UNIVERSITÉ MOHAMMED V FACULTÉ DES SCIENCES Rabat N° d'ordre : 2751 THÈSE DE DOCTORAT Présentée par ABBAS Younes Discipline : Biologie Spécialité : Ecophysiologie végétale Microorganismes de la rhizosphère des Tétraclinaies : un outil pour optimiser la régénération assistée du Tetraclinis articulata Vahl. Master Soutenue le 27 décembre 2014 Devant le jury : Président : Mr. EL Houssine ZAÏD : Professeur- Faculté des Sciences - Rabat Examinateurs : Mr. Moustapha ARAHOU : Professeur - Faculté des Sciences -Rabat Mr. Jamal AURAG : Professeur - Faculté des Sciences -Rabat Mr. Atmane ROCHDI : Professeur - Faculté des Sciences - Kenitra Docteur-chercheur au Centre de Recherche Forestière - Rabat Docteur, Chef de Division de l’Enseignement Mr. Salaheddine BAKKALI YAKHLEF : Supérieur et de la R&D, Direction de l'Enseignement, de la Formation et de la Recherche - Rabat. Mr. Mohamed ABOUROUH : Dédicaces Dédicaces A mes défunts parents. Que Dieu leur accorde sa Pleine Miséricorde. A ma très chère femme Jamila qui a su supporter mes soucis et mon absence, qu’elle trouve dans ce travail toute ma reconnaissance et tout mon amour. A mon adorable fille Rania A ma très chère sœur Samira, son défunt mari Abdelkader, ses enfants (Rabab et Omar) A mes frères (Tarik, Abdelkader, Jamal et Abdelmajid) A mes beaux parents A tous mes amis i Avant-propos Avant-propos Le travail présenté dans ce mémoire a été réalisé au laboratoire de Botanique, Mycologie et Environnement de la Faculté des Sciences de Rabat et au Centre de Recherche Forestière de Rabat, Service de Sylviculture, Unité des Symbioses Racinaires. Il a fait l’objet de plusieurs coopérations bilatérales maroco-française et maroco-espagnole (PRAD 03/14, PRAD 06/05, JEA-IRD et Projet CSIC). C’est avec un réel plaisir que j’exprime mes très vifs remerciements à tous ceux qui, de près ou de loin, m’ont accordé leur soutien. Je remercie vivement, Monsieur le Président de l’Université Mohamed V et Monsieur le Doyen de la Faculté des Sciences de Rabat. Je remercie Monsieur ARAHOU Moustapha, Professeur à la Faculté des Sciences de Rabat, de m’avoir encadré, supporté et soutenu tout au long de ce travail. Je remercie Monsieur ABOUROUH Mohamed, Ingénieur en Chef et Docteurchercheur au Centre de Recherche Forestière de Rabat, pour avoir co-dirigé ce travail, pour ses remarques pertinentes, ses orientations et sa patience qu’il a manifestée à mon égard durant cette thèse, ainsi que ses suggestions à améliorer la qualité de ce mémoire, je lui en suis très reconnaissant. Je remercie Monsieur ZAÏD El Houssine, Professeur à la Faculté des Sciences de Rabat, qui a accepté mon inscription dans son UFR et m’a fait l’honneur d’assurer la présidence de ce jury de thèse. Je remercie également, Monsieur AURAG Jamal, Professeur à la Faculté des Sciences de Rabat, d’avoir accepté de rapporter et examiner mon travail de thèse et de faire partie de ce jury. J’exprime mes remerciements et ma gratitude à Monsieur ROCHDI Atmane, Professeur à la Faculté des sciences de Kénitra, d’être rapporteur de cette thèse et pour l’honneur qu’il m’a fait en examinant ce travail. J’adresse mes remerciements sincères à Monsieur BAKKALI YAKHLEF Salah Eddine, Docteur à la Direction de l'Enseignement, de la Formation et de la Recherche à ii Avant-propos Rabat, tout d’abord parce qu’il a accepté de faire partie de ce jury et pour sa grande disponibilité et et son soutien à réaliser plusieurs travaux de recherche en communs au niveau du Centre de Recherche Forestière. Son aide technique en biologie moléculaire m’a été très précieuse. Qu’il trouve dans l’aboutissement de ce travail, toute ma profonde reconnaissance. Je remercie également, Monsieur Robin DUPONNOIS, Directeur de Recherche à l’IRD, qui malgré ses voyages, ses mutations et ses responsabilités a su tenir notre collaboration, je ne peux pas oublier ses remarques pertinentes. Qu’il me soit permis de lui exprimer ma respectueuse gratitude et ma profonde reconnaissance pour ses aides et ses encouragements. Mes sincères remerciements vont à Messieurs DREYFUS Bernard, Directeur Général Délégué à la Science de l’IRD et BAREA José Miguel, Directeur du Laboratoire des Symbioses Raçinaires à la Station Expérimentale Del Zaidin à Granada (Espagne), de m’avoir accueilli dans leurs équipes de recherche et de m’avoir facilité le contact et l’échange scientifique entre chercheurs du pourtour méditerranéen. Je tiens à remercier et à témoigner toute ma reconnaissance à Madame AZCON Rosario, Professeur à la Station Expérimentale Del Zaidin à Granada (Espagne), pour l’expérience enrichissante et pleine d’intérêt qu’elle m’a fait vivre durant mes séjours à Granada (Espagne), pour son accueil et la confiance qu’elle m’a accordée dès mon premier jour au sein de son unité de recherche. Egalement, tous mes remerciements à l’équipe du Département de Microbiologie du Sol et Systèmes Symbiotiques de la Station Expérimentale Del Zaïdin à Granada. Mes plus sincères remerciements vont à Messieurs KERDOUH Benaïssa et KHRAOUCH Aziz, pour leur générosité, leur aide au laboratoire et sur le terrain. Je tiens à exprimer toute mon amitié à toutes les personnes que j’ai côtoyées durant mon séjour au Laboratoire des Symbioses Tropicales et Méditerranéennes de Baillarguet à Montpellier (France) et durant la réalisation de ce travail. L’ambiance qu’on a su créer ensemble durant les périodes de mes missions était agréable et enrichissante. Je ne pourrais pas finir ces remerciements sans penser aux collègues, au personnel et aux chauffeurs du CRF : EL ANTRY-TAZI Salwa, AAFI Abderrahmane, AOUJDAD Jalila, OUAJDI Mohamed, GHANEMI Mohamed, EL BAYED Ghizlane, DOUKKALI Ouafae, EL BAHI Samira, SATRANI Badr, SAAD Hanane et BOULMANE Mohamed, BOUNIMI Zhor, MAAZOUZ Naïma, … iii Fiche présentative de thèse FICHE PRESENTATIVE DE THESE Nom et Prénom de l’auteur : Younes ABBAS Intitulé du Travail : Microorganismes de la rhizosphère des Tetraclinaies: un outil pour optimiser la régénération assistée du Tetraclinis articulata Vahl. Master Nom et Prénom du Directeur des travaux de recherche : ARAHOU Moustapha : Professeur de l’Enseignement Supérieur: Laboratoire de Botanique, Mycologie et Environnement, Faculté des Sciences de Rabat, Maroc. Laboratoires où les travaux ont été réalisés : - Laboratoire de Botanique, Mycologie et Environnement, Département de Biologie, Faculté des Sciences de Rabat, Maroc. - Laboratoire du Centre de Recherche Forestière de Rabat, Service de Sylviculture et Santé des Forêts, Unité des Symbioses Racinaires, Maroc. - Laboratoire des Symbioses Tropicales et Méditerranéennes (LSTM), Campus de Baillairguet Montpellier France. - Département de Microbiologie du Sol et Systèmes Symbiotiques à la Station Expérimentale del Zaidín (CSIC), Granada, Espagne. Cadres de coopération-soutien financier : - Projets de Recherche Agronomique pour le Développement : PRAD 03/14 et 05/06 - Projets issus de la collaboration CNRST (Maroc)/CSIC (Espagne) - Projet Jeune Equipe Associée à l’IRD. Publications et communications : I. Chapitre dans l’ouvrage Bakkali Yakhlef S., Abbas Y., Abourouh M. 2013. La symbiose mycorhizienne des écosystèmes forestiers marocains : diversité naturelle et perspectives d’application. Dans : Des champignons symbiotiques contre la désertification des écosystèmes méditerranéens, tropicaux et insulaires. Editions IRD, ISBN : 978-2-7099-1827-5. pp. 351-390. iv Fiche présentative de thèse II. Publications Abbas Y., Bakkali Yakhlef S.E., Prin Y., Arahou M., Duponnois R. et Abourouh M., 2013 Growth and nutrition of Tetraclinis articulata (Vahl) Masters cultivated in different rhizosphere soils collected from Tetraclinis stand. Biotechnol. Agron. Soc. Environ. 17(1) : 3-11. Abbas Y., Arahou M., Duponnois R. et M. Abourouh, 2013. Effet des mycorhizes à arbuscules sur la croissance et la nutrition de trois provenances de Tetraclinis articulata (Vahl) Masters. Annales de la Recherche Forestière au Maroc, Tome 42 : 7-16. K. Benabdellaha, Y. Abbas, M. Abourouh, R. Aroca, R. Azcón, 2011. Influence of two bacterial strains isolated from semi-arid zone and their interaction with native arbuscular mycorrhizae on the growth of Trifolium repens under drought conditions: Mechanisms related to bacterial effectiveness. European Journal of Soil Biology, 47: 303-309. Bakkali Yakhlef S.E., Abbas Y., Prin Y., Abourouh M., Perrineau M. and Duponnois R., 2011. Effective AMF population in roots of Tetraclinis articulata and Lavandula multifida in Moroccan Tetraclinis woodlands. Mycology, 2 (2) : 79-86. Abbas Y. 2009. Régénération artificielle du thuya : Intérêt des Mycorhizes à arbuscules des tetraclinaies marocaines dans la ré-implantation du thuya. Revue d’Activité du Centre de Recherche Forestière, 2007-2008 : 10-11. Abbas Y., Ducousso M., Abourouh M., Azcon R. and Duponnois R. (2006). Diversity of arbuscular mycorrhizal fungi in Tetraclinis articulata (Vahl) Masters woodlands in Morocco. Annals of Forest Science, 63 : 285- 291. III. Communications Abbas Y., Bakkali Yakhlef S.E., Arahou M., Azcon R., Duponnois R. et Abourouh M., 2014. Practical applications of AM on Tetraclinis production and reforestation in Morocco. 16th congress of the AABNF & 4th International Conference of the AMM à Rabat du 02 au 07 Novembre 2014. v Fiche présentative de thèse Bakkali Yakhlef S., Abbas Y., Abourouh M., Hafidi M. et Duponnois R., 2009. Diversité phénotypique et moléculaire des champignons mycorhiziens de l’association Quercus ilex-Tetraclinis articulata. Conférence Internationale sur la Biotechnologie microbienne au service du developpement (MICROBIOD), Marrakech du 02 au 05 Novembre 2009. Bakkali Yakhlef S.E., Abbas Y., Chakir S., Abourouh M., et Duponnois R. 2008. Analyse de la diversité génétique des champignons mycorhiziens arbusculaires dans l’écosystème à thuya. Vème Journées Nationales de Biodiversité « Biodiversité au service du développement durable ». 18 au 20 décembre 2008, Fès, Maroc. Abbas Y., Bakkali Yakhlef S., Duponnois R. et Abourouh M., 2007. Biodiversité des microorganismes symbiotiques de deux écosystèmes forestiers. Actes de la Conférence Internationale sur les Biotechnologies Microbiennes et leurs Applications à Meknès les 24 et 25 Octobre 2007. Abbas Y., Abourouh M., Bakkali Yakhlef S., Ducousso M., Arahou M., Azcon C., Hafidi M. and Duponnois R., 2006. Necessity to manage mycorrhizae in tetraclinis woodland ecosystems. ICOM 5, Granada-Espagne du 23 au 27 Juillet 2006. vi Résumé RESUME Le statut mycorhizien du thuya [Tetraclinis articulata (Vahl) Masters] a été étudié dans sept tetraclinaies marocaines. Les examens microscopiques de ses racines ont révélé la présence des champignons mycorhiziens arbusculaires (CMA), des taux de colonisation élevés (plus de 80 %) et des structures de type Paris″. Les spores isolées sont dominées par le genre Glomus. L’analyse par PCR, nichée du gène du Large sous Unité Ribosomique (LSU), a montré que les racines du thuya hébergent au moins sept phylotypes distincts appartenant au genre Glomus, Scutellospora et Gigaspora. Des tests de sélection, de préparation des inocula autochtones (champignons et bactéries) et d’inoculation ont été réalisés au laboratoire et en pépinière. Ensuite, des essais de réimplantation des plants de thuya inoculés ont été effectués à Khémisset et Ben Slimane. Ces opérations ont montré un effet significatif de l’inoculation par les CMA et/ou les bactéries sur la croissance des plants et sur leur taux de mortalité (réduction de 50 %). Parallèlement, d’autres expérimentations ont montré que le Potentiel Infectieux Mycorhizien (PIM) des sols des tétraclinaies peut être amélioré par la gestion d’espèces arbustives existantes au niveau de ces écosystèmes. En effet, les quatre espèces cibles choisies dans cette étude (Withania frutescens, Lavandula multifida, Pistacia atlantica et Olea oleaster) ont montré qu’elles peuvent être considérées comme espèces facilitatrices pour le thuya, en particulier la lavande. Cette étude montre que la symbiose mycorhizienne constitue un élément clé dans la réussite des programmes de régénération du thuya. Mais, il est important de distinguer entre la spécificité des CMA et des bactéries associées en infectivité et en efficience. L’ioculation contrôlée repose sur le choix des souches (mycorhiziennes et/ou bactériennes) performantes et compétitives vis-à-vis de la microflore native du site à régénérer. Mots-clés : Tetraclinis articulata (Vahl) Masters, tétraclinaies, champignons mycorhiziens à arbuscules, diversité, Potentiel Infectieux Mycorhizien, analyses moléculaires, inoculation, croissance, nutrition. vii Abstract ABSTRACT Mycorrhizal statut of T. articulata (Vahl) Masters was studied in seven Tetraclinis woodlands. Root microscopic analysis revealed only Arbuscular Mycorrhiza Fungi (AMF). The rates of mycorrhizal colonisation were high (more than 80 %). A "Paris-type" mycorrhizal structure was noted and spores isolated were dominated by Glomus genus. Molecular analysis of the Large Sub-Unit (LSU) Ribosomal RNA gene amplified, by nested PCR, showed at least seven separate phylotypes in T. articulata roots belonged to Glomus, Scutellospora and Gigaspora genus. Selection tests, preparation of indigenous inocula (fungi and bacteria) and inoculation were performed in the laboratory and in the nursery. Then, two trial plantations with inoculated seedlings were performed in Khémisset and Ben Slimane. These experiments showed a significant effect of inoculation by AMF and/or indigenous bacteria on the growth of the seedlings and their mortality (50 % reduction). Meanwhile, other experiments have shown that Mycorrhizal Inoculum Potential (MIP) of soils can be improved by management of shrub species existing in Tetraclinis ecosystems. Indeed, the four target species chosen in this study (Withania frutescens, Lavandula multifida, Pistacia atlantica and Olea oleaster) showed that they can be considered as facilitators plants for Tetraclinis, especially lavender. Our research showed that the symbiotic mycorrhizal fungi are a key element for T. articulata establishment. But, it is important to distinguish between the infectivity and effectiveness of AM fungi and associated bacteria. Controlled inoculation is based on the efficient and competitive strains (mycorrhizal and/or bacterial). Key-words: Tetraclinis articulata (Vahl) Masters, Tetraclinis woodlands, Arbuscular Mycorrhizal Fungi (AMF), Diversity, Indigenous Mycorrhizal Potential, Molecular analysis, Inoculation, Growth, Nutrition. viii Table des matières TABLE DES MATIERES DEDICACES ........................................................................................................................ i AVANT-PROPOS ............................................................................................................... ii FICHE PRESENTATIVE DE THESE .............................................................................. iv RESUME ........................................................................................................................... vii ABSTRACT ...................................................................................................................... viii TABLE DES MATIERES .................................................................................................. ix LISTE DES FIGURES ......................................................................................................xiv LISTE DES TABLEAUX ................................................................................................... xv LISTE DES PHOTOGRAPHIES .....................................................................................xvi ABREVIATIONS ............................................................................................................ xvii LISTE DES ANNEXES .................................................................................................. xviii INTRODUCTION ................................................................................................................1 SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE ....................................................................................6 I. Thuya au Maroc ..................................................................................................................7 I.1. Généralités ...................................................................................................................7 I.2. Classification ................................................................................................................7 I.3. Aire naturelle ................................................................................................................8 I.4. Ecologie .......................................................................................................................8 I.5. Biologie ........................................................................................................................9 I.6. Biomasse et productivité ............................................................................................. 10 I.7. Végétation associée au thuya ...................................................................................... 10 I.8. Régénération du thuya et conduite des peuplements.................................................... 11 I.9. Problématique de la régénération des essences forestières........................................... 12 II. Symbioses mycorhiziennes .............................................................................................. 13 II.1. Définition des mycorhizes ......................................................................................... 13 II.2. Types de mycorhizes ................................................................................................. 14 III. Mycorhizes à arbuscules (MA) ....................................................................................... 15 III.1. Historique et systématique ....................................................................................... 15 III.2. Taxonomie actuelle .................................................................................................. 16 III.3. Distribution géographique et plantes concernées ...................................................... 17 IV. Structure des mycorhizes arbusculaires ........................................................................... 19 ix Table des matières V. Processus d’infection par les champignons mycorhiziens à arbuscules ............................. 20 VI. Importance des mycorhizes à arbuscules ......................................................................... 22 VI.1. Nutrition phosphatée : .............................................................................................. 22 VI.2. Nutrition azotée ....................................................................................................... 23 VI.3. Absorption des autres éléments minéraux ................................................................ 23 VI.4. Résistance aux stress biotiques et abiotiques ............................................................ 23 VI.5. Amélioration de la qualité du sol.............................................................................. 24 VII. Facteurs limitant la mycorhization................................................................................. 25 VIII. Mycorhizes naturelles du thuya et de quelques espèces de la strate arbustive................ 25 VIII.1. Mycorhization naturelle du thuya .......................................................................... 25 VIII.2. Les CMA et la strate arbustive : effet "Plantes nurses" .......................................... 26 IX. Influence de la strate arbustive sur le processus de revégétation ...................................... 27 X. Potentiel mycorhizogène du sol........................................................................................ 28 XI. Etude de la diversité des CMA........................................................................................ 29 XI.1. Analyses sporales et description morpho-anatomique............................................... 29 XI.2. Caractéristiques générales du génome des CMA ...................................................... 31 XI.3. Outils moléculaires utilisés dans l'étude de la diversité des CMA ............................ 32 XI.4. Difficultés de caractérisation des CMA dans les racines des plantes ......................... 33 XII. Mycorhization contrôlée des essences forestières .......................................................... 34 XII.1. Sélection des CMA ................................................................................................. 34 XII.2. Isolement des spores de CMA................................................................................. 34 XII.3. Production de l’inoculum........................................................................................ 35 XII.4. Inoculation du matériel végétal ............................................................................... 36 XIII. Interactions des CMA avec les autres groupes microbiens du sol.................................. 37 XIV. Rôle des PGPR en cas de stress abiotiques ................................................................... 38 MATERIEL ET METHODES .......................................................................................... 39 I. Statut mycorhizien du thuya .............................................................................................. 40 I.1. Sites d’étude et analyses pédologiques ........................................................................ 40 I.1.1. Sites d’étude ........................................................................................................ 40 I.1.2. Analyses physico-chimiques des sols étudiés ....................................................... 41 I.2. Echantillonnage et extraction des spores de CMA....................................................... 41 I.2.1. Echantillonnage sol/plante ................................................................................... 41 I.1.2. Extraction des spores de CMA ............................................................................. 42 I.3. Description morpho-anatomique des spores rencontrées ............................................. 43 I.4. Abondance relative ..................................................................................................... 43 I.5. Quantification de la mycorhization ............................................................................. 43 I.6. Identification des spores de CMA ............................................................................... 44 1.6.1. Identification moléculaire des spores de CMA isolés de la rhizosphère du thuya 45 I.6.2. Identification des CMA en association avec les racines du thuya .......................... 46 x Table des matières a. Extraction de l’ADN ............................................................................................. 46 b. Amplification du Large Sous Unité (LSU) d’ADN ribosomique par PCR nichée ....................................................................................................................... 46 c. Construction d’une banque d’inserts de l’ADNr (LSU) des CMA .......................... 47 d. Polymorphisme de Longueur des Fragments de Restriction (RFLP) ...................... 47 e. Séquençage ........................................................................................................... 47 f. Analyse phylogénétique ......................................................................................... 47 II. Isolement des rhizobactéries............................................................................................. 48 III. Tests de sélection des microorganismes rhizosphériques du thuya.................................. 48 III.1. Cas des CMA ........................................................................................................... 49 III.2. Cas des bactéries ...................................................................................................... 49 IV. Réponse du thuya à l’inoculation par les CMA ............................................................... 50 IV.1. Production de l’inoculum ......................................................................................... 50 IV.2. Production de plants de thuya ................................................................................. 50 IV.3. Inoculation des plants .............................................................................................. 51 IV.4. Protocole expérimental ........................................................................................... 51 IV.5. Evaluation de la croissance et de la nutrition ............................................................ 51 V. Evaluation et effet comparatif du potentiel mycorhizien naturel de quelques espèces végétales associées au thuya. ................................................................................................ 52 V.1. Echantillonnage sol/plante......................................................................................... 52 V.2. Potentiel mycorhizien des sols : Méthode du Nombre le Plus Probable...................... 52 V.3. Evaluation de la mycorhization des différentes espèces associées au thuya................ 53 V.4. Croissance et nutrition des plantules de thuya............................................................ 53 VI. Essais sur le terrain ......................................................................................................... 54 VII. Analyses statistiques ..................................................................................................... 55 RESULTATS ET DISCUSSIONS .................................................................................... 56 PARTIE I. DIVERSITE DES MICROORGANISMES SYMBIOTIQUES DES TETRALINAIES ................................................................................................................ 57 I. Introduction....................................................................................................................... 57 II. Caractérisation des sites d’étude....................................................................................... 57 II.1. Caractéristiques physico-chimiques ........................................................................... 57 II.2. Couvert végétal au niveau des tétraclinaies étudiées .................................................. 58 III. Associations symbiotiques chez le thuya à l’état naturel.................................................. 59 III.1. Statut mycorhizien et Organisation cytologique........................................................ 59 III.2. Quantification de l’association mycorhizienne ......................................................... 60 III.3. Isolement et identification des spores de CMA ......................................................... 60 III.3.1. Abondance relative ............................................................................................ 60 III.3.2. Identification des spores au niveau des sites étudiés .......................................... 61 xi Table des matières III.4. Description morpho-anatomique des spores de CMA rencontrées au niveau des tétraclinaies ...................................................................................................................... 62 III.5. Diversité et abondance des communautés de spores de CMA au niveau des tétraclinaies étudiées ......................................................................................................... 65 III.6. Identification moléculaire des CMA du thuya .......................................................... 66 III.7. Caractéristaion et dénombrement des rhizobactéries ................................................. 68 III.7.1. Diversité phénotypique des bactéries de la rhizosphère des deux sols étudiés .......................................................................................................................... 68 III.7.2. Dénombrement des populations de bactéries dans les deux sols étudiés ............. 68 IV. Population de CMA dans l’association T. articulata/L. multifida .................................... 69 IV.1. PCR nichée et amplification de l’ADNr de la LSU des CMA ................................... 69 IV.2. RFLP et analyses phylogénétiques .......................................................................... 70 IV.3. Préférence de l’hôte et impact de l’interaction des plantes sur la communauté des CMA ................................................................................................................................ 73 V. Discussion ....................................................................................................................... 75 Conclusion ........................................................................................................................... 80 PARTIE II. SELECTION DES MICROORGANISMES DE LA RHIZOSPHERE DES TETRACLINAIES ET LEUR IMPORTANCE DANS L’INOCULATION CONTROLEE DU THUYA ............................................................................................... 82 I. Introduction....................................................................................................................... 82 II.Sélection des microorganismes rhizosphériques du thuya .................................................. 82 II.1. Sélection des CMA.................................................................................................... 82 II.2. Cas des bactéries ....................................................................................................... 84 III. Effet des mycorhizes à arbuscules sur la croissance et la nutrition de trois provenances de thuya .................................................................................................................................... 86 III.1. Effet provenance des semences du thuya .................................................................. 86 III.2. Mycorhization contrôlée en pépinière....................................................................... 86 III.3. Croissance des plants ............................................................................................... 87 III.4. Nutrition .................................................................................................................. 89 IV. Discussion ...................................................................................................................... 91 PARTIE III. EFFET DE QUELQUES PLANTES ARBUSTIVES DES TETRACLINAIES SUR LA CROISSANCE ET LA NUTRITION DU THUYA .......... 95 I. Introduction....................................................................................................................... 95 II. Statut mycorhizien des espèces arbustives associées au thuya .......................................... 96 II.1. Mycorhization naturelle............................................................................................. 96 II.2. Populations de spores de CMA .................................................................................. 97 II.3. Potentiel Mycorhizogène du sol................................................................................. 98 II.4. Croissance et nutrition du thuya se développant dans le sol rhizosphèrique des espèces cibles ................................................................................................................................ 99 xii Table des matières II.4.1. Quantification mycorhizienne ............................................................................. 99 II.4.2. Croissance et nutrition des plantules de thuya .................................................... 99 III. Discussion .................................................................................................................... 100 PARTIE IV. EFFET DE LA MYCORHIZATION SUR LA REUSSITE DES OPERATIONS DE REBOISEMENT PAR LE THUYA ................................................ 104 I. Introduction..................................................................................................................... 104 II. Essais de réimplantation du thuya .................................................................................. 104 II.1. Essai à Khémisset .................................................................................................... 104 II.2. Essais à Ben Slimane............................................................................................... 105 II.2.1. Effet de l’inoculation contrôlée sur la croissance et la survie des plants ............ 105 II.2.2. Effet de la lavande sur la croissance du thuya au champ ................................... 