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Titre de la communication: « L’efficience des mécanismes institutionnels de la mise en
œuvre de l’action publique locale en Algérie : cas des marchés publics dans la wilaya de
Tizi-Ouzou »
Auteur : Kamel Moulai, Enseignant chercheur à la faculté des sciences économiques, de
gestion et des sciences commerciales, Université Mouloud MAMMERI de TIZI- OUZOU,
ALGERIE
e-mail : [email protected]
I-Le travail de recherche et ses enjeux :
Notre recherche s’inscrit dans le cadre des travaux qui essayent de mettre en avant le rôle des
institutions dans l’économie. Il vise donc à montrer les déficits de l’économie algérienne en
matière institutionnelle. Le secteur public nous semble largement concerné par ce déficit
institutionnel. Nous avons centré l’objet de notre recherche sur les marchés publics en
Algérie. L’enjeu est celui d’éclairer la mise en œuvre en mettant en avant le concept des coûts
de transaction.
II-La problématique
Après les résultats insatisfaisants des réformes économiques durant les 1980, le rôle des
institutions a été mis au centre de l’analyse du développement. (Andreff W., 1993, 2007)
En réalité, la « prise de conscience » du rôle des institutions dans l’économie n’est qu’un
retentissement du travail fondateur de Coase en 1937, qui a montré que le recours au marché
ne peut se faire sans coûts.
Des rapports publiés et études réalisées récemment ont souligné l’acuité des besoins en
matière de gouvernance pour le cas des pays de la région MENA (rapport annuel, « doing
business » de la banque mondiale sur la gouvernance dans le monde, depuis 2004, rapports du
Forum Economique Mondial).
L’Algérie n’échappe pas à ce constat. Plus encore, elle se retrouve dans une sorte de
paradoxe:
résultats macroéconomiques nettement améliorés durant la décennie 2000 (à la fin de l’année
2012, les réserves de changes de plus de 190 milliards de $ US, le stock de la dette extérieure
à moins de 3% du PIB, taux d’inflation relativement maîtrisée, etc.). Mais sur le plan
microéconomique, la création de richesse reste essentiellement du ressort du seul secteur des
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hydrocarbures. Par exemple, en 2011, la croissance économique est de 5,1% au total, si on
inclut les secteurs boostés par les dépenses publiques (bâtiment, travaux publics), et 2,2%
seulement, si on les exclut. Et la contribution de l’ensemble des secteurs hors hydrocarbures
dans le PIB ne dépasse pas 53%.
Compte tenu de cette réalité et du rôle assigné par la nouvelle économie institutionnelle au
développement économique, nous nous interrogeons, pour le cas de l’Algérie, si le chainon
manquant ne serait le « facteur institutionnel » qui permettrait de lier les deux niveaux ?
Dans ce travail notre intérêt porte sur l’action publique locale, compte tenu du cadre
institutionnel existant et des réformes qu’il a subi à partir de 1990 (code communal, code des
marchés publics et code de l’investissement), mais compte tenu aussi et surtout de
l’importance économique et financière des programmes de développement des infrastructures
engagés depuis 1999. Nous posons la question de savoir quelle efficacité et quelle efficience
pour le mécanisme des marchés publics, en tant que mécanisme institutionnel encadrant
et véhiculant l’action publique locale de fourniture des infrastructures publiques en
Algérie ?
III-Le positionnement théorique
Pour éclairer notre problématique nous avons fait appel aux enseignements de deux branches
d’économie. L’économie publique nous a permis de discuter des difficultés que suppose la
fourniture des biens publics de par leurs spécificités.
L’économie des coûts de transaction nous a fourni une grille d’analyse de la qualité du
mécanisme institutionnel des marchés publics, à travers le concept des coûts de transaction.
IV-La méthode
Sur le plan méthodologique nous avons adopté l’approche hypothéco-déductive. Alors que la
démarche opératoire est dictée par l’enseignement de l’économie néo-institutionnelle selon
lequel se qui comptent en matière institutionnelle (North, 1990) c’est à la fois la qualité des
règles et la qualité de leur mise en application.
Le critère de remédiabilité défini par Williamson (1996) nous a permis de comparer les
situations existantes aux situations théoriques afin de juger du caractère remédiable des
premières.
L’objectif de notre investigation de terrain est réunir les informations souvent qualitatives qui
seront croisées avec des données statistiques lorsque cela est possible. La technique utilisée
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pour collecter les informations est l’interview. Avec des questions semi-ouvertes dont l’ordre
respecte la grille d’analyse utilisée.
V-Les principaux résultats obtenus
Les résultats essentiels de notre recherche peuvent être résumés comme suite :
1-La configuration institutionnelle de l’économie algérienne produite par le caractère rentier
de celle-ci et l’héritage du système socialiste, ne garantie pas une définition claire des rôles
des différents acteurs, à commencer par le rôle régulateur de l’Etat.
2- Il existe une causalité largement documentée dans la littérature économique entre la
qualité des institutions et le développement économique.
