Mieux comprendre la fonction de soutien de l’infirmière

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Mieux comprendre la fonction de soutien de l’infirmière
pivot en oncologie (IPO) selon la perspective d’IPO et de
personnes atteintes de cancer : première partie
par Johanne Hébert,inf., M.Sc. et Lise Fillion inf., Ph.D.
(psychologie)
3ÏTVNÏ
Les personnes atteintes de cancer ont un large éventail de besoins
durant la trajectoire de la maladie. Pour mieux y répondre, l’implan-
tation du Programme québécois de lutte contre le cancer a introduit
le rôle de l’infirmière pivot en oncologie. Bien que cet intervenant soit
déjà intégré à la majorité des équipes d’oncologie, le rôle demeure
imprécis par rapport à ses fonctions au sein des équipes de soins. La
fonction de soutien qui se rapporte de façon indifférenciée à « l’en-
semble des soins et services » regroupés sous les construits plus large
d’adaptation et de réadaptation offerts à la personne atteinte de can-
cer et ses proches exige notamment des compétences professionnelles
et des ressources organisationnelles qui gagneraient à être précisées.
Le but de cette étude est de mieux comprendre la fonction de sou-
tien de l’IPO selon la perspective de personnes atteintes de cancer
dans un premier temps et selon la perspective des IPO elles-mêmes
dans un deuxième temps. Le premier objectif, présenté dans cette pre-
mière partie, est d’explorer, selon la perspective des personnes attein-
tes de cancer, la nature de leurs besoins et du soutien apporté par
l’IPO durant la trajectoire de soins. Au total, cinq personnes atteintes
de cancer bénéficiant d’une IPO ont été recrutées. Les personnes ont
exprimé des besoins de soutien face à l’IPO à tous les niveaux, notam-
ment dans les domaines émotionnel (56 %) et informationnel. De plus,
les résultats suggèrent que la gestion des symptômes (domaine physi-
que) et la coordination de toutes sortes (soins, rendez-vous, examens,
intervenants) du domaine pratique sont primordiales tout au long de
la trajectoire de soins.
Mots clés : besoins, soutien, interventions, infirmière, oncologie,
navigation, rôle, infirmière pivot en oncologie
À la suite d’une étude sur les besoins des personnes attein-
tes de cancer (Fraser, 1995), le Programme de lutte contre le cancer
(Ministère de la Santé et des Services sociaux, 1998) a vu le jour afin
de favoriser la mise en œuvre d’un réseau intégré de soins et de servi-
ces centré sur la personne atteinte et ses proches et de mieux répon-
dre aux besoins de cette population. Parmi les problèmes soulevés
par les personnes atteintes de cancer, le manque d’humanisation à
l’annonce du diagnostic et de contacts durant la trajectoire de soins,
le manque de soutien dans les domaines émotionnel, psychosocial,
existentiel, matériel et pratique ainsi que le manque d’information sur
la maladie, les traitements, et les ressources et services offerts dans le
réseau de la santé sont dénoncés. De plus, en matière d’organisation
des services, plusieurs lacunes sont observées : le suivi des person-
nes atteintes n’est pas suffisant, la communication entre les inter-
venants est déficiente, la férence vers d’autres professionnels est
informelle et l’accessibilité aux services n’est pas assurée ni uniforme.
Dans les recommandations prioritaires du programme, l’intervenant
pivot en oncologie est un élément clé. Au Québec, ce rôle n’a jamais
été assumé par quelqu’un d’autre que l’infirmière. Ainsi, le rôle s’est
vu attribué aux infirmières spécialisées en oncologie et est devenu
l’infirmière pivot en oncologie (IPO) (Fillion et al., 2006).
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Les personnes agissent au quotidien pour satisfaire leurs besoins
des domaines physique, psychologique, émotionnel, social et spiri-
tuel. Elles déploient des stratégies dans le but de répondre à ces
besoins et de s’adapter aux changements de l’environnement ainsi
qu’aux demandes qui en découlent (Maslow, 1998).
