autour du traumatisme psychique Traumatisme psychique et état de stress post-traumatique : de la prévention au traitement pharmacologique classes thérapeutiques et de molécules. De plus, depuis quelques années, les biais des premiers travaux des années 1980 sont évités, travaux qui ont en effet trop longtemps porté sur des populations uniques de vétérans de guerre, un peu trop exclusivement des hommes, ou encore qui ne disposaient pas du recul suffisant ou qui ne prenaient pas en considération la comorbidité ou le retentissement global du trouble. C’est sur la foi de résultats d’études contrôlées (randomisées en double aveugle versus placebo), maintenant nombreuses, qu’ont pu émerger des conférences de consensus, des recommandations et une revue Cochrane. Ces travaux ne concernent pas moins de 25 molécules issues de 14 classes thérapeutiques différentes. En toute cohérence avec plusieurs recommandations internationales et le National Institute of Clinical Excellence (NICE), un consensus franc se dégage actuellement sur l’intérêt des ISRS (15). En 2006, une toute première revue Cochrane confirmait déjà l’efficacité de cette classe en première ligne. Beaucoup plus récemment, J.C. Ipser et D.J. Stein revisitaient l’ensemble des travaux traitant de la pharmacologie de l’ESPT en retenant 37 études contrôlées d’une durée allant de 4 à 24 semaines, portant sur pas moins de 1 940 admissibles, suivant des critères méthodologiques très stricts et enrôlant plus de 5 000 patients (1). Si l’intérêt des sérotoninergiques était confirmé, l’enthousiasme initial s’est vu un peu modéré, car l’efficacité clinique semble encore inconstante, les durées de traitement demeurent mal définies et si l’association avec d’autres molécules est manifestement efficace, se pose encore la question de la monothérapie. En outre, d’autres classes thérapeutiques semblent présenter un profil très prometteur, notamment après l’échec des ISRS ou en cas d’ESPT complexes ou chronicisés. Inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine et inhibiteurs de recapture de la sérotonine et de la noradrénaline Antidépresseurs tricycliques et inhibiteurs de monoamine oxydase Nouveaux antidépresseurs Sur des bases théoriques suggérant des liens cliniques et neurobiologiques entre l’attaque de panique et les symptômes de répétition de l’ESPT, les antidépresseurs tricycliques et les inhibiteurs de monoamine oxydase (IMAO) ont fait l’objet des premiers travaux contrôlés dans les années 1980. La désipramine, l’amitriptyline, l’imipramine, la phénelzine ou encore le broforamine ont pu s’avérer efficaces, ces molécules ne sont actuellement plus à privilégier (16). 102 | La Lettre du Psychiatre • Vol. IX - no 3 - mai-juin 2013 Les antidépresseurs sérotoninergiques ciblent fortement la réponse émotionnelle par leur activité dans la modulation de la réponse au stress, l’impulsivité, les intrusions et, plus largement, la régulation de l’anxiété. Ils ont donc fait l’objet de très nombreux travaux concluant à leur efficacité, leur tolérance et leur sécurité d’emploi. Ils représentent actuellement la classe de première intention dans la pharmacologie de l’ESPT constitué, bien que la poursuite de travaux semble encore nécessaire à certains (17). Si ces molécules se sont initialement avérées efficaces en favorisant la réduction symptomatique du trouble ainsi que la prévention de la rechute, la réponse au traitement serait finalement plutôt modeste, les bons répondeurs ne représentant en moyenne que 60 à 70 % des sujets traités quand seuls 30 à 40 % bénéficieraient d’une guérison totale du trouble (18). La fluoxétine a été la première molécule étudiée, mais actuellement nous ne disposons d’indications officielles que pour la sertraline, aux États-Unis, et la paroxétine, aux États-Unis et en Europe. Si l’efficacité de ces 3 molécules semble très comparable à la fois dans le traitement curatif du trouble constitué et dans la prévention de la rechute, la sertraline semblerait un peu moins bien tolérée que les 2 autres (16). La venlafaxine et la mirtazapine ont représenté des pistes thérapeutiques intéressantes, sans que la littérature puisse cependant hiérarchiser l’intérêt de l’une ou de l’autre de ces molécules. Cela a fait évoquer la possibilité d’un véritable effet commun lié à la classe elle-même (19, 20). Après que plusieurs études ouvertes ont relevé une efficacité intéressante de la néfazodone, tant sur la globalité du trouble que, spécifiquement, sur les cauchemars et la dimension anxieuse, des travaux contrôlés ont permis de relever une efficacité significative de la molécule, assortie de consignes de prudence quant à l’hépatotoxicité du produit. De profil comparable, notamment sur l’activité 5-HT2 et α1-adrénergique, la trazodone est proposée en coprescription pour améliorer les troubles du sommeil induits ou non contrôlés par les ISRS (21). DOSSIER THÉMATIQUE Anticonvulsivants Du fait de leur effet antikindling permettant de lutter contre l’hypersensibilisation limbique, la classe des anticonvulsivants semble représenter une alternative théoriquement privilégiée. Il s’agit en revanche d’un groupe très hétérogène dont les mécanismes d’action demeurent à l’heure actuelle complexes et pas toujours précisément compris. Si l’utilisation de la carbamazépine ou de la gabapentine, seules ou en association avec des ISRS, a été considérée comme efficace dans le cadre de travaux ouverts, les inhibiteurs glutamatergiques que sont la lamotrigine et le topiramate ont fait l’objet de travaux non contrôlés chez l’être humain (13). C’est également le cas de la tiagabine : une étude multicentrique très robuste a été menée sur 12 semaines et n’atteint pas le seuil de significativité en termes d’efficacité. Si les anticonvulsivants ont longtemps été considérés comme très prometteurs, les travaux les plus récents tendent ainsi à modérer cet impact (22). certains symptômes associés à des ESPT chroniques, complexes et résistants, ou encore dans des formes cliniques très dissociatives. Actuellement, des antipsychotiques atypiques tels que l’olanzapine, la rispéridone ou la quétiapine ont fait preuve d’un intérêt clinique, notamment à faible posologie et en traitement adjuvant aux ISRS (23). Conclusion Antipsychotiques Finalement, l’intérêt des ISRS (paroxétine, sertraline et fluoxétine) est confirmé ; le citalopram, la mirtazapine, tout comme les anticonvulsivants, ont été jugés efficaces, mais les travaux les concernant doivent se poursuivre. Du côté des antipsychotiques, la rispéridone semble présenter un intérêt spécifique en deuxième intention. Face à l’ESPT constitué, il semble recommandé de poursuivre le traitement par ISRS à pleine posologie pendant au moins 1 an, tout en rappelant les consignes de grande vigilance clinique durant les 2 premiers mois qui suivent un arrêt, lequel doit demeurer prudent et progressif afin d’éviter les rechutes. ■ Des rapports de cas ont suggéré une efficacité très focalisée des neuroleptiques classiques sur Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références bibliographiques 1. Ipser JC, Stein DJ. Evidence-based pharmacotherapy of post-traumatic stress disorder (PTSD). Int J Neuropsychopharmacol 2012;15(6):825-40. 2. Ducrocq F, Vaiva G. [From stress to post traumatic stress disorder]. Rev Prat 2010;60(6):796-800. 3. Lanius RA, Bluhm R, Lanius U, Pain C. A review of neuroimaging studies in PTSD: heterogeneity of response to symptom provocation. J Psychiatr Res 2006;40(8):709-29. 4. Pitman RK, Sanders KM, Zusman RM et al. 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