107 III. Discussion .................................................................................................................... 108 CONCLUSION GENERALE ET RECOMMANDATIONS ........................................ 111 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ........................................................................ 116 ANNEXES ........................................................................................................................ 152 xiii Liste des figures LISTE DES FIGURES Figure 1. Principaux types de mycorhizes représentés sur une coupe transversale de la racine .................................................................................................................... 14 Figure 2. Classification des CMA ............................................................................................ 17 Figure 3. Schéma de la structure d’une endomycorhize à arbuscules formée par une espèce du genre Glomus ........................................................................................ 19 Figure 4. Cycle de développement des champignons MA ....................................................... 20 Figure 5. Caractéristiques morphologiques des spores de CMA ............................................... 31 Figure 6. Structures des gènes ribosomiques nucléaires des eucaryotes .................................... 33 Figure 7. Localisation des sites d’échantillonnage .................................................................... 40 Figure 8. Arbre phylogénétique basé sur le séquençage de 600 pb de l’ADNr 18S ................... 67 Figure 9. Arbre phylogénique et maximum de vraisemblance des CMA colonisant les racines du thuya et de la lavande ........................................................................... 72 Figure 10. Communautés de CMA retrouvées au niveau des racines du thuya et de la lavande .................................................................................................................. 73 Figure 11. Analyse en composantes principales des communautés de CMA colonisant les racines de T. articulata et de L. multifida ......................................................... 74 Figure 12. Activités biochimiques des deux bactéries B1 et B2 mises en culture axénique additionné de 0, 15 ou 30 % du PEG ...................................................... 85 Figure 13. Effets de l’inoculation sur la croissance des plants de thuya .................................... 88 Figure 14. Effets de la mycorhization sur la nutrition des plants............................................... 90 Figure 15. Abondance des spores de CMA au niveau du sol hors couvert végétal et celui de la rhizosphère de T. articulata, L. multifida, P. atlantica, O. oleaster, W. frutescens........................................................................................... 98 Figure 16. Hauteur et diamètre au collet des plants de thuya une année après plantation ......... 105 Figure 17. Croissance aérienne des jeunes plants de thuya en fonction du temps ...................... 106 Figure 18. Hauteur et diamètre au collet du thuya inoculé ou non après 3 ans de plantation .............................................................................................................. 106 Figure 19. Cumul des taux de mortalité au champ observés chez le thuya ................................ 107 Figure 20. Croissance du thuya en présence ou en absence de la lavande ................................. 108 xiv Liste des tableaux LISTE DES TABLEAUX Tableau I. Principaux familles et/ou genre d’arbres formant les mycorhizes à arbuscules ............................................................................................................. 18 Tableau II. Liste des échantillons étudiés ................................................................................ 45 Tableau III. Caractéristiques physico-chimiques des sols étudiés ............................................ 58 Tableau IV. Quantification des MA de T. articulata dans les différents sites étudiés ............... 60 Tableau V. Abondance relative des spores des CMA au niveau des sites étudiés ..................... 61 Tableau VI. Diversité et abondance des spores de CMA au niveau des tétraclinaies ................ 65 Tableau VII : caractérisation phénotypique des colonies bactériennes observées ..................... 68 Tableau VIII : dénombrement des colonies de bactéries .......................................................... 68 Tableau IX. Phylotypes, types de séquence et abondance des clones de types RFLP obtenus à partir de la banque d’ADN de chaque type de racine .............................. 71 Tableau X. Effet des différents isolats du genre Glomus sur la mycorhization du trèfle ............ 83 Tableau XI. Infectivité des différents inocula .......................................................................... 87 Tableau XII. Evaluation des paramètres de la mycorhization naturelle des différentes plantes cibles ......................................................................................................... 96 Tableau XIII. Estimation des Potentiels Mycorhizogènes Indigènes des sols par la méthode du nombre le plus probable (MPN) ......................................................... 98 Tableau XIV. Quantification de l’extension mycorhizienne du thuya en culture sur des substrats rhizosphériques des différentes plantes cibles et sur le sol nu .................. 99 Tableau XV. Evaluation de la croissance et de la nutrition et des jeunes plants de thuya se développant pendant 9 mois sur les sols rhizosphériques des différentes plantes cibles et sur sol nu ..................................................................................... 100 xv Liste des photographies LISTE DES PHOTOGRAPHIES Photo 1. Feuilles et cônes de Tetraclinis articulata .................................................................. 9 Photo 2. Echantillonnage sol/racines ........................................................................................ 42 Photo 3. Production d’inoculum de CMA sur Plectranthus australis ........................................ 50 Photo 4. Exemple de sites d’étude (Tetraclinaie de Ben Slimane) ............................................ 59 Photos 5. A et B- Colonisation raçinaire du thuya par les CMA (x 10) ; C- Hyphe colloïdale de CMA à l’intérieure des cellules racinaires du thuya (x 100) .............. 59 Photo 6. A et B : morphotype 1, C : morphotype 2, D : morphotype 3, E : morphotype 4, F : morphotype 5, G : morphotype 6, H : morphotype 7 ..................................... 64 Photo 7. Electrophorèse de l’ADN des CMA analysés ............................................................. 66 Photo 8. Electrophorèse des produits d’amplification de la PCR nichée réalisée sur l’ADN des CMA colonisant les racines de Thuya et de la Lavande........................ 69 Photo 9. Electrophorèse du produit PCR de l’amplification, par M13F et M13R, de l’insert des différents clones (L :1-5, Lt : 6-10, T : 11-15, Tl : 16-20, M : 100 pb Leader) ...................................................................................................... 70 Photo 10. Electrophorèse du produit de digestion, par AluI (A) et HinfI (B), de l’insert (M : 100 pb Ladder, L : 2, Lt : 6, T : 7, Tl : 10) ...................................................... 70 Photo 11. Inoculation du trèfle par l’isolat Glomus sp.1 ........................................................... 83 Photo 12. Exemple de colonisation racinaire de T. articulata par les CMA (grossissement 40x) ............................................................................................... 86 Photo 13. Comparaison entre la croissance du thuya non mycorhizé et celui inoculé par Glomus sp. d’Oued Beht et Ben Slimane ............................................................... 88 Photo 14. Exemple de diversité sporale des CMA isolés à partir des sols de tétraclinaie. .......... 97 Photo 15. Plantation du thuya effectuée à Slalma dans la région de BenSlimane ...................... 114 xvi Abréviations ABREVIATIONS ACP : Analyse en composantes principales ADN : Acide désoxyribonuclèique APX: Ascorbate peroxidase ARN: Acide ribonuclèique ARNr : Acide ribonuclèique ribosomique BSA: Bovine serum albumine CAT: Catalase CMA : Champignons Mycorhiziens Arbusculaires dNTP : Désoxynucléoside 5’ triphosphate EDTA : Ethylène diamine tétra acetate GEE : Glycerol – Ethanol – Eau distillée IAA: Indol Acétique Acide LSU : Large sous unité MA : Mycorhizes à Arbuscules MPN : Most Probable Number N: Azote P: Phosphore PEG : Polyéthylèneglycol Pfa: Poids frais aérien Pfr: Poids frais racinaires PGPR : Plant Growth Promiting Rhizaobacteria PIM Potentiel Infectieux Mycorhizien PVLG : Polyvenyl-lacto-glycerine RFLP : Restriction Fragment Lenght Polymorphism SDS : Sodium dodécyl sulfate SOD: Superoxide dismutase TBE : Tris acide borique EDTA Tr/mn : Tour par minute Tris : Tris-(hydroxymethyl)-aminométhane xvii Liste des annexes LISTE DES ANNEXES Annexe 1. Technique de calcul des paramètres de mycorhization ............................................ 153 Annexe 2. Protocole d'extraction de l'ADN à l'aide du "Dnaeasy Plant Mini Kit" ..................... 154 Annexe 3. Réaction de Polymérisation en Chaîne (PCR) ........................................................ 155 Annexe 4. Extraction et purification des produits PCR par électrophorèse préparative à l'aide du kit "QIAgen-gel extraction Kit". .............................................................. 156 Annexe 5. Milieu de culture des bactéries. ............................................................................... 157 xviii Introduction INTRODUCTION 1 Introduction Il est bien établi que le fonctionnement, la stabilité et la productivité des écosystèmes terrestres dépendent en grande partie de la richesse en espèces du cortège floristique, sa diversité et la structure de ses populations (Tilman et Downing, 1994). Cependant, l’installation et le développement de ces espèces au sein de l’écosystème dépendent des interactions qui se produisent entre celles-ci et de leur concurrence spatio-temporelle vis-à-vis des ressources limitées du sol. Les interactions avec les différents groupes d'organismes qui constituent la biocénose peuvent favoriser l'établissement de certaines espèces de plantes et/ou leur développement postérieur selon divers processus (Bever et al., 1997). Actuellement, les conditions écologiques de la zone méditerranéenne deviennent de plus en plus sévères et se retentissent essentiellement sur la qualité des sols (structure, teneurs en micro- et macro-éléments, etc.) en entrainant une augmentation de l’érosion (Mace et Masundire, 2005). En conséquence, on assiste à court terme, à une disparition de nombreuses espèces épigées et une régression significative de l’activité et de la diversité des communautés microbiennes telluriques (Kennedy et Smith, 1995). Or, le fonctionnement d’un écosystème est fortement assujetti à l’évolution de ces communautés de microorganismes (Benthlenfalvay et Linderman, 1992). La dégradation du sol, à son tour, est principalement liée à la réduction de leur diversité et/ou du fonctionnement des cycles biogéochimiques majeurs (Requena et al., 2001). Ces effets se traduisent par une raréfaction du couvert végétal et une diminution des teneurs en matière organique et en nutriments des sols (Barea et Jeffries, 1995). Parmi ces microorganismes figurent les champignons mycorhiziens qui sont présents dans la majorité des écosystèmes terrestres et associés à plus de 90 % des espèces végétales terrestres (Van der Hejden et al., 1998a). Ces microorganismes symbiotiques sont considérés comme un groupe microbien "clés" dans le fonctionnement des écosystèmes terrestres en particulier pour leur capacité à promouvoir le développement des plantes dans des milieux dégradés. Au sein de ce groupe de champignons existe un type de taille microscopique et à habitat commun de la majorité des sols, ce sont les champignons mycorhiziens arbusculaires (CMA). Ces entités fongiques établissent une symbiose mutualistique avec la majorité des plantes terrestres allant des Bryophytes jusqu’aux Angiospermes (Boullard, 1990 ; Demars et Broener, 1995) en leur permettant d’acquérir une surface d’absorption racinaire plus grande grâce à la prolifération de leurs hyphes. Les champignons mycorhiziens à leur tour reçoivent les carbohydrates issus de la photosynthèse de la plante, indispensables pour leurs processus métaboliques. C’est ainsi que ces champignons sont appelés "symbiotes obligatoires". 2 Introduction L’avantage de cette symbiose ne se limite pas aux deux partenaires, mais concerne aussi l’intégrité de l’écosystème puisqu'elle améliore la qualité du sol (Caravaca et al., 2002), la diversité et la productivité du couvert végétal (Van der Heijden et al., 1998b), ainsi que l'établissement d'autres microorganismes bénéfiques, comme les Rhizobactéries Promotrices de la Croissance des Plantes (PGPR) (Herrera et al., 1993 ; Barea et al., 2002 ; Marschner et Timonen, 2006 ; Saxena et al., 2006). En effet, grâce au développement de cette symbiose, il y a apparition de changements dans la quantité et la qualité des exsudats racinaires, ce qui se répercute sur la diversité des communautés microbiennes rizosphériques (Azcon-Aguilar et Barea, 1992 ; Barea, 1997 ; Gryndler, 2000 ; Marschner et al., 2001 ; Marschner et Baumann, 2003). Un autre groupe d'organismes qui interagit avec les CMA sont les bactéries solubilisatrices des phosphates. Cette interaction, fort intéressante, peut être due à l'exploration par les hyphes du champignon de micro-habitats où le phosphore n’est pas accessible (Azcon et al., 1976). D'autre part, il a été décelé occasionnellement des accroissements dans l'activité phosphatasique au niveau de la rhizosphère des racines mycorhizées (Tarafdar et Marschner, 1994), ce qui en partie, peut être attribué à l'accroissement de populations microbiennes avec cette activité (Dodd et al., 1987). Au Maroc, malgré le paysage mosaïque de ses formations forestières, ses écosystèmes sont fortement dégradés suite aux aléas climatiques, comme la sécheresse, à l’expansion démographique des populations locales qui est couplée à des besoins accrus en terres cultivables, aux exploitations abusives de certaines essences forestières et au surpaturage. Cette situation s’observe dans les aires naturelles de plusieurs essences forestières, en particulier au niveau des tétraclinaies. Ces écosystèmes à base de thuya de Berbérie [Tetraclinis articulata (Vahl) Master] étaient considérés parmi les potentialités forestières autochtones les plus anciennes et constituaient la base résistante de l’armature boisée du Maroc en reliant entre elles les autres masses forestières. Ils apportaient aussi, aux populations locales qui les exploitaient, le tribut dominant de la richesse forestière du pays (Direction des Eaux et Forêts, 1931). Le thuya occupe en effet une place importante dans le patrimoine forestier national. Son importance écologique, socio-économique et culturelle n’est plus à démontrer, aussi bien sur le plan régional que national et international. Il est considéré comme l’une des essences les plus précieuses de l’Afrique du Nord et l’un des éléments les plus stables, les plus solides de sa végétation forestière (Boudy, 1950). 3 Introduction Diverses opérations de conservation de cette ressource ont été entreprises (création d’aires protégées, programme d’amélioration génétique, etc.) mais ces interventions restent négligeables devant l’ampleur de la dégradation. Depuis 1960, plusieurs programmes de reboisement ont été entrepris, mais le rythme annuel de plantations fixé par ces plans n'a jamais été atteint. La production des plants en pépinière constitue l’un des principaux maillons de la chaîne globale de reboisement, visant essentiellement à améliorer la production forestière. Cependant, l’absence de critères de sélection et d’évaluation des plants avant la plantation, obtenus par des techniques culturales classiques, constitue un frein et une source d’échec des plantations du thuya. Quand à sa régénération naturelle, les données fragmentaires (Metro et Sauvage, 1955) rapportent qu’elle se fait par voie de semis et par rejets de souche. Cependant, la régénération par semis n’est qu’une contribution occasionnelle et très rarement observée à nos jours ; l’irrégularité de cette voie tient à la nature du substratum, au climat difficile et surtout à l’influence du pâturage fort néfaste aux jeunes semis, dont la croissance est très lente dans les premières années (Boudy, 1950). Au siècle dernier et plus précisement dans les années soixante, des essais de régénération artificielle du thuya par plantation effectués dans la région orientale ont donné des résultats prometteurs (Anonyme, 2002). Dans les années quatre vingt, les recherches sur le thuya ont été surtout focalisées sur les aspects phytoécologiques (Benabid, 1982 ; Fennane, 1987). L’adiministration forestière a consenti un effort en matière d’aménagement des tétraclinaies et ce dans la perspective de protection, de reconstitution et de valorisation de ces écosystèmes. Il a été remarqué cependant, que les opérations de régénération artificielle n’aboutissaient pas aux résultats escomptés. La réussite après transplantation des jeunes plants est faible voir même nulle dans certaines régions, comme c’est le cas de Fès-Boulemane et Tadla Azilal pendant la campagne 2011/2012 (HCEFLCD, 2013). Mais dans toutes ces actions, le rôle de la microflore tellurique et plus particulièrement celui des champignons mycorhiziens n’a jamais été pris en compte. Or, il est maintenant parfaitement établi que ces microorganismes interviennent significativement dans tous les stades de développement des espèces forestières (Smith et Read, 1997). Cet effet "mycorhizien" sur la croissance d’une espèce forestière peut être obtenu : (i) soit par l’introduction d’un symbiote fongique préalablement sélectionné pour sa capacité à stimuler la croissance de la plante-hôte dans des conditions environnementales données (Duponnois et al., 2005), (ii) soit par la gestion du Potentiel Infectieux Mycorhizogène (PIM) in situ (Duponnois et al., 2001). Cette seconde approche consiste à produire un inoculum fongique in situ composé par les symbiotes 4 Introduction fongiques indigènes présents dans le sol des sites de plantation. Le succès de cette technique repose sur l’utilisation de plantes (herbacées, arbustes) susceptibles de promouvoir rapidement la multiplication des champignons mycorhiziens dans le sol (plantes hautement mycotrophes) et de se développer en association avec les essences forestières cibles. C’est pour la première fois qu’une étude sur les associations symbiotiques du thuya au Maroc est réalisée. L’amélioration de la qualité des plants de thuya produits en pépinière forestière et la gestion du PIM des sites à reboiser pourraient avoir des répercussions positives sur la régénération artificielle de cette essence avec des incidences positives sur la préservation des tetraclinaies, le développement économique et la protection de l’environnement. Les objectifs de ce travail de recherche sont donc : 1. étudier le statut mycorhizien du thuya (Tetraclins articulata) ; 2. analyser la diversité morpho-anatomique et moléculaire des champignons mycorhiziens ; 3. évaluer le potentiel de la symbiose mycorhizienne sur le développement des plants de thuya en pépinière forestière et par suite sur le terrain de reboisement ; 4. étudier les espèces arbustives accompagnatrices du thuya dans son aire naturelle quant à leur capacité d’héberger des microorganismes bénéfiques comme les CMA et les PGPR. 5 Synthèse bibliographique SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE 6 Synthèse bibliographique I. Thuya au Maroc I.1. Généralités La famille des Cupressacées du Maroc était considérée comme la souche où se recrutent, d’un bout à l’autre du pays, les forces forestières autochtones les plus anciennes de la Berbérie (Direction des Eaux et Forêts, 1931). Le thuya ou Tetraclinis articulata (Vahl) Masters est une essence de cette famille qui couvre une superficie estimée à 565 798 ha (Benabid et Fennane, 1999), soit environ 6,2 % de la superficie totale des forêts marocaines. C’est une espèce résineuse qui constitue un élément important dans la végétation nordafricaine (Benabid, 1976) et qui est placée dans la catégorie des plantes vasculaires à multiples rôles tant pour la valeur que la diversité de ses produits (bois d’œuvre, bois de feu, goudron végétal, gomme sandaraque, tanin…). Les peuplements formés par le thuya, communément appelés tétraclinaies, sont aussi des espaces de vie rurale dans lesquels les populations assurent en permanence le pâturage pour leur bétail. Boudy en 1950 a signalé que ces écosystèmes connaissent dans tout le Maroc des reculs remarquables de leurs superficies et que cela est du essentiellement au surpâturage, aux incendies, à l’exploitation du bois et au gemmage. Le même auteur a suggéré que la reconstitution des peuplements de thuya pour la production par exemple du bois d’œuvre nécessite au moins deux siècles. I.2. Classification Embranchement : Pinophyta Sous-Embranchement : Pinophytina Classe : Pinopsida Sous-Classe : Pinidae Ordre : Pinales Famille : Cupressaceae Genre : Tetraclinis Espèce : Tetraclinis articulata (Vahl) Masters Nom vernaculaire : Thuya de Berbérie Nom arabe: Arar Nom Amazigh: Azouka 7 Synthèse bibliographique I.3. Aire naturelle Le thuya est une essence cantonnée essentiellement dans la portion méridionale du bassin méditerranéen occidental (Afrique du Nord) à l’exception de deux ilots : l’un au sudest de l’Espagne (Almeria) et l’autre à l’île de Malte (Achhal, 1986). C’est au Maroc que cette espèce individualise les peuplements les plus étendus et les plus diversifiés (Benabid, 1976, 1982, 1985 ; Fennane, 1982, 1988). Son aire de répartition s’étend en gros dans la partie orientale du pays, sur le Plateau Central, et dans le secteur de l’Arganier. Le tempérament plastique et la résistance du thuya lui permettent d’occuper une frange altitudinale comprise entre le bord de la mer et 1 000 m dans le Maroc septentrional voire 1 600 m dans le Maroc méridional (Benabid, 1982). L’aire de répartition du thuya est subdivisée en six grandes zones : zone rifaine; zone du Maroc Oriental ; zone du Moyen Atlas Oriental ; zone des vallées du Plateau Central et la Meseta Occidentale ; zone du Moyen Atlas Occidental et Haut Atlas (zones subatlasiques, Nord Atlasiques, revers Sud du Haut Atlas, région d’Essaouira, Haut Atlas Occidental) et zone de l’Anti-Atlas (Direction des Eaux et Forêts et de la Conservation des Sols, 1994). I.4. Ecologie Le thuya, par sa rusticité, s’accommode aux climats très secs et aux sols les plus déshérités. Ses peuplements sont remarquablement liés aux variantes chaude et tempérée du thermo-méditerranéen semi-aride exceptionnellement subhumide inférieur ou aride (Benabid, 1985). En effet, le thuya peut se développer aussi dans le subhumide chaud, doux et tempéré sur sol filtrant, calcaire, sur une forte pente et sur des expositions sud et sud-est. En outre, il est retrouvé aussi dans l’aride supérieur sous un état mal venant largement dominé par des espèces plus xérophiles : Argania spinosa, Acacia gummifera et Stipa tenacissima. Le thuya est donc réputé par ses caractères écologiques : thermophile, xérophile et rustique. Si les influences océaniques modérées favorisent le développement de cette espèce, le froid l’élimine surtout avec l’augmentation de l’humidité de l’air. Tetraclinis articulata est connu pour son indifférence à la nature chimique du substratum. Cependant, il préfère le calcaire, plus sec (Boudy, 1950) et il est éliminé des roches siliceuses par le chêne-liège, lorsqu’il s’agit de roches dures et résistantes, et par l’oléastre et le lentisque en cas de sols argileux (Rübel et Lüdi, 1939). 8 Synthèse bibliographique I.5. Biologie Le thuya est un arbre monoïque, de 15-25 m de hauteur, au port d’abord pyramidal, élancé, puis au feuillage diffus et léger (Fennane et al., 1999). Son tronc est droit à rhytidome gris clair, puis devenant plus sombre, fendillé longitudinalement, à rameaux dressés et minces, composés de petites branches plates, vertes, articulées selon la disposition des feuilles. Le système raçinaire est profond mais pas trop ramifié. Les feuilles sont en aiguilles bleutées, de 1-2 cm chez les jeunes plantes (Photo 1A). Elles vont ensuite, chez les plantes adultes, laisser la place aux feuilles en écailles, persistantes, opposées et plus ou moins verticillées par 4, enveloppant le rameau aplati inégal, 2 larges alternant 2 étroites. Les fleurs mâles sont groupées à l’extrémité des rameaux courts. Les fleurs femelles sont localisées sur des rameaux latéraux. Les cônes plus ou moins globuleux, constitués de 4 écailles ligneuses, en 2 paires, en forme de cœur (Photo 1B) ; graine petite avec des poches de résine et 2 ailes latérales (Benabid, 2000). A B 1cm 0.5cm Photo 1. Feuilles (A) et cônes (B) de Tetraclinis articulata (Source: hipernatural.com et oshba.net) 9 Synthèse bibliographique I.6. Biomasse et productivité T. articulata se caractérise par la diversité et la valeur de ses produits : bois d’œuvre, bois de service, bois de feu, loupe, gomme sandaraque, goudron végétal et tanin. Il produit un bois facile à scier et à trancher, peu dense, esthétique, prend un beau poli et s’apprête bien à l’assemblage et l’usinage. Le bois du thuya est recherché pour la marqueterie et la confection des objets décoratifs. Au cours de série 1990-2002, les données sur l’évolution des coupes de thuya, traitée par année et par service forestier (HCEFLCD, 2003), ont montré une prédominance de bois de feu et une production faible de bois d'œuvre. Ceci a été expliqué par la nature des traitements sylvicoles adoptés (la plupart des forêts sont traitées en taillis simple à courte révolution). L’Inventaire Forestier National (IFN) de 1999 a montré que le stock de bois de thuya sur pied dans les tétraclinaies s’élève à 5 409 764 m3 représentant 3,36 % du volume de la totalité de la forêt marocaine émanant d’une surface globale de 565 798 ha de thuya, soit un accroissement annuel au alentour de 0.24 m3/ha/an et un volume de 9,56 m3/ha. Avec le développement de la marqueterie, l’approvisionnement en bois d’œuvre de thuya est devenu problématique vue l’offre trop limitée et vue l’état actuel des forêts de thuya. En effet, les activités humaines ont bâti autour de cette espèce une production artisanale qui a toujours contribué à l'amélioration du niveau de vie. La majorité des produits confectionnés en bois de thuya est classée comme produits de luxe, destinés à l’export, ce qui constitue un plus pour l’économie marocaine. L’ONUDI (2003) a rapporté que le secteur du bois de thuya représente 75 % de l’activité artisanale de la ville d’Essaouira, la ville la plus connue en ce qui concerne la fabrication d’objets divers à base de ce bois. I.7. Végétation associée au thuya La diversité floristique d’une région donnée est reflétée par le nombre d’espèces végétales qui y cohabitent. Au niveau des tétraclinaies marocaines, plusieurs associations végétales ont été décrites en détail dans les travaux phytoécologiques réalisés par Benabid (1976, 1982) et Fennane (1982). Ces associations sont développées en bioclimat subhumide inférieur dans le Maroc septentrional. Les autres, préforestières ou localement présteppiques, se trouvent dans le Maroc méridional (Benabid, 2000). 10 Synthèse bibliographique Le nombre relativement très élevé d’associations et de séries de végétation organisées par le thuya, illustre la grande diversité dans la structure et les cortèges floristiques de ces unités. Les tétraclinaies marocaines possèdent un fond d’espèces qui lui sont remarquablement fidèles, suivant les régions géographiques, et contribue au façonnement de leur paysages. Il s’agit en particulier de : Ceratonia siliqua, Pistacia lentiscus, P. atlantica, Olea europea, Ebenus pinnata, Cistus villosus, Brachypodium ramosum, Viola arborescens, Jasminum fruticans, Clamatis cirrhosa, Genista tricuspidata, Lavandula multifida, L. dentata, etc. (Rübel et Lüdi, 1939 ; Benabid, 2000). Les autres éléments floristiques jouant un rôle remarquable dans l’organisation des séries et des associations végétales, confèrent des particularités spéciales aux différentes régions à thuya. Selon Benabid (2000), il s’agit de : i. Rosmarinus officinalis, R. tournefortii, Anthyllis cytisoides et de Genista retamoide au niveau de certaines associations du Maroc septentrional. ii. Rhus pentaphylla, Rosmarinus tournefortii, Anthyllis cytisoides, Withania frutescens et Coronilla viminalis qui apparaissent au niveau du Plateau Central. iii. Olea maroccana, Argania spinosa, Acacia gummifera et de Lavandula dentata var. candicans qui caractérisent les paysages à thuya dans le Haut Atlas et l’Anti-Atlas Occidental. I.8. Régénération du thuya et conduite des peuplements Le thuya est une espèce à croissance lente. La reconstitution de ses peuplements capables de fournir du bois d’œuvre de qualité nécessite une production de plants de qualité et une bonne gestion de ses superficies. A l’état naturel, le thuya se régénère aisément si les conditions écologiques le permettent. Il rejette vigoureusement des souches lorsqu’il est coupé. C’est le seul conifère endémique marocain qui offre cette faculté de régénération (Benabid, 2000). Des jeunes semis de thuya sont encore observables dans les peuplements présentant des conditions favorables de sol et de climat et qui sont à l’abri de l’action perturbatrice de l’homme et de ses cheptels. Mais cette régénération naturelle reste très faible ou quasiment nulle dans plusieurs régions du Maroc. 11 Synthèse bibliographique En matière de conduite des peuplements, les actions entreprises sont très limitées, en raison d’absence de techniques confirmées par l’expérimentation. Parmi les forêts aménagées, le thuya n'a pas eu la place qu'il mérite dans le sens où ces forêts sont dans la plupart des cas, traitées en taillis simple à courte révolution, traitement qui privilégie la production de petits bois inaptes aux usages intéressants (HCEFLCD, 2003). I.9. Problématique de la régénération des essences forestières Au Maroc, les pratiques culturales de production des plants en pépinières, sont toujours classiques et invariantes, tandis que les exigences et les conditions du milieu naturel sont en perpétuels changements et nécessitent des efforts soutenus afin de combler les défaillances observées sur le terrain. La recherche de solutions pratiques, où seront conjuguées méthodes de cultures et qualité des plants, pourraient être un atout important pour la réussite des programmes de régénération artificielle des essences forestières. L’enjeu important pour notre pays est le reboisement artificiel qui se manifeste actuellement par un taux de réussite des fois n’atteignant pas les 20 % (M’Hirit et Benchekroun, 2006). Ceci peut être lié à plusieurs facteurs tels que le choix des semences, la non coordination des actions sur le terrain, un suivi insuffisant des périmètres replantés, l’absence de mise en défens efficace, la mauvaise qualité des plants au moment de la plantation (Abourouh, 1992 ; M’Hirit et Benchekroun, 2006). Or, un bon succès des reboisements est défini comme étant une survie élevée (supérieure à 85 %) associée avec une croissance rapide des plants (Russel, 1977). Au moment de la plantation, la partie aérienne du jeune plant, qui aura des besoins importants en eau, est intimement dépendante de l’ancrage du système racinaire dans le sol. Pour cela, dans les normes de qualité des plants en pépinière, on insiste sur l’état des racines et leur niveau de mycorhization (Abourouh, 1992). En effet, les champignons symbiotiques font partie intégrante et fonctionnelles de ce système. De plus, la reprise et le comportement des plants introduits en forêts dépendent pour beaucoup des symbiotes mycorhiziens qui leur sont associés (Le Tacon et al., 1997). Le Tacon et collaborateurs (1992) signalent que la présence de mycorhizes permet de diminuer la crise de transplantation et peut éventuellement assurer une meilleure croissance après plantation. Des observations sur le terrain ont montré que les plants non mycorhizés introduits dans un milieu à faible fertilité (cas des sols forestiers) ont des difficultés à s’installer et peuvent mourir plus ou moins rapidement s’ils ne rencontrent pas rapidement des symbiotes mycorhiziens (Le Tacon et al., 1997). 