Le concept de besoin a marqué le point de départ d’un centre
d’intérêt spécifique à la discipline infirmière, soit l’orientation vers
la personne. Les soins centrés sur la personne sont à la base de cette
discipline (Kérouac, Pépin, Ducharme & Major, 2003). Ils débutent
par l’évaluation des besoins de la personne et des facteurs qui peu-
vent les influencer dans une situation ou un contexte de vie particu-
lier (Richardson, Medina, Brown & Sitza, 2007a).
De plus, selon Adam (1991), le concept de besoin réfère à une
nécessité plutôt qu’à un manque. La notion de « nécessité » appa-
raît être une dimension utile dans la définition du besoin puisque
cette conceptualisation suggère que l’aidant, l’IPO dans cette étude,
doit être en mesure de déceler le besoin et de mettre en place les
stratégies efficaces pour permettre de répondre à ce besoin et de le
combler. Enfin, le besoin peut être défini comme une condition pri-
mordiale pour la personne atteinte de cancer qui n’est pas satisfait
(Hileman, Lackey & Hassanein, 1992).
Lorsque se produit un événement de vie grave comme lors d’un
diagnostic de cancer, il se peut que les besoins de la personne ne
puissent être satisfaits. Pour répondre à ses besoins, la personne
devra alors accéder à de nouvelles habiletés, mobiliser de nouvelles
stratégies d’adaptation ou chercher l’aide et le soutien d’autrui. Si
les besoins demeurent insatisfaits, la personne peut éprouver une
détresse émotionnelle et présenter des difficultés d’adaptation; les
personnes atteintes expriment souvent des attentes de soutien de la
part des soignants (Fitch, Porter & Page, 2008).
Bien que le concept de besoin soit bien décrit dans la littérature,
celui de soutien se rapporte de façon indifférenciée à « l’ensemble
des soins et services » regroupés sous les construits plus large
d’adaptation et de réadaptation, offerts à la personne atteinte de
cancer et ses proches (Comité de soutien, d’adaptation et de réadap-
tation [SAR], 2005). Il s’agit d’un concept global qui décrit l’ensemble
de l’aide permettant de répondre aux besoins des personnes attein-
tes de cancer et de leurs proches (Fitch, 2008). En se basant sur
cette définition et en s’inspirant de la description des tâches de
l’IPO proposée par le Comité de l’évolution de la pratique infirmière
en oncologie (CEPIO) (Direction de la lutte contre le cancer, 2005), la
fonction de soutien de l’IPO pourrait notamment inclure les tâches
d’évaluation, de dépistage, d’intervention et de référence.
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Johanne Hébert, inf., M.Sc., étudiante au doctorat
en sciences infirmières, Université Laval,
coordonnatrice, Unité de recherche en soins
infirmiers (URSI), CHUQ.
Lise Fillion, inf., Ph.D. (psychologie), professeure,
Faculté des sciences infirmières, Université Laval,
Centre de recherche en cancérologie de l’Université,
Hôtel-Dieu de Québec, 9 rue McMahon, Québec
(Québec), G1R 2J6. Tél. : 418-525-4444 poste 15754,
Fax : 418-691-2920
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Pour conceptualiser la fonction de soutien de l’IPO et préciser les
interventions concrètes permettant de répondre aux besoins, le cadre
des soins de soutien de Fitch (1994) est retenu. Ce cadre préconise
une approche holistique l’attention doit être portée à l’ensemble
des besoins de la personne atteinte de cancer et ses proches durant
toute la trajectoire de la maladie. Le cadre emprunte également les
concepts d’évaluation cognitive et de stratégies d’adaptation (coping)
à la théorie intermédiaire du stress de Lazarus et Folkman (1984).
Selon ce cadre, la fonction de soutien correspond à la détection des
besoins et à la mise en place de stratégies efficaces pour y répondre,
soit par les interventions directes soit par la référence.
