Mise en place d’une unité dédiée aux AJA atteints de cancer

Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VII - n° 3 - juillet-août-septembre 2012
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dossier thématique
Adolescents
et jeunes adultes
(16 à 25 ans)
Mise en place d’une unité dédiée
aux AJA atteints de cancer
Creation of a specific unit for AYA with cancer
N. Gaspar1, L. Ziliani2, G. Marioni3, J. Domont4, D. Valteau-Couanet1, L. Brugières1
RÉSUMÉ
Summary
»La reconnaissance des spécificités des adolescents et jeunes adultes
(AJA) [15-25 ans] atteints de cancer, tant sur le plan de la prise en charge
médicale que sur celui des soins de support psychosociaux, a conduit à
proposer la création de structures de soins spécifiques. Chaque patient
AJA doit pouvoir recevoir le traitement le plus approprié à sa situation
médicale, en association avec un soutien psychologique, social, scolaire
et/ou professionnel adapté à ses besoins, afin de minimiser l’impact
médical et psychosocial de cette maladie sur sa vie d’adulte. Plusieurs
modèles de soins ont été proposés. À linstitut Gustave-Roussy, une
unité dédiée aux soins des AJA a été créée il y a 10 ans pour répondre
à ces besoins. Mettre en place une unité spécifique, cest :
– concentrer, dans un même lieu, une équipe pluridisciplinaire
soignante ayant une connaissance des spécificités de loncologie dans
la population des AJA, un accès à une double expertise oncologique
adulte et pédiatrique, et une compétence en médecine de l’adolescent
et du jeune adulte ; et une équipe pluridisciplinaire de support psycho-
socio-éducatif formée aux problématiques de cette tranche d’âge ;
– créer un lieu spécifique répondant aux besoins relationnels des
patients avec leurs pairs et leur famille, mais permettant aussi l’intimité
et l’autonomie.
»
Cest aussi se donner les moyens d’évaluer l’utilité de ce type de
structure et son adéquation aux besoins des AJA, ce qui nécessite
l’acquisition d’une compétence en recherche clinique des différents
corps de métiers intervenant auprès de ces jeunes. C’est une remise
en cause permanente pour s’adapter à l’évolution des connaissances
médicales et psychosociales. La création récente de groupes
coopérateurs en France (Groupe d’onco-hématologie des adolescents
et jeunes adultes [GO-AJA]) et au niveau international (European
Network for Cancer research in Children and Adolescents [ENCCA] ;
Teenage Cancer Trust [TCT]) devrait permettre, dans le futur, de mieux
définir la place de ces unités spécifiques pour la prise en charge de
ces patients.
Mots-clés : Adolescent − Adulte jeune − Cancer − Unité dédiée.
The recognition of specific medical and
psychosocial needs to Adolescents and Young
Adults (AYA; 15-25 years) with cancer has led to the
creation of dedicated units. All AYA patients should
benefit from the treatment most adequate to their
medical problems, with appropriate psychosocial
and educational support, to minimise medical and
psychosocial impact in their adult life. The creation
of these units implies:
to concentrate in one place a multidisciplinary
professional team with knowledge of AYA oncology
specificities, an access to a double adult/paediatric
oncological expertise and skills in AYA medicine;
a specific space favouring peer and familial
relations and AYA privacy and autonomy.
Creating these units requires means to evaluate
their adequacy to AYA needs and consequently
clinical research skills of the different professionals
implicated in AYA care.
It is a permanent questioning to adapt to new
medical and psychosocial knowledge. The newly
created collaborative groups at national (GO-AJA)
and international levels (ENCCA, TCT, etc.) might, in
the future, better define the place of these specific
units in AYA care.
Keywords: Adolescent − Young adult − Cancer −
Specific unit.
1-3 Département decancérologie del’enfant et de l’adolescent : 1 oncologue pédiatre, 2 infirmière dédiée auxadolescents
et aux jeunes adultes, 3 psychologue dédiée auxadolescents et aux jeunes adultes ; institut Gustave-Roussy, Villejuif.