12 Synthèse bibliographique II. Symbioses mycorhiziennes Depuis leur extension dans l’écosystème terrestre, les plantes ont adopté des stratégies en relation avec leur pouvoir d’adaptation. Parmi celles-ci, les systèmes racinaires ont établi des relations mutualistiques, avec des microorganismes telluriques, désignées sous le nom de mycorhizes. Ces dernières sont apparues sur terre il y a environ 400 millions d’années (Simon et al., 1993) et sont considérées comme étant à l’origine de la flore terrestre (Selosse et Le Tacon, 1997). Ces relations symbiotiques sont caractérisées par un état d’équilibre physiologique permettant aux symbiotes impliqués, d’en retirer des bénéfices mutuels. Parmi ces interactions, les plus fréquentes sont celles qui intéressent plus de 90 % des plantes terrestres (Sanders et al., 1996) et qui font intervenir un groupe de champignons de la classe des Glomeromycètes : ce sont les Champignons Mycorhiziens à Arbuscules, connus depuis la fin du dix huitième siècle (Strullu, 1990). Ces champignons sont cosmopolites et colonisent la majorité des familles de plantes, depuis les Bryophytes jusqu’aux Angiospermes (Boullard, 1990 ; Demars et Broener, 1995) et particulièrement les plantes à valeurs économiques importantes. Ces microorganismes à haut niveau d’organisation dans cette association, déterminent les conditions de liaison dans lesquelles le champignon peut croître, se reproduire et évoluer (Morton, 1993). En effet, le champignon se nourrit des sucres et des acides aminés synthétisés par la plante-hôte et procure à cette dernière les éléments nécessaires à sa nutrition minérale en lui permettant une meilleure extension et absorption racinaire (Harley et Smith, 1983). II.1. Définition des mycorhizes Le terme "Mycorhize" définit une association symbiotique entre les racines d’une plante et certains champignons du sol. Littéralement, il veut dire "champignon/racine" (du grec mukês : champignon, et rhiza : racine). Les champignons se développent aussi bien à l’intérieur des racines qu’autour d’elles en formant un réseau de filaments qui amplifie considérablement la surface du contact entre les racines et le sol. 13 Synthèse bibliographique II.2. Types de mycorhizes D’après la morphologie, on distingue différents types de mycorhizes (figure 1) : Figure 1. Principaux types de mycorhizes représentés sur une coupe transversale de la racine (d’après LeTacon, 1985). Les ectomycorhizes (du grec ektos : à l’extérieur) chez lesquelles les champignons se développent essentiellement autour de la racine, en formant un manchon mycélien ; de ce manteau part un réseau d’hyphes qui se développe entre les cellules corticales de la racine (réseau de Hartig) sans jamais entrer à l’intérieur de ces dernières. Ce type d’association est représenté surtout chez les essences forestières des régions tempérées et de la forêt boréale, mais il a été décrit aussi chez quelques espèces tropicales de la famille des Dipterocarpaceae, Euphorbiaceae, Cesalpiniaceae, Myrtaceae et Fagaceae (Redhead, 1980). Les champignons ectomycorhiziens appartiennent surtout aux Basidiomycètes (Bolets, Russules, Laccaire, etc) mais aussi aux Ascomycètes (Tuber, Elaphomyces, etc) et rarement aux Zygomycètes (Endogone). Les ectendomycorhizes caractérisées à la fois par la présence du manteau mycélien et le développement d’hyphes inter et intracellulaires ; elles se rencontrent chez les Arbutacées, les Monotropacées et sont formées par des Basidiomycètes (Cortinarius, Boletus, etc) (Mikola, 1988). 14 Synthèse bibliographique Les endomycorhizes (du grec endon : à l’intérieur) sont caractérisées par l’absence de manchon mycélien externe et par la pénétration des hyphes fongiques dans les cellules corticales. Trois types sont rencotrés : Les endomycorhizes des Orchidées et des Ericacées formées respectivement par des Basidiomycètes et des Ascomycètes de la famille des Pezizaceae ; dans ces deux cas, le mycélium forme des pelotons à l’intérieur des cellules du parenchyme cortical. forme Les endomycorhizes des Cistacées où les pénétrations endocellulaires prennent une coralloïde ; les champignons symbiotiques responsables appartiennent aux Ascomycètes hypogés, de la famille des Terfeziaceae. Les mycorhizes à arbuscules, formées par des champignons inférieurs et qui concernent environ 90 % des espèces végétales (Barea et Honrubia, 1993). Ces associations doivent leur nom aux structures fongiques résultant des hyphes intracellulaires qui se ramifient intensément à l’intérieur des cellules du cortex racinaire donnant des branchements appelés arbuscules. Les mêmes hyphes ou d’autres intercellulaires peuvent former des vésicules (Bofante-Fasola, 1984). Compte tenu de l'objet de cette étude, ce type de mycorhizes sera discuté plus en détail dans les sections suivantes. III. Mycorhizes à arbuscules (MA) III.1. Historique et systématique La plus ancienne notion d’endomycorhizes remonte à 1849 (Boullard, 1990), malgré que Morton et al. (1995) suggèrent qu’elles sont apparues il y a 250 millions d’années. Frank eut, dès 1887, le mérite de distinguer les ectomycorhizes et les endomycorhizes (Boullard, 1990). En 1974, Gerdmann et Trappe ont pu résumer la diversité de ces champignons endomycorhiziens en évoquant une première classification basée essentiellement sur la similarité des phénotypes de leurs spores. Ainsi, 5 genres ont été définis : Endogone, Glomus, Sclerosystis, Acaulospora et Gigaspora. Ensuite, les mêmes auteurs ont révisé la famille des Endogonacées. 44 espèces au sein de 7 genres ont été caractérisées. Parmi elles, beaucoup de taxons ont été redéfinis, 2 genres (Acaulospora, Gigaspora) et 12 nouvelles espèces ont été décrites. Ames et Schneider (1979) mettaient en évidence le nouveau genre Entrophospora dans la famille des Endogonaceae, avec Entrophospora infrequens, espèce qui existait avant dans 15 Synthèse bibliographique le genre Glomus sous le nom de Glomus infrequens (Hall, 1977). Walker et Sanders (1986) ont séparé entre deux genres, Gigaspora et Scutellospora. En 1987, Schenck et Perez comptaient plus de 150 espèces décrites. Morton et Benny (1990) ont ensuite subdivisé l’ordre des Glomales en deux sous-ordres : les Glomineae et les Gigasporineae. Ces derniers comportent trois familles et six genres séparés selon des critères morphologiques comme par exemples : la présence des vésicules attribuée au sous-ordre des Glomineae ; la formation des sporocarpes séparant les Glomaceae des Gigasporaceae et des Acaulosporaceae ; la forme d’hyphe d’attachement, allongé chez les Glomaceae, conique et non persistant après maturation chez les Acaulosporaceae et conique mais plus arrondi chez les Gigasporaceae. Redecker et al. (2000) ont utilisé à la fois les données morphologiques et moléculaires et ont transféré Sclerocystis coremioides dans le genre Glomus, éliminant ainsi le genre Sclerocystis. Se basant sur les données morphologiques, moléculaires et biochimiques, Morton et Redecker (2001) ont décrit deux autres familles : Archaeosporaceae et Paraglomaceae. La première famille renferme le genre Archaeospora, avec trois espèces et la seconde le genre Paraglomus avec aussi deux espèces. III.2. Taxonomie actuelle Les concepts utilisés dans la systématique des champignons endomycorhiziens à arbuscules sont basés essentiellement sur la morphologie de la spore (Rosendahl et al., 1994 ; Morton et Benny, 1990), mais cette identification reste très difficile puisqu’elle permet d’obtenir peu de données sur la diversité de ces champignons (Giovanetti et GianinazziPearson, 1994). Le problème est encore exacerbé par la difficulté de leur obtention dans les cultures axéniques (Dodd et al., 1996).. Actuellement, et grâce à l’outil de biologie moléculaire, toute la classification des CMA a été revue. Ces champignons sont maintenant classés dan le phylum des Glomeromycota (Schüssler et al., 2001) avec quatre ordres, dix familles et approximativement 200 espèces décrites (Raab et Redecker, 2006) (figure 2). 16 Synthèse bibliographique Figure 2. Classification des CMA [Selon Schüßler et al. (2001) avec corrections de Oehl et Sieverding (2004), Walker et Schüßler (2004), Sieverding et Oehl (2006), Spain et al. (2006), Walker et al. (2007a, b) et Palenzuela et al. (2008)] III.3. Distribution géographique et plantes concernées Les endomycorhizes arbusculaires sont présentes dans tous les écosystèmes et on les rencontre aussi bien chez des arbres des forêts tempérées (merisier, frêne, érable, if, thuya, etc) que chez les arbres des forêts tropicales et équatoriales (Readhead, 1980 ; Janos, 1980). Les principales familles et/ou genres d’espèces forestières formant ce type d’association sont données dans le tableau I. 17 Synthèse bibliographique Tableau I. Principaux familles et/ou genre d’arbres formant les mycorhizes à arbuscules (Strullu, 1991) Classe Angiosperme Gymnosperme Famille Genre Casuarinacées Casuarina Mimosacées Acacia Junglandacées Juglans Myrtacées Eucalyptus Salicacées Populus Anacardiacées Pistacia Fagacées Castanea Papilionacées Ceratonia Sapotacées Argania Cupressacées Tetraclinis Cupressus Taxacées Taxus Taxodiacées Sequoia Araucariacées Araucaria Pinacées Larix Au Maroc, peu de travaux ont été réalisés sur les mycorhizes à arbuscules des essences forestières ou des arbustes. Ceux de Hatimi (1993) ont porté sur l’inoculation d’une légumineuse (Retama monosperma) par Glomus mosseae. Les résultats ont montré l’efficacité de cette souche sur la biomasse et la teneur en phosphore de la plante-hôte dans le cas de sol non fertilisé. De même, Nouaïm et Chaussod (1997) ont observé la grande efficacité d’une souche de collection (Glomus intraradices) sur la croissance de l’arganier. D’autres recherches ont essayé de montrer l’intérêt des CMA soit dans la croissance et la nutrition des plantes en cas de stress abiotiques (Abbas, 1998 ; Meddich et al., 2000) soit dans la réimplantation de certaines essences forestières (Ouahmane, 2007). A l’échelle internationale, les CMA ont été signalées chez plusieurs essences forestières, Ces champignons ont montré des effets significatifs sur des taxons, telles que Eucalyptus spp. (Ajoud et al., 1996), Cupressus sp. (Milagros et Cuenca, 1996), Fraxinus sp. et Acer sp. (Le Tacon et al., 1992), des espèces des familles des Cupressacées et Taxodiacées (Stockey et al., 2001). 18 Synthèse bibliographique IV. Structure des mycorhizes arbusculaires En général, dans une mycorhize active, il existe : une partie extraracinaire qui inclut le mycélium externe du champignon développé dans le sol, les spores et dans quelques cas les cellules auxiliaires ; une phase intraracinaire qui inclut les hyphes intracellulaires (mycorhizes Paris-type) et fréquemment intercellulaires (Arum-type) ; des arbuscules qui se forment par division dichotomique répétée des hyphes et occasionnellement des vésicules (Figure 3). Il est important de signaler que la colonisation racinaire par les champignons formant les MA ne produit pas de modifications morphologiques de la racine, appréciables à l’œil nu et par simple observation macroscopique, et que le champignon colonise seulement l'épiderme et le parenchyme cortical des racines, sans pour autant atteindre le cylindre central ni les zones méristèmatiques (Bonfante-Fasolo, 1984). Arbuscules Figure 3. Schéma de la structure d’une endomycorhize à arbuscules formée par une espèce du genre Glomus (Brundrett et al., 1996). La formation d'une mycorhize arbusculaire s’installe grâce à la succession des interactions entre le champignon et la plante-hôte, qui conduisent à une intégration morphologique et fonctionnelle des deux symbiontes (Gianinazzi-Pearson et al., 1996). Pendant la formation de la symbiose, la plante accepte le champignon sans manifester des réactions généralisées de défense (Dumas-Gaudot et al., 2000). Ceci est du à l'établissement d’un "dialogue" moléculaire continu entre les deux symbiontes, dirigé par l'échange de signaux qui conduisent à une reconnaissance mutuelle et au développement de programmes génétiques de compatibilité (Vierheilig et Piché, 2002). 19 Synthèse bibliographique V. Processus d’infection par les champignons mycorhiziens à arbuscules Chez les MA, il n’y a pas de spécificité entre la plante-hôte et le partenaire fongique (Mosse et al., 1981). Un champignon endomycorhizien peut s'associer à plusieurs plantes et une même plante peut être infectée par plusieurs espèces de CMA. Le cycle de développement des CMA peut être divisé en 5 grandes étapes (Figure 4). Lorsque les spores, qui constituent les formes de conservation du champignon, sont dans des conditions de température et d’hygrométrie satisfaisantes, elles peuvent germer en absence d’une plantehôte (Smith et Read, 1997). La croissance du tube germinatif du champignon en absence de la plante-hôte, ou croissance asymbiotique, est limitée dans le temps (1 à 3 semaines selon les espèces de CMA) et elle est caractérisée par une faible utilisation des réserves du champignon (Bécard et Piché, 1989). En absence de la plante-hôte, la croissance s’arrête et des septa se mettent en place à partir des apex cellulaires (Mosse, 1988). Cette septation s’accompagne d’une vacuolisation intense et d’une rétraction du cytosol, des noyaux et des mitochondries vers la spore (Logi et al., 1998). 2 1 5 3 4 Figure 4. Cycle de développement des champignons MA (Modifiée d’après Akiyama, 2007). Les spores des champignons MA germent lorsqu’elles se trouvent dans des conditions de température et d’hygrométrie optimales (1). Le tube germinatif du champignon se développe de manière limitée avec une utilisation minimale des réserves (2). Lorsque le champignon perçoit la présence d’une plantehôte, il manifeste une réaction typique de ramification intense des hyphes appelée "branching" (3). Lorsque le champignon rentre en contact avec la racine hôte, il différencie des appressoria à la surface du rhizoderme (cellules bleues) (4). Après un développement apoplastique, les hyphes intraracinaires du champignon atteignent les cellules corticales (cellules vertes) où ils différencient des structures très ramifiées appelées arbuscules (5). Après différentiation des structures intraracinaires, le champignon produit des spores à partir de son mycélium extraracinaire (5). 20 Synthèse bibliographique Le champignon détecte la présence d’une racine hôte grâce à des molécules présentes dans les exsudats racinaires (Buée et al., 2000). Les hyphes les plus proches des racines se ramifient de façon plus intense pour former un "branching", qui présente une finalité d’augmenter les probabilités de contact entre les hyphes du champignon et les racines hôtes (Nagahashi et Douds, 2000). Ce processus, qui marque le passage du champignon à une phase de développement pré-symbiotique, est caractérisé par une prolifération cellulaire accrue et une utilisation des réserves principalement lipidiques du champignon (Bécard et al., 2004), constituant une véritable "biotrophie sporale". Une fois le contact avec une cellule rhizodermique établi, le champignon forme un appressorium. De manière concomitante, un appareil de pré-pénétration, constitué essentiellement par des microtubules, des filaments d’actines et du réticulum endoplasmique, est mis en place dans la cellule rhizodermique ciblée par le champignon. Celui-ci provoque ensuite une invagination de la paroi et de la membrane plasmique de la cellule rhizodermique. Le champignon se développe alors à l’intérieur d’une sorte de conduit entouré par l’appareil de pré-pénétration (Genre et al., 2005). Il est important de noter que le champignon se développe de manière apoplastique. La croissance du mycélium intraracinaire se poursuit de façon essentiellement intercellulaire jusqu’aux cellules corticales à l’intérieur desquelles le champignon va former des structures très ramifiées appelées arbuscules. Le développement de l’arbuscule se déroule dans un compartiment résultant de l’invagination de la membrane hôte appelée membrane périarbusculaire (Bonfante-Fasolo et Perotto, 1995) ou symbiosome (Parniske, 2000). Le symbiosome représente un nouveau compartiment, caractérisé par une grande surface d’échange entre les deux partenaires symbiotiques et comportant de nombreux transporteurs. L’arbuscule est donc défini comme un lieu d’échange privilégié entre la plante et le champignon. La mise en place d’un arbuscule s’accompagne de profonds réarrangements dans les cellules corticales (Genre et Bonfante, 1998 ; Fester et al., 2001). Les arbuscules ne sont pas des structures permanentes, leur développement se fait de manière asynchrone et la durée de vie d’un arbuscule est contrôlée par la cellule végétale selon des mécanismes mal connus (Fester et al., 2007 ; Walter et al., 2007). Le développement du mycélium intraracinaire permet la croissance simultanée, dans le sol, du mycélium extra-racinaire et finalement la sporulation. 21 Synthèse bibliographique VI. Importance des mycorhizes à arbuscules L’influence des mycorhizes à arbuscules se traduit par une stimulation de la croissance de la plante-hôte. En effet, le champignon endomycorhizien constitue le passage obligé entre les solutions minérales du sol et les plantes, et par suite, contribue à une meilleure nutrition minérale. Beaucoup d’études ont montré que la plupart des plantes dépendent des mycorhizes pour une meilleure croissance dans le sol, à un niveau de fertilité donné (Jaizme-Vega et Azcon, 1995). Le Tacon et al. (1997) ont remarqué que dans les écosystèmes forestiers, les arbres ne peuvent survivre sans mycorhizes. Si les relations entre les CMA et la plante-hôte ne sont pas spécifiques, leur interaction est énormément compatible aussi bien au niveau structural que physiologique. Cette compatibilité dépend de la plante-hôte, du champignon et des facteurs environnants (Plenchette et al., 1983 ; Koïde et Scheiner, 1992). Actuellement, il est bien établi que le rôle primordial des CMA se situe dans l’augmentation de l’absorption des éléments peu mobiles dans le sol, comme par exemple le Phosphore (P) et les métaux (Abbott et Robson, 1982). Mais le rôle de ces microorganismes ne se limite pas à la seule nutrition minérale, ils participent aussi à diverses tâches d’ordre écologiques et biologiques, pouvant avoir des répercussions positives sur les écosystèmes naturels. VI.1. Nutrition phosphatée : La symbiose endomycorhizienne a développé les mécanismes physiologiques et biochimiques capables d’améliorer la mobilisation du phosphore du sol (Smith et GianinazziPearson, 1988). L’augmentation de l’absorption du P par les plantes est expliquée par plusieurs mécanismes, entre autres, l’augmentation de la surface d’absorption racinaire de la plante grâce au réseau extramatriciel et par conséquent, une meilleure exploitation du phosphate du sol au delà de la zone d’épuisement de la racine (Plenchette, 1982). A l’aide des techniques cytochimiques, il a été possible de mettre en évidence diverses activités enzymatiques dont les activités ATPasiques du plasmalemme du champignon et chez la plante hôte (Dexheimer, 1997). Les hyphes du champignon possèdent aussi des phosphatases (enzymes qui catalysent l’hydrolyse des liaisons organiques en libérant de l’orthophosphate) qui favorisent la libération du phosphore immobile dans le sol et permettent la minéralisation des sources organiques des phosphates (DeMars et Broner, 1995). Le phosphore ainsi mobilisé est facilement absorbé et transporté à travers l’hyphe aux arbuscules puis à la plantehôte. 22 Synthèse bibliographique VI.2. Nutrition azotée Les bienfaits de l’association endomycorhizienne ne sont pas limités à la seule nutrition phosphatée. Strullu (1991) signale que les CMA possèdent les équipements enzymatiques nécessaires à l’utilisation de l’ammonium et des nitrates. Azcon-Aguilar et Barea (1992) rapportent que l’association symbiotique peut améliorer la nutrition azotée. Mais ceci n’est pas général, car dans certains cas, l’analyse minérale des plantes mycorhizées ne montrent pas une amélioration significative. Ces résultats pourraient être liés au type de champignon utilisé ou être attribués à un phénomène de dilution du à la croissance plus rapide de la plante mycorhizée et surtout à une meilleure production de matière sèche aérienne (Guillemin et al., 1995 ; Abbas, 1998). VI.3. Absorption des autres éléments minéraux Généralement, l’endomycorhization augmente aussi l’absorption d’autres éléments minéraux comme le K, Ca, Mg et certains oligo-éléments tels que le Zn, S, Cu, etc (Harley et Smith, 1983 ; Graham et Syverten, 1989 ; Oihabi et al., 1993 ; Meddich et al., 2000). Cet effet est lié à une meilleure exploitation du sol par le réseau extramatriciel. VI.4. Résistance aux stress biotiques et abiotiques Outre les effets nutritionnels, d’autre effets positifs des MA ont été rapportés, à savoir une résistance accrue des plantes endomycorhizées aux attaques de certains pathogènes telluriques tels que : Fusarium, Phytophthora et Thielaviopsis (Bagyaraj, 1984 ; AzconAguilar et Barea, 1992 ; Oihabi, 1991) et des nématodes (Morandi, 1987). Plusieurs hypothèses ont été émises pour expliquer les mécanismes de base à ces effets. En effet, les CMA n’interviennent pas directement sur le pathogène, mais plutôt en causant des changements dans les tissus de l’hôte notamment en développant la lignification des cellules, créant ainsi une barrière contre la pénétration des pathogènes (Schenck et Kellan, 1978). Une autre explication pourrait être trouvée au niveau de la compétitivité pour les sites d’infection : l’occupation en premier par les CMA des cellules hôtes empêcherait la pénétration du pathogène (Gianinazzi-Pearson et Diem, 1982). L’accumulation de certains composés du métabolisme secondaire, en particulier l’augmentation des teneurs en composés phénoliques (Krishna et Bagyaraj, 1984 ; Blal, 1989) et la production de phytoalexines (Morandi, 1989) observée chez les plantes endomycorhizées pourraient en être également responsables de l’inhibition des agents pathogènes. 23 Synthèse bibliographique L’endomycorhization joue aussi un rôle important dans l’augmentation de la résistance aux stress abiotiques. Elle permet de simplifier l’effet de ces stress et conférer à la plante une tolérance à l’acidité des sols (Gupta et Krishnamerthy, 1996) et au stress hydrique et salin (Safir et al., 1971, Osunubi et al., 1991; Pfeiffer et Bloss, 1988 ; Rosendahl et Rosendahl, 1991 ; Ruiz-Lozano et Azcon, 1995 ; Ruiz-Lozano et al., 1996 ; Meddich, 1997 ; Abbas, 1998). VI.5. Amélioration de la qualité du sol Les CMA sont aussi des composantes essentielles pour le fonctionnement des écosystèmes naturels. Ils participent dans l’amélioration et le maintien des agrégats de sols dans les zones érodées (Tisdall, 1991) par l’acquisition de meilleures propriétés physiques, chimiques et biologiques. Caravaca et al. (2002) ont montré que l’inoculation mycorhizienne a été très effective dans l’amélioration de la qualité du sol et de la performance des jeunes plantules d’Olea europea. Caravaca et al. (2006) ont également prouvé l’effet de l’inoculation par des CMA (Glomus intraradices Schenck et Smith, Glomus deserticola Trappe, Bloss et Menge et Glomus mosseae Nicol. et Gerd.) sur la stabilisation des agrégats du sol rhizospherique de Juniperus oxycedrus. Les agents responsables de cette stabilité des agrégats du sol sont généralement organiques et par suite d’origine biologique. De même, ils sont toujours développés dans la rhizosphère. Selon Wright et Andersen (2000), les CMA produisent de la glomaline, une glycoprotéine qui agit par ses propriétés hydrophobes pour stabiliser les agrégats. D’après Bearden et Petersen (2000), le mécanisme impliqué dans la stabilisation des agrégats est basé sur la fixation des particules du sol par les hyphes et les racines et sur l’exsudation des polysaccharides. La formation d'agrégats stables dans le sol peut être aussi attribuée au mycélium extrararacinaire des champignons produit par les racines mycorhizées et qui constitue un réseau tridimensionnel qui relie la plante au sol environnant (Roldan et al., 1994 ; Jeffries et Barea, 2000). 24 Synthèse bibliographique VII. Facteurs limitant la mycorhization La germination des spores, la formation et le développement des mycorhizes sont influencées par un ensemble de facteurs notamment le pH, l'aération, l'humidité, la température, la lumière, la texture du sol, les éléments minéraux et la matière organique (Plenchette, 1991 ; Klironomos et al., 1993). Il a été remarqué par exemple, que les spores du genre Acaulospora et Gigaspora germaient mieux à pH acide, alors que celles du genre Glomus préféraient des pH autour de la neutralité (Daniels et Trappe, 1980 ; Hepper, 1984). L’application d’engrais ou de pesticides peut avoir aussi des effets néfastes sur les populations de CMA (Plenchette et Corpron, 1987 ; Menge, 1982 ; Trappe et al., 1984). Cette action est fonction de la substance active, du mode d’action, de la dose utilisée et de la date d’application (Jabaji-Hare et al., 1984 ; Morandi, 1989). Egalement, selon Gildon et Tinker (1981), les métaux lourds peuvent réduire et éliminer, dans certains cas, la colonisation par les CMA et la germination des spores de ces champignons au champ. Les travaux de Boyle et Paul (1988) montrent qu'il existe une corrélation négative entre la concentration du Zinc et la colonisation des racines par les champignons à arbuscules dans des sols traités par des boues industrielles. La salinité du sol peut avoir également une influence sur le développement et l’activité de la microflore endomycorhizienne par des mécanismes directs ou indirects (Juniper et Abbott, 1993). En effet, le sel retarde la germination des spores de CMA et réduit le taux d'élongation du mycélium (Juniper et Abbott, 1993; Koske et al., 1996; Millen et al., 1998). Par ailleurs, les effets des CMA en condition de stress salin deviennent divers (Buwalda et al., 1983 ; Pfeiffer et Bloss, 1988) et les résultats observés dépendent de l’isolat fongique et de la plante-hôte utilisée (Estaun, 1991). VIII. Mycorhizes naturelles du thuya et de quelques espèces de la strate arbustive VIII.1. Mycorhization naturelle du thuya La présence des mycorhizes à arbuscules chez les Gymnospermes (Cupressaceae et Taxodiaceae) a été précédemment rapporté (Malloch and Malloch, 1982 ; Klopatek et al., 1988 ; Brundrett et al., 1990). Cependant, les travaux sur la mycorhization du thuya sont très rares. Les seules recherches, effectuées par une équipe espagnole (Diaz et Honrubia, 1993a et 25 Synthèse bibliographique b ; Morte, 1994 ; Morte et al., 1996 a et b ; Morte et Honrubia, 2004) concernent surtout la cytologie des mycorhizes et leur introduction dans le protocole de micropropagation en vue de réaliser des programmes de revégétation et de régénération des sols dans le sud de l’Espagne. Mais ces travaux restaient dans un état embryonnaire et se limitaient à des essais au laboratoire ou en chambre de culture sous des conditions contrôlées. L'organisation structurale des mycorhizes chez des jeunes plantules de thuya naturellement infectées et ceux micropropagés et inoculés par Glomus sp. a montré que les hyphes sont entièrement intercellulaires et que les structures observées ont typiquement une appartenance aux mycorhizes à arbuscules (Morte et Honrubia, 2004). L'essentiel des résultats de Diaz et Honrubia (1993a) et Morte et al. (1996a) a montré que malgré un pourcentage de colonisation racinaire faible (inférieur à 32 %), les CMA améliorent significativement la croissance du thuya micropropagé en lui conférant une survie (60 %) supérieure à celle des plantes non mycorhizées (40 %). VIII.2. Les CMA et la strate arbustive : effet "Plantes nurses" Les études menées dans les régions arides et semi-arides méditerranéennes sur plusieurs espèces représentatives de ces écosystèmes, comme Stipa tenacissima, Pistacia lentiscus, Rhamnus lycioides, Olea europea, Retama sphaerocarpa, Lavandula spica, Thymus spp. (Azcon-Aguilar et al., 2003), ont montré que dans ces milieux, les plantes arbustives jouent un rôle important dans le maintien du sol et de sa fertilité chimique et biologique, et y constituent des îlots de fertilité (Garner et Steinberger, 1989 ; Reynolds et al., 1990). En effet, ces espèces, dites nourricières, sont caractérisées par de hauts niveaux de mycotrophie (symbiotes obligatoires) et jouent le rôle de vecteur de propagation des propagules fongiques (Requena et al., 1996, 1997). Les lavandes, espèces de la famille des Lamiacées, constituent entre autres le cortège floristique accompagnateur du thuya. Elles peuvent constituer des formations climaciques dans des écosystèmes dégradés. Des études ont classé ces espèces comme plantes mycotrophes, hautement dépendantes des mycorhizes de type arbusculaire (Azcon et Barea 1997 ; Ouahmane, 2007). Ces propriétés pourraient être exploitées dans les nouvelles stratégies de régénération du thuya. 26 Synthèse bibliographique IX. Influence de la strate arbustive sur le processus de revégétation Dans tout programme de revégétation, l'ultime objectif reste toujours le rétablissement d'un écosystème stable, avec un fonctionnement optimum des processus de cycle des nutriments dans lequel les microorganismes du sol restent les principaux responsables (Jasper, 1994). Ceci a suscité l’intérêt de plusieurs chercheurs de l’espace méditerranéen à mener des recherches sur le statut mycorhizien des espèces arbustives autochtones et déterminer leur rôle dans les programmes de revégétation (Herrera et al., 1993 ; Requena et al., 1996 ; 1997 ; AzconAguilar et al., 2003 ; Caravaca et al. 2003a et b). En effet, la température et les précipitations limitées et variées dans les régions méditerranéennes compliquent parfois l'utilisation des espèces arborées dans les programmes de régénération. Par conséquent, chaque pays de cet espace adopte la stratégie la plus appropriée afin de freiner le processus de désertification. Au sud de l’Espagne par exemple, la stratégie de revégétation se base sur la réimplantation des espèces arbustives et herbacées autochtones plus que des espèces arborées, puisqu’il a été mis en évidence qu'elles présentent une capacité semblable de protection du sol (Carreras, 1992 ; Herrera et al., 1993 ; Requena et al., 1997) et qu’elles sont mieux adaptées aux conditions édapho-climatiques locales (Requena et al., 1997). Parmi les espèces utilisées, on peut citer : Stipa tenacissima, Pistacia lentiscus, Rhamnus lycioides, Olea europea, Retama sphaerocarpa, Lavandula spica, Thymus spp. (Azcon-Aguilar et al., 2003). Le statut mycorhizien de ces espèces a montré qu’autour de leurs racines, le nombre de spores de champignons mycorhiziens, la longueur des fragments racinaires mycorhizés et celle du mycélium extraramatriciel de ces champignons sont significativement supérieurs à celles où il n’y a pas de végétation (Ouahmane, 2007 ; Azcon-Aguilar et al., 2003). Ces espèces dites nourricières sont caractérisées par de hauts niveaux de mycotrophie (symbiotes obligatoires) et jouent le rôle de vecteur de propagation des propagules fongiques (Requena et al., 1996, 1997) où le mycélium extramatriciel est considéré comme la composante fonctionnelle pour le développement et le fonctionnement de ces îlots (Moro et al., 1997). Cette symbiose devient encore plus bénéfique lorsqu’il s’agit d’espèces légumineuses par leur capacité à fixer l’azote atmosphérique qui constitue une source d’Azote pour l’écosystème (Barea et al., 1992). 