Faut-il avoir peur de la menace bioterroriste? MÉDECINE Huit agents biologiques dangereux CHARBON (ANTHRAX) BOTULISME CHOLÉRA EBOLA L’agent pathogène est constitué par la toxine produite par la bactérie Clostridium botulinum. Il reste intact pendant des semaines dans l’eau ou la nourriture, mais il est détruit à haute température. Le Vibrio cholerae est une bactérie produisant une toxine dangereuse, qui est très stable dans l’eau. Extrêmement virulent, le virus d’Ebola sévit notamment dans les forêts africaines. Transmis par des animaux dont on ignore la nature, il provoque régulièrement des épidémies chez les grands singes et les antilopes notamment. Ces derniers peuvent à leur tour contaminer les êtres humains par contact direct. On peut contracter le choléra après avoir consommé de l’eau ou de la nourriture contaminées. Après une incubation de un à trois jours, cette infection de l’intestin grêle se traduit par des diarrhées fulgurantes, des vomissements et une déshydratation générale. La maladie est contagieuse, mais elle n’est pas mortelle à condition que l’on puisse réhydrater le malade par voie orale ou intraveineuse, et lui administrer des antibiotiques. En outre, il existe désormais un vaccin contre le choléra. La maladie d’Ebola, très contagieuse, se déclare après environ une semaine d’incubation. Elle se traduit par des symptômes grippaux, puis par des fièvres hémorragiques qui, selon la nature de la souche virale, sont mortelles dans 70 ou 90% des cas. Des médicaments et des vaccins sont en cours d’étude et certains paraissent prometteurs, mais il n’existe actuellement aucun traitement contre cette maladie. Le choléra étant très répandu dans le monde - il est notamment endémique dans les zones tropicales humides de l’Afrique et de l’Asie - il est facile de se procurer la bactérie. Celle-ci se cultive aisément. Mais il est plus difficile de l’utiliser dans les pays où l’eau est contrôlée. La secte japonaise Aum a tenté d’obtenir des virus d’Ebola. Mais il est très difficile de se procurer ces microorganismes et de les conserver; leur manipulation est en outre très dangereuse. L’AGENT La bactérie Bacillus anthracis vit dans le sol sous forme de spores qui, après avoir pénétré dans un organisme animal (mouton et cheval notamment) ou humain, libèrent des bacilles toxiques. Protégés par une coque rigide, ces spores sont extrêmement stables : ils résistent aux rayons ultraviolets, à la chaleur et aux désinfectants usuels. EFFETS SUR L’ÊTRE HUMAIN Une personne infectée après avoir inhalé des spores développe la maladie du charbon pulmonaire, aussi appelée «maladie des trieurs de laine». Après une incubation de deux à quatre jours, le malade présente d’abord des symptômes ressemblant à ceux d’une forte grippe puis il souffre d’oppression respiratoire et de grosseurs sombres sur la poitrine et le cou. La maladie n’est pas contagieuse, mais sa mortalité est très élevée. La contamination peut se faire par le biais de nourriture contaminée - ce qui est rare - ou par inhalation de toxines cristallisées. Elle conduit au botulisme, maladie qui se manifeste par une vision brouillée, des difficultés à avaler, une faiblesse puis une paralysie musculaire. La maladie n’est pas contagieuse mais l’ingestion de quelques nanogrammes de toxines suffisent à provoquer la mort. Elle peut être traitée par des antitoxines mais, faute de tests, il est difficile d’identifier le botulisme à temps. FACILITÉ D’ACCÈS ET DE DISSÉMINATION Il est relativement aisé de se procurer la bactérie: quelque 1500 laboratoires dans le monde en possèdent une ou plusieurs souches. Le charbon est facile à cultiver, mais plus difficile à conditionner, surtout sous sa forme lyophilisée qui permet une dispersion massive. 