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FEATURES/Rubriques
Résultats rapportés par les patients pour un service
de soutien téléphonique pour le cancer du sein
par Margaret I. Fitch, Kittie Pang et Danielle VandeZande
RÉSUMÉ
La mesure des résultats rapportés par les
patients suscite un intérêt croissant dans
les centres de cancérologie. Les organismes
communautaires cherchent notamment
à relever les résultats rapportés par les
patients appropriés en vue de les intégrer
dans l’évaluation de leurs programmes.
L’organisme canadien Willow Soutien
pour le cancer du sein ou héréditaire a
ainsi mené une série d’entrevues auprès
de son personnel, de pairs bénévoles et de
clients pour faire ressortir les résultats rapportés par les patients les plus pertinents
concernant son service de soutien téléphonique offert par des pairs. Des variables
relatives tant aux processus et qu’aux
résultats ont ainsi pu être cernées en vue
d’être mesurées ultérieurement. L’approche
retenue et les résultats mis en lumière
pourraient servir de modèle à des organisations similaires.
L
e cancer et les traitements contre
le cancer ont d’importantes conséquences émotionnelles, psychosociales,
spirituelles et pratiques sur la personne
(Fitch, Porter et Page, 2008). D’après
des survivants du cancer, disposer d’un
bon soutien et d’information pertinente et significative a été extrêmement
AU SUJET DES AUTEURES
Margaret I. Fitch, inf. aut., Ph.D.,
Professeure, Faculté des études
infirmières, Université de Toronto,
Toronto, ON
[email protected]
Kittie Pang, B.Sc. (distinction),
Coordonnatrice de recherche, Centre
des sciences de la santé Sunnybrook,
Toronto, ON
[email protected]
Danielle VandeZande, Directrice
principale, Services de soutien et
de l’engagement communautaire,
Fondation canadienne du cancer du
sein, Toronto, ON
[email protected]
124
important pour les aider à composer
avec ces conséquences (Fitch, Porter et
Page, 2008). L’aide des pairs, plus particulièrement, est vue comme une source
clé d’information utile et de soutien
émotionnel aidant pour les survivantes
du cancer du sein (Fitch, Nicoll et
Keller-Olaman, 2007; Raupach et Hiller,
2002).
L’organisme pancanadien Willow
Soutien pour le cancer du sein ou héréditaire offre aux personnes vivant des
inquiétudes liées au cancer du sein de
l’information et des services de soutien par des pairs. Son service phare :
le soutien téléphonique offert par son
personnel et des bénévoles qualifiés
pour répondre aux préoccupations qui
jalonnent les étapes du cancer (prédiagnostic, diagnostic, traitement, soins
aux survivants du cancer et soins palliatifs). En activité depuis 1994, Willow
a pour vision de fournir au moment
opportun de l’information neutre
et de l’aide compatissante à tous les
Canadiens et Canadiennes atteintes de
cancer du sein.
Les organismes de soins en cancérologie cherchent de plus en plus à évaluer s’ils offrent leurs services comme
prévu et s’ils répondent aux attentes des
patients. Les résultats rapportés par les
patients (RRP), conceptualisés en tant
que changements dans l’état de santé ou
la condition d’une personne, sont considérés comme importants pour répondre
à ces questions (Given et Sherwood,
2005). L’organisme canadien Willow
Soutien pour le cancer du sein ou héréditaire a donc entrepris de répertorier
les résultats rapportés par les patients
les plus pertinents concernant son service de soutien téléphonique par des
pairs. Cette initiative unique de soutien
communautaire fourni par du personnel et des bénévoles pourrait ainsi servir
de modèle pour d’autres services communautaires de soutien aux personnes
atteintes de cancer.
CONTEXTE
Willow et son service de soutien
téléphonique offert par des pairs
Le service de soutien téléphonique
offert par les pairs de Willow dessert
tous les appelants préoccupés par la
santé des seins. Quiconque appelant
chez Willow se verra répondre par un
survivant du cancer du sein (membre
du personnel ou bénévole qualifié).
L’équipe de soutien collabore en outre
avec un documentaliste professionnel pour offrir des services intégrés
aux clients, qui peuvent ainsi accéder
à de l’information par téléphone ou
par écrit (courriel ou courrier). Le service reçoit en moyenne 60 appels par
mois (excluant les demandes par courriel), chaque appel durant entre 5 et
60 minutes.
Pendant un téléphone, le membre
du personnel ou bénévole de Willow
cherche d’abord à comprendre la raison de l’appel et le problème précis de
l’appelant. Ce pair peut ensuite, selon
les besoins de son interlocuteur, parler
de son expérience personnelle (diagnostic, effets secondaires, soins de suivi,
stratégies d’adaptation, suggestions
pratiques, conseils pour échanger avec
les professionnels de la santé, etc.) ou
encore donner de l’information sur la
santé des seins et le cancer du sein (ne
remplace pas un avis médical).
Si le pair ne peut répondre aux
demandes d’information de l’appelant,
il l’aiguillera vers une autre personne
dans l’organisation (documentaliste,
autre bénévole ayant un vécu semblable
à celui de l’appelant), vers un autre
organisme (Wellspring, Gilda’s, Société
canadienne du cancer) ou vers des ressources Internet (sites Web ou communautés en ligne, par exemple). On
s’attend des pairs qu’ils se mettent à la
place de l’appelant pour comprendre
et évaluer ses inquiétudes et ainsi bien
doser le soutien émotionnel offert avec
l’information à fournir pour répondre
aux besoins ressentis.
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BUT ET OBJECTIFS
L’objectif final de l’organisme est de
surveiller à intervalles réguliers son service de soutien téléphonique offert par
des pairs. Toutefois, avant de mettre en
place une approche pour la collecte de
données, il fallait relever les variables
les plus pertinentes pour mesurer ce
service particulier. Les travaux décrits
dans le présent article ont été menés
pour reconnaître les RRP pertinents
pour évaluer l’information et le service
de soutien téléphonique offert par des
pairs pour le cancer du sein.
MÉTHODOLOGIE
Nous avons eu recours à une méthodologie qualitative descriptive (Thorne,
2007) pour chercher à comprendre comment se déroulait le soutien téléphonique par des pairs offert par Willow
et arriver à isoler les résultats pertinents pour ce service. Des entrevues de
fond ont été menées auprès du personnel, de bénévoles qualifiés et de personnes ou clients ayant utilisé ce service.
Comprendre comment la prestation du
programme se passait pour le personnel,
les bénévoles et les appelants a permis de
cibler les résultats atteints par ce mode
de prestation particulier. Cette recherche
a été approuvée par le comité d’éthique
de la recherche du Centre des sciences
de la santé Sunnybrook.