27 Synthèse bibliographique De point de vue physiologique, Caravaca et al. (2003b) ont remarqué des effets positifs sur les propriétés biologiques du sol. En effet, les activités enzymatiques [déshydrogénase, urease, protease-N-alpha-benzoyl-L-argininamide (BAA) et acide phosphatase] étaient plus élevées sous les touffes que dans le sol environnant (Caravaca et al., 2003b). Egalement, grâce à la production par le champignon de la glomaline (glycoproteine), les propriétés physiques du sol sont aussi améliorées. Dans le sol rhizosphérique de Retama sphaerocarpa, la stabilité des agrégats est 47 % plus élevée que dans le sol sans végétation (Caravaca et al., 2003a). Cette amélioration des propriétés physico-chimiques et biologiques de la rhizosphère participera certainement à l’installation de conditions prospères pour l’établissement et le développement de nouvelles plantes notamment celles arborées. Au Maroc, l’intérêt porté à la réimplantation des arbustes comme composante initiale dans les programmes de reboisement ou de régénération des essences forestières, reste très limitée. Quelques essais expérimentaux ont été effectués au Grand Atlas sur le genévrier avec les lavandes (Ouahmane, 2007) et le cèdre avec les cytises (Guedira, 2008). Toutes ces recherches ont montré l’importance de la strate arbustive dans la réussite de ces programmes. X. Potentiel mycorhizogène du sol Les propagules mycorhiziens constituent la forme de dissémination des CMA dans le sol. Ces entités peuvent être rencontrées soit sous forme de spores, de sporocarpes, de racines mycorhizées des plantes-hôtes ou de mycélium. Ces propagules représentent un potentiel qui s’exprimera ou non en fonction des conditions édaphiques (Strullu, 1991). Dès que les conditions deviennent favorables (température et humidité), les spores germent et infectent les racines des plantes-hôtes (Koske et Gemma, 1997; Guadarrama et AlvarezSanchez, 1999). Les méthodes d’évaluation des propagules indigènes des CMA sont multiples et présentent aussi bien des avantages que des inconvénients. Le comptage direct des spores par gramme de sol (Gerdmann et Nicolson, 1963) est une méthode simple mais reste incomplète puisque la sporulation peut dépendre du CMA, de la plante-hôte, des caractéristiques du sol et des conditions climatiques (Sieverding, 1991). L’évaluation du mycélium extraracinaire, la détermination du taux d’infection racinaire ou l’évaluation du Potentiel Mycorhizogène de l’Inoculum (PIM) sont toutes des méthodes quantitatives intéressantes, présentant cependant l’inconvénient de renseigner uniquement sur 28 Synthèse bibliographique des valeurs relatives du pourcentage d’infection racinaire. La méthode ayant le moins d’inconvénients et permettant de quantifier toutes les propagules infectieuses des CMA est celle du nombre le plus probable (MPN) (Sieverding, 1991) appliquée en microbiologie pour l’estimation des microorganismes. Cette méthode renseigne sur le nombre de propagules par volume ou poids du sol avec un intervalle de confiance. XI. Etude de la diversité des CMA L’utilisation de CMA en foresterie ou agriculture durable est une réalité au niveau mondial. Cette approche nécessite la compréhension de la diversité et de la dynamique de ces champignons dans leur environnement naturel. Durant les dernières décennies, la taxonomie classique, basée sur les observations morpho-anatomiques des spores, a profité des percées moléculaires et des techniques mises au point pour l’analyse moléculaire de l’ADN, notamment pour l’espaceur intergénique transcrit (ITS) et 18S de la petite sous-unité ribosomale. De nombreux travaux en cours explorent le potentiel de nombreux autres gènes comme outil performant d’identification moléculaire des CMA. XI.1. Analyses sporales et description morpho-anatomique Selon Morton et al. (1995) et Sturmer et Bellei (1991), les spores sont parmi les moyens disponibles pour mesurer la richesse et la diversité des CMA dans un sol. Les communautés de ces champignons présentes dans un sol peuvent être estimées en terme de nombre d’espèces présentes et d’abondance de chacune d’elles dans la communauté. L’estimation de l’abondance peut être faite par l’observation directe du nombre de spores présent dans le sol (Gerdemann et Nicolson, 1963 ; Brundrett et al., 1994). Par contre, leur identification est le plus souvent difficile à cause des faibles variations morphotypiques. Les spécialistes utilisent plusieurs critères qui permettent de distinguer au moins les genres. Selon Brundrett et al., (1994), ces critères sont (figure 5): - Le développement de la spore : c’est un critère essentiel pour définir le genre chez les glomales (Morton, 1988). Les espèces des genres Scutellospora et Gigaspora ont des spores qui se développent à partir d’un bulbe de l’hyphe suspendeur, par contre les espèces du genre Glomus se forment à partir d’un hyphe étroit tandis que les espèces d’Acaulospora et Entrophospora ont des spores qui deviennent sessiles après leur détachement du saccule sporifère. 29 Synthèse bibliographique - L’arrangement des spores : les spores des CMA peuvent etre produites isolées ou en sporocarpes dans le sol. - La forme de la spore : la majorité des spores des CMA ont une forme globuleuse mais chez certaines espèces on peut avoir une forme ovoîde, allongée ou amorphe. - La taille de la spore : ce critère est peu utilisé du fait de l’existence d’une grande variabilité dans la taille des spores. Mais dans certains cas, il peut aider à distinguer entre les espèces. - La couleur de la spore : la couleur de la spore peut être utilisée pour distinguer et séparer entre les morphotypes. La couleur peut varier du rouge au jaune ou au rouge pourpre. - L’ornementation : les spores peuvent avoir des ornementations en surface comme les fosses et les épines. Ces critères sont retrouvés chez les spores des genres Scutellospora et Acaulospora. - La paroi sporale : les spores peuvent avoir aussi une ou plusieurs couches sporales qui varient dans leur épaisseur, structure et leur apparence. Acaulospora, Entrophospora et Scutellospora par exemple ont une structure sporale complexe avec une couche externe très epaisse. - Le contenu de la spore : les spores contiennent des lipides et autres composés qui varient selon la couleur et peuvent etre arrangés en granules ou en goutellettes. Ceci peut renseigner sur le type de spore à un âge donné. - La germination de la spore : ce mécanisme peut être utilisé pour distinguer les spores des CMA, particuliérement les espèces du genre Scutellospora qui ont des boucliers de germination avec des replis complexes sur leur paroi externe. 30 Synthèse bibliographique Figure 5. Caractéristiques morphologiques des spores de CMA (Brundrett et al., 1994) XI.2. Caractéristiques générales du génome des CMA Les spores de CMA peuvent loger des centaines ou/et plusieurs milliers de nucléoles (Bécard et Pfeiffer, 1993 ; Giovannetti et Gianinazzi-Pearson, 1994 ; Hosny et al., 1998). Malgré que les CMA ne connaissent pas de phases sexuelles au niveau de leur cycle de vie, il existe cependant un processus de flux génétique entre les individus et qui est à l’origine des polymorphismes. Cependant, Pawlowska et Taylor (2004) suggèrent que ces polymorphismes peuvent être d'origine intranucléaire, avec l'existence d'une poliploidisation du génome et des changements périodiques du niveau de la ploïdie. Pour le type de multiplication nucléaire, il existe des preuves qu'il peut être tant d’origine clonale que recombinant (Rosendahl et Taylor, 1997 ; Vandenkoornhuyse et al., 2001 ; Koch et al., 2004). 31 Synthèse bibliographique La valeur C (teneur d’ADN dans le génome haploïde) pour ces champignons est très variable entre les différentes espèces. Des valeurs de 0,13 à 1,08 pg d'ADN par nucléole ont été obtenues chez des espèces de type Scutellospora (Hosny et al., 1998). Ces valeurs sont élevées par rapport à celles d’autres espèces de la classe des Zygomycètes (entre 0,3 et 0,4 pg/nucléole). Cette grande variation dans la taille du génome, aussi bien pour les différents CMA étudiés, comme pour les eucaryotes est peut être due à la présence de quantités variables de séquences non codantes d'ADN répétées, comme par exemple, les 2 600 copies de la séquence SC1 trouvée chez Scutellospora castanea (Zézé et al., 1996). XI.3. Outils moléculaires utilisés dans l'étude de la diversité des CMA La majorité des recherches sur la diversité des CMA a été basée sur les différences morphologiques de spores isolées du sol (couleur, ornementation, paroi, etc). Actuellement, grâce à l’outil moléculaire et principalement à la technique PCR (Réaction de Polymérisation en Chaine), il est possible de surmonter la difficulté d’identifier et caractériser les communautés de spores de CMA existant au niveau sol ou même en symbiose avec une plante-hôte. Bruns et Gardes (1993) ont signalé que la région idéale pour effectuer des amplifications PCR doit remplir les conditions suivantes : i) être présente dans tous les champignons d'intérêt ; ii) être facile à amplifier et iii) pouvoir amplifier préférentiellement l'ADN du champignon, quand celui-ci est en symbiose avec la plante. Les gènes codants pour l'ARN ribosomique (ADNr) accomplissent beaucoup de ces critères et permettent d’étudier les variations inter et intraspécifiques chez les CMA. En effet, les régions codantes (18S, 5.8S et 28S) sont les plus conservées, séparées par des espaceurs transcrits (ITS, variables d’une espèce à l’autre mais très rarement au sein d’une même espèce) et des espaceurs non transcrits (IGS, peu conservés à l’échelle de l’espèce) (Figure 6) (Lanfranco et al., 1998). Dans ces champignons, la quatrième sub-unité d'ADNr impliquée dans la structure du ribosome (5S) est codée par une zone située entre les IGS ou dans une autre partie du génome (Garber et al., 1988). 32 Synthèse bibliographique Unité répétitive de l’ADNr ARN 18S ITS-1 ARN 5.8S ITS-2 ARN 28S IGS-1 ARN 5S IGS-2 Figure 6. Structures des gènes ribosomiques nucléaires des eucaryotes (Lanfranco et al., 1998). XI.4. Difficultés de caractérisation des CMA dans les racines des plantes La composition des communautés de CMA joue un rôle important dans la structure et la diversité des communautés végétales (van der Heijden et al., 1998a, b ; O'Connor et al., 2002). Cependant, l’identification des CMA inféodés directement aux plantes-hôtes a été toujours un obstacle dans l’étude de la dynamique des communautés de ces champignons au niveau des écosystèmes. Il existe des preuves qu'il y a des pressions de sélection dans le choix du partenaire par la plante et le champignon (Sanders et Fitter, 1992 ; Bever et al., 1996), même si cela ne conduit pas nécessairement à une spécificité complète, mais plutôt à une sorte d’affinité pour certains CMA (Sanders, 2002). L’outil de la biologie moléculaire est nécessaire pour caractériser les espèces fongiques directement associés aux plantes et pour identifier ceux en croissance active et fonctionnelle (Helgason et al., 1999 ; Clapp et al., 2002.). L’utilisation de la PCR ordinaire et du séquençage des CMA colonisant les racines des plantes sont souvent très contrariés et peuvent même donner des résultats incohérents. Par contre, la PCR nichée de la LSU de l'ADNr peut être appliquée avec succès pour détecter les espèces de CMA colonisant les racines des plantes (van Tuinen et al., 1998a ; Jacquot et al., 2000 ; Kjoller et Rosendahl, 2000) et étudier la diversité des CMA au champ (Jacquot-Plumey et al., 2001 ; Turnau et al., 2001). En effet, plusieurs études ont appliqué des amorces ordinaires ou spécifiques d’ADNr pour mesurer la diversité et la coexistence des CMA dans les racines des plantes (Helgason et al., 1998, 1999; 33 Synthèse bibliographique Daniell et al., 2001; Vanderkoornhuyse et al., 2002 a,b), indiquant une certaine préférence des plante-hôtes vis-à-vis des CMA (Helgason et al., 2002; Vanderkoornhuyse et al., 2002a). XII. Mycorhization contrôlée des essences forestières L’omniprésence du CMA peut être altérée par divers facteurs d’origine anthropique ou naturel, ce qui pourraient diminuer le potentiel mycorhizien du sol (Jeffries et Barea, 2001 ; Honrubia et al., 2002). Cette situation apparaît dans le cas des écosystèmes naturels comme conséquence des processus d'érosion et/ou de désertification (Barea et al., 1999). Dans ces cas, il est nécessaire de réintroduire les champignons mycorhiziens pour que les plantes puissent disposer de propagules mycorhiziens dans le sol et par la suite former cette symbiose dans laquelle les deux partenaires peuvent en tirer profit. D’où la nécessité de produire des inocula mycorhiziens de qualité, bien sélectionnés et qui peuvent convenablement être appliqués (Azcon-Aguilar et al., 1999). XII.1. Sélection des CMA Bien qu'il n'y a pas de spécificité stricte chez les CMA, la sélection du champignon le plus approprié pour le système sol-plante reste primordiale. En effet, plusieurs expérimentations ont montré des différences dans la réponse de la plante-hôte à différents types de CMA tant pour l’acquisition de nutriments, comme pour le degré de tolérance aux situations de stress (transplantation, sécheresse, salinité, attaque de pathogènes). Le processus de sélection doit commencer par une analyse de la diversité des champignons mycorhiziens. Il nécessite ensuite leur isolement et leur multiplication. L’efficience de chaque espèce ou des communautés est déterminée avec une plante test sous des conditions expérimentales contrôlées (Sieverding, 1991). Les essais de sélection sont réalisés selon les critères de compatibilité fonctionnelle (Gianinazzi et al., 1990). Finalement, il est recommandé de caractériser les CMA sélectionnés et d’établir une banque de souches. XII.2. Isolement des spores de CMA L’isolement des spores des CMA peut se faire moyennant la méthode de Gerdmann et Nicolson (1963) : tamisage du sol sous filet d’eau sur une série de tamis de mailles allant de 2 mm à 50 µm ; centrifugation du sol tamisé mis en suspension dans l’eau distillée afin d’éliminer 34 Synthèse bibliographique les spores mortes. Le culot est déposé à la surface d’une solution de saccharose concentrée et centrifugé de nouveau ; récupération des spores en filtrant le surnageant sous vide sur des filtres Wathman de porosité 1,2 µm ou en le tamisant puis en le lavant. Les spores sont récupérées sous loupe binoculaire à l’aide d’une pince fine ; conservation des spores isolées dans une solution de PVLG (Alcool polyvinylique + Glycérine + Eau distillée) à 4° C. Ce milieu présente un double avantage : il permet une meilleure conservation durant une longue durée où les spores peuvent maintenir leurs caractéristiques initiales et une bonne visualisation de la paroi de la spore (Estaùn, 1991). La finalité de cette étape est d’isoler des spores pour les étudier ou pour entamer la production de l’inoculum. XII.3. Production de l’inoculum La multiplication des CMA en culture pure est très difficile, mais peut être améliorée sur fragments de racines (Diop et al., 1994). La particularité de ces champignons est qu’ils sont des symbiotes obligatoires : leur cycle de vie dépend de leur capacité à infecter et coloniser le système racinaire. Ce cycle commence par une phase non symbiotique où le microorganisme se trouve sous forme de spores isolées ou regroupées en sporocarpes selon l’espèce en question. Dès que les conditions deviennent favorables, la spore émet un tube germinatif et entre en contact avec la plante-hôte, où elle suivra son développement jusqu’à production de nouvelles spores ou propagules mycorhiziens dans le milieu (Azcon-Aguilar et al., 1998). Grâce à ce cycle, la propagation des CMA devient facile. Cependant, cette production se heurte à plusieurs limitations, notamment la nature du champignon lui-même et la nécessité d’utiliser un substrat de croissance adéquat pour la plante et qui en même temps permet une production abondante de propagules mycorhiziennes. L’utilisation d’un substrat solide est le plus communément utilisée au niveau commercial (Barea et Honrubia, 2004), par contre à petite échelle des mileux liquides sont employés. On note de ce fait l’existence de plusieurs types d’inocula : inoculum brut, sporal ou mycélien. Ces inocula diffèrent non seulement dans leur production mais aussi dans la manière dont ils sont manipulés : contrôle de la qualité, séchage, conservation, inoculation en pépinière etc. Actuellement, deux technologies de production d’inocula sont utilisées : 35 Synthèse bibliographique i) La méthode conventionnelle consiste à multiplier le champignon sur les racines d’une plante mycotrophe cultivée en conditions contrôlées en serre ou en chambre de culture. Les espèces les plus communément utilisées sont le poireau (Fortin et al., 2008), le mil (Bâ et al., 2001), le trèfle ou Plectranthus australis (Bouderga et Dexheimer, 1989 ; Echairi et al., 2008). ii) La culture in vitro des CMA sur des racines cultivées dans un milieu synthétique en conditions stériles (Haimet, 2013). XII.4. Inoculation du matériel végétal Dans la majorité des cas, l’objectif de l’inoculation par les CMA est d’établir une symbiose adéquate en mettant à la disponibilité des racines de plantes-hôtes un ou des champignon(s) capable(s) de leur apporter un surplus en matière de croissance et de nutrition. Le matériel utilisé pour cet effet, appelé inoculum, peut être soit le sol des forêts naturelles ou les fragments de racines découpées ou encore les spores émanant de cultures pures. Cependant, la préparation de l’inoculum à grande échelle pose des fois de sérieux problèmes, de plus la manipulation des spores ou du mycélium avec leur taille microscopique est un travail fastidieux. Souvent, les chercheurs ont tendance à utiliser un complexe mycorhizien incluant le sol, les spores, et des fragments de mycélium et de racines. L’inoculation s’opère au stade d’élevage des plants en pépinière car elle offre les meilleures chances de réusite, par contre l’inoculation au moment de la plantation à de faibles chances de succès vu l’existence de populations naturelles (Abbas et Abourouh, 2002) L’inoculum peut être mélangé avec le substrat de culture désinfecté ou être directement incorporé minutieusement au contact du système racinaire. Toutefois, une bonne endomycorhization doit inclure dans les procédés d’inoculation (phase d’élevage en pépinière), la recherche d’un bon complexe mycorhizien, efficace et écologiquement adapté aux conditions de plantation. L’intérêt des souches autochtones est donc à mettre en exergue, surtout que plusieurs travaux ont révélé l’importance de ces souches adaptées aux sites d’études (Abbas, 1998 ; Ruiz-Lozano et Azcon, 2000 ; Enkhtuya et al., 2000). 36 Synthèse bibliographique XIII. Interactions des CMA avec les autres groupes microbiens du sol Les interfaces sol-racines constituent un microcosme dynamique connu sous le nom de rhizosphère où interagissent les microorganismes, les racines de plantes et les constituants du sol (Azcon-Aguilar et Barea, 1992 ; Linderman, 1992 ; Barea, 2000). La rhizosphère peut être définie comme étant la portion du sol adjacente au système racinaire des plantes et qui est influencée par les exsudats racinaires (Manoharachary et Mukerji, 2006). Divers microorganismes sont rencontrés au niveau de cette zone et différent quantitativement et qualitativement en fonction des variations climatiques, édaphiques et des facteurs biotiques (Manoharachary et Mukerji, 2006). Deux principaux groupes interagissent avec les champignons mycorhiziens au niveau de l’espace rhizosphérique : un de nature saprotrophytique et l’autre symbiotique (Barea et al., 2002). Les microorganismes bénéfiques de ces groupes jouent un rôle fondamental dans les systèmes sol-plantes (Barea, 1997). Ces entités, capables d’améliorer le développement des plantes, sont connues sous le nom de rhizobactéries promotrices de la croissance des plantes (PGPR). Ces rhizobactéries peuvent influencer la formation et la fonction des mycorhizes à arbuscules et vice versa (Saxena et al., 2006). En effet, elles peuvent produire des composés qui augmentent la perméabilité des cellules racinaires, augmentent le taux des exsudats racinaires et par suite stimulent le mycélium du champignon mycorhizien ou facilitent l’entrée racinaire par le champignon (Barea, 2000). Un autre groupe de microorganismes qui interagissent avec les CMA sont les bactéries qui ont la capacité de solubiliser le phosphore. Cette interaction est dûe à l’exploitation, par les hyphes du champignon, de microhabitats où le phosphore n’est pas accessible (Azcon et al., 1976). D'autre part, il a été remarqué qu’occasionnellement, l'activité phosphatasique est intense au niveau de la rhizosphère des racines mycorhizées (Tarafdar et Marschner, 1994), ce qui explique, en partie, l'accroissement de populations microbiennes en corrélation avec cette activité (Dodd et al., 1987). 37 Synthèse bibliographique XIV. Rôle des PGPR en cas de stress abiotiques Les PGPR sont des microorganismes non pathogènes et bénéfiques pour la santé et la nutrition des plantes (Kloepper et al., 1980). Elles peuvent augmenter la croissance des plantes sous stress abiotiques, en augmentant la disponibilité des éléments nutritifs dans la rhizosphère et aussi par l'amélioration de la production des hormones végétales, telles que l'Indol-3-Acétique Acide (IAA) (Glick, 1995 ; Marulanda et al., 2009). Il est bien documenté que la sécheresse exerce au moins des dommages oxydatifs. Ce phénomène est causée par des dérivés Réactifs de l'Oxygène (ERO), qui peuvent réagir avec une grande variété de biomolécules causant des dommages irréversibles et aboutissant à la nécrose et à la mort cellulaire (Pitzschke et al., 2006; Rivero et al., 2007). Les organismes vivants sont équipés d'au moins deux mécanismes différents pour réguler leur concentration intracellulaire en ERO : le premier permettant la modulation de faibles niveaux des ERO à des fins de signalisation [peroxydase (POX), la superoxyde dismutase (SOD) et catalase (CAT)] et le second par régénération des antioxydants oxydés [ascorbate peroxydase (APX) et la réductase glutathion (GR)] (Mittler, 2002). Récemment, chez les CMA plusieurs systèmes d'évacuation des ERO ont été caractérisés (Benabdellah et al., 2009 ; Ferrol et al., 2009), montrant un renforcement des activités en réponse aux stress abiotiques. 38 Matériel et méthodes MATERIEL ET METHODES 39 Matériel et méthodes I. Statut mycorhizien du thuya I.1. Sites d’étude et analyses pédologiques I.1.1. Sites d’étude Cette étude a été conduite dans sept tétraclinaies marocaines : 1- Oued Beht ; 2- Oued Cherrat ; 3- Korifla ; 4- Maghchouch ; 5- Ben Slimane ; 6- El Kantour et 7- Sidi Jaber (figure 7). Les sites 1, 2, 3, 4 et 5 sont caractérisés par un climat semi-aride, le substratum est schisteux ou siliceux avec du sable et des pélites. Le site 6 est un arboretum situé dans une région semi-aride, les sols sont généralement des calcaires superficiels. Le site 7 se trouve dans la partie inférieure de la zone semi-aride avec un sol essentiellement sableux ou limoneux. Ces sites ont été choisis selon trois critères essentiels : conditions édapho-climatiques variées ; peuplement naturel ou artificiel ; proximité de terrains de reboisement. Figure 7. Localisation des sites d’échantillonnage. 1- Oued Beht ; 2- Oued Cherrat ; 3- Korifla; 4- Maghchouch; 5- Ben Slimane; 6- El Kantour; 7- Sidi Jaber. 40 Matériel et méthodes I.1.2. Analyses physico-chimiques des sols étudiés Dans chaque site d’étude, 10 échantillons de sol ont été collectés et analysés au laboratoire. Les paramètres physico-chimiques évalués sont : le pH, mesuré à l’aide d’un pH-mètre après saturation des sols à 2:5 ; la granulométrie, déterminée par tamisage du sol séché à l’air libre ; le carbone organique, dosé par titrimétrie selon la méthode décrite par Anne (1945) qui consiste en l’oxydation de la matière organique par le bichromate de potassium en présence de l’acide sulfurique et à chaud ; l’Azote Total Kjeldahl (NTK), mesuré après minéralisation et distillation (Rodier, 1984) ; le phosphore total, évalué après transformation en orthophosphates (Afnor T90023). I.2. Echantillonnage et extraction des spores de CMA I.2.1. Echantillonnage sol/plante Au niveau de chaque site, approximativement 3 à 5 Kg de sol près du système racinaire de 10 arbres de thuya, choisis aléatoirement, ont été récoltés (photo 2). Les échantillons ont été pris à une profondeur allant de 10 à 20 cm et homogénéisés pour obtenir un échantillon final représentatif de l’ensemble du site. Egalement, les racines fines de thuya ont été récoltées, lavées et conservées dans le GEE (Glycerol-Ethanol-Eau distillée, 1 :1 :1) pour les observations microscopiques. 41 Matériel et méthodes Photo 2. Echantillonnage sol/racines. I.1.2. Extraction des spores de CMA La technique adoptée pour l’extraction des spores de CMA est celle de Gerdmann et Nicolson (1963) avec quelques modifications : Tamisage du sol Le sol est tamisé sous filet d’eau par des tamis de mailles allant de 2 mm à 50 µm. Les parties retenus par les tamis de 500 µm et 50 µm sont utilisés pour l’extraction des spores de champignons mycorhizogènes. Centrifugation Deux à trois grammes du sol tamisé sont mis en suspension dans 5 ml d’eau distillée. L’ensemble est centrifugé à 2 000 tr/mn pendant 5 mn. Le surnageant contenant les spores mortes et les débris légers est éliminé et au culot on ajoute une solution de Saccharose de 50%. L’ensemble est centrifugé de nouveau à 500 tour/mn pendant 10 mn. Récupération des spores Après centrifugation, le surnageant est filtré sous vide sur des filtres Wathman. Les spores sont récupérées sous loupe binoculaire à l’aide d’une pince fine. 42 Matériel et méthodes Conservation des spores Les spores récupérées après filtration sont lavées à l’eau distillée et conserver dans le PolyVenyl-Lacto-Glycerine (PVLG). I.3. Description morpho-anatomique des spores rencontrées Les spores isolées sont triées sous stéreomicroscope (Olympus SZ H10 research stereomicroscope) selon les caractères phénotypiques (couleur, forme, hyphe d'attachement et consistance). Les parois sporales et les diamètres des spores sont mesurés au microscope optique (connecté au computer avec digital image analysis software) entre lame et lamelle préparé selon la méthode décrite par Azcon-Aguilar et al. (2003). Les mesures sont effectuées au grossissement (40 x) qui permet de mieux distinguer le pourtour de la spore. Les paramètres systématiques de la paroi des spores et des hyphes de rattachement (épaisseur de la paroi, structure lamellaire de la paroi, forme de la zone d’attachement de la spore à l’hyphe, épaisseur de l’hyphe et structure de la paroi de l’hyphe.) sont aussi notés. I.4. Abondance relative La communauté de CMA de 5 échantillons de chaque sol a été estimée par comptage direct sous loupe binoculaire du nombre de spores présentes dans 100 g de sol. L'abondance relative de chaque genre est calculée comme étant le nombre de spores de ce genre divisé par le nombre total. I.5. Quantification de la mycorhization La procédure suivie et détaillée ci-dessous est commune à toute évaluation du taux de mycorhization racinaire des différentes espèces végétales étudiées dans ce travail, dans l'évaluation des pouvoirs infectieux mycorhizogènes des différents sols étudiés ainsi que dans l'évaluation de l'inoculum mycorhizien produit sur plante endotrophe. Pour mettre en évidence la présence de structures endomycorhiziennes, il est nécessaire d’éclaircir les racines en éliminant les contenus cellulaires puis de les colorer avec un colorant spécifique comme la fuschine acide ou le bleu trypan. Eclaircissement Les racines sont plongées dans une solution de KOH 10 % (w/v) durant 60 mn à 90° C afin de les vider de leur contenu cytoplasmique. Après lavage à l’eau courante, les racines très pigmentées sont mises dans une solution de H2O2 (30 %) jusqu’à devenir blanches. 43 Matériel et méthodes L’ajout de quelques gouttes d’acide lactique 5 % permet de neutraliser l’hydroxyde de potassium restant. Les racines sont à nouveau rincées à l’eau courante. Coloration La technique de coloration utilisée est celle décrite par Philips et Hayman (1970) avec le Bleu trypan qui permet la coloration de la chitine des parois du champignon. Les racines éclaircies sont immergées dans une solution de Bleu trypan acide à 0,5 %, diluée dans du lactoglycérol (1/3 d’eau, 1/3 de glycérol et 1/3 d’acide lactique), pendant 15 minutes à 90° C. On laisse refroidir à température ambiante. Les racines sont lavées à l’eau, puis conservées dans une solution de lactoglycérol. Les structures fongiques, tels que les arbuscules, les vésicules et le mycélium apparaissent en bleu. Chaque système racinaire est découpé en fragments d’environ 1 cm et monté entre lame et lamelle pour observation et évaluation au microscope. Evaluation de la mycorhization L’évaluation des paramètres de mycorhization est réalisée par des observations au microscope optique de 100 fragments racinaires, selon la méthode de Trouvelot et al. (1986) (annexe 1). Les paramètres considérés et calculés sont : la fréquence de mycorhization "F" (en %), définie comme le pourcentage de fragments racinaires mycorhizés par rapport au nombre total de fragments observés ; l’intensité de mycorhization "M" (en %), correspondant à la proportion de fragments racinaires observés colonisés par le CMA. Chaque fragment analysé est alors placé dans une classe d’identité de mycorhization ; la teneur en arbuscules "A" correspondant à la proportion de fragments racinaires colonisés par les arbuscules. I.6. Identification des spores de CMA Pour l'identification des champignons MA, une vingtaine de spores de chaque morphotype, ont été récupérées à partir des sols collectés. Elles ont été montées entre lame et lamelle, une moitié dans du PVLG (Polyvinyle-Acide Lactique-Glycérol), l’autre moitié, dans le mélange PVLG-Réactif de Melzer (1 : 1 / v : v) (Koske et Tessier, 1983). La détermination morphotypique du genre a été réalisée en se basant sur les classifications 44 Matériel et méthodes décrites par Schenck et Pérez (1987), Hall (1984) ainsi que Morton et Benny (1990). Les descriptions originales des espèces ainsi que les descriptions fournies sur les sites internet de l’INVAM http://invam.caf.wvu.edu/fungi/taxonomy/speciesID.htm) ont servi de référence pour l’exercice de l’identification. Les caractères morphologiques des spores ont été comparés avec ceux des spécimens-types et des souches de référence. 1.6.1. Identification moléculaire des spores de CMA isolés de la rhizosphère du thuya Quarante isolats de spores, dont la taille varie entre 60 et 250 µm ont été étudiés. Ils sont issus de 3 sites (Oued Beht, Ben Slimane et Sidi Jaber). L'extraction de l'ADN a été réalisée à partir d'une cinquantaine de spores à l’aide du "DNeasy Plant Mini Kit" (annexe 2). Les Réactions de Polymérisation en Chaîne (PCR) ont été effectuées en utilisant les amorces spécifiques NS31 (5'-TTG-GAG-GGC-AAC-TCT-GGT-GCC-3') et AM1 (5'-GTT-TCCCGT-AAG-GCG-CCG-AA-3') (voir détail en annexe 3). Ensuite, à l’aide du Kit "QIAgen-gel extraction Kit", les produits de PCR ont été extraits à partir du gel et purifiés (annexe 4) et si nécessaire concentrés afin d’obtenir une concentration supérieure à 20 ng par échantillon. Seuls 10 isolats (Tableau II) ont donné satisfaction en matière de concentration d’ADN requise pour réaliser les réactions de séquençage. Tableau II. Liste des échantillons étudiés Site Isolat 1- Oued Beht Glomus sp. 1 Glomus sp. 2 Glomus sp. 3 Glomus sp. 4 Glomus sp. 5 2- Ben Slimane Glomus sp. 1 Glomus sp. 2 Glomus sp. 3 3- Sidi Jaber Glomus sp. 1 Glomus sp. 2 45 Matériel et méthodes Les extraits d’ADN purifiés ont été séquencés (Macrogen, en Korée). Les séquences obtenues ont été corrigées et analysées par une série de logiciels (Chromas, Clustal X, GeneDoc) pour être comparées à celles des souches de références de la banque de données internationale (Genebank). I.6.2. Identification des CMA en association avec les racines du thuya Au cours de nos expérimentations, il a été remarqué que la méthode d’utilisation de la PCR ordinaire et du séquençage des CMA colonisant les racines du thuya reste incomplète et s’est vouée à l’échec. Par conséquent, de nouvelles techniques moléculaires telles que la PCR nichée et le séquençage ont été adoptées pour pouvoir identifier les CMA effectivement en symbiose avec les racines du thuya. Cette méthode a été également utilisée pour l’identification des CMA dans les racines de Lavandula multifida afin de comparer la diversité des communautés des spores de CMA dans les deux plantes cibles. a. Extraction de l’ADN Après coloration et observation microscopique des différents échantillons de racines, on procède à l’extraction de l’ADN par le Kit Qiagen (DNeasy Plant Mini Kit), à partir de 150 mg du mélange de fragments racinaires "bien colonisés par les CMA" de 5 plantes de thuya. b. Amplification du Large Sous Unité (LSU) d’ADN ribosomique par PCR nichée Lors de la 1ère réaction PCR, les amorces LR1 des eucaryotes [5'-GCA GCG TAT CAA TAA GAG GA-3 '] (Van Tuinen et al., 1998b) et FLR2 spécifique des champignons [5'-GTC GTT CAT TAA AGC TAC CG-3 '] (Trouvelot et al., 1999) ont été utilisées pour amplifier l’ADN ribosomique de la LSU des champignons. Les réactions ont été effectuées dans un volume final de 20 µl contenant 10 x tampon PCR (Promega), 200 nM dNTPs, 500 nM de chaque amorce et 0,4 U de Taq polymérase (Promega). Le programme de PCR a été comme suit: dénaturation initiale à 93° C (1 mn), 93° C pendant 30 s, 58° C pendant 1 mn et 72° C pendant 1 mn (35 cycles), suivie de 10 mn à 72° C. Les produits de PCR ont été dilués 1/100 et utilisés comme modèles pour la seconde PCR avec des amorces FLR3 [5'-GGG AAA AAA TTG TTG CGA T AAG-3 '] et FLR4 [5’-TAC-GTC AAC AAC ATC CTT GAA-3]. Ils ont été déposés sur un gel d'agarose 2 % dans un tampon TAE et visualisés sous lumière UV après coloration au bromure d'éthidium. 