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III – Biodisponibilité du phosphore
Dans les sols agricoles, le phosphore est majoritairement sous forme de phosphate, dont
environ 1/3 est associé à la matière organique et 2/3 associés à la fraction minérale. Le stock
de phosphore total est d’environ 7 à 14 t de P2O5 / ha sur 30 cm. Le phosphore est présent en
très faible quantité dans la solution du sol : moins de 0.1 % du P2O5 total, soit une
concentration moyenne de 0.45 mg P2O5 /L. Un blé consommant pendant son cycle de
croissance environ 400 mm d’eau (soit 4000 m3 /ha), le flux d’évapotranspiration ne pourrait
fournir qu’à peine 2 kg P2O5 / ha, soit 2 à 3 % du prélèvement total de la culture, si seule la
solution du sol y contribuait. Donc 97 à 98 % du phosphore extrait du sol par les racines est
désorbé de la phase solide pour approvisionner la solution du sol : il s’agit de la réserve de
phosphore « biodisponible ».
Pour évaluer la disponibilité du phosphore pour les plantes, il faut donc connaître la
quantité de phosphore présent dans la solution du sol mais aussi la capacité du sol à recharger
cette solution. Cette capacité correspond au pouvoir tampon, aptitude du sol à s’opposer aux
variations de concentration de P dans la solution du sol, dont l’importance dépend de certaines
de ses caractéristiques: pH, teneur et nature du fer, de l’aluminium et des composés riches en
calcium. En effet, les ions phosphates forment avec le calcium ou les oxydes et hydroxydes de
fer et d’aluminium des complexes dont le phosphore est en équilibre avec celui de la solution
du sol.
IV – Estimation de la biodisponibilité du phosphore
a) Méthodes actuelles
Le raisonnement de la fertilisation phosphatée a pendant longtemps été basé sur les
notions de fumure d’entretien et de correction. L’objectif était d’amener puis de maintenir le
sol à la teneur en phosphore jugée souhaitable pour être non limitante du rendement de
l’espèce cultivée la plus exigeante. Cette teneur, différente selon les sols, a été déterminée sur
la base de relations empiriques entre la teneur du sol en phosphore dit « assimilable » et
l’indice de rendement. Ce phosphore « assimilable » est estimé par extraction chimique
(Olsen et al. 1954 ; Joret-Hébert, 1995 ; Dyer, 1984).
Cette méthode, permettant le raisonnement de la fertilisation en fonction du sol et du
système de culture, possède cependant des limites, principalement liées à la méthode
d’estimation du phosphore « assimilable ». En effet, l’extraction chimique n’a aucune
signification biologique : l’offre du sol est représentée de manière simplifiée en considérant
un pool assimilable par la plante et un pool non assimilable. Le pouvoir tampon, facteur
essentiel pour estimer le réapprovisionnement de la solution par la phase solide du sol, n’est
pas pris en compte. Par ailleurs, les relations établies entre rendement et teneur du sol en
phosphore dit « assimilable » sont spécifiques à chaque type de sol et par conséquent les
seuils diagnostiques (seuil « d’impasse » par exemple) varient fortement d’un type de sol à
l’autre. Enfin, ces méthodes ne permettent pas de disposer d’un modèle universel d‘évolution
de l'offre de phosphore sur le moyen terme en fonction du bilan de P (pour estimer une durée
maximale sans apport par exemple).
b) perspectives d’évolution
Pour mieux estimer la biodisponibilité du phosphore, il est indispensable de prendre en
compte le pouvoir tampon du sol. Une des méthodes pour le mesurer est la dilution
isotopique. Du phosphore marqué (isotope radioactif 32P ou 33P) est ajouté dans une solution
sol / eau. Le phosphore marqué qui est apporté dans la solution est plus ou moins rapidement