Recrutement : Les membres du personnel de l’organisme ont aidé à la conception et au déroulement du projet. Ils
ont aussi participé en étant interviewés
quant à leur expérience lorsqu’ils répondent aux appels faits à Willow.
La directrice générale de l’organisme a
transmis une lettre d’invitation aux pairs
bénévoles. L’assistante de recherche a fait
le suivi auprès des bénévoles pour leur
expliquer l’étude, répondre à leurs questions et obtenir leur consentement à y
participer. Le cas échéant, l’adjointe fixait
le moment pour une entrevue en personne ou par téléphone. Les entrevues
avec le personnel et les bénévoles ont été
réalisées et analysées avant les entrevues
avec les clients.
Le recrutement de clients pour
l’étude a quant à lui été fait par le personnel de Willow, qui présentait le projet à la fin des appels téléphoniques.
Tous les clients étaient jugés admissibles, sauf si le membre du personnel
ayant pris l’appel jugeait la demande
inappropriée parce que l’appelant vivait
trop de détresse, se débrouillait difficilement en anglais ou avait déjà été
approché précédemment à ce sujet.
Deux membres du personnel géraient chaque appel durant la période de
collecte des données. Les clients se
faisaient dire que l’étude visait à comprendre comment ils avaient profité
du service. L’assistante de recherche
recevait ensuite, les coordonnées des
clients ayant consenti à ce qu’on les
joigne pour avoir en savoir plus sur
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l’étude. L’assistante de recherche leur
téléphonait alors pour leur expliquer
tous les détails, répondre à leurs questions et solliciter une entrevue. Si l’appelant y consentait, des dispositions pour
mener cette entrevue par téléphone.
Guide d’entrevue : Aux fins de la
présente étude, un guide d’entrevue
semi-structuré a été élaboré par les
chercheurs et le personnel de Willow.
L’entrevue donnait l’occasion aux participants de s’exprimer sur le service
téléphonique reçu en décrivant de
leur point de vue comment le service
fonctionnait, comme un appel se déroulait, et ce qui ressortait de l’intervention.
Toutes les entrevues ont été effectuées
par une seule personne (l’assistante de
recherche) qui avait de l’expérience en
entrevues qualitatives et ne faisait pas
partie du personnel organisationnel.
Les entrevues, enregistrées, ont ensuite
été transcrites textuellement.
Analyse : On a procédé à l’analyse
des entrevues avec le personnel et les
bénévoles avant d’interroger les clients.
Dans tous les cas, le contenu des transcriptions a été soumis à une analyse
qualitative descriptive standard (Thorne,
2007) effectuée par deux personnes
habituées à ce genre d’analyse (la chercheuse principale et l’assistante de recherche). Les transcriptions des entrevues
ont été revues indépendamment, et des
observations ont été notées sur leur contenu. Puis un échange de points de vue
a eu lieu sur le contenu, les idées similaires ont été regroupées, et les idées clés
ont été ressorties par catégories. Enfin, la
chercheuse principale a ensuite résumé
les résultats. Cette démarche faite, les perspectives communes aux trois groupes
de personnes interrogées (personnel,
bénévoles, clients) ont été regroupées
pour faire ressortir les grandes idées soulevées concernent les résultats pertinents
des patients ayant utilisé le service de soutien téléphonique par les pairs.
RÉSULTATS
Point de vue du personnel et des
bénévoles
Six membres du personnel et quatre
bénévoles ont été interviewés. Les participants étaient toutes des femmes âgées
de 35 à 78 ans (moyenne : 55,1 ans). Elles
125
FEATURES/Rubriques
Les mesures pour évaluer des
programmes
Auparavant, les mesures pour évaluer les programmes de services de santé
s’attardaient surtout à la structure et aux
mesures ou indicateurs de processus,
et peu à la satisfaction du client. Or, les
résultats rapportés par les patients (RRP)
sont de plus en plus prisés désormais
pour comprendre le point de vue des
patients au moyen de mesures normalisées. Les résultats cliniques les plus
fréquemment considérés sont les indicateurs physiques (douleur, nausée,
fatigue, etc.), mais on tient aussi de plus
en plus souvent compte des résultats
psychosociaux rapportés par les patients
(anxiété, dépression, etc.). Au cours des
dix dernières années, les centres de cancérologie ont commencé à utiliser des
outils RRP pour mesurer et suivre la
détresse psychosociale et la détresse liée
aux symptômes dans l’idée de stimuler la
prestation de soins contre le cancer centrés sur la personne (Partenariat canadien contre le cancer, 2009).
Les
centres
communautaires
cherchent actuellement à cibler les RRP
les mieux adaptés à l’évaluation des programmes dans leur contexte de prestation de soins. Les programmes de ces
centres peuvent être offerts par des professionnels de la santé ou des bénévoles
qualifiés, ce qui signifie qu’il faut cerner
des RRP convenant à chaque type de prestation. Les résultats devraient être liés aux
objectifs spécifiques des programmes, aux
résultats attendus, aux ressources disponibles et au mode de prestation. À ce jour,
aucun RRP n’a encore été signalé pour les
services d’information et de soutien téléphonique offerts par des pairs bénévoles.
FEATURES/Rubriques
comptaient entre 1 et 18 années de service chez Willow (moyenne : 7,85 années)
(voir tableau 1). Les membres du personnel comme les bénévoles ont exprimé
des idées, des expériences et des perspectives très similaires sur le service de soutien téléphonique de Willow. Les résultats
seront présentés à l’ensemble des dix personnes interviewées en faisant ressortir
les différences les plus marquantes quant
aux points de vue énoncés.
Raisons motivant les appels à Willow
Willow est vu comme un organisme
qui répond aux besoins d’information
et de soutien de toute personne qui téléphone, qu’il s’agisse d’un patient, d’un
survivant, d’un membre de la famille,
d’un ami, d’un simple citoyen ou d’un
professionnel de la santé. « C’est vraiment un service pour quiconque s’intéresse au cancer du sein », comme le
résumait une personne interrogée. De
vive voix ou par écrit, le service donne de
l’information sûre et crédible, soit par
téléphone, par courriel ou par courrier,
et met en contact avec une personne
formée ayant vécu la même situation et
pouvant « … accueillir la personne dans
son ensemble ». Les entretiens sont privés, personnels, et menés dans l’anonymat si le l’appelant le demande.
Le personnel et les bénévoles participants ont décrit nombre de raisons
amenant à appeler Willow. Les clients
commencent souvent en disant qu’ils
appellent pour un type de demande
particulier, mais la conversation dérive
ensuite fréquemment sur d’autres
besoins émotionnels ou d’information. Certains pleurent ou appellent en
panique, ou encore ont une question
bien précise à poser.
• [nous recevons] toutes sortes d’appels… des gens qui cherchent de l’information sur du soutien financier,
des femmes qui veulent simplement
être écoutées, d’autres vraiment déprimées, qui ne savent pas quoi faire ou
à quoi s’attendre, d’autres en colère
aussi. Ce sont aussi parfois les maris
de ces femmes ou un de leurs enfants
devenu grand. Ça peut être n’importe
quoi lié au cancer du sein de toute
façon… même des gens qui n’ont pas
le cancer, mais qui savent que Willow
est une source réputée et qui veulent
juste un lien, ou connaître les liens
dans leur communauté.
126
Dans bien des cas, durant l’appel, la
discussion inclura tant des aspects liés
au soutien qu’à l’information. Un appel
motivé par un besoin de soutien émotionnel se transformera en échange
d’information, et vice versa. Il est difficile pendant l’appel de séparer ces deux
besoins, soutien et information, la conversation menant souvent à les entremêler.
• … quelqu’un téléphonera pour
savoir où acheter une perruque…
mais si on creuse, on voit qu’il y a
plus que ça à dire. La perruque n’est
en quelque sorte qu’un prétexte pour
appeler… et chaque appel est différent… Il faut écouter ce qui se dit,
le ton de voix… C’est parfois plus
facile de déceler la peur, la peine, la
joie lorsqu’on est en seul à seul avec
quelqu’un, en personne… mais c’est
autre chose de les détecter au téléphone et d’arriver à y répondre… il
faut une certaine habileté.
• Chaque appel est différent…
Lorsqu’on a affaire à un nouveau
diagnostic, on parle le plus souvent
de peur, de la manière de composer avec, on explique, on explore les
possibilités : à quoi s’attendre avec le
chirurgien, la chimio et la radio, à
quoi sert chaque traitement, ce qui
peut réduire les risques de récidive.
Tableau 1 : Données démographiques –
personnel et bénévoles interrogés (n = 10)
Sexe
100 % de femmes
Âge
Moyenne = 55,1 ans
Fourchette = 35 à 78 ans
Études
70 % postsecondaires
30 % cycles supérieurs
Rôle actuel
60 % = Personnel
40 % = Bénévoles
Années de
service
Moyenne = 7,85 ans
Fourchette = 1 à 18 ans
attention, laissent l’appelant préciser le
sujet de son appel, cherchent à se montrer accueillants et compatissants dans
leurs réactions. Il arrive souvent qu’ils
évoquent leur propre vécu et ce qui les a
aidées quand ils ont reçu leur diagnostic
initial, et l’intègrent dans les échanges.
• Durant les appels, on parle beaucoup du manque de contrôle sur leur
vie ressenti par ces femmes… attendre
des nouvelles du bureau du médecin…
vivre avec un sentiment d’isolement…
il faut savoir que ça fait partie du processus… et ramener vers la normalité,
pour aider à gérer la situation.
La majorité des appels proviennent
de femmes ayant un diagnostic de
cancer du sein et qui doivent décider
d’un traitement ou en recevoir, ou de
membres de leur famille qui appellent
en leur nom.
• Ça aide les femmes de l’entendre
d’une personne passée par là… il y a
tant d’anxiété au moment du diagnostic. Le fait de parler à quelqu’un qui
comprend cette anxiété, eh bien, ça
valide en quelque sorte les émotions,
ça les rend normales. C’est de savoir
qu’on n’est pas en train de devenir cinglé lorsqu’on pleure et que tout d’un
coup, on se sent plein de bravoure...
pour ensuite refondre en larmes. Puis
passer à la colère… à la peur… Willow
permet de partager ce vécu en plus de
fournir de l’information.
Au cours d’un appel, une grande
diversité de sujets peuvent être abordés. Le personnel et les bénévoles
qui répondent essaient de satisfaire
les besoins des appelants, mais ils ne
savent jamais d’emblée quelle orientation prendra l’appel. Ils doivent être
prêts à suivre leur interlocuteur.
• Ça arrive que des gens appellent
et abordent directement le vrai problème, ce qui les dérange vraiment.
Mais la plupart du temps, la raison
de l’appel n’est qu’en toile de fond, et
il faut affirmer ce qu’ils ressentent…
écouter ce qu’ils disent et faire du
reflet… C’est rare qu’un appel ne
cache rien d’autre… et il faut travailler pour amener au jour ce qui
doit être discuté… Sans compter que
l’épreuve du cancer du sein peut créer
beaucoup, beaucoup de besoins.
Perception des appels (sujets centraux
et déroulement)
Le personnel et les bénévoles de
Willow ont décrit le déroulement des
appels : comment ils écoutent avec
Les discussions durant les appels
peuvent porter sur des aspects physiques, psychosociaux, spirituels et pratiques, ainsi que sur des problèmes
liés à la maladie et au traitement. Les
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Bénéfices apportés par les appels et les
échanges
Le personnel et les bénévoles de
Willow interviewés ont parlé des
diverses manières dont un appel pouvait
se dérouler et aboutir, et décrit l’objectif visé pendant l’appel (gestion de l’entretien par l’intervenant de Willow), de
même que le résultat souhaité au bout
du compte (ce que l’appelant devrait ressentir, penser et faire en raccrochant).
Les grandes lignes des idées exprimées
figurent au tableau 2.
En majorité, le personnel et les bénévoles ont concentré leurs réflexions sur
les résultats liés aux variables psychosociales. On a cité la réduction du stress
comme premier résultat visé par l’entretien téléphonique. Satisfaire le besoin
d’information peut aider à réduire la
détresse de l’appelant, mais souvent le
Tableau 2 : Bénéfices apportés par les entretiens, selon le personnel et les bénévoles de
Willow
Finalités obtenues
Durant
l’entretien
téléphonique
(façon dont
il devrait être
mené)
•Écouter et refléter les propos (miroir)
•Liberté de poser des questions
•Permettre de discuter en profondeur
•Offrir un endroit où venir vérifier des choses
•Fournir un espace de connexion/liaison; relier les patients avec les
services; aiguiller vers d’autres organismes selon les besoins/questions
•Mettre à l’aise pour inciter à rappeler au besoin
•Libérer les émotions
•Soutenir dans la prise de décision
•Encourager
•Prendre les gens là où ils sont – les laisser définir leurs besoins
•Laisser parler et être à l’écoute
•Parler avec quelqu’un qui comprend ce qu’ils vivent et traversent; parler
avec quelqu’un qui a le même vécu (sur le cancer)
•Fournir de l’information sur mesure et du soutien
•Indiquer les questions pouvant être posées à leur médecin
•Clarifier l’information (faits)
À la fin de
l’entretien (ce
qu’il devrait
accomplir)
•Valider (le vécu est réel)
•Normaliser (les émotions sont normales et les réactions, saines)
•Leur faciliter la tâche [pour mieux composer/gérer]
•Donner de l’information pertinente, significative, compréhensible et à jour
•Réduire le sentiment d’impuissance; donner de l’espoir
•Les aider à s’aider eux-mêmes (habilitation)
•Les aider à se sentir en contrôle de la situation
•Créer un sentiment de communauté, pour se sentir soutenu, voir un sens
à sa réalité; avoir le sentiment d’avoir partagé son expérience
•Réduire l’anxiété et l’appréhension, soulager d’un poids
•Aider à aller de l’avant
•Donner de l’information qui facilite la prise de décision
•Avoir rassuré
personnel et les bénévoles pensaient
que la façon dont l’appel était mené était
un facteur encore plus déterminant
pour un appel bien mené.
• J’espère qu’ils ont eu réponse à leurs
questions. S’ils veulent de l’information factuelle, je cherche à combler ce
besoin… pour qu’ils se disent « oui,
d’accord, ça tombe sous le sens, c’est
ce dont j’avais besoin ». J’essaie d’arriver à créer cet état chez eux, vous
savez, la satisfaction émotionnelle de
voir ses besoins compris et comblés,
quel qu’ait été le besoin… de sentir
l’empathie, le besoin de bien-être, de
soutien comblés… J’espère que c’est ce
avec ça qu’ils repartent.
qu’elles feront… qu’elles auront l’information qui leur permettra d’aller
de l’avant… de composer avec l’ensemble du problème.
• J’espère que les femmes… se sentent
en quelque part plus en mesure de
prendre une décision quant à ce
Point de vue des appelants
Durant les trois semaines consacrées
à la collecte de données, 59 appels ont
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• Que les femmes puissent parler,
se raconter… sentir qu’elles peuvent
s’ouvrir à nous à propos de leurs
préoccupations, qu’elles peuvent rappeler en cas de déprime ou d’inquiétude… et que nous les écouterons.
• Nous pouvons les aider à puiser
dans leurs propres ressources, que
parfois elles ignorent, et les remettre
dans une voie où leurs besoins seront
comblés… en les accompagnant un
peu pour qu’elles s’y retrouvent.
127
FEATURES/Rubriques
effets secondaires, les médicaments, la
ménopause, la génétique, la chirurgie
et la reconstruction sont des exemples
d’aspects physiques. La peur, l’inquiétude, la colère, la frustration, le chagrin
et l’anxiété sont des aspects psychosociaux. L’isolement, la solitude et la joie
sont des aspects spirituels possibles. Les
finances, la navigation des patients cancéreux dans le système de soins de santé
ou la recherche de services (perruques,
prothèses, etc.) sont des aspects pratiques. Les personnes interviewées ont
insisté sur le fait qu’aucun avis médical n’est donné à l’appelant; on les invite
plutôt à poser leurs questions d’ordre
médical à leur médecin de famille, à
leur oncologue ou à une infirmière
en oncologie. Bien souvent, les appelants cherchent à avoir un autre type de
conversation que celle qu’ils auraient
avec des professionnels de la santé.
• … Le simple fait de parler à « un
expert qui s’y connaît pour avoir eu
le même parcours » les rassure… On
peut poser ces questions à un professionnel, mais bon... tout d’abord,
ils sont parfois trop occupés pour
parler… ou poser la question nous
embarrasse… c’est gênant de déclarer
qu’en fait, on se sent vraiment déprimée ou seule, qu’on craint de ne plus
être séduisante sans sa poitrine… On
peut trouver plus facile d’en parler
à une autre femme, car elle pourra
comprendre. »
FEATURES/Rubriques
été traités par le personnel de Willow, et
38 personnes ont été invitées à participer
au projet. L’assistante de recherche s’est
fait remettre 30 noms : 20 personnes
ont été jointes dans les 15 jours suivant
leur appel à Willow, et toutes accepté de
participer. Les entrevues menées au téléphone ont duré de 10 à 40 minutes.
Sur 20 clients interrogés, 19 étaient
des femmes et 16 avaient reçu un diagnostic de cancer du sein. Le seul homme
était un membre de la famille d’une
femme souffrant d’un cancer du sein.
L’âge des appelants s’étendait de 29 à
71 ans (moyenne : 54,2 ans). En présence
de cancer du sein, le diagnostic avait été
posé de 1 à 18 ans plus tôt (moyenne :
2,8 ans). Onze personnes étaient mariées.
Sept avaient terminé des études secondaires et sept autres, des études universitaires. Cinquante-cinq pour cent (55 %)
vivaient dans la région du Grand Toronto,
tandis la balance (45 %) vivant ailleurs au
Canada (voir tableau 3).
Raisons motivant les appels à Willow
Selon les appelants, la raison principale pour appeler est le besoin de soutien ou le besoin d’information. Le
besoin de soutien, qui pouvait survenir
à n’importe quelle étape dans le continuum de soins du cancer du sein, était
décrit comme le désir de parler à une
autre femme ayant vécu les mêmes
choses ou traversé la même situation.
Ces personnes disaient être « stupéfaites » par le diagnostic de cancer du
sein, qu’il soit nouveau ou récurrent,
et avoir été « renversées » en apprenant son existence. Les sentiments
d’inquiétude, de peur, de crainte ou de
« panique » ont fréquemment été cités
comme motivation pour appeler Willow.
• J’étais paniquée parce que j’avais
peur qu’il s’agisse d’une récidive, et
elle [membre du personnel] a eu un
effet très calmant sur moi.
• J’ai appelé pour obtenir du soutien. C’était un de ces jours où
j’étais inquiète, où j’étais remplie de
craintes, et je ne voulais pas appeler
des amis ou ma famille. Je ne voulais pas les alarmer.
• J’avais peur et j’étais troublée;
j’avais toutes sortes de questions et
j’étais en colère.
128
Quant aux besoins d’information, les
appelants ont décrit un vaste éventail de
sujets qu’ils voulaient connaître (traitements, reconstruction, à quoi s’attendre
à l’hôpital ou à la clinique, éclaircissements sur les termes employés, « vérifier ce qui avait été dit à la clinique, ce
que m’avait dit mon médecin »).
• J’ai appelé pour obtenir de l’information et du soutien… J’étais en
plein traitement, vous savez, et je
voulais savoir à quoi m’attendre,
connaître leur vécu, sonder l’inconnu
et me figurer ce qui allait se passer.
• J’ai appelé pour obtenir du soutien
et de l’information… J’étais stupéfaite.
On m’avait mentionné un paquet de
termes… Il fallait que quelqu’un me
les explique. Je ne comprenais pas
bien… Il fallait que quelqu’un m’aide
à démêler les choses.
Les appelants ont souligné que, même
si leur appel portait sur une demande de
soutien ou d’information, les deux composantes finissaient souvent par apparaître au fil de la conversation. En offrant
du soutien, on donnait souvent au passage des renseignements utiles, et inversement, les demandes d’information
amenaient fréquemment à obtenir des
réponses à divers soucis de nature émotionnelle. Les appelants ont senti que
les échanges s’étendaient sur plusieurs
sujets et répondaient aussi bien aux
besoins d’information que de soutien.
• J’ai posé beaucoup de questions et ils
ont pu y répondre. Alors, tout a bien
fonctionné… on a commencé simplement par de l’information, mais
en cours d’entretien, c’est devenu du
soutien… on a parlé des détails de
la reconstruction et de ce qu’impliquait la chirurgie, du temps de rétablissement prévu, des avantages et
des inconvénients qui y étaient associés et de la raison, je suppose, pour
laquelle j’aurais la chirurgie… je me
sentais très positive, et j’ai senti qu’ils
m’avaient très clairement et honnêtement renseignée, et après je me suis
sentie mieux.
Perception des appels (sujets centraux
et déroulement)
Les clients ont dit qu’on leur avait
répondu rapidement, sans être « mis
en attente ». Si la première personne
Tableau 3 : Données démographiques –
clients (n = 20)
Sexe
95 % de femmes (n = 19)
5 % d’hommes (n = 1)
Âge
Moyenne = 54,2 ans
Fourchette = 29 à 71 ans
Lieu
9 = Toronto
2 = London
1 = Ajax, Hamilton,
Huntsville, Kingsville,
Montréal, Ottawa,
Richmond Hill, Thornhill,
Tofield (Alb.)
Études
30 % postsecondaire
entamé, non fini (n = 7)
35 % diplôme d’études
postsecondaires (n = 7)
35 % diplôme d’études
supérieures (n = 7)
Diagnostics 80 % cancer du sein (n = 16)
20 % sans diagnostic de
cancer du sein (n = 4)
Années
écoulées
depuis le
diagnostic
Moyenne = 2,8 ans
Fourchette = 1 à 15 ans
État civil
53 % mariés (n = 10/19)
37 % célibataires (n = 7/19)
5 % conjoints de fait
(n = 1/19)
5 % séparés (n = 1/19)
n’était pas en mesure de répondre à
une demande précise, l’appelant était
rapidement redirigé à une autre personne le pouvant, ou des dispositions
étaient prises pour que la bonne ressource rappelle rapidement. Les clients
ont dit s’être sentis « écoutés avec compassion et compréhension » durant
l’entretien. Ils ont trouvé que le personnel et les bénévoles de Willow répondaient en faisant preuve de soutien, de
calme et de respect, et qu’ils écoutaient
leurs préoccupations sans juger. Ils ont
pu, pendant l’entretien, parler de leurs
inquiétudes et entendre le vécu d’autres
personnes ayant reçu un diagnostic de
cancer du sein. Ils ne se sont pas sentis bousculés ou pressés de terminer
la conversation, et ont constaté que le
personnel et les bénévoles de Willow
étaient soucieux de les aider vraiment
et sensibles à leurs préoccupations.
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Résultats obtenus
Durant
l’entretien
téléphonique
(façon dont
il devrait être
mené)
•Être mis à l’aise, se sentir soutenu
•Se sentir écouté, compris
•Sentir qu’on peut parler et poser des questions ouvertement
•Ne pas se sentir pressé de terminer l’appel
•Être en mesure de discuter et de faire la part des choses en mesurant les
pour et les contre
•Se sentir accueilli, sans jugement
À la fin de
•Se sentir plus calme, moins stressé
l’entretien (ce •Avoir acquis de nouvelles idées et perspectives, une nouvelle
qu’il devrait
compréhension
accomplir)
•Se sentir plus à même de décider et d’agir
•Détenir l’information recherchée
•Avoir de l’information pertinente, compréhensible, significative et à jour
•Avoir meilleur espoir; se sentir encouragé et rassuré
Comme le relate un appelant : « J’ai eu
l’impression d’avoir tout le temps nécessaire pour lui parler. »
• C’était un lieu où les gens comprenaient vraiment ce que nous traversions pour avoir connu le même
parcours, et ils pouvaient s’adresser
parfaitement à nous en se mettant
à notre place… Ils ont simplement
remis les choses en perspective, ce qui
a procuré la plus grande paix d’esprit possible en la situation.
• … Mais ils ont écouté et ils ont pu
m’aider à évaluer divers facteurs,
vous savez, comme j’avais à prendre
une décision. Personne ne peut
décider à ma place, mais ils m’ont
soutenue en m’aidant à prendre
cette décision… en se montrant
compatissants.
• … Ils étaient courtois et respectueux, et aussi objectifs que possible. La personne m’a fait part de
son vécu et n’a pas cherché à m’influencer de quelque façon que ce soit;
elle a simplement cherché à me fournir de l’information… c’est un sujet
qu’elle comprenait bien…
• Ils ont été compréhensifs et vraiment aidants, vous savez. Ils m’ont
laissée parler, m’ont écoutée, donné
de bonnes idées et fait des suggestions. Dans l’ensemble, je crois que
c’était super… c’était une conversation d’égal à égal… ça ne penchait
pas d’un seul côté… et ils ne m’ont
pas pressée.
Les clients ont rapporté que l’information fournie répondait bien à leurs
besoins. Ils ont constamment décrit à
quel point ça leur avait été bénéfique
de parler avec quelqu’un ayant vécu la
même chose.
• J’ai trouvé ça vraiment bien [la
façon dont l’information m’a été
fournie]. C’était informel, mais vraiment, hmm... elle avait une bonne
écoute, elle donnait de l’information; puis, elle pouvait parler de son
vécu. C’est plus intéressant qu’obtenir simplement des faits ou de l’information de quelqu’un qui ne peut
comprendre réellement ce qu’on vit.
Elle, elle avait eu le même problème
et relevé les mêmes défis.
• … J’étais vraiment reconnaissante
de pouvoir joindre quelqu’un ayant
eu une expérience semblable, mais
qui n’avait plus le cancer depuis
longtemps — c’était inspirant. Je me
suis sentie beaucoup plus forte et je
ne ressentais plus le besoin d’inquiéter ma famille et mes amis, de leur
causer du souci.
Trois appelants ont trouvé l’entretien utile, mais ont émis une réserve.
Deux auraient aimé avoir un échange
avec une personne ayant un vécu plus
proche du leur (procédure de test génétique similaire, expérience plus proche
dans le temps). Un autre appelant a
trouvé l’entretien trop long.
• Il y a une chose que j’aurais aimé,
c’est de trouver quelqu’un qui avait
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Revue canadienne de soins infirmiers en oncologie
eu cette expérience plus récemment… quelqu’un plus près de mon
âge ayant vécu cela dans la même
période… et plus récemment… vous
savez, les traitements aujourd’hui
ont pu changer un peu, quoi.
• À un moment donné, j’ai voulu
mettre fin à l’entretien, mais elle
continuait à m’inonder d’information. Elle n’a pas été très sensible à
ma situation pendant qu’on parlait.
Bénéfices apportés par les appels et les
échanges
En dressant le bilan de l’interaction,
les appelants ont dit s’être sentis à l’aise,
soutenus et compris. La manière dont
l’entretien s’est déroulé et les réactions
du personnel et bénévoles de Willow
leur ont permis de se sentir entendus et
compris (voir tableau 4).
• Elle était drôlement bien informée.
C’était une survivante du cancer
depuis des années… très à jour sur les
nouveaux traitements. Elle savait de
quoi je parlais, elle était très ouverte
sur son type de récupération, et elle
a entièrement compris mes peurs et
mes inquiétudes… elle était fantastique, respectueuse et très ouverte…
compréhensive et empathique.
Une panoplie d’indicateurs ont été
relevés comme bénéfices ou finalités
découlant des appels (voir tableau 4).
Les appelants ont exprimé avoir reçu
l’information
qu’ils
recherchaient
et compris ce qu’on leur a remis; ils
ont dit qu’en raccrochant ils se sentaient mieux, plus calmes, détendus et
capables de composer avec leur situation. Certains ont dit que l’entretien les
avait aidés à retrouver la « paix d’esprit »
ou sortir d’une « spirale ». L’aide recherchée avait été reçue et ils ressortaient
satisfaits de l’échange.
• L’information était vraiment très
bien donnée… j’ai trouvé la façon
dont l’information était regroupée,
organisée, très utile parce que mon
cerveau était un peu embrouillé.
Alors, organiser l’information, c’est
vraiment important pour que je la
comprenne sans frustrations…
• Ils m’ont encouragée à me battre et
à garder une attitude positive.
129
FEATURES/Rubriques
Tableau 4 : Bénéfices retirés des entretiens, selon les appelants
FEATURES/Rubriques
• … Je peux gérer, je suis plus calme,
et c’est grâce au soutien de Willow.
• La conversation m’a calmée…
C’était bien de pouvoir parler de ce
qui me troublait… j’ai obtenu l’information requise.
Certains appelants ont dit s’être sentis en meilleure position pour prendre
des décisions après l’appel. Ils ont pu
faire la part des choses quant aux choix
qui s’offraient à eux grâce à l’information et au soutien fournis. D’autres
ont décrit combien l’entretien téléphonique leur avait « ouvert de nouvelles
perspectives » ou avait « alimenté leur
réflexion ». Des commentaires comme
« ça m’a apaisée », « ça l’a ouvert mes
horizons » ou « ça m’a recentrée »
reflétaient bien les bénéfices retirés
du soutien et de l’information reçus.
La conversation a pu nourrir leurs
connaissances sur le cancer du sein, les
choix de traitements et le traitement en
cours.
• En fait, ils m’ont aidée à assumer
la situation… ils m’ont donné une
autre perspective pour y réfléchir, à
ce qui se passait… Ils ne m’ont pas
critiquée. Ils m’ont écoutée, puis ont
essayé de m’aider à m’y retrouver,
vous voyez?... Maintenant je peux
prendre mieux soin de moi, voir réellement ce qui se passe et poser les
bonnes questions. Je sens que je peux
aller de l’avant.
Une personne a indiqué que l’appel
n’a pas abouti au résultat recherché. Les
échanges avec le membre du personnel
ou bénévole de Willow avaient donné
un certain soutien et l’information
reçue avait été claire, mais la demande
particulièrement qui avait motivé l’appel (besoin d’aide financière) n’avait pas
pu trouver réponse dans le cadre du programme offert par l’organisme.
Satisfaction à l’égard de l’entretien
téléphonique
Les appelants ont évalué leur taux de
satisfaction par rapport à l’entretien téléphonique sur une échelle de 5 points, 5
indiquant « très satisfait ». Le résultat
moyen a été de 4,8 (écart allant de 4 à 5).
À la question de savoir ce qui les avait
satisfaits le plus durant l’entretien, la
réponse revenant le plus fréquemment
130
a été « pouvoir parler à quelqu’un qui
avait vécu la même situation ». Les
appelants ont décrit avoir ressenti un
sentiment de compréhension en parlant
à quelqu’un qui « était passé par là »,
comme si cela créait un terrain commun pour mieux comprendre les sentiments et émotions ressentis. L’appelant
n’avait pas vraiment besoin de trouver
les mots pour décrire ce qui lui était
arrivé ou ce qu’il ressentait, l’interlocuteur sachant déjà « c’était comment ». Et
cette expérience semblable ou similaire
venait ajouter à la crédibilité aux commentaires formulés.
• Lorsque j’ai téléphoné, elle a vraiment compris ma frustration dans
la situation... J’ai senti que je parlais réellement à quelqu’un qui
comprenait vraiment les défis, le problème, et qui pouvait comprendre
les difficultés liées à la situation…
Ça m’a vraiment réconfortée. Elle a
vraiment compris, et à sa façon de
répondre, je me suis sentie totalement en confiance.
Certains appelants ont perçu comme
significatif et rassurant que tous les
pairs répondants étaient des survivants.
De savoir que ces femmes avaient survécu à la maladie et aux traitements
était porteur d’espoir et d’encouragement pour les nouveaux diagnostiqués.
• … Vous savez, quand j’entends
qu’une survivante avait le même
type de cancer que moi et qu’elle est
toujours là après 20 ans, 15 ans,
13 ans… je sens qu’on a des choses à
se dire!
D’autres appelants ont dit que c’est
la compassion, la compréhension et la
nature informative de l’entretien qui
les avaient satisfaits le plus. Lorsque les
appelants évoquaient leur expérience
et leurs impressions, ou posaient des
questions, ils se sentaient entendus et
compris par le personnel et les bénévoles de Willow. La réaction de ces derniers apportait aussi un grand soutien
exempt de tout jugement. Les appelants ont senti qu’ils pouvaient parler de
n’importe quel sujet et que leur interlocuteur était à l’écoute.
• Elle a su m’apporter un soutien
émotionnel, me parler du diagnostic,
du traitement et de la récupération
de manière clinique, très scientifique. Ça jetait des bases concrètes. Ce
n’était pas simplement : « Oh, je sais
ce que vous ressentez », mais plutôt
« Je peux vous donner des bases ».
Elle m’a aidée à remettre les choses
en perspective et à ne pas laisser mon
imagination s’emballer. Elle s’est
montrée très respectueuse du fait que
j’étais très émotive au début de l’appel.
Des appelants ont dit qu’être
« capables d’en parler sans barrières »
et « de faire le point » avait été l’aspect
le plus satisfaisant de l’entretien téléphonique. Pour eux, recevoir de l’information et parler objectivement des
avantages et des inconvénients comptait beaucoup. Comme l’a indiqué une
femme : « Elles ne m’ont pas critiquée…
elles m’ont écoutée et ont tenté de tout
m’expliquer. »
COMPILATION DES
RÉSULTATS
Tout au long des entrevues avec le
personnel, les bénévoles et les appelants, des idées concernant les résultats
du programme d’aide par téléphone ont
été sorties. Le tableau 5 répertorie les
résultats rapportés le plus fréquemment
dans les transcriptions d’interviews.
Il était aussi clair que les indicateurs
de processus ont leur importance. Les
personnes interrogées ont indiqué que
le déroulement de l’entretien a eu une
forte influence sur les bénéfices apportés. Il importait de répondre aux besoins
des appelants, mais la façon dont les
entretiens étaient gérés jouait un rôle
essentiel pour le succès de l’appel. En
effet, les réactions et interactions étaient
cruciales pour que l’appelant se sente
entendu et validé.
DISCUSSION
Ce projet qualitatif visait à relever les résultats rapportés par les
patients (RRP) jugés pertinents pour un
service de soutien téléphonique offert
par des pairs (personnel ou bénévoles).
Les entrevues menées auprès du personnel, de bénévoles et d’appelants ont
mis en lumière de manière très similaire les entretiens téléphoniques et ont
permis de recenser des indicateurs relatifs aux processus comme aux résultats.
Volume 27, Issue 1, Winter 2017 • Canadian Oncology Nursing Journal
Revue canadienne de soins infirmiers en oncologie
Indicateurs potentiels
Indicateurs
structuraux
•Nombre d’appels (sur une période donnée)
•Types d’appels (fréquence des motifs invoqués pour appeler)
•Qui téléphone (nombre de patients à des moments particuliers dans la
trajectoire du cancer, membres de la famille, etc.)
•Quantité de membres du personnel/bénévoles formés pour répondre aux
appels
•Nombre d’appels par bénévole (en moyenne)
•Nombre d’appels selon la langue
•Nombre d’appelants rappelant plus d’une fois
•Heures d’ouverture (ligne téléphonique/appels téléphoniques par heure)
•Provenance géographique des appels (endroit où vit l’appelant)
•Accès au système de documentation des appels (utilisé)
Indicateurs •Réponses délicates, empreintes de compassion, d’un grand soutien et non
empreintes de jugement
pour le
•Réponses adéquates en fonction de la préoccupation ou de la question de
processus
d’interaction l’appelant
•Avoir donné le sentiment de partager une expérience commune
•S’être senti écouté et compris
•S’être senti libre de poser n’importe quelle question, d’aborder n’importe
quel sujet, de dire ce que l’on voulait dire
•Durée des appels (moyenne, écart)
•Délai de réponse pour un appel/Délai des retours d’appel
•Sujets couverts durant les appels
•Nombre de renvois (et à quels organismes)
Indicateurs
pour les
résultats
rapportés
par les
patients
•Réception d’information pertinente, significative, compréhensible, à jour,
sûre et crédible
•Réduction de l’anxiété; sentiment de calme et de soulagement; moins
agité; moins de panique et de peur
•Sentiment d’encouragement/d’espoir; sentiment d’être plus puissant et
rassuré; savoir qu’on peut rappeler
•Appel perçu comme utile (capable d’utiliser l’information ou l’aide reçues)
•Sentiment de pouvoir aller de l’avant (prendre une décision, savoir quoi
faire)
•Ouverture à des perspectives différentes ou nouvelles
•Meilleur sentiment de contrôle (de soi/de la situation)
•Sentiment d’être lié à une communauté; se sentir moins isolé
•Satisfaction par rapport à l’appel/l’entretien (processus d’appel et motif
ayant amené à appeler)
Plusieurs éléments clés se révèlent très
pertinents pour les futures mesures du
service.
Premièrement, toutes les personnes
interviewées ont perçu le service comme
un lieu offrant du soutien émotionnel et
de l’information, mais dans une optique
distincte du soutien offert par les professionnels de la santé. En effet, avoir
une conversation avec une autre personne ayant aussi reçu un diagnostic de
cancer du sein est vu comme différent
d’un entretien entre un professionnel de
la santé et un patient. Cet angle de soutien par les pairs et le rôle unique qu’il
joue pour les gens sont aussi recensés
dans les écrits (Davison, Pennebaker et
Dickson, 2000; Helgeson, Cohen, Schulz
et Yasko, 2000). Pour les mesures, restera le défi d’arriver à déterminer quelles
mesures peuvent capturer de manière
appropriée ces aspects uniques.
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Revue canadienne de soins infirmiers en oncologie
Deuxièmement, toutes les personnes interviewées ont vu la manière
dont l’appel est géré (son déroulement)
comme un facteur clé dans l’atteinte
des résultats voulus. L’à-propos de la
réponse, la délicatesse, la compassion,
la connaissance du sujet et du vécu du
patient, la capacité d’écoute et la compréhension, et l’écoute sans jugement
ont permis aux appelants de se sentir entendus et soutenus, et de faire
valoir et valider leurs préoccupations.
L’aptitude à amorcer un bon appel
découle de la préparation du personnel
et des bénévoles. Les programmes de
formation devraient les rendre aptes à
répondre avec délicatesse, compassion
et sans jugement.
Troisièmement, on a constaté que
les appels devaient répondre à la situation particulière de l’appelant. La raison précise de l’appel peut différer
d’une personne à une autre. Le personnel et les bénévoles doivent pouvoir
suivre la direction empruntée par l’appelant et répondre à toute une gamme
de préoccupations. Leurs techniques
d’écoute, leur capacité d’évaluation et
leur souplesse dans le contexte d’un
appel téléphonique ont une importance
primordiale pour assurer le succès de
l’échange. Ces aspects ont aussi des
implications claires pour la formation
des pairs répondant aux appelants.
Quoi qu’il en soit, les questions pertinentes à la mesure des indicateurs du
processus sont : 1) Est-il très utile pour
un programme de mesurer régulièrement les aspects liés aux processus?
2) Quels sont les outils particuliers à utiliser pour mesurer ces variables dans
ce type de situation? Une mesure en
temps réel exigerait une surveillance en
direct des appels téléphoniques. Une
approche moins invasive pourrait se
traduire par un suivi auprès des appelants au moyen d’un sondage ou d’une
entrevue.
Enfin, il faut que les résultats des
échanges téléphoniques soient liés au
motif de l’appel. On a reconnu, dans bien
des cas, que l’appelant avait une question ou une préoccupation précise en
appelant, mais que l’entretien s’étendait
sur d’autres sujets ou enjeux. La complémentarité du soutien et de l’information est un élément clé de ces échanges.
131
FEATURES/Rubriques
Tableau 5 : Indicateurs potentiels pour évaluer le rendement du programme : Indicateurs
structuraux générés par l’équipe du projet durant le processus, et indicateurs RRP tirés
des entrevues avec les clients
FEATURES/Rubriques
Il est clair qu’un renseignement erroné,
une fausse interprétation ou un manque
d’information peuvent entraîner de la
détresse. De la même façon, faire face
à un diagnostic de cancer, décider des
traitements à recevoir ou composer avec
des effets secondaires entraîne aussi un
niveau de détresse qui peut être réduit
par l’apport d’information. Chercher
à séparer ces deux enjeux aux fins de
mesure pourrait présenter des défis.
IMPLICATIONS POUR
LA CONCEPTION DE
PROGRAMMES
Les entrevues donnent un aperçu
de la capacité du service téléphonique
de Willow à atteindre les objectifs pour
lesquels il a été conçu. Les clients ont
clairement attesté de l’utilité du service et de la satisfaction des échanges.
Les aspects les plus satisfaisants ont
été ceux autour desquels le service a
été cré : avoir au bout du fil un pair, un
survivant, une personne qui peut vraiment comprendre ce que l’appelant vit,
répondre avec compassion et délicatesse, et fournir de l’information pertinente et significative. Les données
soutiennent l’idée que le programme
atteint son but et qu’il se déroule de la
manière dont il a été conçu.
IMPLICATIONS POUR LA
MESURE DE PROGRAMMES
Les implications pour la mesure des
résultats rapportés par les patients, but
premier du projet, portent sur la détermination des variables de mesure les
plus pertinentes, et sur la façon de les
obtenir sur à intervalles réguliers. Le
tableau 5 montre les indicateurs de programmes (variables) pouvant être mesurés qui ont été établis durant l’étude.
RÉFÉRENCES
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Dickson, S.S. (2000). Who talks? The
social psychology of illness support
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Fitch, M.I., Porter, H.B. et Page, B.G. (2008).
Supportive Care Framework: A foundation
for person-centred care. Pembroke,
Ontario : Pappin Communications.
Fitch, M.I., Nicoll, I. et Keller-Olaman, S.
(2007). Breast Cancer Information
Dissemination Strategies: Finding Out
132
Les indicateurs structuraux se rapportent à la nature et à l’étendue de la
demande de service conjuguée aux ressources du service disponibles pour
répondre à la demande. Les indicateurs
du tableau 5 sont le fruit des conversations avec l’équipe du projet. La capacité
d’un service à atteindre les objectifs souhaités est clairement liée aux ressources
disponibles pour la mise en œuvre.
Les indicateurs pour le processus se
rapportent aux interactions ou à l’entretien téléphonique en soi et à ce qui
se produit entre l’appelant et le pair qui
prend l’appel (personnel/bénévoles).
La formation du personnel et des bénévoles doit fournir l’occasion de développer des compétences et des habiletés
pour que l’entretien avec les appelants
se déroule avec délicatesse et compassion, et réponde adéquatement à leurs
besoins. Idéalement, la mesure des habiletés des stagiaires devrait figurer à la fin
de leur programme de formation, et être
surveillée régulièrement à mesure qu’ils
commencent à répondre à des appels. La
surveillance peut se faire en temps réel
par l’observation et l’écoute des appels, et
par rétroaction des appelants (écrite ou
verbale, par sondage ou entrevue).
Les indicateurs pour les résultats
rapportés par les patients renvoient
aux résultats finaux de l’entretien téléphonique. Les indicateurs au tableau 5
reflètent les besoins en information et en
soutien atteints à court terme (le besoin
qui a motivé l’appel a effectivement été
comblé), de même que le potentiel de
résultats à long terme (sentiments suscités, comportement encouragé). Le
défi pour une organisation est de déterminer les résultats (profondeur ou activité en aval, par exemple) pour lesquels
elle veut être tenue responsable. Par
What Works. Canadian Oncology Nursing
Journal, 17(4), 206–211.
Given, B. et Sherwood, R.R. (2005). Nursing
sensitive patient outcomes: A white
paper. Oncology Nursing Forum, 32(4),
1538–1688. doi:10.1188/05.ONF.773-784.
Helgeson, V.S., Cohen, S., Schulz, R.
et Yasko, J. (2000) Group support
interventions for women with breast
cancer. Who Benefits from what? Health
Psychology, 19, 107–114.
exemple, un appelant peut signifier en
fin d’appel que l’information reçue est
utile sans jamais pour autant s’en servir ensuite; ou un appelant peut affirmer qu’il prévoit parler à son médecin
et poser une série de questions en fonction de la nouvelle compréhension qu’il a
d’un sujet, sans pour autant agir le temps
venu. Lorsqu’une organisation s’engage
dans la voie de la mesure des résultats
rapportés par les patients, il est primordial de discuter des raisons particulières
menant à désirer cette la mesure, des
plans concernant l’utilisation des données et du résultat ultime pour lequel
l’organisation souhaite être tenue responsable (jusqu’à quel point, en aval,
l’organisation peut réellement contrôler l’utilisation d’information et le changement de comportement suscité). Une
fois ces décisions prises, des instruments
ou outils peuvent être ciblés pour saisir
les données requises et déterminer la fréquence de la collecte.
CONCLUSION
Ce projet a recensé une série d’indicateurs mesurables pour établir le
rendement d’un service de soutien téléphonique donné par des pairs. Il propose des mesures précises pour la
structure, le processus et les résultats
rapportés par des patients. Si certaines
peuvent être saisies fréquemment ou à
intervalles réguliers et se trouver dans
la saisie des données d’un appel précis,
d’autres peuvent être plus aisément prélevées tous les trimestres ou une fois l’an
et demandent une autre méthode de collecte. En définitive, la décision sur les
variables les plus utiles à mesurer devrait
reposer sur le souhait de l’organisation
de connaître, à intervalles réguliers, l’incidence de sa prestation de services.
Partenariat canadien contre le cancer (2009).
Indice de qualité du réseau de cancérologie
(2010). Toronto : Action Cancer Ontario.
Raupach, J.C. et Hiller, J.E. (2002).
Information and support for women
following the primary treatment of breast
cancer. Health Expectations, 5(4), 289–301.
Thorne, S. (2000). Data analysis in qualitative
research. Evidence Based Nursing, 3,
68–70.
Volume 27, Issue 1, Winter 2017 • Canadian Oncology Nursing Journal
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