3FDFOTJPOEFTÏDSJUT
Le diagnostic de cancer se répercute sur plusieurs facettes de la
vie quotidienne de la personne atteinte de cancer et peut occasion-
ner plusieurs types de besoins. Les besoins varient d’une personne
à l’autre (Kerr, Harrison & Medves, 2004; Liao, Chen, Chen & Chen,
2007) et sont influencés par différents facteurs psychosociaux inclu-
ant l’âge, la personnalité, l’éducation, le soutien social et les straté-
gies d’adaptation (coping) (Fitch, 2008; Kerr et al., 2004). Ils diffèrent
également selon des facteurs d’ordre biologique dont le type de
cancer, sa sévérité et les traitements médicaux associés (Griffiths,
Willard, Burgess, Amir & Luker, 2007; Kerr, Harrison, Medves, Tranner
& Fitch, 2007; Steele & Fitch, 2008; Voogt, van Leeuven, Visser, van
der Heide & van der Maas, 2005) et évoluent en intensité et en impor-
tance tout au long de la trajectoire de la maladie (Kerr et al., 2007).
Dans cette étude, les besoins de soutien sont présentés ici selon
les catégories utilisées par Fitch (1994) dans son modèle, c’est-à-dire
les domaines physique, informationnel, émotionnel, psychosocial,
spirituel et pratique. Dans le domaine des besoins physiques, la lit-
térature fait ressortir la présence des symptômes physiques de diffé-
rentes natures associées aux traitements et à la maladie auxquels la
majorité des personnes atteintes de cancer font face régulièrement à
travers le continuum de soins. Par exemple, l’étude de Snyder, Garrett-
Mayer, Brahmer, Carducci, Pili, Stearns et collaborateurs (2008) pré-
cise que les symptômes de fatigue, douleur et perte d’appétit sont
associés négativement au fonctionnement général (physique, dans les
rôles, émotionnel, social et cognitif); que plusieurs besoins physiques
et quotidiens non satisfaits sont associés à un mauvais fonctionne-
ment physique, de rôle et cognitif et que les problèmes de sommeil
sont étroitement reliés à plusieurs besoins non satisfaits.
Il n’est d’ailleurs pas étonnant que la gestion des symptômes
soit une composante majeure et un défi quotidien pour les infir-
mières en oncologie en général et pour les IPO en particulier. Elles
doivent reconnaître et faire l’évaluation de ces signes et symptô-
mes et en faire une gestion adéquate pour permettre une stratégie
d’intervention rapide et efficace.
En plus des besoins physiques, de nombreuses études mettent
en évidence la présence des besoins d’information durant toute la
trajectoire de soins. Par exemple, des études précisent que certaines
personnes désirent recevoir des explications détaillées sur les symp-
tômes physiques, les examens, les procédures et les effets secon-
daires des traitements liés à leur type de cancer pour diminuer la
confusion et l’anxiété et pour avoir un sentiment de contrôle sur
leur situation (Ahlberg, Ekman & Gaston-Johansson, 2005; Liu, Mok
& Wong, 2005). L’évaluation rapide des besoins informationnels est
donc recommandée afin d’adapter la nature de l’information aux
besoins individuels de la personne atteinte (Nikoletti, Kristjanson,
Tataryn, McPhee & Burt, 2003).
Par ailleurs, plusieurs études mettent en évidence les besoins
d’ordre émotionnel et rapportent le choc, le désarroi et les nom-
breux défis souvent associés au diagnostic de cancer. À titre
d’exemple, Lauver, Connolly-Nelson et Vang (2007) documentent les
besoins émotionnels en lien avec les changements corporels, la con-
frontation avec la mort, la difficulté de concentration et les diffi-
cultés de communication avec le partenaire. Ces mêmes auteurs
précisent que l’incertitude en regard des traitements, le suivi et la
nature des symptômes, les problèmes physiques (incluant les effets
secondaires des traitements), le sentiment de perte et d’incertitude
ainsi que les inquiétudes face aux relations avec les autres sont tous
décrits comme des stresseurs majeurs.
Dans cet ordre d’idée, l’étude de Manning-Walsh (2005) révèle
que près de 98 % des femmes éprouvent au moins un symptôme de
détresse. Tiffen, Sharp et O’Toole (2005) rapportent que les person-
nes atteintes de cancer peuvent ne pas exprimer spontanément et
librement leur détresse sans encouragement ou questionnaire.
Les besoins psychosociaux sont décrits et associés dans la litté-
rature aux changements d’activités sociales et de rôles entraînés par
la maladie et nécessitent parfois des soins de soutien plus spécia-
lisés. Selon Steele et Fitch (2008), les interventions psychosociales,
comme la participation à un groupe de soutien par les pairs amé-
liore le bien-être et la qualité de vie de la personne atteinte de can-
cer. De plus, les services de soins de soutien plus spécialisés comme
la psychothérapie sont souvent disponibles, mais trop peu de per-
sonnes y sont référées.