3-L’environnement institutionnel de l’action publique locale en Algérie se caractérise par une
instabilité, ce qui s’ajoute à la multiplicité des acteurs y intervenant, rendant difficile la
coordination entre eux.
4- L’étude de la mise en œuvre des marchés publics dans la wilaya de Tizi-Ouzou selon la
grille d’analyse de la théorie des coûts de transaction fait part d’un certain nombre de
difficultés relatives à la mise en concurrence, à la passation, au contrôle et à l’exécution des
marchés publics. Nous avons noté l’importance des « incompatibilités » entre ce que
préconise la réglementation par rapport aux possibilités du terrain en termes de moyens mis
en œuvre, de la formation des agents chargés de l’exécution des marchés publics, etc.
L’étude de la mise en œuvre des marchés publics dans la wilaya de Tizi-Ouzou selon la grille
d’analyse de la théorie des coûts de transaction fait part d’un certain nombre de difficultés
relatives à la mise en concurrence, à la passation, au contrôle et à l’exécution des marchés
publics.
a) Les contraintes ex ante
Ainsi, ex ante à la passation des marchés publics, nous avons relevé des contraintes
pouvant être à l’origine des l’augmentation des coûts de transaction. Il s’agit de :
-
Complexité de la procédure d’expropriation et coûts de préparation des
soumissions
Sujette à des opérations d’expropriation de terrains, plus souvent laborieuses, des études plus
ou moins complexes, à l’élaboration des cahiers de charges pour chaque projet, la préparation
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des marchés publics ne peut donc se faire sans une mobilisation de moyens humains et
matériels plus ou moins importants de la part de toutes les parties contractantes (maitres
d’ouvrages, entreprises, maîtres d’œuvre, etc.) Notre étude a montré que les dépenses de
fonctionnement de la direction des travaux publics de la Wilaya de Tizi-Ouzou, c'est-à-dire du
maître d’ouvrage, sont essentiellement des charges générées par la préparation, la passation, le
contrôle et l’exécution des marchés. Du côté des entreprises, la participation aux appels
d’offre ne se fait pas sans coûts. Ainsi, les frais d’abonnement à la presse et au Bulletin
Officiel des Marchés de l’Opérateur Public (BOMOP), les frais de retrait des cahiers des
charges (CDC), les frais générés par la recherche de l’information sur les prix et le
remplissage des CDC, les frais de déplacements sur le site du projets, etc, sont autant de coûts
que l’entreprise doit supporter pour répondre à un appel d’offre.
-
Une mise en concurrence « formelle »
La procédure de préparation de la mise en concurrence des entreprises, telle que décrite par le
CMP est déjà assez longue. Lorsque celle-ci se conjugue avec une carence de compétences
techniques des intervenants (des différentes parties prenantes), cela peut être à l’origine de
lenteur, d’imprécision dans la rédaction des cahiers de charges et, forcément, d’augmentation
des coûts. Cela explique en grande partie le fait que la quasi-totalité des marchés se voient
greffés d’avenants pour le cas étudié.
En matière de la mise en concurrence des entreprises, les contraintes traitées par la littérature
économique telle que l’asymétrie informationnelle, l’incomplétude des contrats qui en
découle, l’opportunisme des contractants, etc, sont plus ou moins confirmées par notre étude
pratique. De plus, dans notre cas, la concurrence se heurte à une carence d’entreprises en
nombre et en qualification (cas travaux maritimes par exemple). A cela, il faut ajouter, que
dans certains cas, les règles sont incompatibles avec la réalité du terrain (qualification
insuffisante ou inadéquate des agents administratifs, le manque, voire l’absence, de la
coordination entre les acteurs y intervenant, etc.). En matière d’information, nous avons noté
que la publicité n’est pas toujours assurée de façon satisfaisante pour les appels d’offre. On se
contente souvent de satisfaire les exigences de la procédure, d’une façon formelle, sans tenir
compte de la mise en œuvre effective du principe de la concurrence lui –même. En outre, le
principe de la concurrence peut être contourné par le maître d’ouvrage. Il suffirait que des
« restrictions importantes » accompagnent l’appel d’offre, pour que ce dernier aboutisse à une
infrutuosité, et son attribution par le mode de consultation.