4 Département demédecine oncologique : oncologue médical adulte, institut Gustave-Roussy, Villejuif.
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Mise en place d’une unité dédiée aux AJA atteints de cancer
L’
adolescence est une période de changements
rapides, sur les plans physique, cognitif et
psycho logique, survenant dans un contexte
de modification des relations et des rôles au sein de la
famille et dans la société pour entrer dans le monde
adulte. Le cancer chez les adolescents et les jeunes
adultes (AJA) est un événement rare et, dans la majo-
rité des cas, curable (1). Mais la survenue d’un cancer
pendant cette période de la vie a un impact majeur sur
le développement normal des AJA, en raison notam-
ment du retentissement médical et psychosocial de
la maladie et de son traitement, pendant celle-ci mais
aussi à distance (limitation des activités scolaires ou
professionnelles, des contacts avec les pairs, pertur-
bation des relations familiales, risques de séquelles à
long terme, etc.).
Les unités dédiées aux AJA atteints d'un cancer ont
pour mission d’apporter une prise en charge médi-
cale (choix des traitements) et psychosociale adap-
tée à cette tranche d’âge, et de minimiser autant
que possible l’impact du cancer sur leur vie future.
Au Royaume-Uni, ces unités ont été reconnues par
les autorités comme des centres de référence pour
les AJA atteints d'un cancer devant accueillir pour le
diagnostic et les décisions thérapeutiques initiales
tous les patients de moins de 19 ans ainsi que les
jeunes jusqu’à 24 ans qui souhaitent y recevoir leurs
soins. En France, les unités dédiées sont encore peu
nombreuses et les AJA sont pris en charge dans des
structures où l’organisation des soins est très hétéro-
gène (2). En France, les premières unités ont été créées
en 2002, selon 2 modèles différents en fonction du
contexte local :
unités physiques dédiées aux AJA sur le modèle de
l’unité la Montagne à l’institut Gustave-Roussy (IGR) [3],
ou, plus récemment, de l’unité AJA du service d’héma-
tologie de l’hôpital Saint-Louis ;
unités fonctionnelles dans une même institution,
sur le modèle de l’unité de l’institut Curie, ou entre
2 institutions différentes, sur le modèle de Nantes.
Le modèle de l'unité physique a des avantages : il consti-
tue un lieu de vie pour les AJA et permet de regrouper
les ressources humaines et matérielles. Mais l’organisa-
tion de ce type de structure est compliquée, en raison
de la nécessité d’avoir sur le même site des intervenants
issus du monde pédiatrique et du monde adulte, et
de créer ces structures dans des zones possédant un
bassin de population suffisamment large pour justifier
ce type d’investissement. Nous nous baserons ici sur
l’expérience de la création de la première unité physique
dédiée aux AJA, l’unité la Montagne de l’IGR, et sur les
données de la littérature.
Unité dédiée aux AJA atteints d'un cancer :
une concertation indispensable avec eux
Les unités dédiées aux AJA atteints d'un cancer essaient
de répondre aux besoins médicaux et psychosociaux
de cette population. Tenir compte de leur avis est un
prérequis indispensable à la création de ces unités.
En 1998, les jeunes ont exprimé leurs besoins lors des
États généraux de la Ligue contre le cancer (Livre blanc).
En 2000, une enquête portant sur le point de vue des
adolescents sur leur prise en charge dans un service
d’oncologie pédiatrique” (3), réalisée dans le départe-
ment de pédiatrie de l’IGR, a servi de point de départ à
l’organisation, en 2002, de l’unité la Montagne dédiée
aux AJA atteints d'un cancer.
La réflexion sest ensuite poursuivie, en senrichissant :
de l’expérience au quotidien dans l’unité ;
des données de la littérature ;
des collaborations nationales avec d’autres struc-
tures prenant en charge les AJA atteints d'un cancer et
avec l’association de patients Jeunes Solidarité Cancer
(JSC) ;
des collaborations internationales, notamment avec
le Teenage Cancer Trust ;
de la participation à de nouvelles études sur ce
thème, telles que l’étude JADE, riche d’informations
sur les attentes psychosociales des jeunes et de leurs
proches (4).
