Les défis de la recherche et du développement de traitements dans les maladies rares : vers un indispensable troisième PNMR Les maladies rares : un domaine d’intervention aux enjeux et contraintes spécifiques Environ 7 000 maladies rares sont recensées à ce jour, dont la prévalence est au plus d’un patient pour 2 000 naissances (moins de 30 000 patients par pathologie rare pour près de 3 millions de patients en France au total). Ces pathologies ont de fait une double caractéristique : prises dans leur globalité, elles représentent un pourcentage non négligeable de la population française. Considérées de manière isolée, elles concernent des populations extrêmement restreintes (comptant quelques dizaines ou centaines d’individus). Les populations de patients atteints d’une maladie « ultra-rare » peuvent ainsi être 1 000 fois inférieures à la fréquence maximale évoquée plus haut. Les activités de recherche et de développement de nouvelles thérapies se sont de fait toujours heurtées à plusieurs défis spécifiques, nécessitant un partenariat très actif entre l’ensemble des acteurs publics et privés intervenant dans ce domaine. Le rôle indispensable des laboratoires Face à l’extrême diversité des pathologies et à la faiblesse des populations de patients concernées, les données cliniques contribuant à la connaissance de la maladie sont réduites, le nombre d’experts limité et les pathologies en elles-mêmes peu connues. Le développement et le lancement de nouveaux traitements, se heurtent à un triple défi : Une (relative ou totale) absence de connaissance de la maladie avant le développement du traitement pour la maladie concernée, qui implique une contribution indispensable du laboratoire au développement des registres de patients pour documenter l’histoire naturelle et le suivi à long terme de la maladie. Des investissements importants en matière de R&D et de production, comparables à ceux effectués pour le développement d’un médicament « classique », pour une population extrêmement limitée de patients, faisant peser un risque important sur le laboratoire développeur, tout en requérant de sa part un engagement de long terme. « L’effet d’aubaine » n’existe pas dans le domaine des maladies rares. A l’inverse, les traitements existants permettent de participer au développement des médicaments de prochaine génération, aussi bien sur le plan technologique que financier. L’accès des patients au diagnostic, puis au traitement, est le plus souvent concomitant au développement et à la mise sur le marché d’un nouveau traitement. Le laboratoire joue ainsi un rôle essentiel dans l’information des professionnels de santé, le développement d’outils d’aide au diagnostic et à la formation des équipes médicales. Le Plan National Maladies Rares : un atout indispensable à l’encouragement de la recherche et du traitement de ces pathologies La France a traditionnellement été à la pointe de la recherche et de l’accompagnement des patients atteints de maladies rares. Les deux premiers Plans Maladies Rares (2005-2008 et 2011-2014) ont à ce titre permis des avancées notables dans la recherche, le diagnostic, le traitement et l’accompagnement des patients à travers, notamment : L’organisation et la structuration d’une filière de diagnostic et de soins par le biais des centres de référence maladies rares, les centres de compétence, le lancement de protocoles nationaux de diagnostic et de soins (PNDS). L’articulation des actions de recherche et le renforcement du lien entre acteurs publics et privés, dans le cadre de la Fondation Maladies Rares. Ces partenariats, conjugués à une volonté politique de soutenir le développement de nouvelles thérapies, ont permis le lancement de plus de 40 médicaments destinés aux maladies rares depuis 2001. Aujourd’hui, dans un contexte économique et budgétaire contraint, La spécificité des maladies rares et la pérennité du modèle français doivent être défendues. Les avancées majeures des PNMR I et II doivent être poursuivies par la mise en place d’un troisième Plan, dont les priorités doivent être discutées en amont avec l’ensemble des acteurs concernés. Face aux nombreux domaines d’action restant à développer, ne pas poursuivre cette avancée par le biais d’un troisième Plan adresserait un signal extrêmement négatif à la communauté des maladies rares. Des actions à poursuivre, des pistes d’action à développer Si les deux premiers PNMR ont permis l’amélioration des structures de recherche et de diagnostic, multipliant, de fait, les pistes thérapeutiques, la question du développement des médicaments destinés aux maladies rares et des conditions d’accès des patients à ces traitements n’a fait l’objet d’aucune mesure incitative ou organisationnelle spécifique. Si l’accès le plus précoce possible des malades aux nouveaux traitements est un enjeu majeur, compris de tous, la complexité des procédures nationales d’accès au marché et de fixation des prix ne prend pas en compte, à l’heure actuelle, l’hétérogénéité et les spécificités des maladies rares et soulève certaines inquiétudes. A ce titre, l’introduction de l’évaluation médico-économique, telle que définie par la Haute Autorité de Santé, à savoir une « mise en regard des résultats attendus d’une intervention de santé [bénéfice] avec les ressources consommées pour la produire [impact budgétaire] », semble non applicable, en l’état, au domaine des maladies rares et comporte un risque de basculement sans discernement dans une logique économique non souhaitable. D’autre part, la mise en œuvre du dispositif RTU, censé favoriser l’accès au traitement précoce des patients de manière encadrée et sécurisée, ne semble de fait applicable que pour une minorité de situations. A ce jour, plus de 500 médicaments seraient, en l’absence d’alternative thérapeutique, prescrits hors AMM pour les maladies rares. Enfin, si l’errance diagnostique a été réduite à moins de trois ans, contre dix ans il y a quelques années, celle-ci demeure un défi auquel nous sommes confrontés afin de garantir un accès optimal du patient au traitement. Des équipements en séquençage haut débit ont été apportés, mais l’organisation de leur fonctionnement et de leur financement n’ont pas encore été définis. La question de l’élargissement du diagnostic néo-natal doit également être soulevée, et des pilotes envisagés pour en évaluer l’impact, comme c’est le cas en Italie. A ce jour, il paraît essentiel : De poursuivre les actions initiées, mais non finalisées dans le deuxième Plan. Dans le domaine du diagnostic, des progrès indéniables ont été réalisés sans qu’un accès optimal du patient aux traitements puisse à ce jour être garanti. D’encourager la poursuite des partenariats publics-privés de recherche et une pérennisation des crédits dédiés aux appels à projets dans ce domaine. De renforcer la connaissance et la diffusion d’informations sur les maladies rares, à travers le développement de la Banque Nationale de Données Maladies Rares (BDMR) et une meilleure mutualisation et diffusion des registres nationaux et internationaux. Seul le registre international permet de colliger des données de cohorte, indispensable à une meilleure connaissance de la maladie, facteur de progrès dans la prise en charge, et garant d’optimisation de l’utilisation des ressources. D’obtenir une meilleure visibilité des conditions d’accès au marché et de fixation des prix des médicaments destinés aux maladies rares, tout en encourageant une meilleure prise en compte de l’innovation et des spécificités de ces pathologies. Le coût élevé de ces traitements pour chaque patient, majoritairement expliqué par leur rareté ne peut constituer un frein, et doit encore moins contribuer à alimenter une crainte excessive de dérapage des comptes sociaux, compte-tenu du faible nombre des traitements disponibles et des patients traités, aujourd’hui, et demain encore. Au-delà des dispositifs incitatifs, le développement d’activités de recherche et de traitements à destination des maladies rares passe par un cadre réglementaire stable et un soutien politique fort, cohérent, en faveur d’une meilleure prise en compte des spécificités et des impératifs de l’ensemble des acteurs. ***