56 On peut se procurer aisément la bactérie dans le sol ou la nourriture avariée. La toxine est facile à produire en grandes quantités, mais difficile à utiliser à des fins militaires. ALLEZ SAVOIR ! / N°31 FÉVRIER 2005 PESTE SALMONELLE TULARÉMIE VARIOLE La bactérie Yersinia pestis peut subsister longtemps, mais elle est détruite par la chaleur, les rayons ultraviolets et les désinfectants. L’entérobactérie Salmonella enterica typhimurium est un microbe instable qui se trouve dans la nourriture avariée. La bactérie Francisella tularensis peut survivre pendant des mois dans les cadavres d’animaux en décomposition. Elle résiste au froid mais elle peut être détruite par la chaleur et par des désinfectants. Le virus Variola major est très stable, et il peut se propager à toutes saisons et sous tous les climats. La peste pulmonaire est habituellement transmise du rat à l’être humain par l’intermédiaire de piqûres de puces. L’URSS a toutefois fabriqué des aérosols à partir de ces bactéries. Après des premiers symptômes comparables à ceux de la grippe, la maladie provoque des pneumonies. Très contagieuse, la peste pulmonaire peut être traitée à l’aide d’antibiotiques, à condition d’administrer ces derniers très tôt. Si tel n’est pas le cas, la mortalité est élevée. Contractée par ingestion de nourriture contaminée, la salmonellose se traduit par des diarrhées et des nausées soudaines, des prostrations et de la fièvre. La maladie n’est pas contagieuse et elle est très rarement mortelle; la plupart du temps, elle se guérit spontanément. La tularémie s’attrape par inhalation ou ingestion de nourriture ou d’eau contaminées, mais aussi par contact avec un animal infecté. Il suffit d’une centaine de germes pour contracter cette maladie, peu contagieuse, qui provoque divers symptômes: frissons, nausées, migraine et fièvres pendant deux ou quatre semaines. On dispose cependant d’antibiotiques très efficaces contre la tularémie, qui, si elle n’est pas traitée, est mortelle dans environ 30% des cas. La contamination peut se faire par inhalation d’aérosols ou par contact avec les secrétions d’un malade. La variole provoque des éruptions de lésions rouges qui se transforment en pustule. On ne connaît pas exactement sa contagiosité; on estime qu’un malade infecté pourrait contaminer entre trois à vingt personnes. Il existe un vaccin très efficace contre la variole, mais il présente des effets secondaires. Il est avéré que la peste a été utilisée par les Tatars lors du siège de Kaffa en 1346 et par les Japonais en Chine dans les années 1930-40. Aujourd’hui, il semble très difficile d’obtenir un stock de souches virulentes, mais lorsque l’on en possède un, la bactérie est facile à cultiver. Cependant, sa dissémination n’est pas aisée. Il est très facile de se procurer des salmonelles et de les utiliser. Ces entérobactéries ont été employées en tant qu’armes biologiques par les Etats-Unis avant 1970 et par l’Afrique du Sud. Elles ont aussi déjà servi dans le cadre d’une action bioterroriste: en 1984, la secte américaine du temple de Waco a mis des germes dans les salades et dans les sauces servies par plusieurs restaurants de l’Oregon. Selon certaines sources, les Russes ont employé la bactérie contre les Allemands avant la bataille de Stalingrad, durant la Seconde Guerre mondiale. Il est cependant difficile d’acquérir une souche virulente de la bactérie, qu’il est moyennement facile d’utiliser. En 1763, les Britanniques ont utilisé des couvertures contaminées avec du virus de la variole pour décimer les Indiens d’Amérique. Aujourd’hui, il est extrêmement difficile de se procurer le microorganisme. Depuis que la maladie a été éradiquée, seuls deux laboratoires - en Russie et aux EtatsUnis - conservent des stocks de virus. Mais nul ne sait si la grande quantité de virus dont l’Union soviétique disposait il y a quelques années a bien été détruite en totalité. E.Go. ALLEZ SAVOIR ! / N°31 FÉVRIER 2005 57