D A Place de l’infirmière d’essai clinique en transplantation

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A postrophe
● S. Lechaton*
Place de l’infirmière d’essai clinique
en transplantation
D
epuis ses débuts, le domaine de la
transplantation d’organe a été marqué par
une volonté d’évaluation scientifique de
ses résultats, associée à une intense activité de recherche. C’est la raison pour laquelle il s’agit d’une
des activités dont la pratique a été restreinte aux
centres hospitalo-universitaires (CHU) pour, dès le
début, appliquer l’activité clinique ou une activité
d’enseignement et de recherche.
Pendant de nombreuses années, cette activité de
recherche fut conduite exclusivement par les médecins. Cependant, l’absence de normes et de formation
spécifique a pu se révéler gênante. Des points majeurs
comme les exigences statistiques ou les bonnes pratiques cliniques n’étaient pas pris en compte. Même
les aspects éthiques étaient laissés à l’appréciation
du médecin investigateur puisque les structures ad
hoc, comités d’éthique ou Comité consultatif de protection des personnes dans la recherche biomédicale
(CCPPRB), n’existaient pas encore.
En raison du développement des études et de l’apparition de nouveaux acteurs (organes de contrôle,
industrie pharmaceutique, Agence du médicament…),
quelques services émergèrent et commencèrent à
appliquer au moins les principes scientifiques à la
recherche clinique. Cette expérience fut menée spécifiquement dans le groupe de transplantation de
l’hôpital Necker dès 1977. En revanche, le caractère
éthique et justifié de la recherche reposait encore sur
des règles propres à chaque groupe, et le consentement écrit des participants n’était pas toujours
sollicité.
Toutefois, parallèlement, les exigences de la médecine moderne et de l’enseignement ne laissèrent que
peu de temps à la recherche clinique bien menée.
De plus, il devint rapidement clair que la réussite
d’un protocole reposait sur une analyse détaillée
du surcroît de travail pour le personnel paramédi-
* Assistante de recherche clinique, hôpital Necker, 75015 Paris.
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cal. Seule une implication de ce personnel à toutes les étapes permettait de prendre en compte les
contraintes du développement de cette activité.
Une participation active et éclairée du personnel
paramédical, infirmier et de laboratoire était donc
nécessaire. Cette participation imposait à la fois une
formation des infirmières et un contrôle constant
du travail effectué par les médecins, les infirmières
et les laboratoires. La saisie des données dans les
cahiers de suivi des protocoles de recherche devait
être effectuée en temps réel, ce qui entraînait des
contraintes pas toujours compatibles avec les autres
activités des médecins.
La charge de travail devait donc être réorganisée.
Les médecins seuls ne pouvaient pas élaborer et surveiller correctement le déroulement des protocoles de
recherche. L’existence d’une personne responsable de
leur bon déroulement était donc indispensable. Cette
personne, de formation médicale ou paramédicale,
a pour mission :
✓ la participation à l’élaboration des protocoles ;
✓ la formation des infirmières impliquées dans la
réalisation quotidienne de la recherche ;
✓ la liaison avec les laboratoires concernés ;
✓ le suivi quotidien du déroulement des protocoles
et le contrôle de l’absence de déviation ;
✓ la saisie des données en temps réel.
C’est la définition du rôle de l’assistant(e) de recherche clinique (ARC). Exceptionnelle au début des
années quatre-vingt, leur présence est reconnue
comme primordiale dans la médecine moderne pour
le bon déroulement des études cliniques. Cependant, la réalité montre que ces assistantes sont encore
rares, puisque la notion de recherche clinique, bien
que faisant partie des obligations des CHU, reste
mal comprise et peu assumée par l’administration
hospitalière.
Une législation, dite “loi Huriet”, est venue formaliser à la fois les exigences de la recherche clinique et
le besoin de protection des personnes soumises à ces
recherches. L’ARC est également là pour veiller au
respect de cette législation à laquelle, de nos jours,
aucune recherche ne peut se soustraire.
Le Courrier de la Transplantation - Volume VI - n o 3 - juillet-août-septembre 2006
A postrophe
Rôle de l’ARC au sein d’une équipe
hospitalière
Il consiste dans un premier temps à participer aux
réunions d’initiation d’un protocole de recherche
clinique qui ont lieu entre les médecins et le promoteur.
Sa participation à ces réunions est importante, car
“l’œil paramédical” permet de s’assurer de la faisabilité de l’essai dans le contexte particulier du service.
Lorsque le projet est retenu, l’ARC est chargé(e) de
le mettre en place au sein de l’équipe. Une “mise en
place” efficace comporte les contraintes suivantes :
1 Organisation de réunions pour l’ensemble du
personnel dans le dessein d’expliquer la finalité, la
méthodologie et les contraintes de l’essai, tant pour
les infirmières que pour les patients.
2 Élaboration d’un plan de soin détaillé pour chaque patient, adapté en fonction du traitement, des
examens et de la durée de la recherche.
3 Vérification de la signature du consentement du
patient.
4 Gestion des traitements en relation avec la pharmacie de l’hôpital qui a pour mission le stockage et
la dispensation des médicaments de l’essai.
5 Relation avec le service financier de l’hôpital
pour l’élaboration des surcoûts liés à l’essai.
6 Programmation des visites des patients et prise
des rendez-vous d’examens ou d’hospitalisation de
jour imposés par la recherche.
7 Récupération des documents sources (résultats
de laboratoires, d’examens anatomopathologiques,
de radiologies…).
8 Surveillance tout au long de l’essai de son bon
déroulement et des décisions à prendre lors d’éventuelles déviations du protocole.
9 Saisie des données de suivi du protocole soit sur
classeurs, soit électroniquement (Case Report Form
[CRF]).
10 Contrôle des données saisies et estimation des
événements indésirables, conjointement avec le
médecin investigateur.
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11 Organisation des rendez-vous et accueil des
assistants de recherche clinique de l’industrie pharmaceutique. Les ARC mandaté(e)s par l’industrie
pharmaceutique vérifient que l’essai est effectué selon
les bonnes pratiques cliniques et contrôlent la véracité des données saisies par rapport aux documents
sources.
12 Création d’une interface permanente entre les
médecins de l’équipe, le personnel soignant, l’industrie pharmaceutique et les patients.
13 Saisie, en temps réel, avec l’investigateur des
formulaires “d’événements indésirables graves” qui
doivent être faxés au promoteur dans les 48 heures
suivant l’hospitalisation de tout patient inclus dans
un essai clinique.
14 Rappel aux infirmières des essais en cours, du
nombre de patients inclus et présentation des premiers résultats.
15 Gestion de l’archivage des documents concernant
l’essai (15 ans).
16 Mise à disposition des dossiers patients lors
d’audits.
L’ARC ne se substitue pas aux médecins, et ne fait
pas non plus leur travail ; il (elle) supprime une
importante charge de travail à ses collègues et représente une garantie majeure qu’une recherche clinique
pourra être effectuée dans le respect de bonnes pratiques cliniques et de la législation.
La récompense de ce travail repose sur la réalisation
d’essais de qualité scientifique reconnue. Ces protocoles
répondent ainsi aux normes imposées par la législation
actuelle, et favorisent la démonstration des effets d’une
molécule permettant son utilisation dans les meilleures
conditions d’efficacité et de tolérance possibles.
En dépit de son caractère essentiel, cette fonction
n’est pas encore reconnue en tant que telle ; l’ARC
est administrativement inexistant(e) et émarge avec
les cadres budgétaires infirmières diplômées d’État
pouvant alourdir la charge de travail globale d’un
service.
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Le Courrier de la Transplantation - Volume VI - n o 3 - juillet-août-septembre 2006
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