En 2011, pour évaluer l’adéquation entre les ressources
de l’unité et les attentes des AJA, nous avons réalisé
une enquête sur “l’utilité de la salle ados et les relations
entre AJA de l’unité : point de vue des AJA auprès de
50 patients, âgés en moyenne de 15 ans (extrêmes :
10-23 ans) au diagnostic et de 17 ans (extrêmes :
11-24 ans) lors du remplissage du questionnaire, et
pris en charge dans l’unité AJA de l’IGR depuis moins
de 1 an (46 %), 1 à 2 ans (34 %) ou plus de 2 ans (18 %).
Dans la suite de cet article, nous vous présenterons une
partie des résultats de cette enquête.
Unité dédiée aux AJA atteints d'un cancer :
une réponse à leurs besoins médicaux
Les unités AJA doivent permettre de rassembler une
équipe médicale et paramédicale (infirmières, etc.)
formée aux spécificités physiologiques, développe-
mentales et oncologiques de cette tranche d’âge, dans
un environnement donnant accès aux traitements onco-
logiques (chimiothérapie, chirurgie et radiothérapie)
les plus adaptés et innovants, et aux soins de support
nécessaires à ces jeunes.
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Adolescents
et jeunes adultes
(16 à 25 ans)
dossier thématique
Une connaissance des spécificités oncologiques
des cancers des AJA et un accès à une double
compétence en oncologie pédiatrique et adulte
Les unités AJA se doivent d’acquérir et de développer
les connaissances sur les cancers des AJA pour améliorer
les résultats thérapeutiques, qui ont peu progressé ces
dernières décennies par rapport à ceux des enfants et
des adultes plus âgés (5), améliorer la qualité de vie
pendant et après les traitements, et assurer un accom-
pagnement de fin de vie de qualité pour les patients
qui ne survivront pas (6, 7). Pour cela, elles doivent :
permettre aux jeunes patients de bénéficier des
meilleurs traitements disponibles pour leur cancer ;
favoriser les inclusions dans des protocoles théra-
peutiques, souvent insuffisantes du fait du nombre
limité de protocoles accessibles et d’une prise en charge
dispersée (20 % des AJA sont traités dans des struc-
tures inadéquates où l’accès à des protocoles dédiés
est impossible) [2] ;
accroître les connaissances sur l’efficacité des traite-
ments, qui nest pas la même que dans les autres popula-
tions et dépend de l’approche, pédiatrique ou adulte (8) ;
concentrer l’expertise dans la gestion des effets indé-
sirables des traitements à court et long terme et prendre
en compte ces effets dans les choix thérapeutiques
dès le diagnostic, pour minimiser leur impact ultérieur.
Il est établi en effet que les AJA tolèrent moins bien les
traitements que les enfants (9) ;
favoriser le recueil d’échantillons tumoraux et
accroître les connaissances sur la biologie de ces
tumeurs afin d’identifier les caractéristiques spécifiques
des tumeurs de cette tranche d’âge (10).
Les cancers des AJA (11) sont très variés et comprennent
des cancers plus spécifiques de cette tranche d’âge (par
exemple, les sarcomes osseux) [12, 13], des cancers pédia-
triques qui peuvent également se voir chez l’adolescent
et l’adulte jeune (comme les lymphomes de Burkitt ou
les rhabdomyosarcomes), et des cancers qui surviennent
habituellement chez les adultes plus âgés, comme les car-
cinomes (14-16). Cette diversité rend une double expertise
oncologique, pédiatrique et adulte, indispensable. La
collaboration entre oncologues adultes et pédiatriques
est un préalable indispensable à la création d’une unité
dédiée aux AJA. Le traitement de chaque patient AJA
doit pouvoir être discuté en réunion de concertation
pluridisciplinaire (RCP) en présence d’oncologues de
médecine adulte et d’oncopédiatres, comme le recom-
mande l’Institut national du cancer (INCa). En France,
les RCP dans cette population sont insuffisantes (54 %)
et seules 3 % sont communes aux médecines adulte et
pédiatrique (2). Ces RCP sont facilitées dans les unités AJA
par les collaborations mises en place entre les différents
partenaires, soit au sein de la même institution (comme à
l’IGR), soit entre plusieurs insitutions (c’est le cas de l’unité
AJA de l’hôpital adulte Saint-Louis et de l’unité d’héma-
tologie pédiatrique de l’hôpital Robert-Debré, à Paris).
