208 | La Lettre du Neurologue Vol. XIII - nos 6-7 - juin-juillet 2009
congRès
RÉunion
Le point sur la recherche
thérapeutique dans la maladie
d’Alzheimer
L. Cruz de Souza*
Compte rendu de congrès
2009 AAN Annual Meeting (Seattle, 25 avril-2 mai 2009)
* CRIC-ICM U975 et CMRR, hôpital de
la Pitié-Salpêtrière, Paris.
Le Dimebon, une molécule
prometteuse
Le Dimebon est une molécule développée en Russie,
issue de la classe des antihistaminiques. Le Dimebon
a été testé dans la MA en raison de son mécanisme
d’action activateur de l’activité mitochondriale. Un
essai thérapeutique récemment publié a démontré un
effet symptomatique bénéfique de ce traitement sur
la mémoire, le comportement et l’autonomie (essai
contrôlé russe, en double aveugle versus placebo,
multicentrique, d’une durée de 26 semaines, ayant
inclu 183 patients atteints de MA modérée : MMSE
entre 10 et 24) [1]. Le bénéfice clinique du Dimebon
est globalement de même ampleur que celui observé
dans les essais thérapeutiques ayant évalué l’effet
des inhibiteurs de l’acétyl-cholinestérase, et cette
molécule pourrait donc représenter une alternative
thérapeutique.
Léquipe de Cummings (Californie, États-Unis) a
analysé les données issues de la phase d’extension
en ouvert de cette étude sur 65 et à 78 semaines (2).
Tous les patients issus de l’essai randomisé ont été
traités et suivis en ouvert. Lobjectif de l’analyse était
d’évaluer l’effet du médicament sur la modification
de l’histoire naturelle de la maladie (disease-modi-
fying effect), en comparant les données cliniques du
groupe de patients traités dès le début de l’étude
avec celles du groupe des patients sous placebo
pendant les 26 premières semaines.
Un bénéfice symptomatique a été observé dans le
groupe des patients qui ont d'abord reçu le placebo.
Mais le score ADAS-cog (échelle cognitive globale)
restait 50 % plus faible que dans le groupe de
patients traités dès le début de l’essai. Ces résultats
suggèrent que le Dimebon n’a pas que des effets
symptomatiques, mais qu’il aurait aussi un effet
freinateur sur l’évolution de la maladie. Ces données
doivent cependant être interprétées avec prudence,
en attendant qu'elles soient confirmées au sein de
cohortes plus importantes et internationales.
Le bapineuzumab
(immunothérapie passive) :
les derniers résultats
Le bapineuzumab est un anticorps monoclonal qui
a comme cible la portion N-terminale du peptide
bêta-amyloïde, impliquée dans la physiopathologie
de la maladie d’Alzheimer. Plusieurs communi-
cations ont porté sur les résultats issus des études
de phase IIa évaluant le bapineuzumab dans la
maladie d’Alzheimer, confirmant les données déjà
connues sur cette piste thérapeutique.
Létude de phase IIa, d’une durée de 78 semaines,
a inclus 234 patients ayant une MA, randomisés
en 5 groupes (1 groupe placebo et 4 groupes avec
différentes doses de bapineuzumab : 0,15, 0,5, 1,0
et 2,0 mg/kg). Les patients ont reçu 6 perfusions de
bapineuzumab ou de placebo pendant 13 semaines.
Une IRM a été réalisée lors de la visite de screening,
puis à la 6
e
semaine et toutes les 13 semaines jusqu’à
la fin de l’étude (semaine 71).
Les avancées sur le traitement de la maladie d’Alzheimer (MA) ont fait l’objet de
plusieurs communications lors du 61e meeting de l’American Academy of Neurology
(Seattle, États-Unis, du 25 avril au 2 mai 2009). Même s’il n’y a pas eu de grandes
nouveautés sur le sujet, des données intéressantes sur les molécules en cours de
développement ont été présentées.
La Lettre du Neurologue Vol. XIII - nos 6-7 - juin-juillet 2009 | 209
congRès
RÉunion
S. Salloway et al. (3) ont présenté les données clini-
ques : effets de la molécule sur la cognition et l’auto-
nomie, et effets indésirables. Les effets adverses du
traitement ont été fréquents (95 % des sujets par
bapineuzumab, contre 90 % sous placebo), compor-
tant 3 décès par méningo-encéphalite, tous dans le
groupe traité. Chaque sujet traité par bapineuzumab a
eu une moyenne de 7,5 effets adverses sur l'ensemble
de l’étude, tandis que ce chiffre a été de 5,7 pour les
patients du groupe placebo. Lœdème vasogénique a
touché 10 % des patients du groupe traité (12 sujets
sur 124), et aucun dans le groupe placebo.
Aucune différence significative entre les groupes traités
et le groupe placebo n’a été mesurée sur les échelles
cognitives ni sur l’autonomie. Cependant, dans une
analyse post-hoc tenant compte du génotypage de
l’Apo E, un bénéfice symptomatique significatif a
été observé dans les groupes traités non porteurs de
l’Apo E4 par rapport au groupe placebo non Apo E4.