En plus des besoins émotionnels et psychosociaux, on retrouve
les besoins spirituels qui sont davantage décrits en lien avec les
soins palliatifs. Kerr et ses collègues (2004), dans leur recension,
soulignent que les besoins spirituels sont souvent rapportés avec
moins de détails que les autres besoins. Taylor (2003) mentionne
également que les personnes atteintes de cancer recherchent
d’abord le soutien spirituel auprès des membres de la famille
avant de le rechercher auprès des professionnels de la santé. Ceci
est d’ailleurs cohérent avec les propos de femmes atteintes de
cancer qui rapportent avoir reçu du soutien spirituel de certains
professionnels de la santé avec qui elles ont été capables de créer
une relation propice (Gould, Wilson & Grassau, 2008).
Enfin, en ce qui a trait aux besoins pratiques qui réfèrent aux
besoins d’aide directe en vue d’accomplir une tâche ou une activité
pour réduire les exigences placées sur la personne, ils sont peu
décrits dans la littérature. Janda, Steginga, Dunn, Langbecker,
Walker et Eakin, (2008), rapportent un fort pourcentage de besoins
non satisfaits dans le domaine pratique, entre autres, concernant
l’utilisation des services communautaires (34 %), s’occuper des
activités usuelles de la maison, du travail ou des études (71 %) et
réapprendre les habiletés de la vie quotidienne (21 %). Pigott,
Pollard, Thomson et Aranda (2008) ajoutent d’autres besoins tels
que les remboursements de transport (24 %), les déplacements
pour les traitements (21 %), les certificats médicaux (20 %) et les
accommodations quotidiennes (16 %). Dans les deux études de
Kerr et al. (2004, 2007), les participants soulignent que l’adaptation
aux problèmes financiers est le plus difficile et que la maladie de
l’enfant affecte l’ensemble de la vie quotidienne ce qui amène un
surplus de stress dans la conciliation travail-famille-maison.
Les études de besoins présentées sont utiles pour préciser la
nature et la variété des besoins des personnes atteintes de cancer.
Toutefois, elles ne permettent pas de préciser les attentes de sou-
tien de cette population face à l’IPO.
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Le premier objectif de cette étude est d’explorer, selon la pers-
pective des personnes atteintes de cancer, la nature de leurs besoins
et du soutien apporté par l’IPO durant la trajectoire de soins.
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Devis
La présente étude s’inscrit dans un programme de recherche
plus large portant d’une part, sur l’évaluation descriptive du pro-
cessus d’implantation du rôle des infirmières pivots en oncologie
au sein de deux équipes locales en oncologie de la région de Québec
et d’autre part, sur la conceptualisation du rôle professionnel de
$0/+r3$4*08JOUFS)JWFS
navigation en comparant différentes applications du rôle de l’IPO
au Québec (équipe locale et suprarégionale) avec le rôle infirmier
de navigation retrouvé en Nouvelle-Écosse (Fillion et al., 2009). Afin
d’approfondir la fonction de soutien telle que vécue par les person-
nes atteintes de cancer et les IPO, l’approche qualitative descriptive
interprétative est privilégiée.
Participants
Pour la présente étude, deux groupes ont été retenus, les person-
nes atteintes de cancer et les IPO. Chacun des groupes est lié à un
objectif de l’étude. Le premier échantillon a été sélectionné parmi
les 18 personnes atteintes de cancer, hommes et femmes, partici-
pant à une plus vaste étude de façon à maximiser la diversité de
leurs caractéristiques sociodémographiques et médicales. Le second
a été sélectionné afin de diversifier l’expérience en oncologie et les
secteurs de pratique : IPO locales, d’équipes conjointes en CH-CSSS
et suprarégionales.