Des compétences en médecine de lAJA
Lensemble de l’équipe pluridisciplinaire doit être
volontaire pour prendre en charge des patients de
cette tranche d’âge et doit acquérir des compétences
en médecine de l’adolescent et du jeune adulte. De
nombreuses formations accessibles à tous sont dis-
ponibles en France, telles que le DIU de médecine et
santé de l’adolescent.
Une des compétences à acquérir par le personnel soi-
gnant est la capacité à bien communiquer. Ces jeunes
patients, en quête d’autonomie, ont besoin d’être
considérés comme les interlocuteurs principaux dans
les décisions médicales et réclament pour cela une
information répétée et développée dans les moindres
détails, tout au long du traitement (3), y compris en fin
de vie (17). La communication entre les soignants et
les jeunes nécessite vérité, confiance, compréhension,
présence et temps (18) et peut être facilitée par l’iden-
tification d’interlocuteurs privilégiés (médecin référent
ou infirmière coordinatrice référente). Malgré cela, 43 %
des jeunes décrivent des difficultés de communication
avec les équipes soignantes (4) et 63 % considèrent que
les adultes ne peuvent pas les comprendre (19). Les
unités AJA doivent favoriser l’information des jeunes à
travers les échanges avec les professionnels de l’unité
ainsi que par la création et la diffusion d’outils adaptés à
leur âge, à leur culture et à leurs moyens de communi-
cation (exemple : livret CECOS du centre Léon-Bérard, à
Lyon, et Unicancer) [20]. Linformation passe également
par le contact avec les autres AJA malades lors de dis-
cussions informelles entre eux dans l’unité ou sur des
forums (JSC, www.jeunes-solidarite-cancer.org), ou
lors de séances structurées de discussion en groupe
(demande de 75 % des AJA de notre unité en 2000 [3]
et 2011), notamment sous forme de séances d’éduca-
tion thérapeutique (Nantes, IGR). Communication et
information participent à la prévention des problèmes
d’observance et d’adhésion (21, 22) et des comporte-
ments à risque (23, 24) caractéristiques de cette période
de la vie.
Les professionnels des unités AJA doivent adopter une
approche dépourvue de jugement de valeur et une
attitude flexible sans compromettre le traitement (21).
Repérer les comportements à risque permet de gérer
certaines complications et interférences pendant la
période des traitements, d’en comprendre les raisons,
souvent psychosociales (23), pour proposer une aide
Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VII - n° 3 - juillet-août-septembre 2012
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Mise en place d’une unité dédiée aux AJA atteints de cancer
de fond, de proposer des solutions alternatives ou de
sevrage (consultation d’addictologie), et de diffuser
des messages de prévention.
Les questions de la fertilité, de la sexualité et des options
de préservation de la fertilité sont centrales (4, 25),
même si elles sont parfois difficiles à aborder (26).
Un recueil de sperme devrait être proposé à tout
jeune homme devant être traité pour un cancer. La
cryo conservation ovarienne doit aussi pouvoir être
proposée aux jeunes femmes lors des traitements
associés à un risque élevé d’insuffisance gonadique.
Une collaboration entre oncologues et médecins de
la reproduction est indispensable.
La prise en charge de la douleur, notamment au
moment des gestes diagnostiques, est fondamen-
tale (4) ; elle requiert une expertise particulière liée à
l’âge et au sexe (27).
Unité dédiée aux AJA atteints d'un cancer :
une réponse à leurs besoins psychosociaux
Les unités AJA ont une fonction psychosociale qui se
décline en de nombreuses tâches.
