162 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXIII - n° 5 - septembre-octobre 2008
Résumé
Le maraviroc (Celsentri®) et le raltégravir (Isentress®) sont les premiers représentants de deux nouvelles classes d’antiré-
troviraux (ARV), les inhibiteurs du CCR5 et de l’intégrase.
Le maraviroc n’a un impact antiviral que sur les souches VIH de tropisme R5. Un test phénotypique de tropisme est requis avant
son utilisation. Des tests génotypiques de tropisme sont en cours de validation. Un effet immunomodulateur s’objectivant
par une augmentation du taux de CD4 est mis en évidence chez le patient naïf et prétraité. Le raltégravir est remarquable
par sa puissance et sa rapidité d’action. Les profils de tolérance des deux molécules sont pour l’instant excellents.
En 2007, ces deux ARV ont obtenu une AMM pour le patient infecté par le VIH, prétraité en échec virologique. En succès
virologique, l’indication en
switch
pour intolérance médicamenteuse n’est pour le moment envisageable que pour le
raltégravir. Les premiers résultats d’études cliniques chez le patient naïf sont encourageants pour le raltégravir, mais
insuffisants pour le maraviroc en comparaison avec l’éfavirenz ; toutefois de nouvelles associations ARV avec ce dernier
doivent être évaluées.
Le maraviroc et le raltégravir sont deux nouveaux ARV avec des profils d’action différents et des indications pour l’instant
semblables, mais amenées à se diversifier.
Mots-clés
VIH
Antirétroviraux
Maraviroc
Raltégravir
CCR5
Intégrase
Highlights
Maraviroc (Selzentry®) and
raltegravir (Isentress®) are
the first molecules of two new
antiretroviral classes, CCR5 and
integrase inhibitors.
Maraviroc specifically inhibits
R5 tropism HIV. A tropism
phenotypic assay is required
before its use. Tropism geno-
typic assays are under valida-
tion. An immunomodulator
effect of CCR5 inhibitors
demonstrated by CD4 count
increase is highlighted in naive
and pretreated patients. Ralte-
gravir is striking for its powerful
and rapid activity. Both mole-
cules tolerance profiles are
excellent for the moment.
Both ARV obtained in 2007 a
product licence in HIV-infected
pretreated patients with viro-
logical failure. In virological
success situation, switch for
intolerance could be consid-
ered only for the moment for
raltegravir. In naive patients,
the first clinical trial results
are encouraging for raltegravir,
but insufficient for maraviroc in
comparison with efavirenz; new
ARV combinations with mara-
viroc have to be evaluated.
Maraviroc and raltegravir
are thus two new ARV, with
different activity profiles but
comparable indications for
the moment ; however in the
future indications could be
diversified.
Keywords
HIV
Antiretrovirals
Maraviroc
Raltegravir
CCR5
Integrase
Caractéristiques du maraviroc
et du raltégravir
Maraviroc, inhibiteur du CCR5
Indications ◆
Le maraviroc est un antagoniste non compétitif
du corécepteur CCR5 du VIH. D’après l’AMM euro-
péenne obtenue en 2007, il s’adresse aux patients
prétraités infectés par une souche VIH de tropisme
R5 présentant des résistances aux autres classes, en
association avec d’autres ARV (1).
Le maraviroc n’étant pas actif sur les souches de
tropisme X4 ou double/mixte R5/X4, un test phéno-
typique déterminant le tropisme doit être réalisé
avant tout traitement. Le résultat est obtenu en
3-4 semaines. Depuis peu, des tests génotypiques
reposant sur de nouveaux algorithmes, de réali-
sation plus rapide et moins chers, sont en cours
d’élaboration et les premiers résultats de corré-
lation avec les tests phénotypiques sont encou-
rageants (2, 3). Au cours d’un traitement efficace,
la détermination du tropisme sur une charge virale
(CV) indétectable avec un test phénotypique est
actuellement impossible en pratique clinique. Des
solutions sont recherchées, comme l’utilisation a
posteriori d’un test génotypique de tropisme sur
la dernière CV détectable dans l’hypothèse où le
tropisme n’aurait pas varié pendant la phase d’in-
détectabilité, ou la détermination du tropisme sur
l’ADN proviral. Ces hypothèses demandent à être
validées.
Tolérance ◆
La tolérance clinique et biologique du maraviroc
paraît très satisfaisante (3, 4). Mais comme pour
toute nouvelle molécule, une vigilance vis-à-vis
de cette classe d’ARV doit être maintenue, notam-
ment quant à la tolérance hépatique, en raison des
effets hépatotoxiques graves liés à l’aplaviroc (5). Il
existe aussi un hypothétique effet procarcinogène,
non confirmé actuellement, sur l’émergence plus
fréquente de cancers sous vicriviroc (6). Sur ces deux
sujets, les données actuelles vis-à-vis du maraviroc
sont rassurantes (3, 4).
Efficacité ◆
La stimulation de la restauration immunitaire observée
sous maraviroc est particulièrement intéressante. Une
méta-analyse évaluant cet effet induit sous inhibi-
teurs du CCR5 confirme l’augmentation du taux des
lymphocytes CD4 chez les patients naïfs et prétraités.
Elle concerne la valeur absolue du taux de CD4 et non
pas son pourcentage, et s’opère principalement dans
les premiers mois de traitement (7). L’effet immuno-
logique s’observe également chez le patient en échec
virologique ou porteur de souches virales R5/X4 ou
X4 exclusives et n’est pas observé chez la personne
non infectée par le VIH (7, 8). Il s’avère indépendant
du taux initial des CD4 et du degré de suppression
virale (7). Cette stimulation de la restauration immu-
nitaire doit être toutefois confirmée par des essais
cliniques ayant pour critère de jugement principal les
marqueurs immunologiques. D’autre part, le méca-
nisme de ce phénomène doit être mieux élucidé.
Un échappement virologique sous ce produit peut
passer par deux voies : soit par l’émergence de
souches R5/X4 ou X4 préexistantes (et non pas par
une commutation de tropisme), soit par l’appari-
tion de mutations dans la région V3 de la gp120 (3,
4). Afin de mieux détecter les souches R5/X4 ou
X4 préexistantes, des tests phénotypiques ayant
une plus grande sensibilité dans la détermination
du tropisme viral sont actuellement en cours de
développement (9). L’inquiétude initiale sur une
aggravation du pronostic clinique en cas d’émergence
de souches virales de tropisme X4 sous inhibiteur de
CCR5 ne semble finalement pas confirmée (3).
L’intérêt du maraviroc pourrait être d’autant plus
grand que le taux de CD4 est bas, compte tenu de
l’impact potentiel de cette molécule sur la restaura-
tion immunitaire. Toutefois, deux limites apparais-
sent chez ces patients. D’une part, la probabilité que
la souche virale soit de tropisme X4 est forte, car
elle est inversement proportionnelle avec le taux de
CD4 (3, 4, 10). D’autre part, une vigilance particulière
doit être maintenue vis-à-vis du risque infectieux
lié à certains pathogènes comme le toxoplasme,
le bacille tuberculeux, le cryptocoque ou certains
autres champignons, car le CCR5 aurait une fonc-
tion anti-infectieuse, entre autres vis-à-vis de ces
germes, et son blocage pourrait théoriquement être
préjudiciable (1, 3).