Les données proviennent de deux méthodes de collecte de don-
nées, des entrevues individuelles semi-structurées et d’une fiche de
données sociodémographiques. Les entrevues sont réalisées avec un
guide d’entrevue élaboré à partir du cadre de référence. Ce guide
inclut des questions ouvertes telles que : « Selon vous, quelles sont
les principales fonctions de l’IPO? », n’impose pas de réponses préé-
tablies et favorise la libre expression de la pensée des participants.
Comme deuxième méthode de collecte de données, une fiche de
données sociodémographiques a été utilisée afin de dresser un por-
trait des caractéristiques personnelles des participants.
Procédure
Les personnes atteintes de cancer ont été recrutées grâce à la
collaboration des IPO œuvrant au sein de deux équipes locales en
oncologie. À une étape précise de l’étude, les IPO ont été sollicitées
par l’équipe de recherche et leur gestionnaire, à inviter systématique-
ment les nouvelles personnes atteintes de cancer suivies à être con-
tactées pour recevoir de l’information concernant une étude. Toutes
les IPO des centres participants ont été contactées directement par
l’équipe de recherche. Les personnes intéressées à participer ont été
rencontrées par deux assistants de recherche formés pour l’entrevue.
Les entrevues réalisées avec les personnes atteintes de cancer ont eu
lieu dans leur milieu de vie. Le programme de recherche dans lequel
s’inscrit la présente étude a obtenu l’approbation des différents comi-
tés d’éthique et de la recherche des établissements dans lesquels les
collectes de données ont été effectuées.
Analyse des données
Les entrevues ont été audio-enregistrées sur support numé-
rique et retranscrites intégralement par une professionnelle de
recherche. Toutes les transcriptions (verbatims) ont été analysées
par l’étudiante-chercheure. L’analyse de contenu s’est effectuée
en s’inspirant de la méthode par théorisation ancrée de Glaser et
Strauss (1967). L’analyse des données s’est effectuée en établissant
des liens continuels avec le cadre conceptuel qui supporte l’étude,
plus spécifiquement les catégories de besoins du cadre conceptuel
de Fitch qui ont permis un premier encodage. Chaque transcription
des données a été saisie et traitée avec le logiciel NVivo8 ce qui a
permis d’obtenir des indicateurs quantitatifs descriptifs.
Pour assurer la crédibilité de l’approche, trois moyens ont été
utilisés : 1) la triangulation des populations à l’étude (IPO et per-
sonnes atteintes); 2) des entrevues individuelles des questions
ouvertes ont été posées afin d’obtenir une perception globale et
en profondeur du phénomène à l’étude; 3) deux séances d’échange
entre pairs sous formes d’exposés et de discussions se sont dérou-
lées en présence d’experts et de professionnels de recherche dans
le domaine de l’oncologie. La fiabilité a été recherchée par : 1)
l’utilisation d’un guide d’entrevue; 2) l’enregistrement des entretiens
et leur transcription intégrale; 3) la codification des données effec-
tuée avec la méthode de Glaser et Strauss (1967) et l’utilisation d’un
cadre conceptuel pour guider la codification. Les mesures suivantes
ont été prises pour augmenter la confirmabilité : 1) l’entente inter
juge effectuée à l’étape de l’encodage spécifique des verbatims; 2)
la prise de notes concernant les personnes atteintes et les IPO ren-
contrées ainsi que les impressions de l’étudiante-chercheure tout
au long de la démarche. Finalement, le critère de transférabilité est
favorisé par le soin apporté lors de la sélection des participants et
le devis utilisé qui permet la description riche du phénomène et la
comparaison des résultats avec les écrits.
3ÏTVMUBUT
Cette section débute par la présentation des participants. Le
tableau 1 décrit leurs caractéristiques sociodémographiques. Il per-
Tableau 1. Les caractéristiques des participants
Variables Personnes (N=5)
Âge (moyenne) 57,8 (50–62 ans)
Scolarité
< collégial 3
collégial 2
Type de cancer
Colorectal 3
Poumon 1
Foie 1
Sévérité
Métastases 3
Sans métastases 2
Rencontre de l’IPO
Au diagnostic 2
Au début des traitements 3
Figure 1. La répartition des besoins de soutien exprimés par les
personnes atteintes de cancer

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$0/+r3$4*08JOUFS)JWFS
met d’illustrer la diversité recherchée sur les plans sociodémogra-
phique et médical (le type et la sévérité du cancer). Puis les besoins
de soutien des personnes atteintes de cancer sont précisés.