Par leurs structures, elles créent un environnement
qui permet un fonctionnement psychosocial et déve-
loppemental des AJA se rapprochant de la normale,
favorisant les relations ludiques et éducatives, tout en
respectant leur intimité.
Par les professionnels en place, elles permettent de repé-
rer les forces des AJA pour les consolider et de repérer
leurs difficultés pour répondre à leurs besoins sans
attendre une demande d’aide de leur part, car 30 à 78 %
d’entre eux ne feront pas cette démarche (4). Informer
les AJA sur les aides possibles, et proposer ces aides,
est important, car ils feront d’autant plus facilement
une demande d’aide qu’ils la savent possible (4). Cest le
rôle au quotidien de chaque membre de l’équipe dédiée
aux AJA, renforcé lors des entretiens avec linfirmier
coordonnateur.
Une unité de lieu rapprochant de la normalité”
Une unité de lieu permet de recréer à l’hôpital un envi-
ronnement dans lequel les AJA ont l’habitude d’évoluer,
et peut leur permettre de mieux vivre les séjours hospi-
taliers répétés et de mieux supporter des traitements
désagréables (encadré 1). Plusieurs espaces répondent à
cette fonction. À l’IGR, en 2011, les lieux de rencontre des
AJA étaient la salle de détente, appelée le “Squat” (63 %)
[figure 1, p. 146], la salle à manger (35 %), la chambre
(19 %), l’atelier d’art plastique (9 %) et l’école (3 %).
La salle de détente est considérée comme importante
par la majorité des AJA (85 %), même s’ils l’utilisaient
peu (75 % des patients y allaient au moins 1 fois par
jour, mais pour une durée inférieure à 30 mn par jour
dans 79 % des cas), essentiellement en raison des effets
indésirables des traitements. Sa fonction principale
était de leur permettre de s’évader de l’hôpital (62 %)
[figure 1, p. 146] et de retrouver des comportements
familiers. Ce lieu répondait à leurs souhaits d’avoir des
moments d’isolement : 65 % des jeunes y allaient parfois
juste pour sortir de leur chambre, s’affaler sur le canapé
(30 %) et regarder la télé (55 %) ou utiliser lordinateur
(47 %) ; il répondait aussi à leurs besoins de moments
Encadré 1. L’avis des adolescents : témoignages.
“ “
Être adolescent dans un service de pédiatrie
Je m’appelle Manon, j’ai 17 ans et j’ai un cancer. Lorsque j’ai été
malade, la question était: dans quel service va-t-on m’hospitaliser?”
En effet, il nexiste pas beaucoup de services ados en oncologie.
Mon médecin traitant a donc jugé que c’était beaucoup mieux de
me placer dans un service pédiatrique plutôt que dans un service
pour adultes.
J’ai été dans différents hôpitaux; certains mélangent les jeunes
enfants et les ados, d’autres les séparent. Je me sentais beaucoup
mieux en service séparé car je pouvais parler avec des gens de mon
âge de la maladie, mais pas que; je riais avec eux comme avec mes
amis du lycée, je me sentais moins seule pour combattre ma maladie.
En service mélangé, les petits pleuraient, me réveillaient, jouaient
à des jeux que j’ai laissé tomber depuis longtemps. De plus, la
complicité était inexistante car, souvent, les jeunes enfants n’ont pas
la même perception de la maladie que nous, ados, qui comprenons
mieux ce qui nous arrive.
Manon, 17 ans, juin 2012.
Être adolescent dans un service pour adultes
Je suis âgé de 16 ans, considéré comme adolescentà l’IGR mais comme adulte”
pour mon hôpital de proximité, qui gère mes transfusions de globules rouges ou
de plaquettes après mes séances de chimiothérapie.
À chaque fois que je dois me rendre dans cet hôpital de proximité, j’y vais le cœur
serré! En effet, je suis souvent dans une chambre avec 1 voire 2 personnes âgées
avec qui je n’ai rien à échanger, portant la mort sur elles; là, je me ferme, pour moi
c’est un enfer!
