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gence et de situations à risque (tableau 2). Le tableau 3
présente les situations pathologiques à suspecter, en pré-
sence de tel ou tel drapeau rouge.
S’il y a eu
traumatisme
, il est utile d’en spécifier le méca-
nisme. Il s’agit le plus souvent de traumatismes contondants,
comme une chute avec réception sur l’épaule (luxation acro-
mio-claviculaire, fracture de clavicule) ou une chute sur le
bras en extension (fracture de l’humérus proximal). La luxa-
tion gléno-humérale peut être provoquée par des contrac-
tions musculaires violentes, comme celles générées lors
d’une crise épileptique (grand mal) ou d’une électrocution.
En ce qui concerne
la douleur
, il importe de distinguer le ca-
ractère mécanique (à l’effort) ou inflammatoire (nocturne, au
repos), l’irradiation (par exemple, les dermatomes C4 et C5
recouvrent largement l’épaule, C6 le pouce, C7 l’index et le
majeur et C8 l’auriculaire), et la localisation précise si pos-
sible. Une topographie
postérieure en regard de l’omoplate
est
rarement en relation avec une pathologie de la coiffe des
rotateurs ou une arthropathie de l’épaule, mais souvent la
manifestation d’une atteinte viscérale ou, le plus souvent,
d’une atteinte cervicale. Les mouvements et activités qui
exacerbent la douleur sont aussi à rechercher. Dans ce cadre,
il convient de préciser le type de travail, les loisirs et les
sports pratiqués en mettant l’accent sur d’éventuels chan-
gements de charge soulevée et d’équipements utilisés. Cer-
tains symptômes associés sont d’importants indices, comme
une faiblesse ou une raideur
, l’atteinte ou non du côté domi-
nant. Il ne faut pas non plus négliger l’
anamnèse systématique
,
afin de ne pas manquer une douleur référée (tableaux 1 et 3).
On recherchera des symptômes cardio-pulmonaires, digestifs
et neurologiques en particulier, ainsi que des symptômes
généraux (fatigue, etc.) et ostéo-articulaires associés (par
exemple, cervicaux ou du membre supérieur ipsilatéral :
coude, poignet, doigts). Certaines
comorbidités
, comme le dia-
bète, l’hypothyroïdie (tous deux augmentant le risque de
capsulite rétractile) ou une néoplasie sont un contexte par-
ticulier qui implique la considération de pathologies spéci-
fiques. Enfin, les
antécédents
, comme un traumatisme ancien
et les traitements, une éventuelle chirurgie à ce niveau, sont
importants à noter.
Examen clinique
L’
examen clinique de l’épaule doit comporter
une inspection
soigneuse torse nu, en portant une attention particulière sur
les techniques d’habillage et de déshabillage. Il est utile de
noter la
trophicité du deltoïde
; bien développé, ce muscle
permet souvent de compenser, voire de masquer les lésions
sous-jacentes de la coiffe des rotateurs. La
mobilité passive
,
puis la
mobilité active
en position assise, en comparant les
deux épaules. La force sera mesurée dans les différents
plans. Pour vérifier la fonction spécifique de chaque muscle
ou en définir l’atteinte, on peut utiliser des
tests musculaires
spécifiques (figure 3 et tableau 4).
Leur interprétation doit de-
meurer prudente
, en raison de leur faible sensibilité (beaucoup
de faux négatifs) pour la détection d’une atteinte de la coiffe
des rotateurs, pour laquelle peu d’entre eux sont donc
réellement diagnostiques. Leur utilité peut être améliorée
par la combinaison de tests. En fonction des drapeaux rouges
présents et
surtout si la douleur n’est pas reproduite au status de
l’épaule
, l’examen d’autres organes, en particulier cardio-pul-
monaire et digestif, est capital.
Examens complémentaires
Les examens complémentaires ne sont pas toujours in-
dispensables et leur indication dépend du contexte. La
majorité des pathologies articulaires de l’épaule peuvent
être traitées de manière conservatrice,
sans avoir recours à
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Tableau 2. Drapeaux rouges1-3
Critères d’urgence
• Apparition brutale de la douleur
• Douleur non liée à la mobilisation cervicale ou du membre supérieur
(poignet, coude, épaule) et de localisation vague
• Etat fébrile
• Frissons
• Symptômes associés :
– généraux : fatigue, perte pondérale
– cardiovasculaires
– pulmonaires
– digestifs
R leur présence implique des investigations dont le type et le
degré dépendent du contexte clinique
Situations à risque
• Traumatisme
• Déficit neurologique
R dans ces situations, une prise en charge spécialisée est
nécessaire
Critères d’urgence Suspicion diagnostique
et situations à risque
Etat fébrile, frissons, rougeur locale Arthrite septique (rare au niveau
de l’épaule : l 0,01%)
Apparition brutale de la douleur Urgence cardiovasculaire ou
viscérale, par exemple, infarctus
du myocarde, rupture d’anévrisme
aortique, ulcère gastroduodénal
perforé
Symptômes B (perte pondérale, Tumeur : 7% des métastases
sudations nocturnes, fatigue), osseuses situées au niveau de
contexte de néoplasie connue l’humérus proximal
Douleurs de type inflammatoire, Arthropathie inflammatoire :
bilatérales ou diffuses, symptômes polyarthrite rhumatoïde (PR),
généraux : baisse d’état général, goutte, arthrite psoriasique
fatigue N. B. si L 60 ans : penser à
la polymyalgia rheumatica
Symptômes associés : par exemple, Douleur viscérale : par exemple,
douleur thoracique ou rétro- pneumonie, syndrome coronarien
sternale (DRS), douleur respiro- aigu, anévrisme aortique, ulcère
dépendante, dyspnée, toux, gastroduodénal perforé
hémoptysie, douleur abdominale, N. B. Toute irritation de la plèvre
trouble du transit médiastinale, du péricarde ou du
Douleur non reproductible à la diaphragme peut provoquer des
mobilisation cervicale ou du douleurs d’épaule !
membre supérieur
Douleur cervicale, contexte de Pathologie discale, musculo-
pathologie connue de la colonne vertébrale (surtout C4-5-6)
vertébrale
Notion de traumatisme (même Fracture-luxation
ancien !), de crise d’épilepsie/
électrocution
N. B. patient ostéoporotique à risque
Déficit sensitivomoteur nouveau Lésion neurologique
Tableau 3. Suspicion diagnostique en fonction des
drapeaux rouges
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