Les besoins de soutien des personnes atteintes de cancer
La définition des catégories de classification des besoins a
d’abord été précisée. Les besoins se rapportant à la gestion des
symptômes (informations, conseils, références) se retrouvent dans
le domaine des besoins physiques. Les besoins liés à la coordination
se retrouvent dans le domaine des besoins pratiques.
Un indicateur quantitatif (pourcentage) permettant d’estimer les
besoins de soutien a été construit à partir des données qualitati-
ves en associant les propos des personnes atteintes de cancer aux
différentes catégories de besoins correspondantes. Chaque verba-
tim a été classé et compilé par catégorie de besoins, et la réparti-
tion des pourcentages des besoins de soutien exprimés est illustrée
à la figure 1. On constate que les besoins émotionnels représentent
plus de la moitié des besoins de soutien exprimés par les personnes
atteintes de cancer. Viennent ensuite les besoins informationnels,
pratiques, physiques, psychosociaux et spirituels.
Pour chacune de ces catégories de besoins, des thèmes, illustrés
par des verbatim, ont été extraits des données et sont présentés au
tableau 2. Pour les besoins émotionnels, trois thèmes émergent soit :
l’importance de pouvoir parler à quelqu’un n’importe quand durant
la trajectoire de soins; le besoin d’établir une relation privilégiée avec
l’IPO; se sentir écoutées et rassurées dans les moments plus difficiles
de la maladie. Toutes les personnes ont insis sur la présence et le
soutien émotionnel de l’IPO tout au long de la trajectoire de soins. De
plus, toutes ont dit appcier la disponibilité de l’IPO en cas de besoin.
Les besoins informationnels arrivent en second lieu. Toutes les
personnes ont dit avoir eu besoin d’informations sur divers sujets
notamment la maladie, les traitements, la médication, les ressources
disponibles et la trajectoire de soins. De plus, elles apprécient pou-
voir poser des questions. Elles expriment également le fait qu’être
informées aide à diminuer l’état d’anxiété et à cheminer sur le plan
émotionnel. Toutefois, il devient parfois difficile de distinguer un
besoin émotionnel d’un besoin d’information.
En ce qui a trait aux besoins pratiques, les personnes rapportent
l’utilité de l’IPO pour la coordination des rendez-vous, la réalisation
de diverses démarches et l’établissement de liens avec des inter-
venants. Les personnes ont le sentiment que l’IPO peut les aider à
trouver les ressources nécessaires « elle dit vous m’appelez puis je
trouve toutes les ressources pour vos besoins (…) il n’y a pas de pro-
blème, je m’en occupe… puis elle s’en occupe » (7).
Dans le domaine des besoins physiques, les personnes ont
exprimé la nécessité d’avoir accès à l’IPO afin de mieux gérer les
symptômes liés aux effets secondaires des traitements ou à la mala-
die. Recevoir de l’information appropriée et des conseils selon leurs
problèmes physiques est rapporté par toutes les personnes de
l’étude. On apprécie que l’IPO consulte d’autres intervenants pour
leur donner une information juste. De nouveau, on constate toute-
fois qu’une catégorie de besoins peut être très proche d’une autre,
ici le besoin physique étant très proche du besoin d’information, lui-
même étant souvent lié au besoin émotionnel.
Pour ce qui est des besoins psychosociaux, le soutien de l’IPO a
été décrit comme une aide essentielle afin de mieux composer avec
la maladie. De plus, les personnes mentionnent que l’IPO contribue à
restructurer la perception qu’elles ont de certaines situations vécues
ce qui les aide à mieux gérer les périodes difficiles « elle a un côté
apaisant (…) elle dédramatise beaucoup les situations, ça aide (…)
parce que des fois, on perd le moral » (6). De nouveau, la présence
de liens entre les besoins émotionnels et psychosociaux s’observe,
le besoin social étant ici lié au besoin émotionnel. On constate par
ailleurs, que les besoins spirituels sont peu abordés. Certains par-
ticipants précisent d’ailleurs le côté intime des besoins spirituels et
le niveau personnel de ce cheminement.