Par contre, lorsque je me rends à l’IGR, même si c’est dur, je sais que je vais y retrouver
mes compagnons de chambre avec lesquels je partage le même combat: vaincre
ce cancer. Nous parlons beaucoup entre nous, partageons nos expériences; nous
nous motivons et avançons ensemble comme sur un champ de bataille. De plus,
nous avons à notre disposition une vraie salle de détente avec canapé, écran plat,
jeux, livres, baby-foot… Un grand merci au passage à l’architecte qui a conçu béné-
volement cet espace, il est génial!
Avoir une unité pour adolescents à l’hôpital est plus que nécessaire! Il y a une vie
à l’hôpital!
Jean-Baptiste, 16 ans, juin 2012.
Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VII - n° 3 - juillet-août-septembre 2012
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Adolescents
et jeunes adultes
(16 à 25 ans)
dossier thématique
Figure 1. Un espace de détente dédié aux adolescents : le Squat.
Convivialité en famille
Confidentialité et convivialité entre adolescents
Convivialité avec les soignants Atelier jonglage avec les psychomotriciennes
2002 2012
de convivialité entre eux (30 %) et avec leurs proches
(60 %) autour de jeux (55 %, de société ou vidéo) ou de
discussions (30 %). Cette salle est aussi un lieu d’attente
avant un examen (35 %), et permet au voisin de chambre
de recevoir des soins en toute intimité (> 50 %).
Une prise en charge favorisant la relation
aux pairs
L’implication dans un groupe de pairs est un élément
fondamental dans la construction de l’adolescent que
les unités AJA tentent de maintenir. La relation entre
un jeune atteint d'un cancer et son groupe de pairs
habituel (AJA non malades) est favorisée par un libre
accès de l’unité aux amis et à la fratrie, la disponibilité
des moyens de communication habituels (téléphone
portable [88 %], réseaux sociaux sur Internet [83 %]) et la
présence d’associations de jeunes non malades réalisant
des projets avec eux (par exemple, Cheer Up!). Ces liens
sont un soutien dans sa recherche de normalité mais
sont parfois une source de difficultés, et peuvent faire
naître un sentiment de décalage et d’incompréhension.
Les unités AJA permettent la création de nouveaux
liens en favorisant le contact avec des pairs malades
du cancer, ce qui permet aux jeunes patients de
développer de nouvelles stratégies adaptatives, de
partager leurs ressentis et de se soutenir mutuelle-
ment
( encadré 1) [19, 28]. L’unité de lieu permet des
rencontres (66 % dans l’enquête de 2000, avant la créa-
tion du “Squat” [3], et 85 % 9 ans après, en 2011) qui
sont favorisées par le personnel : rencontres aidées par
les infirmières (62 %), les aides-soignantes (42 %) et les
médecins (23 %) ; ces rencontres peuvent aboutir à une
amitié (en 2011, 40 % des AJA gardaient des contacts à
l’extérieur, dont 90 % étaient devenus des amis).
Une prise en charge favorisant la réinsertion
scolaire et professionnelle
Les difficultés scolaires (le taux de redoublement est
élevé : de 33 à 38 % [3, 29] ; 10 % des patients changent
d’orientation [3]) et professionnelles (30) rencontrées
par les AJA atteints d'un cancer sont une de leurs
préoccupations majeures (4). Elles sexpliquent par
La salle d’ados est une salle de détente
et aussi de jeux. Dans les 2cas, cela nous
permet de faire passer le temps, sans rester
uniquement dans la chambre. Au Squat, on
trouve: télévision, lecteur de DVD et DVD,
livres, jeux de société, consoles de jeu, baby-
foot, instruments de musique… Cest une
pièce accueillante et conviviale quand il y a
des ados (pas souvent ^^).
Même si on n’y est pas, le fait de savoir que
cette salle existe est un point positif, car
on peut y aller à tout moment, et elle ne
ressemble absolument pas à une chambre
d’hôpital!
Inès, 19 ans, juillet 2012.
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