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-
Des difficultés lors de l’attribution des marchés
L’attribution des marchés publics peut être plus ou moins concernée par des situations de
« d’anti-sélection inverse » (Akerlof, 1971) et « d’incertitude stratégique » (Williamson O.,
1985). C’est le cas notamment lorsque le maître d’ouvrage est imprécis par rapport à ses
préférences. L’attribution des marchés selon le critère du « moins disant » en serait également
à l’origine de la défection de certains candidats potentiels à l’appel d’offre. Les différentes
opérations d’analyse, d’évaluation, et de contrôles, peuvent « alourdir » le processus
d’attribution des marchés, en le rendant complexe et plus long. Pour la comparaison, en
matière de contrôle, la réglementation française des marchés publics ne fait intervenir qu’un
seul visa, contre trois pour la réglementation algérienne.
b) Les contraintes ex post
Notre étude a montré que des difficultés peuvent surgir ex post à la passation du
marché, en plus de celles traitées dans la littérature économique
(la « malédiction du
vainqueur » et l’opportunisme stratégique des acteurs, l’incomplétude des contrats). Nous
pouvons les résumer comme suite :
-
des contraintes techniques, liées dans la plupart des cas à la mauvaise qualité des
études et à la nature des terrains accueillant les projets ;
-
les oppositions à l’expropriation. Dans plusieurs cas, les entreprises se retrouvent face
à la contestation des citoyens au moment même où les travaux devront démarrer ;
Globalement, la phase d’exécution des marchés est plus souvent marquée par des
arrêts de travaux et des avenants qui rallongent les coûts et la durée théorique de réalisation
des projets. Ce qui peut altérer la crédibilité des contrats signés entre le maître d’ouvrage et
l’entreprise. A cela s’ajoute des conflits entre le maître d’ouvrage et l’entreprise, qui, dans
certains cas, vont jusqu’à la résiliation des contrats.
Notre étude a montré également que le risque de capture des agents administratifs, et
de corruption, guettent toujours les marchés publics. Les moyens mis en œuvre dans le cadre
du CMP pour lutter contre ce phénomène (déclaration de probité) s’avère inefficace.
Enfin, notre étude a révélé l’importance des « incompatibilité » des mécanismes
institutionnels entre eux, causant des difficultés de coordination entre les différents
intervenants dans l’action publique locale, et avec la réalité du terrain (carence dans les
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compétences des agents chargés de la préparation, de l’exécution des marchés des différentes
parties prenantes).
En guise de conclusion
Tout compte fait, nous pouvons affirmer que l’empreinte de l’Etat rentier marque la
qualité des institutions, par le manque d’incitation que l’abondance des ressources et
l’autonomie de l’Etat produisent. Le processus suivi par la formation de la réglementation des
marchés publics depuis l’indépendance. Nous a permis d’apprécier la correspondance entre le
resserrement/ desserrement de la contrainte financière de l’Etat et fermeture /ouverture de
cette même réglementation sur le mécanisme du marché. Cela donne le caractère instable à la
réglementation des marchés publics.
Nous avons essayé de montrer que la mise en œuvre du mécanisme des marchés
publics peut être à l’origine de coûts de transaction élevés dans l’économie. Cela altère
l’efficacité et l’efficience de l’action publique locale en Algérie, d’autant plus que ce
mécanisme interagit avec d’autres institutions de l’économie, pour former un même système,
produisant des situations « remédiables » au sens de Williamson.
Références bibliographiques
-Luciani, G.& Beblawi H. ( édité par): The rentier state; vol. 2, Instituto Affari internatiozionali, 1987
-Marty F., Trosa S. et Voisin A., Les partenariats public-privé, Ed. La découverte, Collection Repères, 2006.
-Sabri M., Aoudia K . & Lallem M., Guide de gestion des marchés publics, Editions du Sahel, 2000.
-Williamson O., The mechanisms of governance, Oxford University Press, New York, 1996.
Thèses, articles et rapports
-Acemoglu D. & Robinson J., The Role of Institutions in Growth and Development, International Bank for
Reconstruction and Development / The World Bank /The Commission on Growth and Development, Working
Paper n°10, 2008.
-Benabdallah Y., (2008b), L’économie algérienne entre réforme et ouverture : quelle priorité ? Communication
présentée lors du colloque organisé par la Commission Economique pour l’Afrique des Nations Unies (UNECA)
et par le GATE (UMR 5824 du CNRS, Université Lyon 2), ayant pour thème « Mondialisation et développement
durable : les effets économiques, sociaux et environnementaux de l’ouverture commerciale. Application aux
pays du Maghreb et du Proche-Orient », avril. 2008.
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-Coase R. H., L’économie néo-institutionnelle, Revue d’économie industrielle, n° 92, 2ième et 3ième trimestres
2000.
-North D. (1991), Institutions, in The Journal of Economic Perspectives, Vol. 5, No. 1, American Economic
Association Stable, consulté sur le site : http://www.jstor.org/stable/1942704 (le 14/01/2009)
-Ould Aoudia J., « PROFILS INSTITUTIONNELS » : une base de données originale sur les caractéristiques
institutionnelles de pays en développement et développés, Workshop, on "Measuring Law", Conseil d’État,
Paris, 15 & 16 décembre 2006.
-Sid Ahmed A., Le paradigme rentier en question : l'expérience des pays arabes producteurs de brut. Analyse et
éléments de stratégie, In: Tiers-Monde, 2000, tome 41 n°163.
Textes juridiques
-Décret présidentiel n° 13-03 du 13 janvier 2013 modifiant et complétant le décret présidentiel n° 10-236 du 7
octobre 2010 portant réglementation des marchés publics.
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