En somme, les besoins de soutien exprimés par les personnes
atteintes de cancer confirment la présence de besoins variés tout
au long du continuum de la maladie. De plus, le soutien apporté par
l’IPO pour répondre à ces besoins est décrit comme étant utile pour
affronter activement la maladie et cheminer à travers la trajectoire
de soins.
%JTDVTTJPO
Le premier objectif de cette étude visait à explorer la nature des
besoins de soutien durant la trajectoire de la maladie selon la pers-
pective des personnes atteintes de cancer et sont discutés dans
ce premier article. Les résultats obtenus auprès des personnes
atteintes de cancer confirment d’abord la présence des besoins et
d’attentes de soutien envers l’IPO dans tous les domaines, notam-
ment les besoins émotionnels et informationnels, et ce, tout au long
de la trajectoire de soins. Dans cette étude, les besoins émotionnels
sont en effet le plus souvent exprimés par les personnes atteintes
de cancer. Pour y répondre, on apprécie la présence de l’IPO durant
la trajectoire de soins, l’établissement du lien de confiance et le sen-
timent d’être écouté qui favorisent l’adaptation à la maladie. L’étude
de Long, Kneafsey, Ryan et Berry (2002), qui s’est intéressée à la
contribution infirmière dans une équipe de réadaptation, a démon-
tré des résultats similaires.
Dans le même sens, le besoin d’une multitude d’informations est
omniprésent et l’information donnée par l’IPO est décrite comme
utile pour s’adapter aux différentes situations notamment pour la
gestion des symptômes (besoins physiques). Ceci n’est pas surpre-
nant puisque la littérature précise que les changements physiques
nécessitent la mobilisation de nouveaux comportements et impli-
quent des apprentissages et représentent un défi quotidien (Ahlberg
et al., 2005). Le soutien informationnel pourrait soutenir ces change-
ments en favorisant une certaine quiétude d’esprit, de l’optimisme
face à la maladie et la mise en place de stratégies d’adaptation acti-
ves (Doll et al., 2007; Kerr et al., 2004).
Par ailleurs, les personnes décrivent un sentiment de sécurité et
de confiance associés aux interventions de l’IPO pour répondre à des
besoins pratiques. Malgré le peu d’études qui décrivent ces besoins,
les participants ont rapporté de nombreuses interventions dans ce
domaine. À ce sujet, Kerr et al. (2004) affirment que l’évaluation des
besoins reliés à l’aide pratique dont la famille a besoin et à la gestion
des activités quotidiennes doit faire partie de l’évaluation initiale.
Concernant les besoins psychosociaux, les personnes atteintes de
cancer apprécient être encouragées par l’IPO lors de périodes plus
difficiles. Elle les aide à composer avec l’expérience de la maladie en
favorisant l’acceptation des différents changements. Certaines per-
sonnes ont également mentionné la facilité à parler avec quelqu’un
de l’extérieur lors de moments émotionnellement intenses. Une
étude récente (Richardson, Plant, Moore, Medina, Cornwall & Recam,
2007 b) présente des résultats similaires et précise que ce soutien
favorise l’adaptation aux changements de rôles familiaux.
Il est intéressant de constater que les besoins spirituels sont
décrits comme des besoins intimes et personnels. Les participants
soulignent que la spiritualité est un cheminement intérieur et que
l’IPO ne semble pas être la meilleure personne avec qui parler de
ces besoins, ce qui s’avère cohérent avec certaines études (Ahmed,
Ahmedzai, Vora, Hillan & Paz, 2004; Strang, Strang & Ternestedt,
2002).
Les personnes atteintes de cancer expriment plusieurs types de
besoins à travers la trajectoire de la maladie. L’IPO assume un rôle
clé dans l’évaluation de ces besoins et le soutien apporté par des
interventions ciblées. Bien qu’une majorité de besoins exprimés se
situent dans les domaines de besoins émotionnel et informationnel,
la réalisation de l’étude met en relief que tous les besoins doivent
faire l’objet d’une évaluation de la part de l’IPO pour permettre une
stratégie d’intervention rapide, efficace et centrée sur les besoins de
la personne touchée par le cancer.