Les facteurs associés au risque de survenue d’un
œdème vasogénique après perfusion de bapi-
neuzumab ont été analysés par Sperling RA et al. (4).
Deux paramètres semblent intervenir : d’une part,
la dose de bapineuzumab reçue (une dose élevée
augmentant le risque) et d’autre part le statut de
l’Apo E4 (risque accru chez les patients Apo E4+).
En effet, parmi les 12 individus qui ont développé
un œdème vasogénique, 11 sujets avaient reçu les
doses les plus élevées de la molécule (1,0-2,0 mg/kg),
tandis qu’un seul patient avait reçu la dose minimale ;
de plus, 10 des patients ayant eu un œdème vaso-
génique étaient porteurs de l’Apo E4 (sur 74 sujets
Apo E4+, soit 13,5 %), tandis que deux sujets étaient
non Apo E4 (sur 47 sujets non Apo E4, soit 4,3 %).
Lœdème vasogénique a été asymptomatique chez
6 des 12 patients et a été découvert sur l’IRM céré-
brale, tandis que 4 patients ont eu des symptômes
modérés (léthargie, confusion, céphalée) et 2 ont eu
des effets plus graves. L’œdème vasogénique a eu
une résolution complète chez la plupart des patients.
Même si les causes de cette complication ne sont pas
complètement connues, les chercheurs considèrent
qu'elle est liée au dépôt amyloïde vasculaire.
N.C. Fox et al. ont présenté l’analyse des données
IRM des différents groupes de l’étude bapineuzumab,
afin de tester l’hypothèse d’un effet freinateur sur
l’évolution de la maladie (5). Les critères d’évaluation
IRM reposaient sur la mesure de la progression du
volume ventriculaire et du volume cérébral total,
tous deux reflets de la progression de l’atrophie
cérébrale. Aucune différence significative n’a été
observée sur les paramètres d’imagerie entre les
groupes traités et le groupe placebo. Cependant,
l’analyse des sous-groupes de patients en fonction
du statut de l’Apo E4 a montré, chez les patients non
Apo E4, une réduction de la progression de l’atro-
phie cérébrale dans le groupe traité par rapport aux
patients non traités.
Lensemble de ces données a motivé la poursuite
des essais thérapeutiques avec le bapineuzumab,
tout en imposant une gradation de la posologie
en fonction du génotypage de l’Apo E (étude de
phase III en cours).
Tramiprosate :
des résultats décevants
Le tramiprosate est un antagoniste du peptide a-bêta,
ayant une action attendue protectrice contre l’ac-
tion neurotoxique du peptide amyloïde. Leffet de
cette molécule sur la cognition et l’autonomie dans
la MA a été évaluée dans un essai clinique contrôlé
en double aveugle d’une durée de 78 semaines (6).
Cette étude de phase 3 a inclus des patients ayant
une forme légère à modérée de MA (MMSE entre
16 et 26), déjà traités par des doses stables d’anti-
cholinestérasique. Les critères d’évaluation cliniques
comportaient le MMSE, l’ADAS-cog (échelle cognitive)
et la CDR (échelle d’évaluation globale de la démence)
toutes les 13 semaines. Les patients ont été repartis
en trois groupes : placebo, tramiprosate à 100 mg
et tramiprosate à 150 mg. La molécule était bien
tolérée, sans effets indésirables significatifs. L’essai
n’a pas permis de démontrer un effet significatif sur
les critères d’évaluation clinique choisis.
1. Doody RS, Gavrilova SI, Sano M et al. Dimebon investi-
gators. Effect of dimebon on cognition, activities of daily
living, behaviour, and global function in patients with mild-
to-moderate Alzheimer’s disease: a randomised, double-
blind, placebo-controlled study. Lancet 2008;372(9634):
207-15.
2. Hendrix S, Selby B, Seely L, Cummings J. Disease modi-
fying effect of Dimebon in Alzheimer’s disease: results from
a 12-month study of Dimebon and a 6-month open-label
period analyzed using a staggered start approach and a
natural-history staggered start (NHSS) approach. Neurology
2009;72(11, Suppl. 3):P06.074.
3. Salloway S, Sperling R, Gregg K et al. Cognitive and func-
tional outcomes from a phase II trial of bapineuzumab in mild
to moderate Alzheimer’s disease. Neurology 2009;72(11,
Suppl. 3):S32.002.
4. Sperling RA, Salloway S, Fox NC et al. Bapineuzemab 201
Clinical Trial Investigators. Risk factors and clinical course
associated with vasogenic edema in a phase II trial of bapi-
neuzumab. Neurology 2009;72(11 suppl. 3):S32.001.
5. Fox NC, DeCarli C, Black R, Grundman M. Effect of bapi-
neuzumab on MRI measures of cerebral volume change in
patients with Alzheimer’s disease. Neurology 2009;72(11,
Suppl. 3):P03.098.
6. Aisen P, Gauthier S, Ferris S et al. A Phase III, placebo-
controlled, double-blind, randomized trial of tramiprosate
in the clinical management of patients with mild-to-mode-
rate Alzheimer’s disease (the Alphase Study). Neurology
2009;72(11, Suppl. 3):S32.003.
Références bibliographiques
1 / 2 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !