de consultation, guidés pour cela par
leur propre théorisation du trouble ou
par divers professionnels.
Un enfant qui a des problèmes à l’école,
mauvais résultats scolaires ou troubles
du comportement, va aller presque in-
différemment vers l’un ou l’autre des
deux modèles.
La réponse pourra alors être que le pro-
blème cognitif et que l’inadap tation sco-
laire sont à l’origine des problèmes psy-
choaffectifs de l’enfant, ou que le pro-
blème psychoaffectif est à l’origine des
troubles neurocognitifs. En réalité, les
problèmes sont intriqués, avec une part
plus ou moins importante de l’un et de
l’autre, mais il s’ensuivra :
첸
dans le premier cas, une remédiation
neuropsychologique, une rééducation
orthophonique, ergothérapique, or-
thoptique, proposées sous la férule d’un
neuropédiatre en CHU ;
첸
dans le deuxième cas, une rééduca-
tion (parfois à visée psychothérapique)
ou bien une psychothérapie ou un suivi
en CATTP (centre d’accueil et de traite-
ment à temps partiel), proposés à l’en-
fant sous la responsabilité d’un pédo-
psychiatre, le plus souvent en centre
médico-psychologique infantile (CMPI).
Cette présentation n’est qu’en apparen-
ce caricaturale ; elle correspond à la réa-
lité de la pratique.
Le modèle neurocognitif connaît ses li-
mites quand le clinicien a le sentiment
que le rapport du patient au réel est al-
téré par son affectivité (mais n’y a-t-il
pas une part d’altération liée aux diffi-
cultés du traitement de l’information),
et le modèle psychodynamique connaît
les siennes quand le praticien constate
chez un patient qui semble psychique-
ment équilibré des difficultés d’adapta-
tion qui semblent liées à des problèmes
de maîtrise du réel proposé (langage
oral, lecture, écriture, calcul).
Tout cela est d’autant plus compliqué
que l’enfant est plus petit et que le déve-
loppement est intriqué avec la commu-
nication, notamment en ce qui concerne
le langage.
Dans ce domaine, le problème le plus
complexe est celui de la psychose, quel-
le qu’en soit la nature. Si on met à part
Médecine
& enfance
septembre 2009
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l’autisme et les schizophrénies infan-
tiles, le terme psychotique, ou dyshar-
monique, s’adresse à de nombreuses
formes de psychoses infantiles assorties
de l’adjectif qualificatif psychotique,
terme générique derrière lequel person-
ne, même parmi les pédopsychiatres, ne
met exactement le même contenu : à un
moment donné, un enfant, petit ou
grand, peut se sentir tellement à part,
tellement étranger dans un monde dont
il n’a pas le mode d’emploi qu’il va avoir
des comportements et des réactions qui
nous semblent bizarres [20].
LE LANGAGE ORAL
ET SES COMPLEXITÉS
Le code et le modèle inférentiel illus-
trent bien le fait que le langage n’est pas
seulement un code. Le modèle du code
(qui s’applique bien à la communication
animale) revient à dire que les phrases
sont des signaux complexes qu’il suffit
de décoder en faisant correspondre des
idées aux signaux. Le modèle inférentiel
insiste sur la pragmatique langagière et
sur le fait que la compréhension auto-
matique et inconsciente est avant tout
un processus d’inférence partant d’in-
dices qui aboutissent au sens voulu par
le locuteur.
Ainsi, lorsque Humpty Dumpty dit à Ali-
ce qu’au-delà de ce qui est dit (les
mots), le langage veut dire (leur sens)
exactement ce qu’entend signifier celui
qui commande, il ne fait rien d’autre
que pousser ce modèle à l’extrême, mais
il ne s’éloigne pas vraiment de ce qui se
passe dans la vie courante, dans les rap-
ports de force hiérarchiques ou d’ensei-
gnant à élève.
La récursivité est le fait que, lorsque l’on
parle, chaque proposition est enchâssée
dans une autre, et ainsi de suite. Par
exemple : « Je pense que tu penses
qu’elle pense que je pense que tu
mens ». Aucun animal n’est capable
d’exprimer l’idée véhiculée par cette
phrase.
La temporalité : l’expression un tant soit
peu précise de la notion du temps ne
peut se faire que par le langage (essayez
de dire « Hier soir, je me suis couché de
bonne heure » en arrivant à Pékin).
La pensée (narration et raisonnement).
Le passage du protolangage au langage
se situe dans la capacité à raconter et à
raisonner : lorsque l’on écoute une in-
formation (in vivo ou à la radio), suit en
général l’argumentation (dans le cas
contraire, elle manque).
Certains pensent que, dans l’histoire de
l’émergence du langage chez l’humain,
la narration (mythes, histoires…) a pré-
cédé le raisonnement (la science), la
métaphore étant l’un des modes d’ex-
pression du raisonnement les plus an-
ciens et les plus répandus.
Le sens figuré et le grécoromain. « Il se
croyait sorti de la cuisse de Jupiter,
mais il est tombé de Charybde en Scylla,
narcissique comme il l’était ; car lors-
qu’il a ouvert la boîte de Pandore, il a
été ipso facto voué aux gémonies par
son alter ego qui, habituellement, jouait
les Cassandre mais qui, ce jour-là, après
avoir perdu le fil (d’Ariane), tomba
dans les bras de Morphée. » Les adultes
ne s’en rendent pas compte mais ils par-
lent sans cesse de cette manière, et les
enfants éprouvent bien des difficultés à
les suivre.
Résumons : modèle inférentiel, récursi-
vité, temporalité, narration et raisonne-
ment, c’est la définition même de la na-
ture du langage. On ne peut parler de
langage que si l’enfant est capable d’ex-
primer avec cet outil les choses com-
plexes citées ci-dessus.
LES MOYENS
D’ADAPTATION DES
ENFANTS SANS LANGAGE
À DEUX ANS
Il faut rappeler ici qu’à deux ans un en-
fant parle ; autrement dit, il raconte et il
raisonne. Le fait de raconter et de rai-
sonner lui permet de se faire com-
prendre, d’expliquer ce qu’il veut et ce
qu’il ne veut pas, d’exprimer aussi son
opinion en argumentant, ou encore de
comprendre l’argumentation de l’autre
(les parents, le plus souvent) qui lui im-
pose une frustration, lui oppose un re-
fus ou bien diffère la satisfaction de sa
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