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Tableau 2. Les besoins de soutien exprimés par les personnes atteintes de cancer (N=5)
Besoins
(Fitch, 1994) Thèmes émergents Verbatims
Émotionnels
Besoin d’une présence, de
pouvoir parler à quelqu’un
durant la trajectoire de
soins.
« on se sent appuyé puis soutenu dans tout ça (…) sa présence, je la trouve importante » (5)
« on se sent moins seule (…) on sent qu’elle est là pour nous si on a besoin » (6)
« j’ai senti le besoin de m’accrocher, j’avais besoin d’une bouée, puis la bouée, c’était eux
autres » (9)
Besoin de prendre le
temps de parler et d’être
écouté
« on a besoin de sortir nos émotions… j’ai besoin de quelqu’un qui va m’écouter (…) et j’ai
besoin de parler aussi » (7)
« elle prend le temps qu’il faut (…) elle prend vraiment le temps » (6)
Besoin d’établir une
relation de confiance, de
créer des liens
« elle nous apporte une sécurité émotive… et tu sais que tu peux compter sur elle » (6)
« je suis à l’aise de lui poser certaines questions, un peu comme si je la connaissais depuis
longtemps » (5)
« je me sens plus entourée… plus comprise parce qu’elle connaît toute ma situation » (6)
Besoin d’être rassuré
« quand j’avais mes traitements de chimio, elle venait me voir (…) elle me rassurait…
c’était beaucoup plus facile » (2)
« si j’avais un doute, elle me rassurait » (9)
Informationnels
Besoin de recevoir de
l’information et de
poser des questions sur
divers sujets (maladie,
traitements, médication,
alimentation, sur les
ressources disponibles,
sur la trajectoire de soins)
« elle m’a laissé de la documentation (…) par rapport à l’alimentation, des références,
des lectures (…) quand on se rencontrait, on discutait de la maladie (…) des services
disponibles » (5)
« je me posais plein de questions par rapport à toutes sortes de choses (…) si j’avais des
questions, je pouvais l’appeler » (6)
« je sais que s’il y a quelque chose que je ne comprends pas (…) si j’ai des questions, je
peux l’appeler » (6)
Pratiques
Besoin d’aide pour faire
les liens avec différents
intervenants, coordonner
les rendez-vous et faire
des démarches
« elle a établi le contact avec la physiothérapeute » (5)
« elle a fait le lien entre moi et les MD des hôpitaux » (9)
« elle a communiqué avec l’oncologue pendant ma chimio (…) elle a communiqué pour moi » (5)
« elle transmettait l’information aux services puis les services communiquaient avec nous » (5)
« elle a appelé mon MD de famille puis j’ai eu mon rendez-vous sur l’heure du dîner » (7)
« à quelques reprises, elle a fait des démarches pour moi, pour préciser des choses » (2)
Physiques
Besoin d’aide et de
conseils pour diminuer
les symptômes reliés à la
maladie et aux traitements
« elle a été très utile parce que j’ai eu des complications (…) je l’appelais presque à tous les
jours » (6)
« je l’ai appelée puis j’ai dit je file pas du tout (…) elle a dit je m’informe et je vous rappelle
(…) elle m’a rappelée et m’a dit d’aller à l’hôpital » (7)
« pour tous mes problèmes, elle me disait quoi faire » (6)
« je l’appelais pour savoir quoi faire (…) elle me suivait de proche... » (6)
Psychosociaux
Besoin d’être encouragé
pour composer avec
les conséquences de la
maladie
« elle m’a aidé à continuer… à prendre un jour à la fois » (7)
« elle nous empêche de dévier… de garder une espèce de stabilité dans notre processus » (6)
« elle m’a aidé à composer avec la maladie (…) je ne voulais pas m’ouvrir à personne (…)
l’état que je suis aujourd’hui puis l’état du début, il y a une grosse différence » (9)
Spirituels Respect du choix
personnel
« je crois en Dieu (…) mais ça, c’est vraiment un cheminement intérieur (…) ce n’est pas
avec une IPO que j’ai cheminé là-dessus » (2)
« ce côté-là, je suis plus réservée (…) je vis ma spiritualité d’une façon que moi j’ai envie de
la vivre (…) je suis très réservée là-dessus » (7)
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