46 Matériel et méthodes c. Construction d’une banque d’inserts de l’ADNr (LSU) des CMA Les produits PCR générés par FLR3 et FLR4, à partir des l’ADN de l’échantillon racinaire sont clonés dans le plasmide pGEMT (PROMEGA). Les produits de ligations obtenus sont utilisés pour transformer des souches d’Escherichia coli chimiocompétentes (cellules XL2, Stratagene), par choc thermique à 42° C. Les cellules transformées sont sélectionnées sur milieu LB contenant de l’Ampicilline (50 g/l), Xgal et l’IPTG. 30 clones "blancs" (possédant un insert dans le gène de la beta-galactosidase) sont choisis au hasard pour chacune des transformations réalisées. Les différents inserts clonés sont amplifiés en utilisant les amorces M13F et M13R avec les mêmes conditions décrites auparavant. Afin de sélectionner les clones différents pour le séquençage, une analyse du Polymorphisme de la Longueur des Fragments de Restriction (RFLP) avec les enzymes AluI et HinfI a été réalisée. d. Polymorphisme de Longueur des Fragments de Restriction (RFLP) A 8 µl d’amplifiat sont ajoutés 2 µl de mélange réactionnel composé de : 0,4 µl d’eau ultrapure, 0,1 µl de BSA, 1 µl de tampon d’enzyme et 0,5 µl d’enzyme. Après incubation d’une nuit à 37° C, on réalise une électrophorèse sur gel d’agarose (3 %) dans du TBE (1 %). e. Séquençage Les produits d’amplification de l’ADN sont purifiés à l’aide du protocole du Kit de purification (QIAGEN). Le séquençage est réalisé par Macrogen (Corée du Sud, www.macrogen.com). f. Analyse phylogénétique Les deux brins complémentaires des 30 fragments d'ADN clonés ont été séquencés, à l’aide de l'amorce M13F. Les produits de séquençage ont été analysés en utilisant le PRISM automatisé d'ADN ABI 310 Genetic Analyzer (Perkin Elmer Applied Biosystems) à l'INRANancy (France). La recherche de séquences chimériques a été réalisée en utilisant le programme RDP Chimera Check. Au total, 5 séquences ont été identifiées comme chimériques et ont été exclues de notre analyse. Les séquences ont été comparées en utilisant le programme BLASTN (NCBI; www.ncbi.nlm.nih.gov/BLAST/index) (Altschul et al, 1997). L'analyse phylogénétique a été réalisée en utilisant la méthode du maximum de vraisemblance mise en œuvre dans le programme PhyML sur le site www.phylogeny.fr (Dereeper et al., 2008). La séquence de Mortieriella polycephala (AF113464) a été utilisée comme 47 Matériel et méthodes "outgroup". Les différents phylotypes ont été définis comme des groupes de séquences étroitement apparentées, généralement avec un haut niveau de similitude dans les analyses phylogénétiques (supérieure à 97 %). II. Isolement des rhizobactéries L’isolement des rhizobactéries a été effectué uniquement dans les sols des sites d’Oued Beht et de BenSlimane. Ce choix est lié à la proximité des deux sites et à la proposition de réimplanter le thuya dans ces régions. Les souches rhizobactériennes ont été isolées à partir de 1 g de sol rhizosphèriquedu thuya et homogénéisé. Ce sol a été mis en suspension dans 100 ml d'eau stérile (dilution 2 10- ). Ensuite une série de dilution est réalisée afin d’atteindre celle de 10-7. Les différentes dillutions sont placées dans des boites de Petri contenant le milieu Luria-Bertani (LB : annexe 5) (Miller, 1972), à raison de 0,1 ml / boite, puis cultivées à l’obscurité pendant 48 h à 25 ° C. Pour chaque dilution, 5 boîtes de Petri ont été ensemencées. Les souches bactériennes présentant différentes morphologies de colonies (taille, couleur, forme…) ont été séparées et celles ayant manifestées un meilleur pourcentage d’abondance ont été d’abord purifiées par repiquages successifs en mono-colonie, puis multipliées et conservées à -80 °C jusqu’à leur utilisation dans les tests de sélection. La densité microbienne a été estimée et exprimée en Unité Formant Colonie (UFC) par gramme de sol. Pour des raisons pratiques, seules les dilutions contenant de 10 à 300 UFC ont été utilisées pour le dénombrement des colonies. Chaque isolat a été désigné par un numéro de code B, suivi d’un numéro d’ordre (1, 2…). III. Tests de sélection des microorganismes rhizosphériques du thuya Ces tests ont été réalisés au laboratoire des symbioses raçinaires de la Station Expérimentale Del Zaïdin à Granada (Espagne). L’objectif principal de ces expérimentations est la sélection de microorganismes (bactéries et champignons) ayant pour vocation de promouvoir la croissance et la nutrition du thuya. En ce qui concerne la sélection des CMA, notre étude a été basée sur l’abondance relative de ces champignons isolés directement des différents échantillons de sol des tétraclinaies et leur capacité à coloniser et promouvoir la croissance d’une plante-hôte. Par contre, pour les bactéries, on a procédé à la comparaison de la productivité en IAA, la teneur 48 Matériel et méthodes en proline et de quelques activités antioxydantes telles que l’Ascorbate Peroxidase (APX), la Catalase (CAT), la Superoxide Dismutase (SOD) et le Gluthaton Reductase (GR). Toutes ces activités jouent un rôle important dans le contrôle physiologique de la plante face aux stress environnementaux. Le PEG (Polyéthylèneglycol) a servi à la création du stress hydrique dans le milieu. III.1. Cas des CMA La sélection des CMA a été réalisée en chambre de culture (température : 25° C, humidité 65 % et luminosité : 60 µE/m2/s) en utilisant le trèfle (Trifolium repens) comme plante mycotrophe. Les souches utilisées sont celles retrouvées fréquemment au niveau des sites d’étude. Il s’agit principalement du genre Glomus (2 isolats de chaque site). Après 2 mois de culture du trèfle, les isolats les plus efficaces en matière d’infectivité et de croissance de la plante-hôte ont été choisis et multipliés pour servir d’inoculum à côté des bactéries. Les paramètres de mycorhization ont été déterminés selon la méthode citée auparavant (page 42). III.2. Cas des bactéries Les isolats de rhizobactéries sélectionnées ont été mis en culture axénique dans 3 niveaux de concentration du PEG 9000 (0, 15 ou 30 %) afin de tester leur production en IAA et en proline ainsi que leur activité antioxidante (CAT, APX, SOD). Détermination de l’Acide Indole-3-Acétique et de la Proline : la production de l’Indole-3-Acétique Acide (IAA) a été déterminée en utilisant le réactif de Salper (Chlorure ferrique 0.5 M et l’acide perchlorique à 37 %) (Gordon et Paleg, 1957). Le dosage est effectué par spectrophotomètre à 535 nm. La concentration de l’IAA est déterminée à partir d’une courbe d’étalonnage établie avec des concentrations connues de cette auxine. La proline a été estimée aussi par analyse spectrophotométrique à 515 nm (Bates et al., 1973). Activités antioxydantes : l’activité totale de la SOD (Beyer et Fridovich, 1987) a été mesurée sur la base de la capacité de la SOD à inhiber la réduction du NitroBleu de Tétrazolium (NBT) par les radicaux superoxydes générés photochimiquement. Une unité de SOD a été définie comme la quantité d'enzyme nécessaire pour inhiber le taux de réduction du NBT de 50 % à 25° C. L’activité CAT a été mesurée comme décrit par Aebi (1984), la consommation de H2O2 à 240 nm pendant 1 mn a été suivie. Le mélange réactionnel est constitué de 50 mM de tampon phosphate (pH 7,0) contenant 10 mM H2O2 et 100 µl d'extrait enzymatique dans un volume de 2 ml. Quant à l’activité de l'APX, elle a été mesurée dans un 49 Matériel et méthodes volume réactionnel de 1 ml contenant 50 mM de tampon phosphate de potassium (pH 7,0), 0,1 mM de peroxyde d'hydrogène et 0,5 mM d'ascorbate. H2O2 a été ajoutée afin de démarrer la réaction, et la diminution de l'absorbance à 290 nm a été enregistrée pendant 1 mn afin de déterminer le taux d'oxydation de l'ascorbate (Amako et al., 1994). IV. Réponse du thuya à l’inoculation par les CMA IV.1. Production de l’inoculum Cinq morphotypes de spores récoltées et sélectionnées (principalement des espèces du genre Glomus) ont été multipliés sur une plante mycotrophe (Plectranthus australis) (photo 3). Cette plante a été choisie parce qu’elle est dotée d’un système racinaire dense bien adapté à la multiplication des CMA. Les cultures ont été produites sur un substrat stérile contenant un mélange de sable et de sol d’origine de chaque isolat dans une proportion de 3:1. Chaque type de spores a été incorporé à son sol d’origine prélablement stérilisé avant son mélange avec le sable. Cette production a été conduite en pépinière forestière Dar Essalam (Rabat) pendant une période de 6 mois, sous la lumière du jour, à une température moyenne quotidienne de 17/27 °C et d’humidité relative de 40-80%. L’arrosage des plants a été appliqué soigneusement par aspersion afin d’éviter la perte des spores par lessivage. Photo 3. Production d’inoculum de CMA sur Plectranthus australis IV.2. Production de plants de thuya La production de plants de thuya a été menée sur 3 provenances [Bir Guettara (BG), Laachach (L) et Ourika (O)] qui nous ont été fournies par les Stations de Semences de Marrakech et d’Azrou. Ces provenances ont été choisies sur la base du pouvoir germinatif 50 Matériel et méthodes élevé des graines et pour pouvoir comparer l’effet de l’inoculation par les CMA sur des plants de thuya originaires de conditions édapho-climatiques différentes. Les graines ont été semées directement, sans traitement préalable, dans des conteneurs rigides (capacité 400 ml) remplis d’un mélange de terreau forestier et de sable (3 : 1 v/v) préalablement stérilisé au Bazamid. IV.3. Inoculation des plants Après 5 mois de culture du thuya, 10 g de sol et de racines excisées de Plectranthus australis, qui a servi à la production de l’inoculum de chaque isolat fongique, sont placés contre le système racinaire de chaque plantule de thuya. IV.4. Protocole expérimental Le dispositif expérimental adopté pour chaque provenance est de type aléatoire ; chaque traitement est répété 3 fois avec 6 différentes inoculations par les CMA sélectionnés de type Glomus sp. 1: T0 : plants non inoculés constituant les témoins; T1 : plants inoculés par les CMA de Ben Slimane ; T2 : plants inoculés par les CMA de Maghchouch ; T3 : plants inoculés par les CMA d’Oued Cherrat; T4 : plants inoculés par les CMA d’Oued Beht; T5 : plants inoculés par les CMA de Krifla. IV.5. Evaluation de la croissance et de la nutrition Après 12 mois de culture, l’évaluation de la réponse des différentes provenances de thuya à la mycorhization a été suivie au niveau de plusieurs paramètres : mycorhization (colonisation racinaire, intensité de mycorhization, etc) ; croissance (hauteur et diamètre au collet) ; biomasse (poids frais et poids sec) ; teneur en nutriments (azote, phosphore, calcium, potassium, magnésium et sodium). La technique adoptée pour quantifier les teneurs en nutriments au niveau des parties aériennes des plants est la suivante : la matière sèche aérienne de chaque échantillon a été soumise à 600° C pendant 3 heures et sa digestion a été réalisée par un mélange d’acides forts 51 Matériel et méthodes (HCl 37 % et HNO3 65 %). Le phosphore a été analysé par spectrophotomètre Perklin-Elmer, quant aux autres éléments (Ca, K, Mg, Na), ils ont été dosés par absorption atomique (GBC 906AA). L’azote total a été quantifié par la méthode Kjeldahl. V. Evaluation et effet comparatif du potentiel mycorhizien naturel de quelques espèces végétales associées au thuya. Cette étude a été réalisée au niveau du site Oued Beht (Khémisset : 33° 52’ 557 N, 005° 54’ 907 W, 279 m d'altitude) dont la pluviométrie moyenne annuelle est de 577 mm et la température annuelle moyenne est de 17,8°C. Pistacia atlantica, Lavandula multifida, Withania frutescens et Olea oleaster ont été choisies comme plantes cibles car ce sont les arbustes les plus répandus sur ce site et ils sont toujours observés au voisinage des arbres adultes du thuya. V.1. Echantillonnage sol/plante Des échantillons de sol ont été prélevés près des racines de quatre espèces cibles (W. frutescens, L. multifida, P. atlantica et O. oleaster) et de T. articulata. Pour chaque espèce cible, 5 plantes individuelles ont été choisies au hasard et les échantillons de sol ont été récoltés à une profondeur de 10 à 20 cm. Chaque échantillon est constitué d’un mélange de cinq sous-échantillons d’environ 100 cm3. Les échantillons témoins (sol nu) ont été prélevés au hasard loin de l'influence des plantes. Parallèlement, les racines fines des 5 espèces ont été prélevées (environ 100 g frais par espèce) jusqu’à une profondeur de 20 cm. V.2. Potentiel mycorhizien des sols : Méthode du Nombre le Plus Probable Le potentiel mycorhizien des échantillons de sol récupérés près des racines des 5 espèces cibles et au niveau du sol témoin (sol nu) a été mesuré en utilisant la technique de dilution (Sieverding, 1991). Six dilutions ont été faites de chaque sol en mélangeant soigneusement le sol d'origine avec un sol sableux stérilisé (121° C, 40 mn) dans des proportions 1:4. Après autoclavage, les caractéristiques physiques et chimiques du sol ont été évaluées : pH (H2O) 6,7 ; argile 3,8 % ; limon grossier 0,8 % ; sable fin 34,3 % ; sable grossier 61,1 % ; carbone 1,89 % ; azote total 0,08 %; phosphore total 134 mg/Kg. Cinq répétitions ont été préparées pour chaque dilution. Les graines de Sorghum vulgare, 52 Matériel et méthodes préalablement stérilisés en surface avec de l'hypochlorite de sodium à 10 %, ont été prégermées 2 jours avant sur papier filtre humide. Le semis a été ensuite transplanté dans chacun des petits pots en plastique contenant 100 g de dilutions de différents sols puis ces pots ont été placés en pépinière à Dar Essalam. Après un mois de croissance, tout le système racinaire de chaque plant a été recueilli, lavé à l'eau du robinet, éclairci et coloré selon la méthode de Phillips et Haymann (1970). Des échantillons de chaque système racinaire ont été montés entre lame et lamelle et observés au microscope optique au grossissement 250 x pour l’évaluation de toutes traces de mycorhizes. Les données ont été exprimées en nombre de propagules mycorhiziens arbusculaires dans 100 g de sol sec et les limites de confiance inférieure ou supérieure à 95 % ont été attribuées selon Fisher et Yates (1970). V.3. Evaluation de la mycorhization des différentes espèces associées au thuya Les racines ont été lavées à l'eau du robinet, éclaircies et colorées selon la méthode de Phillips et Hayman (1970) citée auparavant. Elles ont été ensuite placées sur une lame dans une goutte d'acide de Polyvinyle alcool-Glycérol-Lactique (PVLG) (Koske et Tessier 1983) pour l'observation microscopique (Trouvelot et al. 1986). Le développement des mycorhizes a été évalué par la méthode de Trouvelot et al. (1986). V.4. Croissance et nutrition des plantules de thuya Des échantillons de sol des différentes plantes cibles et du sol nu ont été mis dans des pots de 500 ml de capacité. Les graines de T. articulata ont été semées directement sans traitement préalable. Les pots ont été disposés en blocs aléatoires complet avec 5 répétitions par traitement. L’expérimentation a été conduite en pépinière sous les conditions naturelles. Après 9 mois de culture, les paramètres suivants ont été évalués : - colonisation racinaire par les CMA ; - hauteur et diamètre au collet ; - poids frais et poids sec (65° C, 72 heures) aériens ; - teneurs en phosphore, potassium et en azote. Ces éléments ont été dosés par titremétrie après séchage de la partie aérienne des plants de thuya puis incinération à 600° C pendant 3 heures et digestion dans un mélange d’acides forts (HCl et HNO3). 53 Matériel et méthodes VI. Essais sur le terrain Trois essais de plantation ont été réalisés dans les régions de Khémisset (Sidi Bouderga) et de Ben Slimane (Slalma). 1er essai (Khémisset) : inoculation du thuya par les isolats autochtones les plus efficients C’est une expérimentation qui a été menée dans le but de comparer l’effet de différents isolats fongiques autochtones sur la croissance et la survie des jeunes plantules de thuya. A cet effet, 3 isolats fongiques issus du sol de thuya d’Oued Beht (OB), Ben Slimane (BS) et Sidi Jaber (SJ), ont été utilisés dans l’inoculation du thuya en pépinière. Il s’agit de Glomus sp. le plus rencontré dans ces sols et qui a été testé auparavant pour son efficacité. Le protocole expérimental adopté est formé de blocs aléatoires de 18 plants chacun, répété 5 fois, ce qui correspond à une superficie de 0,324 ha. Des blocs témoins (thuya non mycorhizé) ont été aussi inclus dans cette expérimentation. 2ème essai (Ben Slimane) : double inoculation du thuya par les CMA et bactéries sélectionnés. Le but de cette expérimentation est de comparer l’effet de l’inoculation simultanée des plants de thuya par les CMA et les bactéries promotrices de la croissance des plantes (PGPR) sur sa survie, sa croissance et son développement. L’expérimentation a été menée sur un terrain accidenté, versant Est et Sud-Est dans la forêt domaniale de Slalma (Sidi Bettach). Il s’agit d’un protocole expérimental comportant 6 traitements en bloc aléatoire de 20 plants chacun, répété 5 fois, ce qui correspond à une superficie de 0,54 ha. Les traitements sont : i. thuya inoculé avec 5 g d’inoculum mycorhizien constitué d’un mélange de sol, hyphes et fragments de racines de P. australis mycorhizés à 80 % par l’espèce Glomus sp. 1, communément rencontrée dans les sols des tétraclinaies marocaines et isolés des sols du thuya de Ben Slimane (CMA); ii. thuya inoculé avec 0.5 ml de la suspension bactérienne B2 (environ 108 cfu ml-1), communément rencontrée au niveau du sol du thuya au site de BenSlimane; iii. thuya inoculé avec Glomus sp.1 et B2 (CMA + B2); 54 Matériel et méthodes iv. thuya témoin sans mycorhizes, ni bactéries (C). 3ème essai (Ben Slimane) : Plantation du thuya à proximité de la lavande. Dans cet essai étalé sur ½ Ha, 400 plants de thuya (provenance de Ben Slimane) ont été produits en pépinière de Dar Essalam sur un substrat contenant du terreau et du sable (1 :2) et préalablement traité au Bazamide. Après un an, ces plants ont été transférés au champ et plantés aléatoirement soit au voisinage de la lavande (Lavandula multifida) ou loin de l’influence de cette plante nurse (témoin). La croissance en hauteur et en diamètre des plants a été suivie au moins pendant les premiers mois de mise en terre des plants. VII. Analyses statistiques Toutes les données ont été traitées par l’analyse de variance à un seul ou à deux facteurs. Les moyennes sont comparées par le test de Fisher (p < 0.05). Pour l’homogénéité des variances, les transformations des variables en arcsin et log ont été effectuées avant toute analyse (exemple : les pourcentages de mycorhization, le nombre total des spores, etc). Afin d’évaluer la spécificité d'hôte et l'impact des interactions des plantes sur la diversité de leur communauté de CMA, nous avons examiné la richesse spécifique (S) et l'indice de biodiversité de Shannon (H) (Shannon et Weiner, 1963) [H = phylotypes - Σ (Ni / N) ln (ni / N)] où ni représente le nombre de séquences appartenant à chaque phylotype et N : le nombre total de phylotypes. Pour combiner les informations fournies par les différents phylotypes en ce qui concerne les plantes cibles, une approche multivariée basée sur l’analyse en composantes principales (ACP) a été exécutée sous le logiciel statistique STATBOX 6.40. 55 Résultats et discussions RESULTATS ET DISCUSSIONS 56 Résultats et discussion : Partie I PARTIE I. DIVERSITE DES MICROORGANISMES SYMBIOTIQUES DES TETRALINAIES I. Introduction Au Maroc, les études menées sur le statut mycorhizien des essences forestières à vocation ectomycorhizienne sont nombreuses (Abourouh, 1983, 1987, 1992, 1994, 1996, 2000 ; Abourouh et Najim, 1995, 1998 ; Abourouh et al., 1995 ; Boukcim, 1999 ; Bakkali et al, 2009, 2010). Cependant, les recherches sur les relations mutualistiques endotrophes sont limitées à quelques espèces forestières, telles que le cyprès du Grand Atlas (Ouahmane, 2007) ou l’arganier (Nouaïm, 1994). Actuellement, il est bien établi que la conservation de la biodiversité des écosystèmes terrestres est étroitement dépendante de la composition des communautés microbiennes du sol. En conséquence, la compréhension de ce processus au niveau des tétraclinaies est d’une utilité cruciale et exige une connaissance de la distribution et l’abondance des CMA directement associés au système raçinaire du thuya et des espèces de plantes qui lui sont associées. Dans cette optique, ce chapitre est consacré aux prospections et à la caractérisation des différents microorganismes associés au thuya (champignons et bactéries). Une attention particulière a été prêtée aux associations mycorhiziennes de l’espèce vu le rôle important que jouent les champignons mycorhiziens dans la croissance et la nutrition des plantes. Egalement, on a comparé la diversité des CMA associés à une plante, largement rencontrée dans l’ecosystème tétraclinaie qui est la lavande (Lavandula multifida), avec celle du thuya pour montrer si la coéxistence et l’interaction de ces deux plantes ont des effets sur les communautés de CMA présentes au niveau de leur système racinaire. II. Caractérisation des sites d’étude II.1. Caractéristiques physico-chimiques Les resultats des caractéristiques physico-chimiques des sites étudiés (Tableau III) montrent que le thuya est une essence qui repose sur des substrats généralement à pH neutre à légèrement alcalin, constitués essentiellement de limon et du sable à l’exception du sol de Korifla qui présente des taux en argile assez élevés (33,13 %). En outre, les teneurs en matière organique et en azote et phosphore restent faibles ne dépassant pas respectivement 3,43 %, 0,80 ‰ et 2,10 mg/100 de sol, ce qui montre un épuisement des sols en ces éléments. 57 Résultats et discussion : Partie I Ces paramètres physico-chimiques peuvent jouer un rôle essentiel dans la répartition des champignons mycorhiziens. Tableau III. Caractéristiques physico-chimiques des sols étudiés Matière pH Sites Argile Limon Sable Localisation N total P assimilable (‰) (mg/100) organique (%) (%) (%) (%) 1 Oued Beht 7,55 27,73 40,73 31,4 3,43 0,80 2,10 2 Oued Cherrat 6,8 29,00 26 45 2,29 1,02 1,85 3 Korifla 6,9 33,13 40,96 25,8 5,14 0,99 1,49 4 Maghchouch 7,6 17,4 22,1 48,1 0,80 0,02 1,91 5 Ben Slimane 6,7 12,3 27,70 54,1 4,81 0,25 1,41 6 EL Kantour 7,8 0 20,5 79,8 1,20 0,015 1,45 7 Sidi Jaber 7,7 8,6 46,4 45 1,20 0,025 1,01 II.2. Couvert végétal au niveau des tétraclinaies étudiées Dans ces sites, le thuya est présent en mélange avec d’autres espèces végétales. Au niveau du site 1, les espèces les plus communes sont: Pistacia atlantica, Rhamnus lycioides, Rhus pentaphylla, Coronilla viminalis et Asparagus altissimus. Au niveau des sites 2, 3, 4 et 5, on y retrouve : Olea europea, Phillyrea media, Prasium majus, Arisarum vulgare, Cistus monspeliensis, C. salviifolius, C. albidus, Lavandula multifida, L. Stoechas et Asphodelus microcarpus (photo 4). Dans le site 6, qui est une ancienne plantation effectuée le 30 octobre 1957, on rencontre : Chamaerops humilis, Zizyphus lotus, Arisarum vulgare, Asphodelus microcarpus et Urginea maritima. Par contre, au niveau du site 7, qui est une jeune plantation de 12 ans, on y trouve essentiellement : Zizyphus lotus, Lavandula Stoechas, Asphodelus microcarpus, A. tenuifolius, Hamada scoparia, Scolymus hispania, Urginea maritima, Carlina involucrata, Vicia sativa, Asparagus albus, Arisarum vulgare et Stipa retorta. 58 Résultats et discussion : Partie I Photo 4. Exemple de sites d’étude (Tetraclinaie de Ben Slimane). III. Associations symbiotiques chez le thuya à l’état naturel III.1. Statut mycorhizien et Organisation cytologique L’organisation cytologique des différentes racines mycorhizées de thuya observées au microscope a montré que cette espèce ne présente qu’un seul type d’association qui se répète quelque soit le site étudié. La coloration racinaire au bleu de trypan a révélé des structures endophytiques caractéristiques des endomycorhizes (Photos 5). Aucune ectomycorhize n’a été observée. Ces structures mycorhiziennes ont montré des hyphes colloïdales qui se ramifient le long du cortex racinaire (Photo 5A) et des vésicules ovales s’intercalant entre les cortex cellulaire (Photo 5 B et C). En outre, des arbuscules de type "Paris" ont été présentes, ce qui classifie le thuya comme une espèce à vocation mycorhizienne arbusculaire. A B C Photos 5. A- Hyphe colloïdale de CMA à l’intérieure des cellules racinaires du thuya (x 100). B et CColonisation raçinaire du thuya par les CMA (x 10) ; 59 Résultats et discussion : Partie I III.2. Quantification de l’association mycorhizienne L’examen des racines de thuya a montré que tous les échantillons observés au microscope sont densément colonisées par des champignons mycorhiziens arbusculaires (CMA). La colonisation racinaire exprimée en taux de mycorhization "F" peut atteindre les 100 % comme c’est le cas des racines récoltées dans les tétraclinaies d’Oued Beht, Korifla, Oued Cherrat et Ben Slimane (Tableau IV). Par contre, pour l’intensité de mycorhization "M", qui exprime les proportions effectives de racines mycorhizées, elle diffère d’un site à un autre mais reste significativement élevée au niveau d’Oued Beht (56.8%) et El Kantour (51.2%) par rapport aux autres sites (maximum est 42%). Quant à la teneur en arbuscules "A", elle varie d’un site à un autre. Ce sont les sites d’Oued Beht et Ben Slimane qui ont présenté les teneurs les plus élevées. En outre, aucune corrélation n’a été détectée entre ces différents paramètres. Tableau IV. Quantification des MA de T. articulata dans les différents sites étudiés. Sites F (%) M (%) A (%) 1- Oued Beht 100a 56,8a 33,85a 2- Oued Cherrat 100a 34,0c 22,12b 3- Korifla 100a 34,0c 14,05c 4- Maghchouch 93ab 27,0d 12,10c 5- Ben Slimane 100a 34,0c 29,76a 6- EL Kantour 95ab 51,2a 12,87c 7- Sidi Jaber 86b 42,1b 18,02bc F: fréquence de mycorhization ; M: intensité de mycorhization et A: pourcentage en arbuscules. III.3. Isolement et identification des spores de CMA III.3.1. Abondance relative Les spores des CMA sont présentes dans tous les échantillons de sol du thuya analysés. Environ 5 000 spores par kilogramme ont été isolées de chaque type de sol. L’abondance 60 Résultats et discussion : Partie I relative de ces spores a montré que les sols d’Oued Beht et Ben Slimane sont les plus riches en ces propagules, leur nombre relatif peut atteindre les 800 spores par 100 g de sol sec (Tableau V), tandis que les sols d’Oued Cherrat, Maghchouch et El Kantour présentent les plus faibles effectifs. Ces sols abritent en grande quantité surtout des spores mortes ou parasitées. Tableau V. Abondance relative des spores des CMA au niveau des sites étudiés. Sites Nombre de spores / 100 g de sol sec 1- Oued Beht 679 ± 167 2- Oued Cherrat 127 ± 40 3- Korifla 297 ± 35 4- Maghchouch 150 ± 64 5- Ben Slimane 623 ± 160 6- EL Kantour 203 ± 26 7- Sidi Jaber 477 ± 55 III.3.2. Identification des spores au niveau des sites étudiés L’utilisation des clés de détermination proposées par Schenck et Pérez (1987), Hall (1984) et Morton et Benny (1990), ainsi que la comparaison des spores collectées à celles collectionnées à la Banque Européenne des Glomales (BEG) (Dodd et al, 1996), nous a permis d’identifier 4 genres : - Acaulospora Très rare, ce genre de spores est formé individuellement dans le sol et présente une grande taille allant de 302 à 414 µm avec une forme globuleuse ou sub-globuleuse. Les spores de couleur marron foncée présentent une grande consistance interne qui ne laisse apparaître qu’une paroi épaisse et cassable et permet de les différencier de celles du genre Enterophospora qui présentent une paroi extérieure fine et claire (Schenck et Pérez, 1987). Elles ont un aspect luisant du fait de la présence de corps globulaires hyalins et sont reliées 61 Résultats et discussion : Partie I latéralement à des saccules sporifères en position terminale. Elles ne présentent pas d’hyphe d’attachement. Elles sont sessiles dès leur formation d’où le nom du genre Acaulospora (Acaulo : sans queue, et spora : spore). - Scutellospora Ce genre, distingué de celui de Gigaspora par Walker et Sanders (1986), a été observé dans les sites étudiés. Les spores sont formées individuellement (pas de sporocarpes) avec une forme globuleuse, de couleur jaune pale à jaune marron et une taille de 190 à 302 µm. L’hyphe d’attachement est élargi à la sortie de la spore et effilé par la suite. - Gigaspora Ce genre a été rencontré dans quelques sites, mais il reste très rare. Il est caractérisé par des spores qui ne différencient pas de paroi interne flexible (Gerdemann et Trappe, 1974). Les cellules auxiliaires sont disposées selon des figures géométriques bien déterminées. Les tubes de germination proviennent d'une couche verruqueuse en contact avec le cytoplasme de la spore. - Glomus C’est le type de spores le plus abondant qui présente une grande diversification et une large répartition dans beaucoup d’habitats dans la nature (Schenk et Pérez, 1987). Le tri des spores nous a permis de rencontrer une large gamme de taille allant de 45 µm jusqu’à 280 µm avec dominance des spores ayant un diamètre compris entre 90 et 157 µm. La couleur des spores peut varier du jaune au rouge foncé. Ces spores sont formées individuellement ou sous forme de sporocarpes dans le sol et peuvent avoir une forme circulaire, sphérique et rarement amorphe. L’hyphe d’attachement est soit droit, courbé ou bifurqué. Il présente la caractéristique spécifique du genre Glomus, d’être en continuité avec la spore. III.4. Description morpho-anatomique des spores de CMA rencontrées au niveau des tétraclinaies L’observation des spores sous la loupe binoculaire à fort grossissement a révélé la présence d’au moins 6 morphotypes différents selon la couleur, la forme, la taille et l’hyphe d’attachement : 62 Résultats et discussion : Partie I - Morphotype 1 (Photo 6. A et B) : petites spores du genre Glomus (Glomus sp.1) de couleur jaune clair, avec présence de membrane externe hyaline et une taille ne dépassant pas 90 µm. - Morphotype 2 (Photo 6. C) : spores du genre Glomus (Glomus sp.2) de couleur rouge claire ou foncée et de taille comprise entre 150 à 200 µm. Les spores de ce morphotype présentent un hyphe d’attachement bifurqué. - Morphotype 3 (Photo 6. D) : spores de couleur orange clair à orange foncé, une taille avoisinant entre 60 et 70 µm et présence d’un hyphe d’attachement droit, qui est un caractère connu chez le genre Glomus. Ces spores ont été désignées sous le nom de Glomus sp.3. - Morphotype 4 (Photo 6. E) (Glomus sp.4) : spores jaunes dorées avec présence de réserves lipidiques et une taille variant entre 70 et 100 µm. Elles sont formées en sporocarpes contenant 4 à 6 spores entourées d'un péridium jaune et épais. - Morphotype 5 (Photo 6. F) (Glomus sp.5) : spores souvent réunies autour d'un plexus hyphal stérile pour former des grappes ou sporocarpes non compactes. Elles sont sphériques, jaunes pales, ayant un diamètre qui varie de 60 à 112 µm. - Morphotype 6 (Photo 6. G) (Scutellospora sp.): spores isolées, jaunes de forme souvent allongée, rattachées par un filament, souvent difformes ou tuberculeuses, avec un contenu très riche en réserves lipidiques sous forme de goutelettes. - Morphotype 7 (Photo 6. H) (spores indeterminées) : ce type de spores n’a été rencontré qu’au niveau du site de Benslimane. Elles sont sphériques de grande taille (221 µm en moyenne) qui ressemblent plus à de vieilles spores. 63 Résultats et discussion : Partie I C B A 200µm 50µm 50µm E D 100µm 20µm F G 50µm 100µm H 50µm Photo 6. A et B : morphotype 1, C : morphotype 2, D : morphotype 3, E : morphotype 4, F : morphotype 5, G : morphotype 6, H : morphotype 7. 64 Résultats et discussion : Partie I III.5. Diversité et abondance des communautés de spores de CMA au niveau des tétraclinaies étudiées L’analyse phénotypique des spores essentiellement rencontrées au niveau de chaque site d’étude est résumée dans le tableau VI. Tableau VI. Diversité et abondance des spores de CMA au niveau des tétraclinaies. Site Oued Beht Oued Cherrat Korifla Maghchouch Ben Slimane El Kantour Sidi Jaber Couleur et référence Taille (µm) Abondance relative (%) Glomus sp. 1 70±5 51,7 Glomus sp. 2 184±30 18,7 Glomus sp. 3 59±10 8,5 Glomus sp. 4 67±5 9,3 Glomus sp. 5 192±22 12,2 Glomus sp. 1 87±13 54 Glomus sp. 2 117±18 38,2 Glomus sp. 1 78±12 49,1 Glomus sp. 2 180±10 45,3 Glomus sp.1 152±7 31 Glomus sp. 4 90±6 62 Glomus sp. 1 57±15 32 Glomus sp. 2 236±31 24,8 Glomus sp. 3 192±11 18,9 Glomus sp. 4 39±10 14,2 Spores indeterminées 221±4 10,3 Glomus sp. 1 44±2 42,2 Glomus sp. 2 279±45 24,8 Glomus sp. 5 250±17 10,5 Glomus sp. 1 96±7 65 Glomus sp. 2 136±2 21,2 Scutellospora sp. 183±7 12,4 65 Résultats et discussion : Partie I Nous remarquons que les tétraclinaies prospectées rassemblent une diversité en spores de CMA qui se ressemble, rares sont les espèces qui sont spécifiques comme celles noirâtres de Ben Slimane avec une abondance relative estimée à 10 %. En se basant sur les communautés de spores, il parait qu’il y a une grande similitude entre les différents sites. Toutes les spores retrouvées majoritairement dans ces sols appartiennent à un seul ordre c’est celui des Glomineae représenté par deux familles : Glomaceae et Acaulosporaceae. Il est essentiel de noter que selon l’abondance des spores, ces communautés de CMA peuvent être divisées en deux groupes : le premier incluant des petites spores blanches ou jaunes et hyalines de taille moyenne ne dépassant pas les 90 m (Glomus sp. 1) et un second groupe correspondant à des spores plutôt de grande taille (295 m) et de couleur orange claire à orange foncée et même parfois rouge foncée (Glomus sp. 2). III.6. Identification moléculaire des CMA du thuya Amplification de l’ADNr Les techniques moléculaires adaptées aux champignons symbiotiques ont permis une extraction optimale de l’ADN à partir des suspensions sporales. L’amplification de la petite sous-unité de l’ADNr 18S des Glomales avec les amorces NS31/AM1 s’est traduite par l’obtention d’une seule bande de 600 pb quelque soit l’échantillon de spores utilisé (Photo 6). Ce qui confirme la spécificité de ces amorces pour la séquence nucléotidique étudiée. 600 pb Photo 7. Electrophorèse de l’ADN des CMA analysés. 66 Résultats et discussion : Partie I Arbre phylogénétique L’arbre phylogénétique obtenu par Neighbor-joining a tout d’abord montré que la totalité des échantillons de spores analysés dérivent du genre Glomus. Deux groupes sont distincts, le premier a été partagé entre deux espèces Divesispora spurca et Glomus etunicatum, autrefois considérées comme une seule espèce. Le second groupe regroupe des espèces présentant une très grande ressemblance avec l’espèce Glomus versiforme (figure 8). Ce qui confirme la dominance des spores appartenant à la famille des Glomaceae. Figure 8. Arbre phylogénétique basé sur le séquençage de 600 pb de l’ADNr 18S (OB : Oued Beht ; BS : BenSlimane et SJ : Sidi Jaber. L’échelle 0.1 correspond à la substitution par colonne d’alignement (La longueur des branches horizontales est proportionnelle à la quantité d’évolution entre les séquences et leurs ancêtres) 67 Résultats et discussion : Partie I III.7. Caractéristaion et dénombrement des rhizobactéries III.7.1. Diversité phénotypique des bactéries de la rhizosphère des deux sols étudiés Les observations macroscopiques des différentes colonies de bactéries ont permis de detecter 4 types de colonies dans les deux sols étudiés (OB et BS). Ces colonies, opaques ou translucides, sont généralement de consistance crémeuse ou muqueuse et de couleur blanche à noire (Tableau VII). Elles ont été notées B1, B2, B3 ou B4 selon leurs caractéristiques morphologiques. Tableau VII : caractérisation phénotypique des colonies bactériennes observées. Colonie B1 Couleur Blanche claire Taille grande Aspect lisse Abondance +++ B2 blanche petite lisse +++ B3 blanche petite filamenteux + B4 noirâtre petite brillant + III.7.2. Dénombrement des populations de bactéries dans les deux sols étudiés Sur l’ensemble des échantillons analysés, seules les colonies B1 et B2 ont pu donner des résultats exploitables (10 à 300 UFC). La densité moyenne de ces bactéries cultivables sur le milieu de culture est comprise entre 8,9.104 et 2,2.106 UFC par gramme de sol (Tableau VIII). Tableau VIII : dénombrement des colonies de bactéries. Sol Colonie de bactéries Nombre de colonies /g de sol Oued Beht B1 B2 2,2.106 6,8.105 BenSlimane B1 B2 3,6.105 8,9.104 Nos résultats indiquent que la flore bactérienne au contact des racines de thuya est dominée par deux groupes de bactéries B1 et B2. Celles-ci varient en nombre selon le site prospecté ; le sol d’OB est plus riche en ces bactéries par rapport au sol de BS. Au sein du 68 Résultats et discussion : Partie I même site, il a été remarqué une légère supériorité des B2 par rapport à B1 mais leur nombre reste comparable. IV. Population de CMA dans l’association T. articulata/L. multifida IV.1. PCR nichée et amplification de l’ADNr de la LSU des CMA Dans cette étude, la PCR nichée a été utilisé grâce à deux couples d’amorces pour identifier les CMA colonisant : les racines de Thuya seul (T) ; les racines de thuya en présence de la lavande (Tl), les racines de la lavande seule (L) et les racines de la lavande en présence du thuya (Lt). Lors de la 1ère PCR, les amorces LR1 et FLR2 (Trouvelot et al., 1999 ; van Tuinen et al., 1998b) sont utilisées pour amplifier l’ADN des champignons. Le produit PCR est utilisé, après dilution, comme substrat dans une 2ème PCR avec les amorces FLR3 et FLR4 spécifiques pour les CMA. Après la première PCR, le produit d'amplification obtenu était d'environ 750 pb. La seconde PCR permet une meilleure discrimination entre les espèces des Glomales dans toutes les racines analysées. Les tailles des produits d'amplification, par les deux couples d’amorces, varient entre 300-380 pb. Un exemple des produits d'amplification obtenus après PCR nichée avec les amorces spécifiques est présenté dans la photo 8. Photo 8. Electrophorèse des produits d’amplification de la PCR nichée réalisée sur l’ADN des CMA colonisant les racines de Thuya et de la Lavande. Des profils PCR similaires ont été obtenus à partir des racines de T. articulata et L. multifida. Au moins deux CMA différents colonisent les quatre types d'échantillons de racines mycorhizées. Ensuite, les produits PCR issus des amorces FLR3-FLR4 ont été clonés et 69 Résultats et discussion : Partie I utilisés pour construire des banques d’ADNr des CMA colonisant les 4 types de racines (Photo 9). M 1 2 3 4 5 6 M 11 12 13 14 15 16 7 8 9 17 18 19 10 20 Photo 9. Electrophorèse du produit PCR de l’amplification, par M13F et M13R, de l’insert des différents clones (L :1-5, Lt : 6-10, T : 11-15, Tl : 16-20, M : 100 pb Leader) IV.2. RFLP et analyses phylogénétiques Cinquante clones positifs de chaque banque ont été soumis à une analyse RFLP avec les enzymes de restriction AluI et HinfI. Treize profils RFLP ont été identifiés (Photo 10). A B Photo 10. Electrophorèse du produit de digestion, par AluI (A) et HinfI (B), de l’insert (M : 100 pb Ladder, L : 2, Lt : 6, T : 7, Tl : 10) Il a été remarqué que le pourcentage de type RFLP varie significativement entre les deux espèces végétales cibles. Le plus bas niveau a été observé chez L. multifida (54 %) et le plus élevé chez T. articulata (85 %). Selon les fréquences de type RFLP, jusqu'à cinq représentants de chaque type RFLP ont été séquencés. La distribution des types RFLP des CMA colonisant les espèces végétales est représentée dans le tableau IX. 70 Résultats et discussion : Partie I Tableau IX. Phylotypes, types de séquence et abondance des clones de types RFLP obtenus à partir de la banque d’ADN de chaque type de racine. (Les numéros avec Astérix représentent des séquences chimériques). Type RFLP Type de séquence Plante cible Phylotype (nombre de clones) 1 Séq 01-1, 2, 3, 4*, 5 T (8) T1 (8) L(12) Lt (10) GLO1 2 Séq 02-1, 2, 3, 4 T (8) T1 (11) L(10) Lt (6) GLO2 3 Séq 03 T (13) T1 (8) L(10) Lt (17) GIG1 4 Séq 04-1, 2 T (3) T1 (8) L(7) Lt (7) GLO2 5 Séq 05 L(6) SCU3 6 Séq 06-1, 2* Lt (5) SCU2 7 Séq 07-1, 3, 4, 5 T (4) L(5) Lt (5) GLO3 8 Séq 08 T (4) GLO1 9 Séq 09- 1, 2* Tl (5) GLO1 10 Séq 10 T (3) SCU1 11 Séq 11-1, 2, 3, 4 T (5) Tl (3) SCU1 12 Séq 12 T (2) Tl (3) GIG2 13 Séq 13-1, 2* Tl (3) GLO1 Les 25 séquences d’ADNr de la LSU obtenues ont montré une grande similitude avec celles connues pour les CMA. L'analyse phylogénétique a révélé la présence de huit types de séquences de CMA ou phylotypes : cinq appartenaient à la famille des Gigasporaceae (GIGA1, GIGA2, SCUT1, SCUT2 et SCUT3) et trois à celle des Glomeraceae (GLOM1, GLOM2 et GLOM3) (Tableau IX, Fig. 9). Conformément à la classification présentée dans le tableau IX, les types RFLP récupérés à partir des racines des deux plantes cibles seules ou en association appartenaient d’une façon égale aux deux types de familles des CMA. À l'aide des enzymes de restriction choisies, différents types de RFLP peuvent être obtenus pour un même phylotype (Tableau IX). Le premier type, le plus commun, RFLP3 (24 %) représente une variante de séquence qui n'est pas étroitement liée aux souches de référence actuelle et de même pour RFLP8 (Fig. 9). Les seconds types, les plus communs, RFLP2 et RFLP4, comprenant respectivement 17,5 % et 12,5 %, ont été partagées par le phylotype GLOM2. 71 Résultats et discussion : Partie I L’analyse RFLP était très approximative pour délimiter les différents phylotypes. Par conséquent, l’approche rigoureuse de maximum de vraisemblance « maximum likelihood (ML) » a été utilisée pour des analyses plus poussées. Figure 9. Arbre phylogénique et maximum de vraisemblance des CMA colonisant les racines du thuya et de la lavande. Mortierella polycephala a été utilisée comme groupe externe. Les valeurs du réechantillonnage calculées à partir de 500 répétitions (utilisant phyl ML) sont montrées au niveau des nœuds seulement pour les valeurs supérieures à 70 %. 72 Résultats et discussion : Partie I IV.3. Préférence de l’hôte et impact de l’interaction des plantes sur la communauté des CMA Lorsqu’on compare les espèces cibles seules ou en association, le calcul des Indices de richesse et de diversité réalisés sur les huit phylotypes de CMA a permis d’observer deux tendances. Tout d'abord, la diversité globale des champignons et la richesse en espèces étaient très élevées dans le cas de T (indice de diversité de Shannon, H = 2,17, la richesse, S = 7) et très faibles dans dans le cas de L (H = 1,19, S = 4), également les communautés de CMA différaient significativement (χ2 = 14,48, df = 6, P = 0,025). En second lieu, il n'y a aucune différence entre la richesse spécifique (S = 5) dans Lt et Tl avec un indice de diversité respectivement de 1,61 et 1,41, alors que la composition de leurs communautés en CMA différaient significativement (χ2 = 22,75, df = 6, P = 0,001). Ces résultats indiquent un impact de la préférence de l’hôte. Sur les huit phylotypes identifiés, GLOM2, GLOM1 et GIGA1 étaient dominants. Ils représentent respectivement 30 %, 27,5 % et 24 % des séquences observées (Fig. 10). Ces phylotypes sont présents dans toutes les plantes étudiées. Les phylotypes GLOM3, GIGA2, SCUT1, SCUT2 et SCUT3 représentent moins de 19 % des clones. GLOM3 et SCUT3 n'étaient présents respectivement que dans le T et le Lt (Fig. 10). Figure 10. Communautés de CMA retrouvées au niveau des racines du thuya et de la lavande. T et Tl : Racines de thuya respectivement seul ou en association avec la lavande L et Lt : racines de lavande seule ou en association avec le thuya 73 Résultats et discussion : Partie I La composition des communautés des CMA colonisant chacune des plantes cibles, thuya et lavande, dans les deux situations, seules ou en association, est significativement différente (χ2= 13,41, df = 6, P = 0,037; χ2 = 9,63, df = 4, P = 0,047, respectivement). En outre, les communautés de CMA ont également été comparées par une analyse en composante principale (ACP). Cette analyse a montré que le thuya et la lavande, seuls ou en association, sont éloignés les uns des autres (fig. 11), ce qui indique qu'ils hébergeaient une communauté distincte de CMA. Les composantes principales 1 et 2 représentent la majeure partie de la variance (52 % et 34 % respectivement pour les CP1 et CP2). Ces résultats montrent aussi que la communauté de CMA colonisant les racines n'est pas seulement influencée par les plantes- Axe 2 (34%) hôtes, mais aussi par leur interaction. Axe 1 (52 %) Figure 11. Analyse en composantes principales des communautés de CMA colonisant les racines de T. articulata et de L. multifida. 74 Résultats et discussion : Partie I V. Discussion Dans cette première partie, il était primordial de commencer par une étude prospective au niveau de plusieurs tétraclinaies marocaines en quête des associations (mycorhiziennes et bactériennes) que peut élaborer le thuya en milieu naturel. Ensuite analyser, de point de vue morpho-anatomique et moléculaire, la diversité des microorganismes rencontrés dans le sol sous le thuya ; car la présence et l’abondance des symbiotes dans un sol donné, sont considérées comme des étapes importantes pour appréhender la richesse et la diversité des communautés en microorganismes symbiotiques. L’analyse des différents sols des tétraclinaies étudiées a montré qu’ils sont caractérisés par un pH proche de la neutralité et sont généralement pauvres en éléments nutritifs. Ces paramètres physico-chimiques sont essentiels dans la répartition et l’abondance des champignons mycorhiziens. En effet, Klironomos et al. (1993) suggèrent que le pH et la matière organique pourraient être des régulateurs de la sporulation des champignons mycorhiziens arbusculaires. Ceci a été déjà observé par Mosse (1973) qui a remarqué que le genre Glomus apparaissait généralement dans les sols à pH neutre ou alcalin, de même Gigaspora et Acaulospora sont tolérants à l’acidité. L’analyse microscopique des racines de thuya a montré que cette espèce est naturellement infectée par des CMA, et pas de présence de champignons ectomycorhiziens (CEM), ce qui reflète la nature endomycotrophique de cette essence forestière. Ceci est en accord avec les résultats de Diaz et Honrubia (1993a). A l’état naturel, les pourcentages de colonisation raçinaire observés dans cette étude sont assez élevés. Ce n’est pas un simple hasard mais ceci reflète la dépendance mycorhizienne élevée de cette plante. Diaz et Honrubia (1993b) ont remarqué qu’après deux mois de culture des plants de T. articulata, l’infection mycorhizienne s’installe efficacement et qu’entre le 2ème et le 7ème mois le taux de colonisation augmente de 20 à 70 %. Dans tous les échantillons de racines observées, la structure mycorhizienne "Paris-type" est la seule rencontrée. Cette structure a été signalée dans des études antérieures reliant les gymnospermes aux CMA (Smith et Read, 1997), incluant la famille des Cupressacées (Stokey et al., 2001). Cette formation est caractérisée par l’absence d’hyphes intercellulaires, le champignon se développe au niveau du symplasme, se propage directement de cellule à cellule et forme des hyphes colloïdales intracellulaire donnant lieu à des structures 75 Résultats et discussion : Partie I arbusculaires. Ces dernières constituent le système clé dans les échanges entre plante et symbiote. L'exploration de l’abondance des Glomales par les caractères morphologiques et morphométriques de leurs spores a révélé un nombre relativement élevé particulièrement au niveau des sites d’Oued Beht (1) ; Ben Slimane (5) et Sidi Jaber (7). C’est l’une des caractéristiques des sols des régions semi-arides (Sieverding, 1991 ; Stutz et Morton, 1996). Cette abondance des spores dans ces régions (plus de 400 spores viables /100g de sol sec) reste comparable à celle observée par Ouahmane en (2007) sous le cyprès de l’Atlas. Cependant dans les sites d’Oued Cherrat (2), Korifla (3) et Maghchouch (4), ce nombre reste faible, malgré les ressemblances en conditions climatiques. Il parait que d’autres facteurs sont à l’origine aussi de l’abondance des spores des Glomales tels que la nature du substratum, du couvert végétal ou encore du cycle de vie des Glomales. Les prospections effectuées dans ces trois dernières zones ont montré qu’elles présentent un maquis très dégradé, ce qui pourrait expliquer, la faible abondance des spores de CMA. En effet, les zones dégradées montrent toujours de faibles densités en propagules mycorhiziennes indigènes (Sieverding, 1991). Egalement, les espèces de CMA ont des cycles de vie très différents et l’abondance relative de chacune d’elles à chaque étape du cycle (spores, hyphes, racines colonisées) peut changer selon le temps (Brundett et al., 1994). Les échantillons de spores collectées au niveau des différents sites sont morphologiquement comparables aux espèces décrites dans la littérature. Cependant, ils montrent des variations dans le diamètre des spores par rapport à la description d'origine (Schenck et Pérez, 1987). Ces variations morphomètriques des caractères des spores observées à l’état naturel pourraient traduire la présence d'écotypes fongiques dans les sols des sites prospectés. En effet, Jeffries et Barea (2001) ont relié la nature des communautés de CMA au type de peuplement végétal et à l’existence d’écotypes. Phénotypiquement, deux familles de Glomales sont rencontrées dans les sols des tétraclinaies. Il s’agit de la famille des Glomaceae et celle des Acaulosporaceae. La fréquence élevée des vésicules ovales et allongées au niveau du système racinaire du thuya montre bien la dominance des espèces du genre Glomus. Ces résultats sont en accord avec ceux observés par Abbas et Abourouh (2002) et permettent de penser que la distribution naturelle des spores de Glomales serait sous le contrôle de facteurs édaphiques et/ou de la composition floristique (Johnson et al., 1991 ; Bâ et al., 1996). 76 Résultats et discussion : Partie I Bien que la spore est l’unité fondamentale dans l’étude des CMA, cette unité morphologique peut avoir, plusieurs centaines voir des milliers de noyaux, qui peuvent même avoir des origines différentes (Gianinazzi Pearson et al., 2001). Ceci pourrait être la cause d’une grande variabilité entre les copies de l'ADN ribosomique, y compris celles présentes dans une spore (Sanders et al., 1995 ; Hijri et al., 1999 ; Sanders, 1999 ; Clapp et al., 2001). Ainsi, l’outil de la biologie moléculaire a permis de remédier en partie à toutes ces contraintes en complétant l’étude de la diversité des CMA jusqu’au niveau de distinction taxonomique correcte entre espèces. D’ailleurs, c’est grâce à ces techniques que toute la classification des CMA a été revue et corrigée. La sous-unité 18S du gène ribosomal est la plus couramment utilisée car cette partie codante montre le plus bas degré de variation. Mais, il existe d’autres régions plus variables, en particulier les ITS, pour distinguer les différents taxons de CMA (Redecker et al., 1997, 1999 ; Redecker, 2000 ; Renker et al., 2005). Egalement, l’identification des CMA inféodés directement aux plantes-hôtes a été toujours un obstacle dans l’étude de la dynamique des communautés de ces champignons au niveau des écosystèmes. Dans la présente étude, la détection moléculaire des CMA a montré que la totalité des échantillons de spores analysées dérivent du genre Glomus. L’analyse phylogénétique a permis de distinguer des morphotypes appartenant à la famille des Glomeraceae. Les espèces identifiées sont typiques des écosystèmes méditerranéens semi-arides. Deux groupes sont distincts, le premier a été partagé entre deux espèces Divesispora spurca et Glomus etunicatum, autrefois considérées comme une seule espèce. Le second groupe regroupe des espèces présentant une très grande ressemblance avec l’espèce Glomus versiforme. Daniell et al. (2001) remarquent que le genre Glomus domine la colonisation racinaire des cultures arables et supposent que les espèces de ce genre sont mieux adaptées aux environnements perturbés. Stutz et al. (2000) ont également noté une prépondérance des espèces de Glomus dans les sols désertiques aux États-Unis et suggèrent que ce genre contient des isolats adaptés aux fluctuations des conditions environnementales. En terme de diversité des CMA, seulement 7 morphotypes ont été isolés du sol près du système racinaire du thuya. Ce nombre reste faible et peut renseigner sur l’état de dégradation des tétraclinaies prospectées. Ce résultat confirme d’autres études antérieures sur la richesse en espèces de CMA dans des environnements arides et semi-arides (Azcon-Aguillar et al., 2003 ; Stutz et Morton, 1996). En effet, dans les milieux méditerranéens, Atkinson et al. 77 Résultats et discussion : Partie I (2002), Calvente (2003) et Ferrol et al. (2003) ont montré que la diversité naturelle des CMA reste faible, voire même très faible dans les sols affectés par les processus de désertification. Palenzuela et al. (2002) ont observé seulement 3 espèces de CMA dans un écosystème semiaride dans le sud de l’Espagne (Murcia). Ceci peut être expliqué par la nature des espèces étudiées, leur âge, leur dépendance mycorhizienne et enfin le cortège végétal qui règne dans les sites d’étude. L’Analyse des spores de CMA isolées à partir de sols ne reflètent pas nécessairement la diversité en CMA colonisant les racines des plantes (Clapp et al., 1995 ; Kjoller et Rosendahl, 2001). La difficulté d'identifier les CMA dans les racines des espèces végétales a toujours été un obstacle à l'étude de la dynamique de leur communauté dans les écosystèmes. La discrimination morphologique est possible à l’échelle du genre lorsque la morphologie des hyphes est suffisamment différente entre les champignons (Merryweather et Fitter, 1998). A cet effet, les techniques moléculaires ont été développées pour détecter au niveau des racines du thuya et de la lavande quelle(s) est (sont) le(s) CMA directement impliqué(s) dans l’association mycorhizienne. La PCR nichée offre plusieurs avantages sur ces différentes approches pour suivre les communautés fongiques au sein des plantes et dans le sol (Van Tuinen et al., 1998a ; Gollotte et al., 2004;. Jacquot et al., 2000 ; Pivato et al., 2007). Dans la présente étude, la PCR nichée de l'ADNr 18S a été appliquée avec succès pour caractériser la diversité des CMA dans les racines des deux plantes cibles. Le choix de la lavande émane du fait que c’est une plante qui a une distribution sous forme d’ilôts au niveau des tétraclinaies et Azcon et Barea (1997) ont remarqué que c’est une espèce à caractère mycorhizien-dépendant. Carillo-Garcia et al. (1999) suggèrent que cette espèce arbustive pourrait être utilisée comme une plante nourricière pour la durabilité des forêts méditerranéennes. Cette étude est la première en son genre au Maroc à décrire la colonisation, par les CMA, de T. articulata et L. multifida, seuls ou en association. La diversité génétique des CMA au niveau des racines des deux plantes cibles a été caractérisée par l'analyse de 50 clones de chacune des banques d’ADNr LSU ; par analogie avec d’autres études (Vandenkoornhuyse et al., 2002a ; Gollotte et al, 2004). En se basant sur l'analyse RFLP, nous avons identifié 13 types différents de CMA dans les racines des deux espèces végétales. Ce niveau de diversité pourrait être considéré comme comparable à celui des agro-écosystèmes tels que les prairies et les forêts tropicales. A titre d'exemple, Eom et al. (2000), travaillant sur cinq espèces herbacées, ont observé un total de 16 morphotypes de spores de CMA. 78 Résultats et discussion : Partie I Les phylotypes ont été définis sur la base du niveau de bootstrap (> 80 %) après une analyse phylogénétique. L'arbre phylogénétique incluant les séquences de référence connues a montré que toutes les séquences des CMA recueillies des racines de T. articulata et L. multifida, seuls ou en association, appartenaient à deux principales familles, la famille des Glomeraceae et celle des Gigasporaceae. La dominance du genre Glomus n'est pas nouvelle, Daniell et al. (2001) ont lié l’abondance des espèces du genre Glomus, à leur meilleure adaptation aux environnements perturbés. Une des raisons possible pour laquelle les espèces du genre Glomus sont dominantes dans un écosystème perturbé serait la capacité des Glomeraceae à coloniser les racines de plantes par des fragments de mycélium fongique ou des fragments de racines elle-même mycorhizées (Biermann et Linderman, 1983). Dans notre étude, nous avons observé également une prédominance de la famille des Gigasporaceae qui se propagent uniquement via des spores (Daniell et al., 2001). Cela suppose que, dans notre site d'étude, les deux familles Glomeraceae et Gigasporaceae montrent une infectivité similaire des racines des deux espèces cibles. Par ailleurs, les indices de diversité en CMA ont été mesurés pour chaque plante en présence ou en absence de l'autre. Le niveau de diversité était plus élevé chez T. articulata que dans L. multifida. Cela pourrait s'expliquer par les différences d'âge et la nature des plantes. Il a été établi que chez une jeune plante, les Glomales envahissent une racine, puis l'intensité de la colonisation augmente au fur et à mesure que son âge avance et le système racinaire prolifère à travers le profil du sol vers des horizons où le phosphore est très déficient et les mycorhizes sont essentielles (Merryweather et Fitter, 1995). Cependant, les indices de diversité semblables dans les racines des plantes cibles en association suggèrent un impact de l’interaction des plantes sur les communautés de CMA. Cela renforce l’idée de l’existence d’une pression de sélection établie par la plante et le champignon pour qu’ils soient plus spécifiques dans le choix de leur partenaire (Sanders et Fitter, 1992 ; Bever et al., 1996). L’ACP effectuée dans ce chapitre confirme ces résultats et montre comment les différentes situations écologiques d’espèces végétales influent sur la diversité des CMA colonisant ces plantes. Ceci est en accord avec les études antérieures qui ont signalé une préférence de certaines espèces végétales vis-à vis des CMA (Helgason et al., 2002 ; Vandenkoornhuyse et al., 2002b ; Vandenkoornhuyse et al., 2003). En outre, de nombreuses espèces de CMA ont été partagées entre les deux plantes cibles indiquant une affinité similaire à ces microorganismes. Cela peut soutenir l'hypothèse que L. multifida pourrait être utilisée comme plante nourricière dans les programmes de revégétalisation par le thuya au Maroc. Ouahmane 79 Résultats et discussion : Partie I et al. (2006a) ont rapporté que Lavandula spp. sont des espèces à forte potentialité dans la régénération artificielle de Cupressus atlantica au Maroc. Nos recherches sur les rhizobactéries au contact des racines de thuya ont révélé deux groupes de bactéries B1 et B2 qui varient en nombre selon le site prospecté. Ce nombre reste comparable à celui evoqué dans la littérature où généralement on retrouve que les bactéries sont les microorganismes les plus variés et les plus nombreux, leur densité est de l'ordre de 109 UFC par gramme de sol (Davet, 1996). Cependant, il est possible que les méthodes de culture utilisées pour l’isolement des bactéries puissent pervertir partiellement les proportions effectives des groupes bactériens ; en favorisant certains groupes plutôt que d’autres. La description de la diversité bactérienne repose sur un certain nombre de prérequis et doit tenir compte des conditions environnementales et des incertitudes liées aux méthodes d’analyse. Par exemple, les paramètres physico-chimiques, les gradients de nutriments ou la présence ou non de plantes modifient drastiquement l’organisation des populations bactériennes aussi bien horizontalement que verticalement (Kirk et al., 2004). En effet, les rhizobactéries sont fortement stimulées par l'effet rhizosphérique. Elles activent la croissance des plantes, influencent de manière bénéfique la plante en stimulant sa croissance et/ou en la protégeant contre des infections par des agents phytopathogènes (Dommergues et Mangenot, 1970). Conclusion Dans cette première partie, les prospections effectuées dans les zones écogéographiques des tétraclinaies marocaines nous ont permis de caractériser différentes souches de champignons mycorhiziens arbusculaires du thuya, de préciser leur abondance et leur répartition. L'étude taxonomique des Glomales basée sur les caractères morphologiques et moléculaires de la spore ont abouti à la description et à l'identification de deux groupes communs aux différents peuplements de thuya étudiés. Le premier (Glomus sp.1) renferme des spores hyalines, blanches à jaunes foncées et de petites tailles (90 µm en moyenne) et le second (Glomus sp.2) correspond à des spores orange-claires à orange foncées et de grandes tailles (295 µm en moyenne). Les caractères morphologiques indiquent que les populations de spores comportent 3 à 7 morphotypes selon le site avec dominance du genre Glomus. La réalité des espèces de CMA associées directement aux racines de thuya et celles de la lavande n’est pas reflétée quand on analyse la diversité des spores au niveau du sol. Si nos résultats paraissent contradictoires, quant au nombre de morphotypes observés au niveau des tétraclinaies prospectées, cela peut être expliqué par la fait que dans la nature certains CMA 80 Résultats et discussion : Partie I ne sporulent pas, ce qui pose le problème de la durée de vie des souches fongiques (spores) dans le sol avant l’établissement de la symbiose. Cette situation pourrait être due au fait que dans les conditions climatiques stables (forêts naturelles), ce sont les réseaux mycéliens qui sont particulièrement impliqués comme source de colonisation mycorhizienne (Jasper et al., 1991) contrairement aux milieux perturbés (forêt issue de reboisement) où les spores jouent un grand rôle (Onguene, 2000) Pour les rhizobactéries, deux groupes de bactéries B1 et B2 dominent dans les sols étudiés au contact des racines de thuya. Elles varient en nombre selon le site prospecté. Elles ont été isolées et conservées à -80°C jusqu’à leur séléction et leur utilisation comme inoculum à côté des CMA. Du fait que ces microorganismes sont considérés comme le groupe microbien « clés » dans le fonctionnement des écosystèmes terrestres, il est nécessaire de tester leurs effets sur le thuya, en particulier leur capacité à promouvoir son développement et sa croissance. En effet, pour les CMA et dans les zones dégradées, le potentiel mycorhizien des sols peut devenir restreint en terme d’efficience et de diversité fonctionnelle, ce qui ne permet plus à la communauté de champignons mycorhiziens d’assurer leur rôle vis à vis de la couverture végétale. Il est alors nécessaire de promouvoir le développement de ces symbiotes microbiens via un apport en masse de champignon et/ou de bactéries (mycorhization ou bactérisation contrôlée) ou via une gestion du peuplement résiduel par l’utilisation de vecteurs biologiques particulièrement adaptés aux conditions drastiques rencontrées dans ces régions (Ex : carences minérales, sécheresse). 81 Résultats et discussions : Partie II Partie II. Sélection des microorganismes de la rhizosphère des tétraclinaies et leur importance dans l’inoculation contrôlée du thuya I. Introduction La gestion intégrée des propriétés symbiotiques du thuya dans son aire naturelle par utilisation des ressources microbiennes indigènes, est une voie biotechnologique prometteuse. Elle consiste à rechercher les associations adéquates entre le thuya, les champignons mycorhiziens et des rhizobactéries afin de réussir les opérations de réimplantation de cette espèce. Dans le premier chapitre de cette thèse, les résultats des prospections effectuées dans les sept tetraclinaies marocaines ont montré que le thuya est une espèce qui peut établir des symbioses racinaires avec les microorganismes telluriques, et que parfois le nombre de ces entités est élevé, de même sa croissance est très dépendante de cette symbiose mycorhizienne (Abbas et Duponnois, 2005), ce qui nous a incité dans cette partie à réaliser des tests de séléction de ces microorganismes pour la suite de notre travail et constituer une banque de souches des Glomales et des bactéries. Le but final serait une amélioration de la qualité des plants de thuya, faisant appel à la mycorhization contrôlée seule ou en association avec des bactéries sélectionnées et qui pourront avoir des répercussions positives sur la régénération forestière de cette essence. II.Sélection des microorganismes rhizosphériques du thuya II.1. Sélection des CMA L’infectivité des différents isolats fongiques testés sur le trèfle (Photo 11), a montré que la totalité des échantillons de racines récoltées sont mycorhizés. Mais, la qualité de cette mycorhization est dépendante de l’isolat fongique utilisé et son origine. Dans le premier chapitre de cette thèse, deux morphotypes de CMA ont été communément rencontrés dans les différents sites étudiés. Il s’agit des espèces Glomus sp.1 et Glomus sp.2. Les pourcentages d’infection par Glomus sp.1 dépassent largement ceux de Glomus sp.2, et ce quelque soit l’origine des isolats fongiques. Egalement, pour l’espèce Glomus sp.1, les isolats originaires d’Oued Beht et de Ben Slimane se sont montrés plus fonctionnels surtout en matière d’intensité de mycorhization (M) et de production en arbuscules (A) (Tableau X). 82 Résultats et discussions : Partie II Photo 11. Inoculation du trèfle par l’isolat Glomus sp.1. Quant aux isolats appartenant à Glomus sp.2, l’infectivité racinaire reste faible. Ainsi cette espèce ne sera pas exploitée lors des essais d’inoculation du thuya en pépinière forestière. Tableau X. Effet des différents isolats du genre Glomus sur la mycorhization du trèfle F : fréquence de mycorhization ; M : intensité de mycorhization ; A : teneurs en arbuscules Sol d’origine Oued Beht Oued Cherrat Korifla Maghchouch Ben Slimane El Kantour Sidi Jaber Isolats F (%) M (%) A (%) Glomus sp.1 Glomus sp.2 Glomus sp.1 Glomus sp.2 Glomus sp.1 Glomus sp.2 Glomus sp.1 Glomus sp.2 Glomus sp.1 Glomus sp.2 Glomus sp.1 Glomus sp.2 Glomus sp.1 Glomus sp.2 82 a 45 b 75 a 23 c 62 ab 24 c 70 a 12 d 80 a 55 b 57 b 20 c 65 ab 18 d 57 a 12 d 35 b 5.5 e 35 b 10 d 28.5 c 4.5 e 52.6 a 15 d 5.5 e 2.5 e 35.5 b 4.5 e 26.5 a 14 b 18.5 b 10.5 bc 22 ab 2.5 c 12 bc 0.5 c 24 a 2.5 c 16 bc 0c 18.5 bc 0c (Les colonnes affectées de la même lettre (a-c) ne diffèrent pas de façon significative au seuil de 5 % d’après le test de Newman et Keuls) 83 Résultats et discussions : Partie II II.2. Cas des bactéries Dans le cas des bactéries, des biotests ont été réalisés, où les deux isolats B1 et B2 ont été mis en culture axénique dans 3 niveaux de concentration du PEG 9000 (0, 15 ou 30%) afin de tester leur production en IAA et en proline ainsi que leur activité antioxidante (CAT, APX, SOD). Production de l’IAA En culture axénique, la production de l’IAA a été élevée chez la bactérie B2 malgré la concentration élevée du PEG (30 %). Néanmoins, cette production a été plus importante chez B1 par rapport à B2 en absence et en faible concentration du PEG (0 et 15 %). Elle varie de 0,49 g/ml sans PEG jusqu'à 0,54 g/ml en présence de 30% du PEG. Dans le cas de B2, la production de l'IAA a été de 0,26 g/ml sans PEG jusqu'à 1,14 g/ml en sa présence à 30% (Fig. 12). Production de la proline La production de la proline chez B2 était plus élevée par rapport à celle de B1 quelle que soit la concentration du PEG dans le milieu de culture ; de 0,9 à 1,76 g/ml et de 0,49 à 1,02 g/ml respectivement. En conséquence, cette production élevée par B2 surtout en présence du PEG à 30 % est indicatrice de meilleures réponses de cet isolat bactérien au stress osmotique causé par ce produit (Figure 12). Activités antioxydantes L’activité de la CAT a été élevée chez B1 en réponse à un stress de 30 % du PEG. Elle augmente dans le milieu de 52 % quand la concentration du PEG passe de 0 à 30 %, alors que chez l’isolat B2 nous avons observé une régulation significative de 162 %. Par contre, au niveau de l’activité SOD, qui n’a pas été modifiée en réponse aux concentrations du PEG testées, aucune différence significative n’a été observée entre les deux bactéries. Quant à l'activité de l’APX, la seule différence significative a été observée dans le milieu à 30 % du PEG où B2 a augmenté cette activité de 71,5% par rapport à celle de B1 (Figure 12). 84 Résultats et discussions : Partie II d AIA (µg ml-1) 3 Proline (µg ml -1 ) 1,5 1 c bc d 2 b 0,5 1 a a c bc B2 B1 b b a 0 B1 B2 B1 0% B2 B1 15% 0 B2 B1 B2 30% B1 0% 15% B2 30% PEG 6 b ab d SO D (µmol min -1 ml -1) CAT (µmol min-1ml-1) 2 d 1 bc b b a 0 4 ab a a a 2 0 B1 B2 0% B1 B2 B1 15% B2 B1 B2 30% B1 0% B2 15% B1 B2 30% 0,9 APX (µmol min -1ml-1) c 0,6 b b b ab 0,3 a 0 B1 B2 B1 0% B2 B1 15% B2 30% PEG Figure 12. Activités biochimiques des deux bactéries B1 et B2 mises en culture axénique additionné de 0, 15 ou 30 % du PEG. (Les valeurs avec les mêmes lettres sont non significatives (p≤0,05) selon le test multiple de Ducan (n=5). 85 Résultats et discussions : Partie II III. Effet des mycorhizes à arbuscules sur la croissance et la nutrition de trois provenances de thuya III.1. Effet provenance des semences du thuya Les tests statistiques effectués sur les différents paramètres de croissance et de nutrition du thuya ont montré des effets non significatifs entre les trois provenances testées (Bir Guettara, Laachach et Ourika). Le thuya s’est comporté de la même façon quelque soit l’origine des semences utilisées. III.2. Mycorhization contrôlée en pépinière En pépinière forestière, le thuya s’est montré une espèce très réceptive aux CMA : la colonisation racinaire (F) est très importante et peut atteindre les 100% (Photo 12 et Tableau XI). Photo 12. Exemple de colonisation racinaire de T. articulata par les CMA (grossissement 40x) Cependant, les différents inocula ne présentent pas le même comportement quant aux valeurs de l’intensité de mycorhization et celles des arbuscules, principaux sites d’échange de nutriments entre les deux partenaires de la symbiose. En effet, l’inoculum d’Oued Beht (T4) s’est montré le plus efficient, par contre celui de Maghchouch (T2) présente les teneurs les plus faibles. 86 Résultats et discussions : Partie II Tableau XI. Infectivité des différents inocula. Traitements Témoin (T0) F% 0 M% 0 A% 0 Ben Slimane (T1) 100 34 39,66 Maghchouch (T2) 93 27 12,35 34 21,26 Oued Cherrat (T3) 100 Oued Beht (T4) 100 56.8 51,96 Korifla (T5) 100 34 29,55 F : fréquence de mycorhization ; M : intensité de mycorhization ; A : teneurs en arbuscules. III.3. Croissance des plants Les mesures des paramètres de croissance ont été effectuées 12 mois après inoculation par les différents complexes mycorhiziens. Les résultats obtenus sont donnés dans la figure 13. Les histogrammes montrent qu’en général, l’infection par les champignons mycorhiziens arbusculaires (CMA) produit un effet marqué sur la croissance du thuya surtout au niveau de la hauteur des parties aériennes. La meilleure stimulation a été obtenue lorsque le thuya est en association avec les isolats fongiques d’Oued Beht (T4), de ceux de Ben Slimane (T1) (Photo 13) ou encore de ceux de Korifla (T5). Le poids de la matière sèche est le critère qui donne la meilleure estimation de cette croissance. Nous observons dans ce cas que les valeurs enregistrées par T4 présentent la meilleure stimulation de la croissance en comparaison avec les autres traitements. 87 Résultats et discussions : Partie II Figure 13. Effets de l’inoculation sur la croissance des plants de thuya (Les colonnes affectées de la même lettre (a-c) ne diffèrent pas de façon significative au seuil de 5% d’après le test de Newman et Keuls). Photo 13. Comparaison entre la croissance du thuya non mycorhizé et celui inoculé par Glomus sp. d’Oued Beht et Ben Slimane 88 Résultats et discussions : Partie II III.4. Nutrition L’endomycorhization améliore dans une large gamme le pool nutritionnel du thuya (figure 14). La nutrition phosphatée est significativement élevée lorsque l’essence est inoculée par les isolats de Ben Slimane (T1) ou de Korifla (T5) en comparaison avec celle enregistrée chez les plants témoins. L’isolat d’Oued Beht (T4) améliore aussi cette nutrition, mais cette amélioration reste non significative par rapport à celle retrouvée soit, chez les plants témoins ou chez les plants inoculés par les isolats de Maghchouch (T2) ou d’Oued Cherrat (T3). Pour la nutrition azotée, il a été remarqué qu’en général, l’endomycorhization a un effet sur l’approvisionnement des plants de thuya en ce nutriment. L’isolat de BenSlimane s’est montré le plus efficace dans ce processus en permettant une augmentation en azote deux fois plus meilleure que celle rencontrée chez les plants témoins. Quant aux autres isolats, malgrè l’avantage de ceux d’Oued Beht et de Korifla, leurs effets restent non significatifs en comparaison avec ceux obervés chez les deux autres traitements fongiques (Maghchouch et Oued Cherrat). Les plants inoculés par ces deux derniers isolats ont présenté des teneurs en azote non significatives par rapport à celles enregistrées chez les plants témoins. En ce qui concerne les autres éléments nutritifs ; et plus précisement les teneurs en Potassium (K) et en Sodium (Na), l’efficacité des CMA n’a été observée que chez les plants inoculés par l’isolat d’Oued Beht pour le K et l’isolat de BenSlimane pour le Na. Egalement, pour les deux éléments, les plants inoculés par les autres traitements fongiques restent comparables à ceux du témoin. Pour la nutrition en magnésium (Mg) et en calcium (Ca), aucune amélioration par rapport aux témoins n’a été enregistrée, et ce quel que soit le traitement fongique utilisé. Il semble donc que chez le thuya, l’endomycorhization n’exerce pas la même action sur la procuration en éléments nutritifs du sol et que ce processus et intimement lié à l’origine des souches fongiques utilisées. 89 Résultats et discussions : Partie II Figure 14. Effets de la mycorhization sur la nutrition des plants (les colonnes affectées de la même lettre (a-c) ne diffèrent pas de façon significative au seuil de 5% d’après le test de Newman et Keuls). 90 Résultats et discussions : Partie II IV. Discussion Dans cette partie, nous avons étudié quelques traits physiologiques et biochimiques dans la sélection des CMA et des bactéries les plus abondants dans les sites d’étude. Ensuite, nous avons essayé d’évaluer le rôle que peuvent jouer ces microorganismes sélectionnés sur la croissance et la nutrition minérale du thuya. La constatation faite au niveau du 1er chapitre de cette thèse sur l’abondance des spores de CMA du genre Glomus dans les sites d’étude, suggère que ce type de champignon doit certainement avoir un rôle écologique dans l'écosystème tétraclinaie. Des résultats similaires de composition en espèces de CMA, pour la plupart des spores appartenant à Glomus spp., a été précédemment rapporté dans les écosystèmes arides et semi-arides (Jacobson, 1997; Stutz et al., 2000). Ces espèces pourraient être plus adaptées aux modèles de la sporulation des CMA en situation de stress environnemental (Jacobson, 1997). Les CMA sont des symbiotes obligatoires, leurs connexions avec une plante-hôte ne sont pas spécifiques, mais leurs interactions sont énormément compatibles aussi bien au niveau structural que physiologique. Cette compatibilité dépend de la plante, du champignon et des facteurs environnants (Plenchette et al., 1983 ; Koïde et Scheiner, 1992). Au niveau de nos sites d’étude, malgré la ressemblance en terme de diversité des CMA, ces derniers ont reflété une certaine divergence fonctionnelle inhérente au choix de l’isolat fongique. Les isolats OB1 et BS1, respectivement d’Oued Beht et de Ben Slimane, ont présenté les meilleurs pourcentages d’infectivité raçinaire. Traditionnellement, les CMA ont été considérés comme des microorganismes à effet fonctionnel équivalent vis-à-vis d’une plantehôte. Ces suggestions ont été fondées en grande partie sur le fait que la plupart des CMA peuvent infecter avec succès une large gamme d'espèces de plantes en conditions de monoculture. Toutefois, certaines espèces de CMA sont plus favorables à une plante-hôte qu’à d'autres, vu l’existence de facteurs d’incompatibilités génétiques et/ou physiologiques entre ces derniers et leurs hôtes (van der Heijden et al., 1998a ; Klironomos, 2003). La réaction des bactéries (en terme de production d’IAA et de proline) au stress osmotique causé par le PEG a montré que la souche B2 présente une grande tolérance à la sécheresse par rapport à B1. La production de l’IAA par B2 pourrait permettre une meilleure élongation racinaire, quant à la production de la proline, elle pourrait induire un potentiel d’ajustement osmotique cellulaire qui est très important dans le processus d’adaptation pour 91 Résultats et discussions : Partie II maintenir l’intégrité cellulaire en conditions de stress osmotiques. La teneur en proline chez B2 a été corrélée avec une régulation négative de la CAT et une augmentation de l’activité APX. En conditions de stress, la destruction efficace des ions d’oxygène (O2-) et de H2O2 requière l’action de plusieurs enzymes antioxydantes agissant en synchronie. Il est supposé que le radical hydroxyle est très réactif que sa production doit être réduite (Jacob et Heber, 1996). La toxicité d’O2- et H2O2 réside dans leur capacité à initier une cascade de réactions qui aboutit à la production de radicaux hydroxyles capables de causer des dommages oxydantifs (Bowler et al., 1992). La faible activité CAT de B2 en réponse à la concentration élevée du PEG laisse penser au rôle direct de cette enzyme dans la protection contre les dommages oxydatifs chez ces bactéries. Néanmoins, un autre mode de destruction d’H2O2 est la production des peroxydases qui se trouvent dans la cellule et qui ont une affinité beaucoup plus élevée pour H2O2 que la CAT (Jiménez et al., 1997). La souche B2 s’est montrée plus performante dans l'activité APX en réponse à 30 % du PEG. En microcosme, le thuya s’est montré très réceptif à la mycorhization contrôlée et confirme nos observations sur la dépendance de cette essence forestière aux CMA. Néanmoins, l’analyse des systèmes racinaires des plants inoculés a montré quelques inégalités quant au comportement de cette essence face aux différents isolats fongiques ; on a remarqué que, pour l’intensité de mycorhization (M) et la teneur en arbuscules (A), les CMA d’Oued Beht (T4) ont affiché les valeurs les plus élevées. Ceci est peut être lié à l’aptitude de cet isolat mycorhizogène à proliférer et s’adapter plus rapidement dans un autre milieu autre que celui d’origine. Il est en effet possible qu’une adaptation édaphique des champignons naturels présents dans les sols puisse permettre une colonisation efficace du système racinaire d’une plante (Sainz et Arines, 1988). La mycorhization en pépinière a, en général, amélioré la croissance des plants de thuya. Ceci est en accord avec les résultats observés par Diaz et Honrubia (1993a) qui ont conclu que l’inoculation par les CMA semble être bénéfique pour une meilleure croissance du thuya. Cependant, cet effet bénéfique dépend de la nature des isolats employés (Barea, 1991). Il a été remarqué que même si différentes espèces de CMA peuvent coloniser de la même manière une espèce hôte spécifique, l'efficacité symbiotique en terme de croissance peut varier considérablement (Burleigh et al., 2002 ; Smith et al., 2004). Dans notre cas, les CMA 92 Résultats et discussions : Partie II d’Oued Beht (T4), de Ben Slimane (T1) et de Korifla (T5) sont les plus efficients en matière d’amélioration de la croissance des plants. Il est établi que la symbiose endomycorhizienne déploie tous les mécanismes physiologiques et biochimiques en relation avec une bonne mobilisation du phosphate dans le sol (Smith et Gianinazzi-Pearson, 1988). L’amélioration de l’absorption du P par les plantes est expliquée par plusieurs mécanismes, entre autres, l’augmentation de la surface d’absorption racinaire de la plante grâce au réseau extra-matriciel et par conséquent, une meilleure exploitation du phosphate du sol au-delà de la zone d’épuisement de la racine (Plenchette, 1982). Les hyphes du champignon possèdent aussi des phosphatases, enzymes catalysant l’hydrolyse des liaisons organiques en libérant de l’orthophosphate, qui favorisent la libération du phosphore immobile dans le sol et permettent la minéralisation des sources organiques des phosphates (Demars et Broener, 1995). Le phosphore ainsi mobilisé est facilement absorbé et transporté à travers les hyphes aux arbuscules puis à la plante-hôte. Nous avons constaté que les sites d’échanges (arbuscules) entre les plants de thuya et les partenaires symbiotiques sont abondants dans les traitements 1, 4 et 5, avec dominance surtout des traitements 1 et 5, ce qui peut expliquer en partie les effets positifs de ces deux traitements sur la nutrition phosphatée. Les bienfaits de l’association endomycorhizienne ne sont pas limités à la seule nutrition phosphatée. Strullu (1991) signale que les CMA possèdent les équipements enzymatiques nécessaires à l’utilisation de l’ammonium et des nitrates. Azcon-Aguilar et Barea (1992) indiquent que l’association mycorhizienne peut améliorer la nutrition azotée. Cette amélioration n’est cependant pas générale chez toutes les plantes. Dans notre cas, l’analyse minérale des plants mycorhizés n’a pas montré d’augmentation significative de la nutrition azotée, à l’exception du traitement 1. Il est possible que le phénomène de dilution dû à la croissance plus rapide de la plante mycorhizée et surtout à une production de matière sèche aérienne (Guillemin et al., 1995 ; Abbas, 1998) soit à l’origine de cette non amélioration de la nutrition azotée. C’est ce que nous avons observé pour le traitement 4, où la production en matière sèche est plus importante. Le réseau extra-matriciel des champignons symbiotiques assure une bonne alimentation en eau et peut mettre à la disposition de la plante-hôte certains éléments minéraux indispensables pour son développement comme le Ca, le Mg, le Na et le K ; ce dernier joue un rôle important dans la tolérance des plantes au stress hydrique (Harley et Smith, 1983 ; 93 Résultats et discussions : Partie II Meddich et al., 2000). Les seuls effets de la mycorhization des plants de thuya en matière d’absorption de ces éléments ont été décelés pour les traitements 1 et 4 respectivement pour le K et le Na. Ceci pourrait avoir une liaison avec la source des isolats fongiques et leur comportement écophysiologique dans leur milieu d’origine. Nos résultats confirment l’importance des symbioses mycorhiziennes arbusculaires dans l’amélioration de la croissance et de la nutrition, au moins phosphatée, du thuya à l’échelle de la pépinière. Cependant, cette stimulation reste dépendante du type d’isolats fongiques utilisés comme inoculum et semble être indifférente de l’origine de l’espèce-hôte (provenance). 94 Résultats et discussions : Partie III PARTIE III. EFFET DE QUELQUES PLANTES ARBUSTIVES DES TETRACLINAIES SUR LA CROISSANCE ET LA NUTRITION DU THUYA I. Introduction Dans les milieux méditerranéens, la régénération de plusieurs espèces ligneuses et arbustes suit un modèle spatial associé à la présence d’autres espèces de plantes (Herrera et al., 1994 ; Garcia et al., 2000 ; Gomez et al., 2001), ce qui suggère l’existence d’un équilibre positif au niveau des interactions plante-plante (Zamora et al., 2004). En effet, de nombreuses expérimentations sur le terrain ont montré que les espèces pionnières ont généralement un effet positif sur la survie et la croissance d’arbres juvéniles, à la fois dans les montagnes méditerranéennes (Castro et al., 2004 ; Gomez-Aparicio et al., 2004), comme en habitats semi-arides (Maestre et al., 2001 ; Gasque et Garcia-Fayos, 2004). Azcón et Barea (1997) ont rapporté que c’est la coévolution de ces associations avec les CMA qui permet aux espèces de plantes indigènes de se développer avec succès dans des environnements pauvres en éléments nutritifs et limités en ressources hydriques. Si cela est réel, les populations de CMA doivent rester diversifiées pour satisfaire une demande écologique de plus en plus ambigüe. Or, le principal facteur de la distribution de ces CMA dans le sol est la végétation (Abbott et Robson, 1991), en particulier dans les écosystèmes semi-arides où le couvert végétal est rare et les plantes-hôtes présentent des variations saisonnières de croissance et de développement afin de surmonter des étés longs et chauds et des précipitations imprévisibles (Jeffries et al., 2002). Dans les écosystèmes méditerranéens dégradés, la végétation est sous forme de touffes de plantes herbacées et arbustives ayant une distribution discontinue et aléatoire. La plupart des espèces arbustives ont une vocation endomycorhizienne (Azcón et Barea, 1997 ; AzconAguilar et al., 2003 ; Ouahmane, 2007). Dans ces milieux, les plantes arbustives jouent un rôle important dans le maintien du sol et dans sa fertilité chimique et biologique, et y constituent de ce fait, des îlots de fertilité (Garner et Steinberger, 1989 ; Reynolds et al., 1990). Cependant, ces plantes se développant en conditions naturelles diffèrent dans leur capacité à enrichir le sol par les propagules mycorhiziennes et l’efficacité des CMA natifs dépend de l’espèce hôte (Azcón-Aguilar et al., 2003; Caravaca et al., 2005). Des recherches récentes effectuées par Ouahmane et al. (2006b) ont montré que la croissance et la 95 Résultats et discussions : Partie III colonisation mycorhizienne de Cupressus arizonica et de Lavandula multifida étaient plus élevées et de meilleure qualité lorsque les deux espèces ont été cultivées ensemble. Au niveau des tétraclinaies, de nombreuses espèces d'arbustes observées dans l'aire de répartition naturelle du thuya comme : Pistacia lentiscus, P. atlantica, Olea oleaster, Withania frutescens, Lavandula multifida…, pourraient constituer une source de microorganismes bénéfiques et systématiquement impliqués dans la régénération naturelle de cette essence forestière. C’est dans cette optique que nous aborderons au niveau de ce chapitre l’évaluation du potentiel mycorhizien de quelques espèces de cette strate arbustive et comparer l’impact sur la croissance et la nutrition des jeunes plants de thuya. II. Statut mycorhizien des espèces arbustives associées au thuya II.1. Mycorhization naturelle L’examen raçinaire des plantes matures les plus fréquentes au niveau de la tétraclinaie d’Oued Beht (L. multifida, W. frutescens, P. atlantica et O. oleaster) a montré que toutes les racines sont naturellement mycorhizées. La fréquence de cette colonisation est élevée mais ne varie pas significativement entre les différentes espèces cibles. Dans tous les cas, des structures mycorhiziennes typiques ont été observées (hyphes colloïdales, arbuscules et vésicules). Par contre en terme d’intensité mycorhizienne (M), L. multifida a présenté des capacités d’infections par les CMA plus importantes par rapport aux autres espèces (Tableau XII). Quant au pourcentage en arbuscules (A), les taux observés chez L. multifida et P. atlantica sont supérieurs à ceux enregistrés chez O. oleaster et W. frutescens. Tableau XII. Evaluation des paramètres de la mycorhization naturelle des différentes plantes cibles à Oued Beht (F: colonisation par les CMA; M: Intensité de mycorhization ; A: Arbuscules) Espèces F (%) M (%) A (%) L. multifida 100 a 36,22 a 33,85 a P. atlantica 93,89 ab 17,87 c 35,72 a O. oleaster 98,55 ab 31,44 ab 22,05 b W. frutescens 93,85 ab 31,82 ab 21,04 b Les données de la même colonne suivies de la même lettre sont non significatives selon l’analyse de la variance à un seul facteur (p< 0.05). 96 Résultats et discussions : Partie III II.2. Populations de spores de CMA Le nombre total de spores rencontrées au niveau de la rhizosphère de la lavande et de l’oléastre est élevé par rapport à celui des autres espèces et dans le sol hors couverture végétale (Photo 14). Cependant, les analyses statistiques ont montré que seuls les nombres de spores isolées sous L. multifida étaient les plus significatifs (Figure 15). Trois genres de spores ont été observés ; il s’agit de Glomus, Scutellospora et Acaulospora. Le genre Glomus a été toujours dominant avec au moins 3 morphotypes présentant une grande ressemblance avec ceux déjà observés dans le chapitre 1 de cette thèse. Le genre Scutellospora a été beaucoup plus rencontré dans les sols sous L. multifida. Quant au genre Acaulospora, il n’a été observé que très rarement dans les sols prospectés, leur nombre ne dépasse pas deux spores. Photo 14. Exemple de diversité sporale des CMA isolés à partir des sols de tétraclinaie (grossissement 10x) 97 Résultats et discussions : Partie III Figure 15. Abondance des spores de CMA au niveau du sol hors couvert végétal et celui de la rhizosphère de L. multifida, P. atlantica, O. oleaster, W. frutescens (Les données suivies de la même lettre sont non significatives selon l’analyse de la variance à un seul facteur (p< 0.05)). II.3. Potentiel Mycorhizogène du sol Le nombre de propagules mycorhiziennes dans les sols des 4 plantes cibles a été très élevé par rapport à celui dans le sol hors couvert végétal. Le nombre le plus probable par 100 g de sol sec varie de 11,84 (5,6 – 25,4) dans le sol témoin jusqu’à 228,5 (107,88 – 494,17) évalué sous L. multifida (Tableau XIII). Cela montre clairement l’importance de la couverture végétale dans la procuration des sols en propagules mycorhiziennes. Tableau XIII. Estimation des Potentiels Mycorhizogènes Indigènes des sols par la méthode du nombre le plus probable (MPN) Rhizosphères Sol nu Propagules de CMA par 100g de sol (95% de limite de confiance) 11,84 (5,6 – 25,4) L. multifida 228,5 (107,88 – 494,17) P. atlantica 114,56 (53,89-246,88) O. oleaster 96,51 (45,39-207,92) 32,7 (15,36-70,35) W. frutescens 98 Résultats et discussions : Partie III II.4. Croissance et nutrition du thuya se développant dans le sol rhizosphèrique des espèces cibles II.4.1. Quantification mycorhizienne Le tableau XIV montre que l’intensité mycotrophique des espèces cibles diffère d’une plante à une autre. La colonisation raçinaire par les CMA est significativement élevée chez le thuya se développant sur le sol récolté sous L. multifida. Pour les structures mycorhiziennes comme les arbuscules, le taux a été significativement élevé en comparaison avec les autres sols. Ceci pourrait avoir une liaison directe avec l’efficacité fonctionnelle de souches de CMA existantes sous L. multifida. Tableau XIV. Quantification de l’extension mycorhizienne du thuya en culture sur des substrats rhizosphériques des différentes plantes cibles et sur le sol nu. Colonisation Intensité de Arbuscules raçinaire (F %) mycorhization (M%) (%) Sol nu 43,03 c 0,92 c 0b L. multifida 81,82 a 26,52 a 56,58 a P. atlantica 57,41 b 2,52 c 2,82 b O. oleaster 41,57 c 4,8 c 0,17 b W. frutescens 78,18 a 11,57 b 0b Substrat de culture (Les valeurs suivies de la même lettre sont non significatives selon l’analyse de la variance à un seul facteur (p< 0.05)). II.4.2. Croissance et nutrition des plantules de thuya Après 9 mois de culture, la croissance en hauteur des plants de thuya, mis en culture sur les sols récoltés sous les différentes plantes cibles, a été significativement améliorée par rapport à celle des plants en culture sur sol nu. Cependant, cet effet n’a pas été le même pour le diamètre au collet et la biomasse aérienne où seul le sol sous L. multifida a été le plus bénéfique pour les plants de thuya (Tableau XV). En effet, le sol sous lavande a permis aux plants de thuya d’acquérir un taux d’amélioration en diamètre basal de 174 % et en biomasse aérienne de 809 % en comparaison avec le sol nu. 99 Résultats et discussions : Partie III Pour les paramètres de nutrition, le sol récolté sous L. multifida a permis une augmentation significative des teneurs en azote et un meilleur ratio C : N. Egalement, la nutrition phosphatée et celle du potassium ont été significativement élevées chez les plants de thuya mis en culture sur sol de la lavande. Il parait que le sol sous L. multifida est incontestablement la meilleure source d’inoculum qui a permis un bon développement et une meilleure fixation des nutriments par le thuya. Le K qui est l’un des éléments le plus important dans l’équilibre hydrique chez les plantes a été mieux fixé chez les plants de thuya sur sol de la lavande en comparaison avec les plants se développant sur les autres sols. Tableau XV. Evaluation de la croissance et de la nutrition et des jeunes plants de thuya se développant pendant 9 mois sur les sols rhizosphériques des différentes plantes cibles et sur sol nu. Sol nu L. multifida P. atlantica O. oleaster W. frutescens Hauteur (cm) 6,67 b 16,33 a 12,67 a 13,5 a 13,45 a Diameter au collet (cm) 1,25 b 3,43 a 1,89 b 2,00 b 2,11 b Biom. aérienne (mg de poids frais) 0,33 c 3,00 a 1,12 abc 1,73 abc 1,07 bc N (%) 1,99 d 2,49 a 2,25 c 2,15 c 2,11 c C/N 22,5 c 17,8 a 19,1 d 20 bc 21,2 ab P (mg Kg-1) 1390 c 1517,5 a 1352 bc 1390 bc 1300 c -1 1045 b 1200 a 1054 b 980 b 990 b K (mg Kg ) (Les valeurs suivies de la même lettre de la même ligne sont non significatives selon l’analyse de la variance à un seul facteur (p< 0,05)). III. Discussion Cette étude a été réalisée afin d'évaluer le rôle de la strate arbustive des tétraclinaies dans l'amélioration de la qualité des sols et les possibilités d’offrir aux plants de thuya les meilleures conditions de régénération dans des sols généralement carencés en eau et en éléments nutritifs. En se basant sur les études menées dans les régions méditerranéennes, le Potentiel Mycorhizien Indigène des sols devient de plus en plus sollicité comme paramètre à évaluer avant toute opération d’inoculation des espèces d’arbres ou d’arbustes se développant dans ces milieux. Caravaca et al. (2003b) ont noté que les CMA autochtones peuvent être considérés comme un outil d’inoculation préférentielle pour garantir le ré-établissement des espèces d’arbustes natives dans les sols dégradés des zones semi-arides. Gasque et GarcíaFayos (2004) ont montré par exemple, que Stipa tenacissima est une plante nourricière qui 100 Résultats et discussions : Partie III s’oppose aux flux de circulation de l’eau et des sédiments en pente, ce qui se traduit par une amélioration des habitats pour la mise en place de Pinus halepensis. Dans notre étude, l’examen des racines récoltées chez les différentes plantes cibles (W. frutescens, L. multifida, P. atlantica et O. oleaster) a montré qu’elles sont densément endomycorhizées par des CMA. Ces résultats sont en accord partiel avec d'autres recherches réalisées dans les régions méditerranéennes (Requena et al., 1996, 1997). Cependant, dans notre cas, si la fréquence de colonisation par les CMA a été élevée chez les 4 éspèces récoltées, l’efficacité de cette endomycorhization n’a pas été identique. L. multifida a présenté des intensités mycorhiziennes très elevées. Egalement, en terme d’arbuscules, L. multifida et P. atlantica semblent être plus réceptives à la mise en place des structures mycorhiziennes par rapport aux deux autres espèces O. oleaster et W. frutescens. Il parait qu’en milieu naturel, le thuya, surtout en stade jeune, peut profiter de la présence de ces deux espèces pour établir des relations symbiotiques efficaces avec les communautés de CMA que peuvent lui offrir. Cette efficacité mycorhizienne n’est que le résultat de l’expression des souches endomycorhiziennes qui existent dans un sol. De ce fait, les effets de ces souches restent variables et agissent sur la performance et la fixation des nutriments par les plantes (Allen et al., 1995; Jeffries and Barea, 2001). La quantification et l’abondance des spores dans la rhizosphère des plantes cibles ont montré encore une fois que les tétraclinaies sont des écosystèmes très riches en spores de CMA. Le genre Glomus domine dans ces écosystèmes, ce qui rejoigne la suggestion faite par Stutz et al. (2000) que ce genre contient des isolats adaptés aux fluctuations des conditions environnementales. Cependant, la distribution et l'abondance relative des spores de CMA varient selon la nature de l’espèce cible. Elles sont significativement élevées dans la rhizosphère de la lavande et de l’oléastre par rapport aux autres sols. En effet, la sporulation des champignons peut dépendre des communautés de CMA, de la plante-hôte, des caractéristiques du sol et des conditions climatiques (Sieverding, 1991). Les analyses statistiques ont montré que seuls les nombres de spores isolées sous L. multifida étaient les plus significatifs. L’analyse de la diversité sporale des CMA a montré des espèces du genre Glomus, Scutellospora et Acaulospora. Cette diversité reste faible et pourrait avoir des répercussions négatives sur la durabilité de l’écosystème tétraclinaie. En conséquence, le succès de revégétalisation dans ce milieu deviendra très contrarié et on peut assister à long terme à l’installation du phénomène de desertification. Mais ce scénario peut être inversé en augmentant le potentiel infectieux mycorhizogène des sols des tétraclinaies par une meilleure gestion de leur strate arbustive. Il a été remarqué que la désertification réduit le 101 Résultats et discussions : Partie III potentiel d'inoculum en microorganismes symbiotiques considéré comme élément clé dans le cycle des éléments nutritifs des plantes, et donc dans le maintien de la couverture végétale au niveau des habitats naturels (Jeffries et Barea, 2000). L’énumération des propagules infectives des CMA a montré que les quatre plantes cibles diffèrent dans leur capacité à enrichir le sol en propagules mycorhiziennes. L. multifida a été la plante la plus efficace à procurer au sol des tétraclinaies un grand nombre de ces propagules. Par ailleurs, des travaux antérieurs décrivent que de nombreuses plantes de la zone méditerranéenne forment des mycorhizes à arbuscules et elles ont été classées comme dépendantes ou très dépendantes aux mycorhizes (Azcón et Barea, 1997 ; Brundrett, 1991 ; Caravaca et al., 2003a et 2003b ; Ferrol et al., 2004 ; Habte et Manjunath, 1991). En outre, les CMA peuvent stimuler, à court terme, la croissance des espèces arbustives autochtones, qui à leur tour créent un environnement plus favorable pour la durabilité de l’écosystème (Caravaca et al., 2003b). C'est pourquoi, les espèces végétales autochtones sont largement utilisées dans la récupération des sols dégradés dans les zones méditerranéennes semi-arides (Caravaca et al., 2002). La croissance en hauteur du thuya sur les différents sols d’étude a été significativement plus élevée par rapport à celle sur sol hors couvert végétal. Les mêmes résultats ont été observés en serre par Ouahmane et al. (2006a) où la croissance des plantules de Cupressus atlantica était significativement plus élevée sur les sols de C. atlantica et de quelques arbustes que sur les sols hors couvert végétal. D'autres études sur Lavandula multifida et Cupressus arizona confirment ces résultats et soulignent le rôle des plantes de lavandes comme source de fertilité dans le processus de régénération des arbres forestiers tels que Cupressus spp. (Ouahmane et al., 2006b). Par ailleurs, l'absorption de l'azote était significativement stimulée lorsque le thuya est en culture sur les sols des différentes plantes cibles. C’est un avantage des CMA dans l’acquisition d’un élément essentiel pour la nutrition des plantes comme il a été constaté dans plusieurs études (Tobar et al., 1994a et b ; Azcón et Barea, 1997), surtout que les sols des tétraclinaies marocaines sont généralement pauvres en ce nutriment. L. multifida a montré les meilleurs pourcentages de cette amélioration. Ce qui nous laisse supposer l’implication d’autres microorganismes (bactéries par exemple), autres que les CMA, dans l’acquisition de l’N. 102 Résultats et discussions : Partie III En ce qui concerne l’absorption en P et en K, nous n’avons remarqué un effet significativement élevée que chez les plants de thuya mis en culture sur sol de la lavande en comparaison avec les teneurs en ces éléments chez les plants de thuya se développant sur les autres sols. L’amélioration de la nutrition phosphatée dans les sols de la lavande est générée par une bonne exploitation du P du sol par les CMA. Malgré la faible diversité en CMA au niveau des sols étudiés, il se peut que la qualité fonctionnelle des communautés de spores présentes sous lavande fût importante. Ceci n’est pas en accord avec le stravaux de van der Heijden et al. (1998b) dans lesquels ils ont remarqué que l’augmentation de la diversité des CMA permet une augmentation de la teneur en P dans les plantes et qu’en conséquence on assiste à une efficacité d’exploitation du P de sol. Or, les CMA s’y trouvent sous forme de spores, d’hyphes ou de morceaux de racines infectées. Toutes ces propagules peuvent être une source d'inoculum (Duponnois et al., 2001). Dans notre cas, il se peut que le réseau mycélien soit la principale source de cet inoculum comme ce qui a été observé dans les écosystèmes arides et semi-arides (Brundrett et Kendrick, 1991; Ouahmane et al., 2006a). Ce réseau, malgré qu’il ait permis une importante production d’arbuscules chez le thuya en culture sur le sol de la lavande, n’a pas affecté significativement sa croissance ou sa nutrition en comparaison avec le sol originaire du thuya, à l’exception des concentrations en K. Ce nutriment est l'un des plus importants solutés inorganiques qui joue un rôle essentiel dans l’équilibre hydrique chez les plantes, l'extension cellulaire et le transport de solutés dans le xylème (Porras-Soriano et al., 2009). Ainsi, sous les conditions de stress hydrique, l’amélioration indirecte des concentrations en K par la lavande pourrait être bénéfique pour le thuya afin de maintenir un niveau élevé en teneur hydrique dans ses tissus même en conditions de stress osmotique. Les résultats de ces études soulignent l’importance des communautés de CMA retrouvées au niveau des sols sous la lavande comme source d’inoculum pour les plants de thuya. De point de vue nutrition ou adaptation aux conditions de stress hydrique, comme c’est le cas de plusieurs régions semi-arides et arides au Maroc, L. multifida parait être une plante modèle capable de promouvoir les sols des tétraclinaies en propagules effectives de CMA, ce qui pourrait être considérée comme un atout supplémentaire dans les programmes de régénération du thuya. 103 Résultats et discussions : Partie IV PARTIE IV. EFFET DE LA MYCORHIZATION SUR LA REUSSITE DES OPERATIONS DE REBOISEMENT PAR LE THUYA I. Introduction Cette partie a été consacrée aux différents essais de plantation du thuya au champ. Il est intéréssant de capitaliser sur les acquis des recherches effectuées auparavant sur la séléction des microorganismes, l’inoculation contrôlée et la gestion du potentiel infectieux mycorhizogène pour réussir les opérations de revégétalisation par le thuya. Duponnois et al., (2011) ont proposé, dans le cadre de la gestion des ressources microbiennes des sols dégradés, deux approches pour améliorer la croissance des plantes : (i) un apport en masse d’une souche mycorhizienne préalablement sélectionnée pour un caractère donné (mycorhization contrôlée) ou (ii) une gestion du potentiel mycorhizien par des plantes hautement mycotrophes (ou plantes facilitatrices). Dans notre cas, ces deux approches ont été testées, en introduisant aussi la composante bactérienne, afin de valoriser l’effet de la mycorhization contrôlée et/ou celui des rhizobactéries sur la croissance et la survie des plants de thuya mis en terre. II. Essais de réimplantation du thuya II.1. Essai à Khémisset Après une année de plantation, nous avons remarqué un bon comportement des plants de thuya inoculés par les différents isolats fongiques par rapport à ceux non inoculés. La croissance en hauteur des jeunes plantules mycorhizées a été significativement plus élevée en comparaison avec celle des plants témoins. L’isolat de BenSlimane a amélioré d’environ 30 % la croissance aérienne des plants, mais cette amélioration reste non significative en comparaison avec celle enregistrée par les autres isolats fongiques (OB et SJ) (Fig. 16). Quant au diamètre au collet, les isolats de BS et SJ ont été les plus efficaces en présentant des valeurs significativement élevées par rapport au témoin. Dans cet essai, l’inoculation par les différents isolats fongiques n’a pas eu d’effet sur la survie des plants. Les taux de mortalité n’ont pas pas excédé les 5 % et ce, quelque soit le traitement appliqué. 104 Résultats et discussions : Partie IV Figure 16. Hauteur et diamètre au collet des plants de thuya une année après plantation II.2. Essais à Ben Slimane II.2.1. Effet de l’inoculation contrôlée sur la croissance et la survie des plants Lors de cet essai expérimental, nous avons remarqué que le thuya inoculé par les différentes souches de microorganismes présente un grand avantage par rapport à celui non inoculé (Figure 17). La croissance lente des plants pendant les premières années est un caractère observé chez les résineux et qui peut être, dans ce cas, exacerbé par le choc de transplantation. Néanmoins, à partir de la troisième année, cette croissance a repris d’une façon exponentielle surtout chez les plants de thuya inoculés, exprimant ainsi une bonne acclimatation des microorganismes à cet habitat. 105 Résultats et discussions : Partie IV Figure 17. Croissance aérienne des jeunes plants de thuya en fonction du temps De point de vue association, il est évident que les microorganismes que ça soit mycorhiziens ou bactériens jouaient un rôle prépondérant dans la croissance, le développement et la survie des plants de thuya. En effet, après trois ans de plantation, l’inoculation du thuya par les différents inocula améliore significativement sa croissance en hauteur. Le meilleur résultat a été observé pour le cas du thuya inoculé à la fois par les CMA et les B2, où la hauteur des plants a été stimulée environ 3 fois par rapport à celle des plants non inoculés. Par contre pour le diamètre au collet, les CMA, seuls ou en association avec les B2, ont été significativement les plus efficaces (fig. 18). Figure 18. Hauteur et diamètre au collet du thuya inoculé ou non après 3 ans de plantation (T : témoin ; CMA : Complexe de champignons mycorhiziens arbusculaires sélectionnés ; B2 : Bactérie sélectionnée) 106 Résultats et discussions : Partie IV L’effet de cette association a été aussi marqué par un taux de mortalité réduit d’environ 50 % lorsque les plants ont été inoculés à la fois par les CMA et B2 (Fig. 19). Ce qui a permis aux plants de thuya d’acquérir un avantage à la sortie de la pépinière et par suite supporter le choc de transplantation et faire face au stress environnemental occasionné au niveau du site de plantation, caractérisé par un climat semi-aride et un substratum schisteux dénudé de toute végétation. Figure 19. Cumul des taux de mortalité au champ observés chez le thuya II.2.2. Effet de la lavande sur la croissance du thuya au champ Cette expérimentation n’a pas été achevée à cause du problème de paturage dans cette zone. Tout de même, nous avons pu relever quelques mesures sur la croissance du thuya durant les premiers mois de mise en terre de l’espèce. Les résultats ont montré que la présence de la lavande à proximité de jeunes plants de thuya stimule la croissance de ces derniers (Fig. 20). On a pu enregistrer en deux mois un gain de 15,7 % et 10,15 %, respectivement pour la croissance en hauteur et en diamètre au collet des plants lorsque le thuya est plantée au voisinage de la lavande. 107 Résultats et discussions : Partie IV Figure 20. Croissance du thuya en présence ou en absence de la lavande (C : témoin, T/L : thuya planté à coté de la lavande) III. Discussion La déforestation est un phénomène général consécutif d’un développement non maîtrisé des sociétés modernes. Elle est liée directement aux effets anthropiques aggravés par les aléas environnementaux. En réponse aux nouvelles attentes de la société, chaque pays adopte des stratégies fortement dépendantes des conditions régnantes. Dans le cas de la région méditerranéenne, sujette à des climats semi-arides à arides, les écosystèmes forestiers, par leur fragilité, deviennent de plus en plus sensibles à la dégradation et tous les dysfonctionnements environnementaux ne font qu’augmenter ce phénomène. Ceci se répercute négativement, entre autre, sur les propriétés physicochimiques et biologiques du sol (Barea et al., 1996 ; Carrillo-García et al., 1999 ; Requena et al., 1996 ; Requena, 1997 ; Warren et al., 1996). En conséquence, toutes les opérations de régénération des écosystèmes forestiers deviennent complexes et doivent inclure non seulement la substitution par des espèces végétales adaptées, mais aussi l’introduction de la composante microbienne comme clé dans la fonctionnalité de ces écosystèmes. La symbiose mycorhizienne est un élément clé pour aider l’établissement des plantes sur sols dégradés. Dans les écosystèmes méditerranéens, la réimplantation des espèces végétales indigènes et tolérantes à la sécheresse a été proposée pour accélérer les successions naturelles et ré-établir le couvert végétal fonctionnel constitué d’espèces arbustives (Francis et Thornes, 1990 ; Herrera et al, 1993). 108 Résultats et discussions : Partie IV Dans l’éssai expérimental qui a été mené à Khémisset, nous avons remarqué que, la mycorhization contrôlée en pépinière forestière par des souches sélectionnées, améliore significativement la croissance des plants de thuya sur le terrain en comparaison avec celle des témoins. Pour le diamètre au collet, cette amélioration reste dépendante de l’isolat fongique utilisé. Mais l’effet mycorhization n’a pas été décelé quant à la survie des plants. Ce comportement peut être du au temps d’adaptation des isolats fongiques sélectionnés avec les nouvelles conditions du milieu et surtout leur entrée en compétition avec les propagules mycorhiziennes indigènes. En effet, deux facteurs déterminent l’efficacité de la mycorhization contrôlée : la fertilité chimique et le potentiel mycorhizien du sol de la zone à reboiser. Or, dans notre cas, la fertilité du sol où la plantation a été réalisée est très faible (carence en phosphore et en azote), ce qui laisse supposer que l’effet de l’apport artificiel de champignon mycorhizien a été freiné par une microflore compétitive au niveau du site expérimental. Au niveau des deux autres essais de plantation (à BenSlimane), l’effet de l’inoculation du thuya par les CMA et / ou les bactéries indigènes sur son comportement a été significatif. La croissance, le développement et la survie des plants ont été nettement améliorés. Ce résultat montre que la symbiose mycorhizienne à côté de l’association bactérienne permet une meilleure utilisation des réserves hydriques du sol. Cet effet bénéfique resulte d’une part de l’utilisation de souches rhizobactériennes adaptées au stress hydrique, et d’autre part du fait que les plants mycorhizés ont une meilleure croissance racinaire, qui, en association avec le mycelium extramatriciel, leur permet de prospecter un volume plus large de sol (Fitter, 1985 ; Koide, 1993). Ce processus symbiotique permet également aux jeunes plants de thuya une qualité et une résistance meilleures aux aléas environnementaux. Ils ont permis une réduction du taux de mortalité de 50 %, ce qui constitue une réussite pour la plantation. Duponnois et al. (2005) ont montré que, plus les plants inoculés sont robustes par rapport à ceux non-inoculés, plus ils pourraient survivre en montrant une grande capacité de résistance aux conditions environnementales. Le transfert au champ de plants de thuya inoculés par des souches symbiotiques performantes et bien adaptées au milieu est donc un élément clé dans la réussite des programmes de régénération de cette essence forestière. Dans des essais de plantations, plusieurs auteurs ont obtenu des améliorations importantes des taux de reprise, dans des milieux très défavorables, de nombreuses espèces forestières comme le châtaignier (Strullu et al., 1986), le chêne (Boutekrabt et al., 1990), le pin et le noisetier (Strullu et Plenchette, 1991). L’apport de symbiotes fongiques améliore l’assimilation de l’eau et des éléments nutritifs par les plants et contribue, en conséquence, à une amélioration de leur taux de reprise 109 Résultats et discussions : Partie IV surtout durant les premiers mois suivant leur mise en place dans les conditions naturelles (Nouaim, 1994). Il a été remarqué que la distribution végétale, observée en milieu méditérannéen, crée généralement des îlots de fertilité (Garner et Steinberger, 1989), ou «îlots de ressources» (Schlesinger et al., 1996). Par conséquent, avant de lancer un programme de revégétalisation, il est nécessaire d'étudier le couvert végétal existant et son association avec les propagules mycorhiziennes (Requena et al., 1996). La lavande est une de ces plantes particulièrement adaptées aux conditions de stress rencontrées dans ces régions. Sa présence dans les sites de régénération du thuya peut apporter une valeur ajoutée à la reconstitution des tétraclinaies en défiant les contraintes édaphoclimatiques du milieu. Dans notre cas, elle a été utilisée comme plante facilitatrice afin de favoriser le développement du thuya dans le site de plantation. Les quelques mesures qui ont été relevées sur le terrain ont pu montrer que la présence de la lavande à un effet positif sur la croissance des plants de thuya. Récement, Sanguin et al., (2013) ont pu montrer que la présence de la lavande à proximité des jeunes plants de cyprès stimulait sa croissance. Duponnois et al., (2011) ont constaté que les espèces lavandes favorisaient aussi le fonctionnement du sol. Les mêmes auteurs stipulent que ces arbustes pourraient constituer des vecteurs de propagation de symbiotes fongiques dans le sol et assurer un maintien durable de la productivité et de la stabilité de la plantation. Dans d’autres travaux, il a été remarqué que les plantes nurses sont impliquées aussi dans la régénération naturelle des espèces. C’est le cas dans les montagnes d’Oman où la germination de jeunes plants de Juniperus excelsia était assujetie à la présence d’une plante nurse (Fisher et Gardner, 1995). 110 Conclusion generale et recommandations CONCLUSION GENERALE ET RECOMMANDATIONS 111 Conclusion generale et recommandations Cette étude a été consacrée à l’exploration des associations reliant le thuya aux microorganismes télluriques et aux plantes du sous bois, en tenant compte de leur diversité naturelle et leur impact sur la croissance et la nutrition de cette essence forestière à intérêt économique important. Les résultats sur le statut mycorhizien du thuya permettent de retenir, qu’en milieu naturel, la mycorhization est une réalité écologique. Tous les fragments de racines analysés sont densement endomycorhizés et le « Paris type » est la seule structure observée. La colonisation par les CMA peut atteindre les 100 %. Egalement, l’inventaire et l’abondance sporale permettent de conclure que les rhizosphères des tétraclinaies sont peuplées par des communautés de CMA communes, dominées par le genre Glomus. Deux groupes ont été prépondérants Glomus sp.1 et Glomus sp.2. Leur sélection a permis de mettre en valeur l’importance des spores de type Glomus sp.1 dans la croissance et la nutrition des plants de thuya en pépinière forestière. Mais cette efficacité est aussi très dépendante de l’origine des souches car l’adaptation des isolats fongiques aux conditions édaphiques du site où ils ont été récoltés pourrait avoir un effet de résilience d’une espèce par rapport à une autre. L'utilisation d’un inoculum complet en tenant compte non seulement des symbiotes mycorhiziens, mais aussi des groupes microbiens rhizosphèriques appropriées appelés inoculants de deuxième génération (Barea et al., 1996 ; Barea, 1997), peut être une alternative biotechnologique et économique avantageuse dans les opérations de régénération des essences forestières. Il a été montré que la majorité des Rhizobactéries Promotrices de la Croissance des Plantes (PGPR) augmentent positivement la colonisation mycorhizienne (Marulanda et al., 2003). C’est pour cela que dans notre étude, on a isolé et testé sur le plan physiologique et biochimique, la réponse de deux bactéries (B1 et B2), largement rencontrées dans les sites d’étude, face à la contrainte hydrique. Nos résultats ont montré qu’en situation de stress hydrique générée par le PEG, la teneur en proline chez B2 a été corrélée avec une régulation négative de la CAT et une augmentation de l’activité APX, ce qui rend cette espèce (B2) plus tolérante à la sécheresse et pourrait constituer un atout supplémentaire pour une inoculation bipartite du thuya avec B2 et les CMA sélectionnés. L’exploitation du potentiel mycorhizogène des espèces cibles dans cette étude (Withania frutescens, Lavandula multifida, Pistacia atlantica et Olea europea) a été une autre alternative dans le processus de régénération du thuya. En effet, il est possible de procéder à une bonne gestion des communautés de microorganismes autochtones afin de dynamiser les 112 Conclusion generale et recommandations processus microbiens telluriques impliqués dans le fonctionnement biologique du sol et d’assurer un niveau de fertilité adéquat pour un développement durable des tétraclinaies marocaines. Cette gestion reste dépendante des espèces végétales impliquées dans ce dynamisme forestier. L. multifida s’est montrée la plus effective en procurant au sol un grand nombre de propagules mycorhiziennes infectives et efficaces. Ce résultat nous a amené à vérifier l’hypothèse suivante : "la lavande, comme plante associée au thuya, peut-elle jouer le rôle de facilitateur et être une espèce modèle pour la création d'inoculum au sens large et compléter la diversité des CMA au niveau des tétraclinaies ?". Grâce à l’outil de la biologie moléculaire, la réponse à cette question nous a été délivrée en comparant au niveau du système racinaire, les communautés de spores de CMA effectivement en symbiose avec la lavande et avec le thuya. En se basant sur l’analyse phylogénétique, 13 morphotypes de CMA ont été observés dans les racines des deux plantes cibles. L’arbre phylogénétique a montré que toutes les séquences des CMA recueillies à partir des racines de T. articulata et L. multifida, seuls ou en association, appartiennent à deux familles, Glomeraceae et Gigasporaceae. En outre, le niveau de diversité (indice de Shannon) a été très élevé chez le thuya par rapport à la lavande, dû probablement à la différence d’âge et à la nature des espèces. Mais de nombreuses espèces de CMA ont été partagées entre les deux plantes cibles indiquant une affinité similaire pour certains champignons mycorhiziens. L’impact de la lavande sur le Potentiel Infectieux Mycorhizogène du sol et la similarité en communautés de CMA avec le thuya laissent supposer que leur coexistence ne peut être que bénéfique pour garantir le succès de régénération du T. articulata en milieux dégradés. L’ensemble de ces résultats montre que la symbiose mycorhizienne faisant intervenir des champignons des familles des Glomaceae et des Gigasporacea, constitue un élément clé dans la réussite des programmes de régénération du thuya. Mais il est important de distinguer entre la spécificité de ces CMA en infectivité et en efficacité. La mycorhization contrôlée repose sur le choix des souches (mycorhiziennes et/ou bactériennes) performantes et compétitives vis-à-vis de la microflore native du site à régénérer. Avec ce procédé, l’essai qui a été mené dans la région de BenSlimane a montré qu’il est possible de réussir la régénération du thuya, même sur des sols dénudés de toute végétation et enregistrant des pluviométries faibles (Photo 15). 113 Conclusion generale et recommandations Photo 15. Plantation du thuya effectuée à Slalma dans la région de BenSlimane Le rôle de la lavande en tant qu’espèce pionnière pourrait facilement créer des ilots de fertilité en stimulant le développement des communautés de CMA et en constituant des milieux favorables à la croissance du thuya dans le cadre de sa plantation artificielle. Les implications pratiques des connaissances que nous avons évoquées doivent s’envisager sur un réajustement des techniques de production des plants de qualité en pépinières forestières en prenant en compte les exigences du milieu à régénérer. Sachant qu’il s’agit d’un choix, à la fois écologique et économique durable, nos gestionnaires forestiers devraient s’approprier ces nouvelles pratiques en vu de les intégrer progressivement dans leur programme de régénération du thuya. Les connaissances scientifiques acquises dans cette étude sur le rôle des microorganismes symbiotiques du thuya permettent d’encourager la valorisation de la microflore téllurique (mycorhizienne et bactérienne) comme composante essentielle dans le processus de préservation des tétraclinaies marocaines. Cependant et afin d’atteindre entiérement cet objectif, il serait nécessaire d’entreprendre d’autres études comme : - Poursuivre les études sur de la diversité des CMA des tétraclinaies et évaluer le rôle de la flore accompagnatrice du thuya dans les phénomènes de régénération naturelle et plus particulièrement au niveau de son impact sur l’évolution spatiotemporelle des communautés de champignons mycorhiziens ; 114 Conclusion generale et recommandations - valider les résultats de ces recherches sur le terrain en suivant l’évolution et l’apport des microorganismes symbiotiques sur une durée de 4 ans ; - étudier l’effet de ces relations symbiotiques sur le biofonctionnement des sols des tétraclinaies ; - entreprendre des opérations de régénération artificielle du thuya par l’utilisation de plants mycorhizés artificiellement en pépinière. - Suivre la survie des microorganismes sur le terrain ; - Entreprendre des essais de domestication des plantes nurses et leur mycorhization et association avec les bactéries. 115 Réferences bibliographiques REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 116 Réferences bibliographiques Abbas Y., 1998. 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On attribue à chaque fragment une note de classe comprise entre 0 et 5 correspondant à l’estimation de la proportion de cortex colonisé par le symbiote mycorhizien : 0 : pas d’infection 1 : trace 2 : moins de 10 % 3 : de 11 à 50 % 4 : de 51 à 90 % 5 : plus de 90 % Qualité arbusculaire La présence des arbuscules est notée simultanément en indiquant leur classe de fréquence de AàA 0 % : pas d’arbuscule 10 % : A 50 % : A 100 % : A Calculs des paramètres a. Fréquence de mycorhization (F) : F% = [(N-no)/N] x 100 N : Nombre de fragments observés no : Nombre de fragments sans trace de mycorhization b. Intesité de mycorhization (M) M% = (95 x n5) + (70 x n4) + (30 x n3) + (5 x n2 + n1)/N n5, n4, n3, n2 et n1 sont les nombres de fragments notés 5, 4, 3, 2 et 1 respectivement. c- Teneur en arbuscules de la partie mycorhizée (a) : A% = (100 x mA) + (50 x mA) + (10 x mA)/100 mA, mA et mA représentent le pourcentage de mycorhization de qualité arbusculaire donnée, calculées selon : mA = [(95 x n5A) + (70 x n4A) + (30 x n3 A) + (5 x n2A) + n1 A] x F/M(N- n0) n5 A, n4 A, n3A, n2 A et n1A sont les nombres de fragments notés 5A, 4A, 3A, 2A, 1A respectivement. d. Teneur en arbuscules du système racinaire (A) A% = a x M/100. 153 Annexes Annexe 2 Protocole d'extraction de l'ADN à l'aide du "Dneasy Plant Mini Kit" (Quiagen (R)) L'extraction de l'ADN est réalisée à partir d'une cinquantaine de spores. Le kit de purification de l'ADN "DNeasy Plant Mini Kit" a été adapté aux champignons et l'extraction de l'ADN comporte les étapes suivantes: - broyer à sec avec du sable de Fontainebleau à l'aide d'un piston en plastique stérile les spores ou dans des tubes Eppendorf, - ajouter dans chaque tube 400 µl de tampon de lyse (AP1), puis homogénéiser avec le piston, - mettre 4 µl d’ARNase A (100 mg.ml-1) puis incuber au bain marie à 65°C pendant 10 min. Agiter 2 à 3 fois les tubes pendant les 10 minutes, - ajouter 130 µl de tampon de déprotéinisation (AP2) afin d'éliminer les protéines, les polysaccharides et les solvants de l'extrait, - agiter au vortex, puis mettre dans la glace pendant 5 min et centrifuger 5 min à 14000 trs/min, - verser le lysat dans la colonne de filtration "QUIAshredder" et centrifuger 2 min à 14000 trs/min, - récupérer le surnageant dans des tubes Eppendorf stériles et y ajouter 1,5 volume de tampon AP3/éthanol pour 1 volume de surnageant soit environ 750µl de tampon AP3/éthanol (préparation d'une solution de 30 ml de AP3 dans 60 ml d'éthanol), - prélever 650 ul et les placer dans une colonne Dneasy et centrifuger 1 min à 8000 trs/min. l'ADN est retenu dans la colonne, - jeter le filtrat et renouveler l'opération avec ce qui reste du lysat pour utiliser la totalité du surnageant, - transférer dans de nouveaux tubes (collection tube) de 2 ml et ajouter 500 µl de tampon de lavage (AW) dans la colonne et centrifuger 1 min à 8000 trs/min, - jeter le filtrat et ajouter encore 500 µl de tampon de lavage (AW) dans la colonne et centrifuger 2 min à 14000 trs/min, - jeter le filtrat et centrifuger 2 min à 6000 trs/min pour sécher la colonne, - transférer la colonne dans un nouveau tube Eppendorf, ajouter au centre de la colonne 50 µl de tampon d'élution AE préchauffé à 65°, laisser incuber 5 min à température ambiante et centrifuger 1 min à 8000 trs/min, - répéter l'opération en ajoutant encore 50 µl de tampon d'élution AE et en centrifugeant 1 min à 8000 trs/min, - jeter la colonne et conserver l'ADN dans le tube Eppendorf à -20°C pour une amplification de la séquence ciblée par réaction de PCR. 154 Annexes Annexe 3 Réaction de Polymérisation en chaîne (PCR) L'amplification de la petite sous unité de l'ADNr 18S est réalisée en utilisant des amorces spécifiques NS31 (5'-TTG-GAG-GGC-AAC-TCT-GGT-GCC-3') et AM1 (5'-GTT-TCCCGT-AAG-GCG-CCG-AA-3'). NS1 est une amorce universelle d'eucaryote et AM1 une amorce spécifique des champignons. La réaction de PCR permet une amplification enzymatique in vitro d'ADN cible à partir d'amorces spécifiques. Une succession de trois étapes est nécessaire pour cette réaction - la dénaturation de l'ADN à 94°C - l'hybridation des amorces - la polymérisation des nucléotides à 72°C (élongation) par la Taq polymérase. Un volume réactionnel fixé à 25 µl contient pour chaque échantillon : - 13,875 µl d'eau stérile - 5 µl de tampon 5X coloré (Mgcl2 + Tampon 10X) - 2µl de dNTP (2,25 mM) - 1 µl de chaque amorce à 20 pmol - 0,125 µl de Taq polymérase Vortexer et ajouter - 2 µl de matrice d'ADN de l'échantillon à étudier. Programme de la PCR : 94°C pendant 5 min 40 cycles 94°C / 30s 56°C / 30s 72°C / 3 min 72°C / 7min 15°C / infini Une électrophorèse des produits obtenus sur un gel d'agarose à 1 % est effectuée à 100V. Après une migration sur un gel d'agarose à 1%, les bandes de la portion amplifiée du gène sont découpées sous UV et placées dans des tubes Eppendorf et sera purifié par électrophorèse préparative. 155 Annexes Annexe 4 Extraction et purification des produits PCR par électrophorèse préparative à l'aide du kit "QIAgen-gel extraction Kit" L'ADN des bandes visibles sous ultra violet est récupéré dans des tubes eppendorf. L'extraction de l'ADN des gels est réalisée au moyen d'un Kit "QIAgen-gel extraction kit". Cette extraction est réalisée de la manière suivante: -Ajouter 3 volumes de solution QG pour 1 volume (masse) de fragment de gel -Mettre au bain-marie à 50°C durant 10 min, -Ajouter 1 volume d'isopropanol pur, -Transférer le mélange dans une colonne QIAquick spin, centrifuger 1 min à 14000 trs et jeter le filtrat, -Remettre 0,5 ml de solution QG, centrifuger à nouveau 1 min à 14000 trs et jeter le filtrat, -Déposer sur la colonne 0,75 ml de solution PE, attendre 2 à 3 min puis centrifuger 1 min à 14000 trs et jeter le filtrat, - Remettre 0,25 ml de solution PE, centrifuger 1 min à 14000 trs et jeter le filtrat, - Essuyer la colonne : centrifuger 1 min pour sécher la membrane, transférer la colonne dans un tube eppendorf et jeter le fond, - Déposer 30 µl de solution EB au milieu de la membrane, laisser incuber 1 min et centrifuger 2 min, - Jeter la colonne et garder l'Eppendorf qui contient l'extrait, - L'extrait est conservé à -20°C. La concentration d'ADN de l'extrait est évaluée (4 µl d'extrait déposés avec 5 µl de bleu de charge et 5 µl d’eau) par comparaison avec les bandes à différentes concentrations du marqueur (5 µl Smartladder) dont les concentrations et les tailles des fragments d'ADN sont connues lors d'une migration électrophorétique (100 Volts pendant 40 à 45 min) sur gel d'agarose 1 %. 156 Annexes Annexe 5 Milieu de culture des bactéries (Milieu LB) Bacto triptone 1g Extrait de levure 0,5g NaCl 1g Agar 1,5g (solide) dans 100 ml Compléter avec H2O jusqu’au volume choisi, mesurer le pH avant d’ajouter l’agar puis autoclaver à 121°C. 157 Résumé Le statut mycorhizien du thuya [Tetraclinis articulata (Vahl) Masters] a été étudié dans sept tetraclinaies marocaines. Les examens microscopiques de ses racines ont révélé la présence des champignons mycorhiziens arbusculaires (CMA), des taux de colonisation élevés (plus de 80 %) et des structures de type Paris″. Les spores isolées sont dominées par le genre Glomus. L’analyse par PCR, nichée du gène du Large sous Unité Ribosomique (LSU), a montré que les racines du thuya hébergent au moins sept phylotypes distincts appartenant au genre Glomus, Scutellospora et Gigaspora. Des tests de sélection, de préparation des inocula autochtones (champignons et bactéries) et d’inoculation ont été réalisés au laboratoire et en pépinière. Ensuite, des essais de réimplantation des plants de thuya inoculés ont été effectués à Khémisset et Ben Slimane. Ces opérations ont montré un effet significatif de l’inoculation par les CMA et/ou les bactéries sur la croissance des plants et sur leur taux de mortalité (réduction de 50 %). Parallèlement, d’autres expérimentations ont montré que le Potentiel Infectieux Mycorhizien (PIM) des sols des tétraclinaies peut être amélioré par la gestion d’espèces arbustives existantes au niveau de ces écosystèmes. En effet, les quatre espèces cibles choisies dans cette étude (Withania frutescens, Lavandula multifida, Pistacia atlantica et Olea oleaster) ont montré qu’elles peuvent être considérées comme espèces facilitatrices pour le thuya, en particulier la lavande. Cette étude montre que la symbiose mycorhizienne constitue un élément clé dans la réussite des programmes de régénération du thuya. Mais, il est important de distinguer entre la spécificité des CMA et des bactéries associées en infectivité et en efficience. L’ioculation contrôlée repose sur le choix des souches (mycorhiziennes et/ou bactériennes) performantes et compétitives vis-à-vis de la microflore native du site à régénérer. Mots-clés : Tetraclinis articulata (Vahl) Masters, tétraclinaies, champignons mycorhiziens à arbuscules, diversité, Potentiel Infectieux Mycorhizien, analyses moléculaires, inoculation, croissance, nutrition. Abstract Mycorrhizal statut of T. articulata (Vahl) Masters was studied in seven Tetraclinis woodlands. Root microscopic analysis revealed only Arbuscular Mycorrhiza Fungi (AMF). The rates of mycorrhizal colonisation were high (more than 80 %). A "Paris-type" mycorrhizal structure was noted and spores isolated were dominated by Glomus genus. Molecular analysis of the Large SubUnit (LSU) Ribosomal RNA gene amplified, by nested PCR, showed at least seven separate phylotypes in T. articulata roots belonged to Glomus, Scutellospora and Gigaspora genus. Selection tests, preparation of indigenous inocula (fungi and bacteria) and inoculation were performed in the laboratory and in the nursery. Then, two trial plantations with inoculated seedlings were performed in Khémisset and Ben Slimane. These experiments showed a significant effect of inoculation by AMF and/or indigenous bacteria on the growth of the seedlings and their mortality (50 % reduction). Meanwhile, other experiments have shown that Mycorrhizal Inoculum Potential (MIP) of soils can be improved by management of shrub species existing in Tetraclinis ecosystems. Indeed, the four target species chosen in this study (Withania frutescens, Lavandula multifida, Pistacia atlantica and Olea oleaster) showed that they can be considered as facilitators plants for Tetraclinis, especially lavender. Our research showed that the symbiotic mycorrhizal fungi are a key element for T. articulata establishment. But, it is important to distinguish between the infectivity and effectiveness of AM fungi and associated bacteria. Controlled inoculation is based on the efficient and competitive strains (mycorrhizal and/or bacterial). Key-words: Tetraclinis articulata (Vahl) Masters, Tetraclinis woodlands, Arbuscular Mycorrhizal Fungi (AMF), Diversity, Indigenous Mycorrhizal Potential, Molecular analysis, Inoculation, Growth, Nutrition. Faculté des Sciences, 4 Avenue Ibn Battouta B.P. 1014 RP, Rabat – Maroc Tel +212 (0) 37 77 18 34/35/38, Fax : +212 (0) 37 77 42 61, http://www.fsr.ac.ma